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Décisions

CA Amiens, 2e protection soc., 7 mai 2024, n° 22/01892

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 22/01892

7 mai 2024

ARRET

N° 400

[W]

C/

CPAM DE L'AISNE

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 07 MAI 2024

*************************************************************

N° RG 22/01892 - N° Portalis DBV4-V-B7G-INKE - N° registre 1ère instance : 21/00004

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 15 MARS 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [C] [W]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Comparante et plaidante

Convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception signée le 09 mai 2023

ET :

INTIMEE

CPAM de l'Aisne

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée et plaidant par Madame [I] [O], dûment mandatée

DEBATS :

A l'audience publique du 19 Février 2024 devant M. Mélin, président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 mai 2024.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Mathilde Cressent

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. [A] en a rendu compte à la cour composée en outre de:

M. Philippe Mélin, président,

Mme Anne Beauvais, conseiller,

et Monsieur Renaud Deloffre, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 07 mai 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, M. Philippe Mélin, président a signé la minute avec Mme Christine Delmotte, greffier.

*

* *

DECISION

Le 20 août 2010, Mme [C] [J] épouse [W], salariée de la société [4] en qualité d'agent logistique, a effectué une déclaration de maladie professionnelle sur la base d'un certificat médical en date du même jour mentionnant un syndrome fémoro-patellaire gauche pouvant être en rapport avec les contraintes de son poste de travail.

Le 21 février 2011, la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Aisne (ci-après la CPAM) a informé Mme [J] épouse [W] de sa décision de refuser de prendre en charge la pathologie déclarée, au motif qu'elle ne figurait pas dans un tableau de maladie professionnelle.

Mme [J] épouse [W] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, laquelle, par décision du 9 novembre 2011 notifiée le 24 janvier 2012, a accordé la prise en charge de la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.

L'état de santé de Mme [J] épouse [W] consécutif au syndrome fémoro-patellaire a été déclaré consolidé à la date du 5 avril 2013.

Mme [J] épouse [W] a contesté cette décision et sollicité une expertise sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale. Cette expertise a été réalisée le 29 mai 2013 et a confirmé que l'état de santé de l'intéressée était consolidé à la date du 5 avril 2013. Mme [J] épouse [W] a été informée du résultat de cette expertise par courrier du 10 juin 2013.

Le certificat final établi le 20 juin 2013 a mentionné une « algodystrophie du genou gauche, la persistance de douleurs et une impotence fonctionnelle ».

Par courrier en date du 23 juillet 2013, la CPAM a notifié à Mme [J] épouse [W] la décision du médecin-conseil fixant le taux d'incapacité permanente partielle à 7 % pour « limitation de l'amplitude articulaire en flexion du genou gauche et boiterie à la marche ».

Mme [J] épouse [W] a contesté ce taux devant le tribunal du contentieux de l'incapacité d'Amiens qui, par jugement du 22 novembre 2014, l'a déboutée de sa demande.

Elle a relevé appel de ce jugement et, par arrêt en date du 26 octobre 2022, la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail a confirmé le taux d'incapacité permanente partielle de 7 %.

Parallèlement à cette procédure en contestation de taux, Mme [J] épouse [W] a déclaré une rechute sur la base d'un certificat médical du 12 septembre 2013 faisant état d'une reprise du phénomène hyperalgique du genou gauche et d'une tendinite d'insertion des ischiojambiers.

La CPAM a opposé une décision de refus.

Mme [J] épouse [W] a contesté cette décision et sollicité l'organisation d'une expertise. Cette expertise a eu lieu le 20 juin 2014 et l'expert a conclu qu'à la date du 12 septembre 2013, il existait des symptômes traduisant une aggravation de l'état issu de la maladie professionnelle du 20 août 2010, rechute nécessitant des soins et arrêts de travail.

Par courrier en date du 9 juillet 2014, la CPAM a notifié à Mme [J] épouse [W] sa décision de prendre en charge la rechute.

L'état de santé consécutif à la rechute a été déclaré consolidé par le médecin conseil à la date du 30 mars 2016 avec retour à l'état antérieur.

Mme [J] épouse [W] a contesté cette décision et sollicité l'organisation d'une expertise. Celle-ci a eu lieu le 3 juin 2016 et l'expert a confirmé que l'état de santé de l'intéressée pouvait être considéré comme consolidé à la date du 30 mars 2016.

Le certificat médical final établi le 5 juillet 2016 a fait état d'« une flexion du genou gauche à 100°, d'un flessum à 10° hyperalgique et d'une marche avec une canne anglaise ».

Par courrier en date du 18 octobre 2016, la CPAM a indiqué à Mme [J] épouse [W] qu'il y avait, à la date de consolidation, un retour à l'état antérieur.

Mme [J] épouse [W] a contesté cette décision et a saisi la commission de recours amiable par courrier en date du 30 novembre 2016 reçu le 5 décembre 2016.

Celle-ci n'a pas rendu de décision dans le délai de deux mois qui lui était imparti, ce qui équivaut à une décision de rejet.

Le 24 janvier 2017, Mme [J] épouse [W] a sollicité la révision de son taux d'incapacité permanente partielle de 7 % sur la base d'un certificat médical du même jour faisant état de « douleurs du membre inférieur gauche fortement invalidantes avec une réduction du périmètre de marche et déambulation avec canne ».

Par courrier en date du 4 février 2020, la CPAM a notifié à Mme [J] épouse [W] la décision du médecin-conseil portant le taux d'incapacité permanente partielle à 9 % pour une « très légère modification des limitations des amplitudes articulaires du genou gauche par rapport à la première évaluation, justifiant une augmentation du taux d'incapacité permanente de 2 % ».

Le 16 mars 2020, Mme [J] épouse [W] a saisi la commission médicale de recours amiable (ci-après la CMRA) contre cette décision.

Celle-ci n'ayant pas rendu sa décision dans le délai de quatre mois qui lui était imparti, Mme [J] épouse [W] a saisi, le 16 septembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Quentin d'une contestation de cette décision de rejet implicite.

Par jugement du 15 mars 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Quentin, après avoir sollicité l'avis d'un médecin consultant, a notamment :

- déclaré recevable le recours de Mme [J] épouse [W],

- fixé le taux d'incapacité permanente de Mme [J] épouse [W], à la suite de la demande de révision du 24 janvier 2017 de sa maladie professionnelle déclarée le 20 août 2010, à 15 %,

- débouté Mme [J] épouse [W] du surplus de ses demandes et notamment d'une demande de modification d'une date de consolidation,

- dit que les frais de consultation médicale seraient à la charge de la Caisse nationale d'assurance-maladie,

- condamné la CPAM aux dépens.

Ce jugement a été expédié aux parties le 15 mars 2022. En particulier, Mme [J] épouse [W] en a reçu notification le 19 mars 2022.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 14 avril 2022, Mme [J] épouse [W] a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance en date du 20 septembre 2022 rendue conformément aux dispositions des articles R. 142-16 et suivants du code de la sécurité sociale, le magistrat chargé de l'instruction du dossier a ordonné une mesure de consultation sur pièces et a commis le docteur [V] pour y procéder.

Le docteur [V] a déposé son rapport le 3 avril 2023 et a conclu que le taux d'incapacité permanente partielle pouvait être fixé à 15 % à la date du 24 janvier 2017.

Mme [J] épouse [W], aux termes de conclusions parvenues au greffe le 5 juillet 2023, demande à la cour :

- de rétablir la date de consolidation du 30 mars 2016 à la place de celle du 24 janvier 2017,

- de fixer son taux d'incapacité permanente partielle à au moins 30 %, dont 15 % pour la limitation de flexion du genou, 5 % pour le flessum et 10 % pour les incidences socioprofessionnelles,

- de lui accorder des indemnités de 2000 euros étant donné que la CPAM a mis plus de trois ans à lui notifier son taux d'incapacité permanente partielle.

Au soutien de ses prétentions, elle fait notamment valoir :

- qu'elle a reçu un courrier l'informant que son état était consolidé au 30 mars 2016, sans autre mention,

- qu'elle a écrit à la CPAM pour connaître le taux d'incapacité permanente partielle suite à cette consolidation et qu'on lui a répondu qu'il s'agissait d'un retour à l'état antérieur,

- qu'elle conteste cette consolidation sans séquelles,

- qu'elle estime qu'il y avait bien une aggravation et qu'il aurait fallu en tenir compte,

- que son état de santé est préoccupant, avec notamment des limitations des amplitudes du genou, une algodystrophie, des douleurs, ainsi que cela résulte des nombreuses pièces médicales qu'elle verse aux débats,

- qu'elle est toujours suivie en centre antidouleur,

- qu'en outre, elle a été licenciée en 2016 suite à une déclaration d'inaptitude par la médecine du travail,

- qu'elle conteste le rapport établi par le docteur [V], qui n'a pas pris en compte les documents qu'elle lui avait envoyés, qui a commis des erreurs et qui a fait un simple copier coller.

Suivant conclusions déposées à l'audience le 19 février 2024, la CPAM sollicite :

- la confirmation du jugement rendu par le pôle social de [Localité 7] en date du 15 mars 2022 fixant à 15 % le taux d'incapacité permanente indemnisant les séquelles de la maladie professionnelle du 20 août 2010, à la date de révision du 24 janvier 2017,

- le rejet de l'ensemble des prétentions de Mme [J] épouse [W].

Au soutien de ses prétentions, elle fait notamment valoir :

- que le taux d'incapacité permanente fixé à hauteur de 7 % à la date du 30 mars 2016 dans le cadre de la procédure de rechute ayant abouti à un retour à l'état antérieur, est devenu définitif, dans la mesure où Mme [J] épouse [W] s'est vu opposer une décision implicite de rejet de sa contestation par la CMRA et où elle n'a pas contesté cette décision implicite de rejet en saisissant le tribunal des affaires de sécurité sociale dans le délai requis, qui expirait le 6 mars 2017,

- que le maintien du taux de 7 % à la date de consolidation de la rechute du 30 mars 2016 est donc devenu définitif,

- que s'agissant de la procédure de révision initiée le 24 janvier 2017, le taux d'incapacité permanente partielle fixé à 15 % par le tribunal est bien fondé,

- que le docteur [V], médecin consultant de la cour, a également retenu un taux de 15 %, - que par ailleurs, Mme [J] épouse [W] n'apporte aucune preuve d'un licenciement pour inaptitude en lien avec l'aggravation de sa maladie professionnelle à la date du 24 janvier 2017,

- que s'agissant des demandes indemnitaires, Mme [J] épouse [W] ne démontre aucune faute de sa part,

- que cette demande doit donc être rejetée,

- que par ailleurs, le jugement du 15 mars 2022 a été mis à exécution, Mme [J] épouse [W] percevant ainsi une rente sur la base d'un taux d'incapacité permanente de 15 % avec effet rétroactif au 24 janvier 2017,

- que l'intéressée a bénéficié d'une pension d'invalidité de deuxième catégorie du 20 mars 2020 au 1er janvier 2023, date de la liquidation de ses droits à retraite,

- qu'elle a entre-temps déclaré deux autres rechutes, le 27 juin 2014 pour tendinite de l'ischiojambier gauche, et le 30 décembre 2019 pour algoneurodystrophie, lesquelles ont fait l'objet de refus de prise en charge.

À l'audience du 19 février 2024, chacune des parties a réitéré les prétentions et l'argumentation contenues dans ses écritures.

Motifs de l'arrêt :

Sur la modification de date de consolidation :

C'est par l'effet d'une confusion entre la présente procédure de révision, initiée le 24 janvier 2017, et la précédente procédure de rechute, initiée le 12 septembre 2013 et terminée par la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable, que Mme [J] épouse [W] sollicite la modification de la date de consolidation.

En effet, la date de consolidation de la rechute du 5 avril 2013 a été définitivement fixée au 30 mars 2016, dans cette procédure qui a abouti à un retour à l'état antérieur, sans que Mme [J] épouse [W] conteste devant le tribunal des affaires de sécurité sociale la décision de la commission de recours amiable rejetant implicitement son recours formé le 30 novembre 2016 et reçu le 5 décembre 2016.

Quant à la présente procédure de révision, elle n'entraîne pas la fixation d'une nouvelle date de consolidation, puisque l'on raisonne alors sur la date de la demande de révision, à savoir le 24 janvier 2017.

En conséquence, il y a lieu de débouter Mme [J] épouse [W] de cette demande et de confirmer le jugement de ce chef.

Sur l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle :

En application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente partielle est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

L'article R. 434-32 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque le barème des maladies professionnelles ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

Le barème indicatif d'invalidité des accidents du travail, en son article 2.2.4, relatif au genou, après avoir rappelé que l'extension complète constitue le repère 0 et que la flexion atteint 150°, prévoit, pour les limitations des mouvements du genou :

- extension déficitaire 25° à 25° : 5 %

- extension déficitaire de 25° : 15 %

- extension déficitaire de 45 ° : 30 %

- flexion ne pouvant s'effectuer au-delà de 110° : 5 %

- flexion ne pouvant se faire au-delà de 90° : 15 %

- flexion ne pouvant se faire au-delà de 45° : 25 %.

En l'espèce, le docteur [Z], médecin-conseil de la caisse, a fait un rapport médical de révision dans lequel, après avoir comparé les résultats obtenus lors d'un examen du 22 mars 2017 et ceux obtenus lors de l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle en avril 2013, il a notamment indiqué : « Mme [W] présente une aggravation de son impotence fonctionnelle du genou gauche puisque la flexion du genou est à 80 % (en réalité 80°) alors qu'elle était à 90 % (en réalité 90°) et qu'il existe un flessum de 5° alors que l'extension était complète, le reste de l'examen clinique n'étant pas modifié puisque Mme [W] présentait déjà une boiterie gauche, un appui monopodal gauche instable, un accroupissement impossible d'après l'assurée, un genu valgum gauche et un genou froid. Nous pouvons donc réévaluer le taux de 2 % pour apparition d'un flessum de 5° et d'une diminution de la flexion par rapport au précédent rapport. Conclusions : très légère modification des limitations amplitudes articulaires du genou gauche par rapport à la première évaluation justifiant une augmentation du taux d'incapacité permanente partielle de 2 % ».

Le docteur [G], médecin consultant du tribunal, a noté quant à lui : « Mme [W] est âgée de 59 ans. Il n'y a pas pléthore de documents. Mme [W] a mal au genou gauche depuis 2008. Elle a été opérée en septembre 2008 sur l'aileron rotulien. Elle a eu une infiltration en février 2009. Elle a présenté une algodystrophie en mars 2009 et elle consulte au centre de la douleur depuis 2010 à raison d'une consultation tous les trois mois au CHU de [Localité 6]. En octobre 2014, il est noté de l'arthrose du genou. Après 2014, on n'a pas grand-chose. Mme a dit qu'elle a des consultations à [Localité 6]. Une I.R.M. faite il y a quelques années, sans document depuis. La dernière scintigraphie en 2015, sans contrôle. Elle montre une persistance d'algodystrophie. Mes conclusions ne sont pas différentes aux deux dates. Un document de la CPAM en 2016 qui indique une flexion de 90° du genou et un examen du docteur [K] en juin 2016 qui constate une flexion à 100° du genou. On a un genou limité à 90° et un flessum de 10°. Finalement, le taux d'invalidité d'après le barème de la CPAM, est de 15 %. J'ai tendance à dire que le taux à retenir est de 15 %. Au niveau professionnel, elle a été licenciée pour inaptitude après la pathologie du genou. Le coefficient professionnel a lieu de s'appliquer[...] ».

Le docteur [V], après de longs commémoratifs, indique quant à elle dans son rapport, effectué sur pièces :

« En matière d'incapacité permanente partielle, il convient de se placer au jour de la consolidation pour évaluer le taux d'incapacité, ou le jour de la révision le cas échéant. Les séquelles retenues sont donc : une flexion à 80°, un flessum de 5°, l'extension est complète. Selon la référence 2.2.4 du barème indicatif d'invalidité accidents du travail, le taux d'incapacité permanente partielle est de 15 % ».

Il est difficile de s'appuyer sur le rapport du docteur [V], qui, après six pages et demie de commémoratifs, se borne à écrire six lignes de discussion, dans lesquelles elle prétend à la fois qu'il existe un flessum et que l'extension est complète, ce qui est un non-sens, pour conclure sans la moindre démonstration que le taux d'incapacité permanente partielle est de 15 %.

Il reste que Mme [J] épouse [W] ne parvient pas à étendre complètement la jambe puisqu'elle présente un très léger flessum de 5° et qu'à l'opposé, elle ne parvient pas non plus à la plier, ne serait-ce qu'à angle droit, puisque sa flexion est limitée à 80°. Il n'existe donc que 75° entre le maximum de son extension et le maximum de sa flexion, alors que, d'après le barème indicatif, la norme est de 0° à 150°.

Dès lors que le barème prévoit un taux de 5 % pour un déficit d'extension allant de 5° à 25°, il y a lieu de considérer que le minime flessum de Mme [J] épouse [W], à la limite des prévisions du barème, peut donner lieu à l'attribution d'un taux de 3 %.

Quant la limitation de la flexion à 80°, il y a lieu de l'indemniser par un taux de 17 %, dès lors que le barème prévoit 15 % pour une flexion ne dépassant pas 90° et 25 % pour une flexion ne pouvant se faire au-delà de 45°.

Il y a lieu de rappeler que ces limitations articulaires s'accompagnent évidemment de difficultés à se mouvoir d'une boiterie mais également de douleurs, même si celles-ci doivent être relativisées compte tenu de la présence d'autres pathologies et notamment d'une fibromyalgie.

Au total, il y a donc lieu d'accorder à Mme [J] épouse [W] un taux de 20 % (3 % + 17 %) pour ses troubles physiologiques du genou à la date de révision du 24 janvier 2017 de sa maladie professionnelle du 20 août 2010.

En outre, Mme [J] épouse [W] verse aux débats une fiche d'aptitude médicale établie par le service de la santé au travail le 4 juillet 2016, de laquelle il résulte qu'elle a été déclarée inapte au poste d'opératrice logistique. Le médecin du travail a précisé que son aptitude restante concernait un travail autre qu'en production, sans rendement, sans déplacement, strictement assis et à temps partiel.

Certes, elle ne produit pas de justificatifs prouvant son licenciement mais celui-ci apparaît comme hautement probable à la suite de cette déclaration d'inaptitude. Il est d'ailleurs évoqué par différents médecins dans les pièces et rapports médicaux versés aux débats. Surtout, la CPAM a elle-même précisé dans ses conclusions qu'elle avait versé pendant plusieurs années une pension d'invalidité de deuxième catégorie à Mme [J] épouse [W], ce qui suppose précisément la reconnaissance que la capacité de travail ou de gain de l'intéressée était réduite des deux tiers au moins.

Dans ces conditions, force est de constater que la maladie professionnelle de Mme [J] épouse [W] a entraîné une dépréciation de cette dernière sur le marché du travail, qui sera justement indemnisée par un coefficient socioprofessionnel de 4 %.

Au total, le taux d'incapacité permanente partielle s'élève donc à 24 % (20 % + 4 %). Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris.

Sur les demandes indemnitaires :

La demande indemnitaire de Mme [J] épouse [W] contrevient à l'article 564 du code de procédure civile, qui énonce qu'« à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions [...] ». Mme [J] épouse [W], qui n'avait pas présenté une telle demande devant le tribunal judiciaire, est donc irrecevable à le faire pour la première fois devant la cour de céans.

Au demeurant, sa demande est mal définie juridiquement. L'intéressée précise que cette demande est justifiée par le fait que la CPAM a mis trois ans à lui notifier son taux et lui a fait du chantage.

Si cette demande devait être considérée comme une action en responsabilité civile, force serait alors d'admettre que Mme [J] épouse [W] ne démontre aucune faute de la part de la CPAM, qui lui a notifié ses taux successifs en temps voulu et qui, en tout état de cause, était liée par les conclusions du praticien conseil. Quant au prétendu chantage, il n'est absolument pas prouvé.

Si cette demande devait être considérée comme une demande de rattrapage, il y aurait lieu de rassurer Mme [J] épouse [W], en lui indiquant que sauf succès d'un éventuel pourvoi en cassation, la présente décision se traduira par un rappel de rente AT/MP, calculée en fonction d'un taux d'incapacité permanente partielle de 24 %, à compter du 24 janvier 2017.

Sur les dépens :

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En application de cet article, la CPAM, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort :

- Déclare irrecevable la demande indemnitaire présentée par Mme [J] épouse [W],

- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a refusé de modifier la date de consolidation de la rechute,

- Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [J] épouse [W] à 15 % et, statuant à nouveau,

- Fixe à 24 % le taux d'incapacité permanente partielle de Mme [J] épouse [W], à la date de révision du 24 janvier 2017, dans les suites de sa maladie professionnelle déclarée le 20 août 2010 (déficit d'extension : 3 %, déficit de flexion : 17 %, incidence professionnelle : 4 %),

- Condamne la CPAM aux dépens,

- Rappelle que les frais de consultation médicale sont mis à la charge de la Caisse nationale d'assurance-maladie.

Le Greffier, Le Président,