Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 6, 7 mai 2024, n° 21/07675
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 07 MAI 2024
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07675 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEI5E
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 décembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/11373
APPELANT
Monsieur [D] [T]
Ne le 2 avril 1988 a [Localité 5] (Fidji)
Elisant domicile au cabinet de Maitre [U] [K] au [Adresse 1].
Représenté par Me Antoine SEMERIA, avocat au barreau de PARIS, toque : D0582, avocat postulant et par Maitre Arnaud Dubois, avocat au barreau de Limoges, avocat plaidant
INTIME - APPELANT INCIDENT
S.A. RCF RUGBY, dénommée 'Racing 92 ', prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant et par Me Quilina Vizzavona Moulonguet, avocat au barreau de PARIS, toque : D 553
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Christophe BACONNIER, président de chambre
Monsieur Didier LE CORRE, président de chambre
Monsieur Stéphane THERME, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Didier LE CORRE, président de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Didier LE CORRE, président de chambre et par Laëtitia PRADIGNAC, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Selon contrat de travail à durée déterminée du 1er juillet 2016, M. [T] a été engagé en qualité de joueur de rugby professionnel pour une durée de deux ans par la société RCF rugby, gestionnaire d'un club de rugby dénommé le Racing 92.
Par contrat à durée déterminée du 30 novembre 2017 conclu entre les mêmes parties, M. [T] a été engagé à compter du 1er juillet 2018 pour les saisons 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021.
M. [T] a été sélectionné afin de participer, avec l'équipe nationale de rugby des Iles Fidji, à la coupe du monde de rugby se tenant au Japon à compter du 20 septembre 2019.
Par lettre du 12 novembre 2019, M. [T] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 22 novembre suivant.
Par lettre du 5 décembre 2019, la société RCF rugby a notifié à M. [T] la rupture anticipée pour faute grave de son contrat de travail.
M. [T] a saisi le 20 décembre 2019 le conseil de prud'hommes de Paris d'une contestation de la rupture anticipée de son contrat de travail et en demandant que la société RCF rugby soit condamnée à lui payer différentes sommes à titre d'indemnités de rupture.
Par jugement du 14 décembre 2020, auquel il est renvoyé pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a rendu la décision suivante:
« DEBOUTE Monsieur [D] [T] de l'ensemble de ses demandes;
DEBOUTE la SASP RCF RUGBY de ses demandes reconventionnelles;
Condamne Monsieur [D] [T] aux dépens. »
M. [T] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le27 août 2021.
La constitution d'intimée de la société RCF rugby a été transmise par voie électronique le 16 septembre 2021.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 25 avril 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [T] demande à la cour de:
« INFIRMER le jugement rendu le 14 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Paris;
Et, statuant à nouveau :
Juger recevables et bien fondées les demandes de Monsieur [T], y compris la demande relative au caractère vexatoire de la rupture du contrat ;
1. JUGER que la rupture du contrat est intervenue dans des circonstances vexatoires,
En conséquence,
CONDAMNER la SASP RCF Rugby à payer à Monsieur [T] 150 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail
2. JUGER abusive la rupture anticipée du contrat de travail de Monsieur [D] [T]
CONDAMNER la SASP RCF Rugby à verser à Monsieur [D] [T] les sommes suivantes:
- Sur le rappel de mise à pied conservatoire
' 42 702,68 euros bruts à titre de rappel de salaire relatif à la mise à pied conservatoire du 12 novembre au 7 décembre 2019 ;
' 4 270,26 euros bruts de congés payés afférents.
- Sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture anticipée abusive du contrat (L1243-4 du Code du travail)
A titre principal :
' 1 000 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et anticipée du contrat de travail, correspondant aux salaires dus jusqu'à la fin du contrat (30 juin 2021) (article L1243-4 du Code du travail) ;
A titre subsidiaire :
' 772 101 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée abusive du contrat, correspondant au salaire qu'il aurait dû percevoir entre décembre 2019 et juin 2021 et des congés payés afférents en application de l'article L1243-4 du Code du travail
' 27.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée abusive du contrat, correspondant à l'avantage en nature logement contractuel de janvier 2020 à juin 2021 ;
' 15.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée abusive du contrat, correspondant à l'avantage en nature « billets d'avion » contractuel sur 18 mois ;
- Sur l'indemnité compensatrice de congés payés non réglée dans le solde de tout compte
' 34 050 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;
3. Sur les demandes reconventionnelles
Débouter la SASP RCF Rugby de ses demandes reconventionnelles :
- Relative au caractère abusif de la procédure
- Relative aux frais irrépétibles
4. Sur les autres demandes
CONDAMNER la SASP RCF Rugby à verser la somme 10 000 € au titre de l'article 700 du CPC.
CONDAMNER la SASP RCF Rugby aux entiers dépens.
ASSORTIR les condamnations de l'intérêt légal à compter de la saisine, et ordonner la capitalisation des intérêts. »
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 14 décembre 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société RCF rugby demande à la cour de:
« A titre principal :
CONFIRMER le jugement de première instance qui a retenu la faute grave de M. [T] et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes ;
Recevoir la SASP RCF Rugby en son appel incident et en conséquence,
INFIRMER le jugement de première instance en qu'il a débouté la SASP RCF Rugby de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive
CONDAMNER M. [D] [T] à verser à la SASP RCF Rugby à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par ce recours abusif, la somme de 30.000 €.
DEBOUTER M. [D] [T] de ses demandes, fins et conclusions.
CONDAMNER M. [D] [T] à verser à la SASP RCF Rugby sur le fondement de l'article 700 du CPC, la somme de 15.000€ ainsi qu'aux entiers dépens.
A titre subsidiaire, au cas où la cour ne retiendrait pas la faute grave
JUGER que l'indemnité pour rupture abusive ne saurait excéder la somme de 587.340 €. »
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024.
MOTIFS
Sur la rupture anticipée du contrat de travail
Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. C'est à l'employeur qu'incombe la charge de rapporter la preuve de la faute grave, étant ajouté que la lettre de rupture fixe les limites du litige.
En l'espèce, la lettre de rupture du 5 décembre 2019 énonce que:
« Nous vous avons reçu le 22 novembre 2019 pour l'entretien préalable à la mesure de rupture anticipée de votre contrat de travail que nous envisagions de prendre à votre encontre et nous vous avons exposé les griefs du Club.
Après réflexion, nous avons décidé de mettre fin à votre contrat de travail pour les motifs suivants:
A l'issue de la coupe du monde de rugby 2019, qui s'est terminée pour vous le 9 octobre 2019, vous bénéficiiez de 15 jours de congés se terminant le 27 octobre 2019, comme les autres joueurs faisant partie de l' équipe de France. Dès le 14 octobre 2019, [Y] [G] vous rappelait que l'entraînement reprenait le 28 octobre 2019 après vos 15 jours de vacances et vous demandait de lui donner les informations nécessaires pour réserver votre vol de retour. Vous n'ignoriez pas les rencontres prévues contre le stade français, du 3 novembre ni celle en Coupe d'Europe du 17 novembre 2019, auxquelles vous deviez participer après avoir repris l'entraînement avec l'équipe, nécessaire pour être efficace sur le terrain.
Entre le 11 et 19 octobre 2019, plusieurs échanges par WhatsApp entre vous et [Y] n'ont pas permis de connaître votre date de retour.
Le 25 octobre 2019, [Y] [G] vous relançait en vous demandant « Seras tu là lundi 28 », à quoi vous lui répondiez « non» puis que vous aviez « des choses à faire avec votre famille» et enfin que vous ne viendriez que le 8 ou 9 novembre.
[Y] vous rappelait que vous deviez être présent pour le stade français le 3 novembre et vous lui répondiez « je ne peux pas être là, réserve pour le 9 novembre» soit 13 jours après la date à laquelle vous deviez revenir, envisageant délibérément de rater la rencontre contre le stade Français du 3 novembre ainsi que la 1ère rencontre en Coupe d'Europe contre les «Saracens», du 17 novembre 2019, puisque vous ne pouviez pas assurer cette dernière sans entraînement préalable, après 1 mois de vacances.
Le 31 octobre 2019, le club vous mettait « en demeure de reprendre votre poste sans délai », mise en demeure à laquelle vous ne preniez même pas la peine de répondre. Ce n'est que le 12 novembre 2019, que vous avez daigné réapparaître au Club, sans un mot d'excuse, revendiquant votre droit de privilégier votre famille et en conséquence, de nous imposer vos dates de présence au sein du Club.
Lors de l'entretien préalable, vous avez répété que vous étiez désolé mais que votre famille était votre priorité, que vous ne pouviez pas promettre de ne pas recommencer puis avez revendiqué le fait que vous aviez des propositions d'autres clubs.
En ne vous présentant pas à la reprise de l' entraînement programmée le 28 octobre 2019 avec toute l'équipe, en retardant votre retour au sein de l' équipe, en refusant de répondre aux messages que le club vous a adressés après avoir constaté votre abandon de poste, en ignorant la mise en demeure du Club et en vous contentant de fixer votre date de retour, au 9 puis au 12 novembre, mettant le Club devant le fait accompli et ratant délibérément la rencontre contre le stade Français du 3 novembre ainsi que la 1ère rencontre en Coupe d'Europe contre les «Saracens», du 17 novembre 2019, vous avez porté un lourd préjudice au Racing 92, préjudice dont vous êtes totalement conscient.
En effet, ce n' est pas 1ère fois, que le Club vous reproche des abandons de poste et a dû vous mettre en garde puisqu'il vous est arrivé à plusieurs reprises de rentrer de vacances plusieurs jours après la date prévue, en imposant au Club, des changements et annulations de vols, à savoir:
- retour le 13/09/2016 alors que vous étiez attendu le 28/08/2016, soit 15 jours de retard
- retour le 13/01/2017 au lieu du 9/01/2017, soit 4 jours de retard
- retour le 21/08/2017 au lieu du 15/08/2017, soit 6 jours de retard
- Au mois de mars 2018, vous étiez absent à une opération partenaire (Le Coq Sportif)
- retour le 28/08/2018 au lieu du 13/08/2018 après 3 annulations de vols et 15 jours de retard
- février 2019 : Vous deviez rentrer à [Localité 4] le 9 février 2019 mais le 6 février vous nous informiez par email de la perte de votre titre de séjour et de votre passeport et n'êtes finalement rentré que le 12 février 2019, avec 3 jours de retard.
Le 9 juillet 2019, vous menaciez le Club de prendre 2 mois de vacances après la Coupe du Monde, au prétexte que la Sté Ovalto avait payé votre droit à l'image le 27 février 2019 au lieu du 31 décembre 2018 soit avec 2 mois de retard, oubliant que pour l'échéance précédente, la Sté Ovalto vous avait payé avec 5 mois d'avance.
Nous devons donc déplorer que malgré divers rappels à l'ordre, vous n' avez pas modifié votre comportement qui constitue, de plus, un exemple déplorable pour les joueurs du Racing 92.
Du fait de votre titre de meilleur joueur de la Coupe d'Europe 2018, vous auriez dû vous montrer irréprochable et la gravité de votre comportement est accentuée par votre notoriété et l'exemple que vous devez donner.
Votre attitude individualiste contraire à l'esprit du rugby, sans considération pour les joueurs de l'équipe et votre direction est inconcevable et dénote un total manque d' esprit d' équipe et une insubordination caractérisée qui a désorganisé l'équipe. De plus, vos provocations réitérées nous convainquent que vous avez délibérément voulu la rupture de votre contrat.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave justifiant la rupture immédiate de votre contrat et vous cesserez ainsi de faire partie du RCF Rugby dès l'envoi de cette lettre. »
Il ressort des éléments versés aux débats que M. [T] a, tout comme une dizaine d'autres joueurs du Racing 92, participé à la coupe du monde de rugby qui a débuté au Japon le 20 septembre 2019. M. [T] y a participé avec l'équipe nationale des Iles Fidji, dont il a la nationalité. La société RCF rugby a reçu, le concernant, une « demande de libération de joueur » transmise le 4 juin 2019 par la Fédération française de rugby à l'initiative de la Fédération fidjienne de rugby (pièce n°12 de l'employeur). La mise à disposition d'un joueur professionnel, par son club, à son équipe nationale, est soumise à des règles internationales qui s'imposent audit club. La demande précitée mentionnait en page 2 que « le joueur devra être mis à disposition de son équipe nationale au plus tard le 16 août 2019 au soir jusqu'au lendemain du dernier match de son équipe dans le tournoi de la coupe du monde de rugby ».
La convention collective du rugby professionnel, à laquelle était soumis le contrat de travail de M. [T], comportait à la date des faits une annexe VII précisant à son article 1.2.4 que « Les joueurs ayant participé à la coupe du monde 2019 devront bénéficier d'une période de repos comprenant une période d'une semaine sans présence au club et une période d'une semaine de préparation physique collective sans pouvoir participer à un match de compétition officielle. Cette période débutera obligatoirement le lendemain du dernier jour de mise à disposition en équipe nationale. La période sans présence au club ne pourra être assimilée à la période « A » de congés obligatoires ».
Il n'est pas contesté que l'équipe nationale de rugby des Iles Fidji a été éliminée de la coupe du monde à l'issue du match du 9 octobre 2019 qu'elle a perdu et qui a donc constitué son dernier match.
Le 9 octobre 2019, le Racing 92 a adressé à M. [T] un courriel l'informant que compte tenu de la date de l'élimination de l'équipe nationale des Iles Fidji, la date de son retour à l'entraînement était fixée au 28 octobre.
Cette date de retour à l'entraînement est conforme aux dispositions déjà citées figurant tant dans la demande de libération de joueur que dans l'annexe VII de la convention collective.
La société RCF rugby produit les courriels adressés à ses autres joueurs ayant également participé à la coupe du monde 2019 et justifie qu'ils ont été informés, à l'issue de leur dernier match avec leur équipe nationale respective, selon les mêmes modalités de la date fixée pour leur retour à l'entraînement, date calculée de la même façon que pour M. [T]. En particulier, l'intimée communique le courriel adressé le 9 octobre 2019 à M. [L], joueur du club qui participait, à l'instar de M. [T], à la coupe du monde au sein de l'équipe nationale des Iles Fidji et qui s'est vu fixer la même date de retour à l'entraînement du 28 octobre 2019 (pièce n°16 de l'employeur).
Il n'est pas contesté que contrairement à M. [L], M. [T] n'a pas été de retour à l'entraînement du Racing 92, le 28 octobre 2019.
Après plusieurs demandes faites à M. [T] pour qu'il revienne, la société RCF rugby l'a mis en demeure le 31 octobre 2019, tant par courriel que par message Whatsapp, de reprendre son poste « sans délai » alors qu'il venait d'annoncer au club qu'il ne prévoyait de rentrer que le 9 novembre 2019.
M. [T] est revenu en France le 10 novembre 2019.
Afin de contester le caractère fautif de la date de ce retour, M. [T] expose que la société RCF rugby lui avait accordé oralement des congés lui permettant de ne rentrer qu'au mois de novembre 2019. Toutefois, il n'est pas produit de pièce démontrant la réalité d'un tel accord ni que le club avait accepté qu'il ne revienne pas pour le 28 octobre 2019. La circonstance que Mme [Y] [G], chargée au sein du club de l'achat des billets d'avion des joueurs, a relancé à plusieurs reprises après le 9 octobre 2019, notamment sur l'application Whatsapp, M. [T] afin de connaître sa date de retour et ainsi pouvoir réserver son billet et celui de sa femme, ne constitue pas une approbation de la date de retour unilatéralement décidée par M. [T] et l'achat de billets d'avion à la date enfin donnée par M. [T] ne vaut pas accord du club pour qu'un retour n'intervienne qu'à cette date.
M. [T] soutient dans ses conclusions qu'il « était légitime, tant au regard de sa santé, que de son investissement pour son club employeur, qu'il prenne des congés avant de reprendre la compétition avec » la société RCF rugby. Toutefois, il ne ressort pas des pièces produites que M. [T] a sollicité l'autorisation de son employeur afin de prendre des congés. Ensuite, il ne justifie pas d'un motif de santé de nature à l'empêcher de revenir le 28 octobre 2019 à l'entraînement. Enfin, il ne démontre pas en quoi sa situation l'empêchait, contrairement aux autres joueurs ayant également participé à la coupe du monde, de reprendre l'entraînement avec le Racing 92 le 28 octobre 2019.
Afin de contester le caractère fautif de la date de son retour, M. [T] invoque aussi une exception d'inexécution. Il explique s'être plaint à de nombreuses reprises auprès de la direction du club de retards de paiement de sa rémunération et que le paiement de ses droits à l'image conditionnait son retour.
Cependant, les droits d'exploitation de l'image de M. [T] faisaient l'objet d'un contrat conclu entre la société Naks Green Investments Limited, représentée par M. [T], et la société Ovalto. Même si cette dernière avait le même président que la société RCF rugby, le litige financier opposait donc d'autres parties contractuelles que celles ayant signé le contrat de travail.
Il ressort de la lecture des échanges de messages Whatsapp communiqués que M. [T] avait formulé une forme de chantage en subordonnant son retour à l'entraînement au paiement de certaines sommes. Toutefois, il résulte des éléments communiqués que le paiement des droits à l'image était contractuellement semestriel et que si la société Ovalto avait payé la société Naks Green Investments Limited le 4 juillet 2019, avec 4 jours de retard, la somme due à ce titre, le paiement suivant qui n'était dû que le 31 décembre 2019 était finalement intervenu dès le 15 octobre 2019, avec plus de deux mois d'avance.
M. [T] ne rapporte pas la preuve que des sommes impayées lui étaient dues en octobre 2019 par la société RCF rugby.
L'exception d'inexécution soulevée par M. [T] ne pouvait justifier son refus de reprendre l'entraînement à la date du 28 octobre 2019.
M. [T] fait valoir également que les discussions ayant eu lieu après son retour le 10 novembre 2019 entre lui et son agent, d'une part, et la société RCF rugby, d'autre part, sont incompatibles avec l'existence d'une faute grave.
Il résulte des pièces versées aux débats, et notamment de l'attestation de M. [P], qui était l'agent sportif de M. [T], que des échanges ont effectivement eu lieu entre cet agent et le club. Dans cette attestation (pièce n°20 du salarié), M. [P] indique expressément que M. [T] était prêt à accepter une sanction de la part du club, ce qui est de nature à montrer que le joueur avait conscience du caractère fautif de son comportement et voulait éviter la rupture de son contrat de travail. M. [P] atteste avoir rencontré à cet effet l'entraîneur du club et son directeur sportif le 27 novembre 2019. Néanmoins, il convient de constater qu'à cette date la procédure disciplinaire avait déjà été engagée puisque M. [T] avait été convoqué par lettre du 12 novembre 2019 à un entretien préalable fixé au 22 novembre suivant. M. [T] écrit avoir proposé au club une sanction consistant en une amende d'un mois de salaire qui a été refusée. M. [P] indique avoir alors proposé une sanction consistant en la renonciation à deux mois de salaire, refusée aussi par le club. M. [P] ajoute que le société RCF rugby aurait finalement proposé une sanction consistant en une amende de trois mois de salaire et l'annulation de la dernière année de contrat de M. [T], ce que celui-ci a refusé. L'existence d'une telle proposition de sanction du club n'est toutefois pas confirmée par la production d'autres pièces utiles, en sorte qu'elle n'est pas retenue comme établie.
Les discussions ayant eu lieu entre les parties, après la tenue de l'entretien préalable au licenciement, à l'initiative de M. [T] qui voulait éviter la rupture de son contrat de travail, ne liaient pas l'employeur qui avait engagé la procédure disciplinaire et ne sont pas de nature à restreindre le pouvoir disciplinaire de l'employeur et à l'empêcher de pouvoir invoquer l'existence d'une faute grave du salarié.
M. [T] invoque par ailleurs l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture de son contrat de travail au motif qu'il a fait l'objet d'un licenciement verbal annoncé par voie de presse.
Il est de jurisprudence constante que le licenciement devant faire l'objet d'une notification par lettre comportant l'énoncé des motifs de la rupture, le licenciement verbal est dépourvu de cause réelle et sérieuse. C'est au salarié qui invoque l'existence d'un licenciement verbal d'en rapporter la preuve. En outre, dès lors que la lettre recommandée notifiant la rupture marque la volonté de l'employeur de mettre fin au contrat de travail, l'existence d'un licenciement verbal ne peut être caractérisée qu'avant la date d'envoi de cette lettre.
En l'espèce, il ressort des pièces communiquées que la lettre de licenciement, datée du 5 décembre 2019, a été déposée à la Poste le 6 décembre 2019 à 9h08, ce qui matérialise son envoi. Le licenciement verbal allégué doit donc être antérieur afin que son existence puisse être retenue.
Le communiqué de presse du Racing 92 visé par M. [T] (pièce n°7 du salarié) est, selon ses dires, du 6 décembre 2019 à 12h13. Il n'est donc pas antérieur à l'envoi de la lettre de rupture du contrat de travail. M. [T] vise également un article de presse britannique publié sur internet le 6 décembre 2019 à 11h36 (pièce n°33 du salarié), ce qui là encore n'est pas antérieur à l'envoi de la lettre de rupture.
Quand bien même un envoi postal est moins rapide à parvenir à son destinataire que la diffusion d'une information par internet, aucun élément ne justifie de déroger, comme M. [T] y invite, à la jurisprudence constante qui a été rappelée. Il n'est donc pas établi l'existence d'un licenciement verbal.
Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent le caractère fautif du retour de M. [T] seulement le 10 novembre 2019 alors qu'il était informé depuis le 9 octobre précédent que son retour à l'entraînement était fixé au 28 octobre conformément aux dispositions s'appliquant à son contrat de travail et à la participation d'un joueur professionnel à la coupe du monde de rugby. M. [T] n'ignorait pas, alors que le société RCF rugby n'avait pas de bon résultats sportifs, de l'importance du match de championnat de France devant avoir lieu le 10 novembre et du match de championnat d'Europe du 17 novembre, ces deux matchs lui ayant d'ailleurs été rappelés tant avant que dans la mise en demeure de rentrer sans délai qui lui a été faite le 31 octobre 2019. Compte tenu de l'importance de son salaire, qui était la contrepartie du niveau de jeu attendu de lui par le Racing 92, et de sa renommée internationale qu'il souligne d'ailleurs, ayant été élu meilleur joueur de rugby européen en 2018 et champion olympique avec son équipe nationale en 2016, M. [T] ne peut sérieusement prétendre qu'il pouvait être utilement remplacé, pour ces matchs auxquels il n'a pu participer en raison de la date de son retour, par un joueur joker auquel la société RCF rugby avait eu recours à titre de remplaçant de M. [T] pendant la durée de la coupe du monde. Eu égard de surcroît au refus persistant de M. [T] de rentrer avant le 10 novembre 2019 malgré l'absence de démonstration d'un motif justificatif, le retour à cette date suffit, ce qui rend inopérante l'invocation par le salarié d'une part de la prescription des faits antérieurs à 2019 mentionnés par l'employeur dans la lettre de rupture et d'autre part de leur supposée tolérance par le club, à rendre impossible le maintien de M. [T] au sein de la société RCF rugby, de telle sorte que la faute grave est constituée.
Le motif disciplinaire reproché par l'employeur dans la lettre de rupture étant fondé, l'allégation par M. [T] d'une autre cause de rupture tenant à la volonté du club de réduire sa masse salariale est écartée.
Le jugement est confirmé en qu'il a dit la rupture anticipée fondée sur une faute grave et a débouté M. [T] de ses demandes à ce titre.
Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral distinct
Il est de jurisprudence constante que le salarié justifiant, en raison des circonstances vexatoires ou brutales de la rupture de son contrat de travail, d'un préjudice distinct du licenciement lui-même, peut obtenir des dommages et intérêts en réparation de ce préjudice. Il peut prétendre à cette indemnité que son licenciement ait été jugé sans cause réelle et sérieuse ou fondé sur une cause réelle et sérieuse ou une faute grave.
La société RCF rugby fait valoir que cette demande est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, lequel dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Cependant, l'article 566 du code de procédure civile permet aux parties d'ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
La demande de dommages-intérêts pour rupture vexatoire, qui est accessoire à la demande de dommages-intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse, est donc recevable
Toutefois, en l'espèce, il ne résulte pas des pièces versées aux débats la caractérisation d'un comportement fautif de la société RCF rugby, lors de la rupture, ayant causé à M. [T] un préjudice distinct de celui résultant de la rupture anticipée du contrat de travail, étant précisé que la diffusion de l'information de celle-ci par les médias après l'envoi de la lettre de rupture était la conséquence de la notoriété du joueur et que les informations communiquées par la société RCF rugby dans la presse n'étaient pas erronées au regard des éléments qui ont été examinées dans le présent arrêt.
Par ajout au jugement, la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct est donc rejetée.
Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive
Il est de jurisprudence constante que l'exercice d'une action en justice peut dégénérer en un abus du droit d'ester en justice qui suppose la démonstration d'une faute.
Le rejet des demandes de l'appelant ne suffit donc pas à caractériser l'existence d'une procédure abusive de sa part.
En l'espèce, en l'absence de démonstration par la société RCF rugby d'une faute caractérisant un abus du droit d'agir en justice, la demande de dommages-intérêts est rejetée, le jugement étant confirmé sur ce chef.
Sur les autres demandes
M. [T] succombant, il est condamné aux dépens de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Il paraît équitable de condamner M. [T] à payer à la société RCF rugby la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute M. [T] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct. ;
Condamne M. [T] à payer à la société RCF rugby la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande à ce titre ;
Condamne M. [T] aux dépens de la procédure d'appel.
Le greffier Le président
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 07 MAI 2024
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/07675 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEI5E
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 décembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/11373
APPELANT
Monsieur [D] [T]
Ne le 2 avril 1988 a [Localité 5] (Fidji)
Elisant domicile au cabinet de Maitre [U] [K] au [Adresse 1].
Représenté par Me Antoine SEMERIA, avocat au barreau de PARIS, toque : D0582, avocat postulant et par Maitre Arnaud Dubois, avocat au barreau de Limoges, avocat plaidant
INTIME - APPELANT INCIDENT
S.A. RCF RUGBY, dénommée 'Racing 92 ', prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant et par Me Quilina Vizzavona Moulonguet, avocat au barreau de PARIS, toque : D 553
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Christophe BACONNIER, président de chambre
Monsieur Didier LE CORRE, président de chambre
Monsieur Stéphane THERME, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Didier LE CORRE, président de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Didier LE CORRE, président de chambre et par Laëtitia PRADIGNAC, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Selon contrat de travail à durée déterminée du 1er juillet 2016, M. [T] a été engagé en qualité de joueur de rugby professionnel pour une durée de deux ans par la société RCF rugby, gestionnaire d'un club de rugby dénommé le Racing 92.
Par contrat à durée déterminée du 30 novembre 2017 conclu entre les mêmes parties, M. [T] a été engagé à compter du 1er juillet 2018 pour les saisons 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021.
M. [T] a été sélectionné afin de participer, avec l'équipe nationale de rugby des Iles Fidji, à la coupe du monde de rugby se tenant au Japon à compter du 20 septembre 2019.
Par lettre du 12 novembre 2019, M. [T] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 22 novembre suivant.
Par lettre du 5 décembre 2019, la société RCF rugby a notifié à M. [T] la rupture anticipée pour faute grave de son contrat de travail.
M. [T] a saisi le 20 décembre 2019 le conseil de prud'hommes de Paris d'une contestation de la rupture anticipée de son contrat de travail et en demandant que la société RCF rugby soit condamnée à lui payer différentes sommes à titre d'indemnités de rupture.
Par jugement du 14 décembre 2020, auquel il est renvoyé pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a rendu la décision suivante:
« DEBOUTE Monsieur [D] [T] de l'ensemble de ses demandes;
DEBOUTE la SASP RCF RUGBY de ses demandes reconventionnelles;
Condamne Monsieur [D] [T] aux dépens. »
M. [T] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le27 août 2021.
La constitution d'intimée de la société RCF rugby a été transmise par voie électronique le 16 septembre 2021.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 25 avril 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [T] demande à la cour de:
« INFIRMER le jugement rendu le 14 décembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Paris;
Et, statuant à nouveau :
Juger recevables et bien fondées les demandes de Monsieur [T], y compris la demande relative au caractère vexatoire de la rupture du contrat ;
1. JUGER que la rupture du contrat est intervenue dans des circonstances vexatoires,
En conséquence,
CONDAMNER la SASP RCF Rugby à payer à Monsieur [T] 150 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail
2. JUGER abusive la rupture anticipée du contrat de travail de Monsieur [D] [T]
CONDAMNER la SASP RCF Rugby à verser à Monsieur [D] [T] les sommes suivantes:
- Sur le rappel de mise à pied conservatoire
' 42 702,68 euros bruts à titre de rappel de salaire relatif à la mise à pied conservatoire du 12 novembre au 7 décembre 2019 ;
' 4 270,26 euros bruts de congés payés afférents.
- Sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture anticipée abusive du contrat (L1243-4 du Code du travail)
A titre principal :
' 1 000 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et anticipée du contrat de travail, correspondant aux salaires dus jusqu'à la fin du contrat (30 juin 2021) (article L1243-4 du Code du travail) ;
A titre subsidiaire :
' 772 101 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée abusive du contrat, correspondant au salaire qu'il aurait dû percevoir entre décembre 2019 et juin 2021 et des congés payés afférents en application de l'article L1243-4 du Code du travail
' 27.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée abusive du contrat, correspondant à l'avantage en nature logement contractuel de janvier 2020 à juin 2021 ;
' 15.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée abusive du contrat, correspondant à l'avantage en nature « billets d'avion » contractuel sur 18 mois ;
- Sur l'indemnité compensatrice de congés payés non réglée dans le solde de tout compte
' 34 050 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;
3. Sur les demandes reconventionnelles
Débouter la SASP RCF Rugby de ses demandes reconventionnelles :
- Relative au caractère abusif de la procédure
- Relative aux frais irrépétibles
4. Sur les autres demandes
CONDAMNER la SASP RCF Rugby à verser la somme 10 000 € au titre de l'article 700 du CPC.
CONDAMNER la SASP RCF Rugby aux entiers dépens.
ASSORTIR les condamnations de l'intérêt légal à compter de la saisine, et ordonner la capitalisation des intérêts. »
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 14 décembre 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société RCF rugby demande à la cour de:
« A titre principal :
CONFIRMER le jugement de première instance qui a retenu la faute grave de M. [T] et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes ;
Recevoir la SASP RCF Rugby en son appel incident et en conséquence,
INFIRMER le jugement de première instance en qu'il a débouté la SASP RCF Rugby de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive
CONDAMNER M. [D] [T] à verser à la SASP RCF Rugby à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi par ce recours abusif, la somme de 30.000 €.
DEBOUTER M. [D] [T] de ses demandes, fins et conclusions.
CONDAMNER M. [D] [T] à verser à la SASP RCF Rugby sur le fondement de l'article 700 du CPC, la somme de 15.000€ ainsi qu'aux entiers dépens.
A titre subsidiaire, au cas où la cour ne retiendrait pas la faute grave
JUGER que l'indemnité pour rupture abusive ne saurait excéder la somme de 587.340 €. »
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024.
MOTIFS
Sur la rupture anticipée du contrat de travail
Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. C'est à l'employeur qu'incombe la charge de rapporter la preuve de la faute grave, étant ajouté que la lettre de rupture fixe les limites du litige.
En l'espèce, la lettre de rupture du 5 décembre 2019 énonce que:
« Nous vous avons reçu le 22 novembre 2019 pour l'entretien préalable à la mesure de rupture anticipée de votre contrat de travail que nous envisagions de prendre à votre encontre et nous vous avons exposé les griefs du Club.
Après réflexion, nous avons décidé de mettre fin à votre contrat de travail pour les motifs suivants:
A l'issue de la coupe du monde de rugby 2019, qui s'est terminée pour vous le 9 octobre 2019, vous bénéficiiez de 15 jours de congés se terminant le 27 octobre 2019, comme les autres joueurs faisant partie de l' équipe de France. Dès le 14 octobre 2019, [Y] [G] vous rappelait que l'entraînement reprenait le 28 octobre 2019 après vos 15 jours de vacances et vous demandait de lui donner les informations nécessaires pour réserver votre vol de retour. Vous n'ignoriez pas les rencontres prévues contre le stade français, du 3 novembre ni celle en Coupe d'Europe du 17 novembre 2019, auxquelles vous deviez participer après avoir repris l'entraînement avec l'équipe, nécessaire pour être efficace sur le terrain.
Entre le 11 et 19 octobre 2019, plusieurs échanges par WhatsApp entre vous et [Y] n'ont pas permis de connaître votre date de retour.
Le 25 octobre 2019, [Y] [G] vous relançait en vous demandant « Seras tu là lundi 28 », à quoi vous lui répondiez « non» puis que vous aviez « des choses à faire avec votre famille» et enfin que vous ne viendriez que le 8 ou 9 novembre.
[Y] vous rappelait que vous deviez être présent pour le stade français le 3 novembre et vous lui répondiez « je ne peux pas être là, réserve pour le 9 novembre» soit 13 jours après la date à laquelle vous deviez revenir, envisageant délibérément de rater la rencontre contre le stade Français du 3 novembre ainsi que la 1ère rencontre en Coupe d'Europe contre les «Saracens», du 17 novembre 2019, puisque vous ne pouviez pas assurer cette dernière sans entraînement préalable, après 1 mois de vacances.
Le 31 octobre 2019, le club vous mettait « en demeure de reprendre votre poste sans délai », mise en demeure à laquelle vous ne preniez même pas la peine de répondre. Ce n'est que le 12 novembre 2019, que vous avez daigné réapparaître au Club, sans un mot d'excuse, revendiquant votre droit de privilégier votre famille et en conséquence, de nous imposer vos dates de présence au sein du Club.
Lors de l'entretien préalable, vous avez répété que vous étiez désolé mais que votre famille était votre priorité, que vous ne pouviez pas promettre de ne pas recommencer puis avez revendiqué le fait que vous aviez des propositions d'autres clubs.
En ne vous présentant pas à la reprise de l' entraînement programmée le 28 octobre 2019 avec toute l'équipe, en retardant votre retour au sein de l' équipe, en refusant de répondre aux messages que le club vous a adressés après avoir constaté votre abandon de poste, en ignorant la mise en demeure du Club et en vous contentant de fixer votre date de retour, au 9 puis au 12 novembre, mettant le Club devant le fait accompli et ratant délibérément la rencontre contre le stade Français du 3 novembre ainsi que la 1ère rencontre en Coupe d'Europe contre les «Saracens», du 17 novembre 2019, vous avez porté un lourd préjudice au Racing 92, préjudice dont vous êtes totalement conscient.
En effet, ce n' est pas 1ère fois, que le Club vous reproche des abandons de poste et a dû vous mettre en garde puisqu'il vous est arrivé à plusieurs reprises de rentrer de vacances plusieurs jours après la date prévue, en imposant au Club, des changements et annulations de vols, à savoir:
- retour le 13/09/2016 alors que vous étiez attendu le 28/08/2016, soit 15 jours de retard
- retour le 13/01/2017 au lieu du 9/01/2017, soit 4 jours de retard
- retour le 21/08/2017 au lieu du 15/08/2017, soit 6 jours de retard
- Au mois de mars 2018, vous étiez absent à une opération partenaire (Le Coq Sportif)
- retour le 28/08/2018 au lieu du 13/08/2018 après 3 annulations de vols et 15 jours de retard
- février 2019 : Vous deviez rentrer à [Localité 4] le 9 février 2019 mais le 6 février vous nous informiez par email de la perte de votre titre de séjour et de votre passeport et n'êtes finalement rentré que le 12 février 2019, avec 3 jours de retard.
Le 9 juillet 2019, vous menaciez le Club de prendre 2 mois de vacances après la Coupe du Monde, au prétexte que la Sté Ovalto avait payé votre droit à l'image le 27 février 2019 au lieu du 31 décembre 2018 soit avec 2 mois de retard, oubliant que pour l'échéance précédente, la Sté Ovalto vous avait payé avec 5 mois d'avance.
Nous devons donc déplorer que malgré divers rappels à l'ordre, vous n' avez pas modifié votre comportement qui constitue, de plus, un exemple déplorable pour les joueurs du Racing 92.
Du fait de votre titre de meilleur joueur de la Coupe d'Europe 2018, vous auriez dû vous montrer irréprochable et la gravité de votre comportement est accentuée par votre notoriété et l'exemple que vous devez donner.
Votre attitude individualiste contraire à l'esprit du rugby, sans considération pour les joueurs de l'équipe et votre direction est inconcevable et dénote un total manque d' esprit d' équipe et une insubordination caractérisée qui a désorganisé l'équipe. De plus, vos provocations réitérées nous convainquent que vous avez délibérément voulu la rupture de votre contrat.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave justifiant la rupture immédiate de votre contrat et vous cesserez ainsi de faire partie du RCF Rugby dès l'envoi de cette lettre. »
Il ressort des éléments versés aux débats que M. [T] a, tout comme une dizaine d'autres joueurs du Racing 92, participé à la coupe du monde de rugby qui a débuté au Japon le 20 septembre 2019. M. [T] y a participé avec l'équipe nationale des Iles Fidji, dont il a la nationalité. La société RCF rugby a reçu, le concernant, une « demande de libération de joueur » transmise le 4 juin 2019 par la Fédération française de rugby à l'initiative de la Fédération fidjienne de rugby (pièce n°12 de l'employeur). La mise à disposition d'un joueur professionnel, par son club, à son équipe nationale, est soumise à des règles internationales qui s'imposent audit club. La demande précitée mentionnait en page 2 que « le joueur devra être mis à disposition de son équipe nationale au plus tard le 16 août 2019 au soir jusqu'au lendemain du dernier match de son équipe dans le tournoi de la coupe du monde de rugby ».
La convention collective du rugby professionnel, à laquelle était soumis le contrat de travail de M. [T], comportait à la date des faits une annexe VII précisant à son article 1.2.4 que « Les joueurs ayant participé à la coupe du monde 2019 devront bénéficier d'une période de repos comprenant une période d'une semaine sans présence au club et une période d'une semaine de préparation physique collective sans pouvoir participer à un match de compétition officielle. Cette période débutera obligatoirement le lendemain du dernier jour de mise à disposition en équipe nationale. La période sans présence au club ne pourra être assimilée à la période « A » de congés obligatoires ».
Il n'est pas contesté que l'équipe nationale de rugby des Iles Fidji a été éliminée de la coupe du monde à l'issue du match du 9 octobre 2019 qu'elle a perdu et qui a donc constitué son dernier match.
Le 9 octobre 2019, le Racing 92 a adressé à M. [T] un courriel l'informant que compte tenu de la date de l'élimination de l'équipe nationale des Iles Fidji, la date de son retour à l'entraînement était fixée au 28 octobre.
Cette date de retour à l'entraînement est conforme aux dispositions déjà citées figurant tant dans la demande de libération de joueur que dans l'annexe VII de la convention collective.
La société RCF rugby produit les courriels adressés à ses autres joueurs ayant également participé à la coupe du monde 2019 et justifie qu'ils ont été informés, à l'issue de leur dernier match avec leur équipe nationale respective, selon les mêmes modalités de la date fixée pour leur retour à l'entraînement, date calculée de la même façon que pour M. [T]. En particulier, l'intimée communique le courriel adressé le 9 octobre 2019 à M. [L], joueur du club qui participait, à l'instar de M. [T], à la coupe du monde au sein de l'équipe nationale des Iles Fidji et qui s'est vu fixer la même date de retour à l'entraînement du 28 octobre 2019 (pièce n°16 de l'employeur).
Il n'est pas contesté que contrairement à M. [L], M. [T] n'a pas été de retour à l'entraînement du Racing 92, le 28 octobre 2019.
Après plusieurs demandes faites à M. [T] pour qu'il revienne, la société RCF rugby l'a mis en demeure le 31 octobre 2019, tant par courriel que par message Whatsapp, de reprendre son poste « sans délai » alors qu'il venait d'annoncer au club qu'il ne prévoyait de rentrer que le 9 novembre 2019.
M. [T] est revenu en France le 10 novembre 2019.
Afin de contester le caractère fautif de la date de ce retour, M. [T] expose que la société RCF rugby lui avait accordé oralement des congés lui permettant de ne rentrer qu'au mois de novembre 2019. Toutefois, il n'est pas produit de pièce démontrant la réalité d'un tel accord ni que le club avait accepté qu'il ne revienne pas pour le 28 octobre 2019. La circonstance que Mme [Y] [G], chargée au sein du club de l'achat des billets d'avion des joueurs, a relancé à plusieurs reprises après le 9 octobre 2019, notamment sur l'application Whatsapp, M. [T] afin de connaître sa date de retour et ainsi pouvoir réserver son billet et celui de sa femme, ne constitue pas une approbation de la date de retour unilatéralement décidée par M. [T] et l'achat de billets d'avion à la date enfin donnée par M. [T] ne vaut pas accord du club pour qu'un retour n'intervienne qu'à cette date.
M. [T] soutient dans ses conclusions qu'il « était légitime, tant au regard de sa santé, que de son investissement pour son club employeur, qu'il prenne des congés avant de reprendre la compétition avec » la société RCF rugby. Toutefois, il ne ressort pas des pièces produites que M. [T] a sollicité l'autorisation de son employeur afin de prendre des congés. Ensuite, il ne justifie pas d'un motif de santé de nature à l'empêcher de revenir le 28 octobre 2019 à l'entraînement. Enfin, il ne démontre pas en quoi sa situation l'empêchait, contrairement aux autres joueurs ayant également participé à la coupe du monde, de reprendre l'entraînement avec le Racing 92 le 28 octobre 2019.
Afin de contester le caractère fautif de la date de son retour, M. [T] invoque aussi une exception d'inexécution. Il explique s'être plaint à de nombreuses reprises auprès de la direction du club de retards de paiement de sa rémunération et que le paiement de ses droits à l'image conditionnait son retour.
Cependant, les droits d'exploitation de l'image de M. [T] faisaient l'objet d'un contrat conclu entre la société Naks Green Investments Limited, représentée par M. [T], et la société Ovalto. Même si cette dernière avait le même président que la société RCF rugby, le litige financier opposait donc d'autres parties contractuelles que celles ayant signé le contrat de travail.
Il ressort de la lecture des échanges de messages Whatsapp communiqués que M. [T] avait formulé une forme de chantage en subordonnant son retour à l'entraînement au paiement de certaines sommes. Toutefois, il résulte des éléments communiqués que le paiement des droits à l'image était contractuellement semestriel et que si la société Ovalto avait payé la société Naks Green Investments Limited le 4 juillet 2019, avec 4 jours de retard, la somme due à ce titre, le paiement suivant qui n'était dû que le 31 décembre 2019 était finalement intervenu dès le 15 octobre 2019, avec plus de deux mois d'avance.
M. [T] ne rapporte pas la preuve que des sommes impayées lui étaient dues en octobre 2019 par la société RCF rugby.
L'exception d'inexécution soulevée par M. [T] ne pouvait justifier son refus de reprendre l'entraînement à la date du 28 octobre 2019.
M. [T] fait valoir également que les discussions ayant eu lieu après son retour le 10 novembre 2019 entre lui et son agent, d'une part, et la société RCF rugby, d'autre part, sont incompatibles avec l'existence d'une faute grave.
Il résulte des pièces versées aux débats, et notamment de l'attestation de M. [P], qui était l'agent sportif de M. [T], que des échanges ont effectivement eu lieu entre cet agent et le club. Dans cette attestation (pièce n°20 du salarié), M. [P] indique expressément que M. [T] était prêt à accepter une sanction de la part du club, ce qui est de nature à montrer que le joueur avait conscience du caractère fautif de son comportement et voulait éviter la rupture de son contrat de travail. M. [P] atteste avoir rencontré à cet effet l'entraîneur du club et son directeur sportif le 27 novembre 2019. Néanmoins, il convient de constater qu'à cette date la procédure disciplinaire avait déjà été engagée puisque M. [T] avait été convoqué par lettre du 12 novembre 2019 à un entretien préalable fixé au 22 novembre suivant. M. [T] écrit avoir proposé au club une sanction consistant en une amende d'un mois de salaire qui a été refusée. M. [P] indique avoir alors proposé une sanction consistant en la renonciation à deux mois de salaire, refusée aussi par le club. M. [P] ajoute que le société RCF rugby aurait finalement proposé une sanction consistant en une amende de trois mois de salaire et l'annulation de la dernière année de contrat de M. [T], ce que celui-ci a refusé. L'existence d'une telle proposition de sanction du club n'est toutefois pas confirmée par la production d'autres pièces utiles, en sorte qu'elle n'est pas retenue comme établie.
Les discussions ayant eu lieu entre les parties, après la tenue de l'entretien préalable au licenciement, à l'initiative de M. [T] qui voulait éviter la rupture de son contrat de travail, ne liaient pas l'employeur qui avait engagé la procédure disciplinaire et ne sont pas de nature à restreindre le pouvoir disciplinaire de l'employeur et à l'empêcher de pouvoir invoquer l'existence d'une faute grave du salarié.
M. [T] invoque par ailleurs l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture de son contrat de travail au motif qu'il a fait l'objet d'un licenciement verbal annoncé par voie de presse.
Il est de jurisprudence constante que le licenciement devant faire l'objet d'une notification par lettre comportant l'énoncé des motifs de la rupture, le licenciement verbal est dépourvu de cause réelle et sérieuse. C'est au salarié qui invoque l'existence d'un licenciement verbal d'en rapporter la preuve. En outre, dès lors que la lettre recommandée notifiant la rupture marque la volonté de l'employeur de mettre fin au contrat de travail, l'existence d'un licenciement verbal ne peut être caractérisée qu'avant la date d'envoi de cette lettre.
En l'espèce, il ressort des pièces communiquées que la lettre de licenciement, datée du 5 décembre 2019, a été déposée à la Poste le 6 décembre 2019 à 9h08, ce qui matérialise son envoi. Le licenciement verbal allégué doit donc être antérieur afin que son existence puisse être retenue.
Le communiqué de presse du Racing 92 visé par M. [T] (pièce n°7 du salarié) est, selon ses dires, du 6 décembre 2019 à 12h13. Il n'est donc pas antérieur à l'envoi de la lettre de rupture du contrat de travail. M. [T] vise également un article de presse britannique publié sur internet le 6 décembre 2019 à 11h36 (pièce n°33 du salarié), ce qui là encore n'est pas antérieur à l'envoi de la lettre de rupture.
Quand bien même un envoi postal est moins rapide à parvenir à son destinataire que la diffusion d'une information par internet, aucun élément ne justifie de déroger, comme M. [T] y invite, à la jurisprudence constante qui a été rappelée. Il n'est donc pas établi l'existence d'un licenciement verbal.
Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent le caractère fautif du retour de M. [T] seulement le 10 novembre 2019 alors qu'il était informé depuis le 9 octobre précédent que son retour à l'entraînement était fixé au 28 octobre conformément aux dispositions s'appliquant à son contrat de travail et à la participation d'un joueur professionnel à la coupe du monde de rugby. M. [T] n'ignorait pas, alors que le société RCF rugby n'avait pas de bon résultats sportifs, de l'importance du match de championnat de France devant avoir lieu le 10 novembre et du match de championnat d'Europe du 17 novembre, ces deux matchs lui ayant d'ailleurs été rappelés tant avant que dans la mise en demeure de rentrer sans délai qui lui a été faite le 31 octobre 2019. Compte tenu de l'importance de son salaire, qui était la contrepartie du niveau de jeu attendu de lui par le Racing 92, et de sa renommée internationale qu'il souligne d'ailleurs, ayant été élu meilleur joueur de rugby européen en 2018 et champion olympique avec son équipe nationale en 2016, M. [T] ne peut sérieusement prétendre qu'il pouvait être utilement remplacé, pour ces matchs auxquels il n'a pu participer en raison de la date de son retour, par un joueur joker auquel la société RCF rugby avait eu recours à titre de remplaçant de M. [T] pendant la durée de la coupe du monde. Eu égard de surcroît au refus persistant de M. [T] de rentrer avant le 10 novembre 2019 malgré l'absence de démonstration d'un motif justificatif, le retour à cette date suffit, ce qui rend inopérante l'invocation par le salarié d'une part de la prescription des faits antérieurs à 2019 mentionnés par l'employeur dans la lettre de rupture et d'autre part de leur supposée tolérance par le club, à rendre impossible le maintien de M. [T] au sein de la société RCF rugby, de telle sorte que la faute grave est constituée.
Le motif disciplinaire reproché par l'employeur dans la lettre de rupture étant fondé, l'allégation par M. [T] d'une autre cause de rupture tenant à la volonté du club de réduire sa masse salariale est écartée.
Le jugement est confirmé en qu'il a dit la rupture anticipée fondée sur une faute grave et a débouté M. [T] de ses demandes à ce titre.
Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral distinct
Il est de jurisprudence constante que le salarié justifiant, en raison des circonstances vexatoires ou brutales de la rupture de son contrat de travail, d'un préjudice distinct du licenciement lui-même, peut obtenir des dommages et intérêts en réparation de ce préjudice. Il peut prétendre à cette indemnité que son licenciement ait été jugé sans cause réelle et sérieuse ou fondé sur une cause réelle et sérieuse ou une faute grave.
La société RCF rugby fait valoir que cette demande est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, lequel dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Cependant, l'article 566 du code de procédure civile permet aux parties d'ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
La demande de dommages-intérêts pour rupture vexatoire, qui est accessoire à la demande de dommages-intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse, est donc recevable
Toutefois, en l'espèce, il ne résulte pas des pièces versées aux débats la caractérisation d'un comportement fautif de la société RCF rugby, lors de la rupture, ayant causé à M. [T] un préjudice distinct de celui résultant de la rupture anticipée du contrat de travail, étant précisé que la diffusion de l'information de celle-ci par les médias après l'envoi de la lettre de rupture était la conséquence de la notoriété du joueur et que les informations communiquées par la société RCF rugby dans la presse n'étaient pas erronées au regard des éléments qui ont été examinées dans le présent arrêt.
Par ajout au jugement, la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct est donc rejetée.
Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive
Il est de jurisprudence constante que l'exercice d'une action en justice peut dégénérer en un abus du droit d'ester en justice qui suppose la démonstration d'une faute.
Le rejet des demandes de l'appelant ne suffit donc pas à caractériser l'existence d'une procédure abusive de sa part.
En l'espèce, en l'absence de démonstration par la société RCF rugby d'une faute caractérisant un abus du droit d'agir en justice, la demande de dommages-intérêts est rejetée, le jugement étant confirmé sur ce chef.
Sur les autres demandes
M. [T] succombant, il est condamné aux dépens de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Il paraît équitable de condamner M. [T] à payer à la société RCF rugby la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute M. [T] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral distinct. ;
Condamne M. [T] à payer à la société RCF rugby la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande à ce titre ;
Condamne M. [T] aux dépens de la procédure d'appel.
Le greffier Le président