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Décisions

Cass. 1re civ., 15 mai 2024, n° 22-24.639

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Look at Sciences (SCRL)

Défendeur :

Sorbonne Université (Établissement)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Champalaune

Rapporteur :

M. Chevalier

Avocat général :

M. Aparisi

Avocats :

Me Le Guerer, Bouniol-Brochier, Me Alain Bénabent

Cass. 1re civ. n° 22-24.639

14 mai 2024

Intervention volontaire

1. Il est donné acte au Syndicat des producteurs indépendants de son intervention volontaire au soutien du pourvoi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 octobre 2022), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 16 juin 2021, pourvoi n° 19-21.663), l'Université [4] (l'[4]), agissant pour le compte de l'Institut [3] (l'[3]), s'est rapprochée de la société Look at Sciences (le producteur), à l'occasion du centenaire de la formulation de la théorie de la relativité générale d'[J] [Z], pour lui proposer de produire un film intitulé « [Z] et la relativité générale, une histoire singulière ».

3. Le 16 mars 2015, le producteur a conclu avec M. [S], réalisateur, un contrat de cession de droits d'auteur prévoyant, en son article 13, que ni le réalisateur ni le producteur ne pourraient exploiter les rushes non montés, sans autorisation réciproque, expresse et préalable des parties contractantes.

4. Le 22 juin 2015, le producteur a conclu avec l'[4] une convention de cession des droits d'exploitation non commerciale sur tous supports, en contrepartie du financement qu'elle lui apportait.

5. Soutenant avoir découvert que des vidéogrammes reproduisant, sans son autorisation, le film ainsi que des éléments des rushes issus du tournage non compris dans la version définitive du film, étaient édités et distribués par l'[3], le producteur a assigné l'[4], aux droits de laquelle se trouve l'établissement public Sorbonne université, en contrefaçon de droits d'auteur, responsabilité contractuelle, concurrence déloyale et parasitisme.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le producteur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes au titre de l'exploitation des épreuves de tournage non montées ou rushes dont elle a eu l'initiative et la responsabilité à la première fixation et de la responsabilité contractuelle de l'établissement public Sorbonne université, venant aux droits de l'[4] , alors « que le producteur de vidéogrammes est titulaire du droit d'autoriser la reproduction, la mise à la disposition ou la communication au public des épreuves de tournage non montées ou rushes dont il a eu l'initiative et la responsabilité de la première fixation ; la conclusion par le producteur d'un film, objet du vidéogramme, avec le réalisateur du film d'une convention prévoyant que les rushes non montés ne pourront être exploités ni par le réalisateur ni par le producteur sans autorisation réciproque, expresse et préalable, ne prive pas le producteur du droit, dont il dispose légalement, d'interdire l'exploitation par un tiers des rushes sans son autorisation ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle ».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle :

8. En application de cet article, le producteur de vidéogrammes est titulaire du droit d'autoriser la reproduction, la mise à la disposition ou la communication au public des épreuves de tournage non montées ou rushes dont il a eu l'initiative et la responsabilité de la première fixation.

9. Pour rejeter les demandes du producteur au titre de l'exploitation des rushes par l'[4], l'arrêt retient qu'il ne démontre pas avoir obtenu l'autorisation du réalisateur d'utiliser ou d'exploiter ces rushes ni, partant, que ses droits ont été violés.

10. En statuant ainsi, alors que la convention conclue avec le réalisateur ne privait pas le producteur de son droit d'interdire l'exploitation des rushes sans son autorisation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

11. Le producteur fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il reprochait encore à la Sorbonne université, venant aux droits de l'[4], d'avoir manqué à son obligation de loyauté et de bonne foi dans l'exécution du contrat de cession de droits qu'elle avait passé avec lui le 22 juin 2015 et d'avoir en conséquence engagé sa responsabilité contractuelle pour avoir conservé les matrices ou masters des rushes quand le droit d'archivage dont disposait la Sorbonne université, en application de l'article 3.3 du contrat sur les masters "ne concernait que le documentaire dans sa version achevée, à l'exclusion de tout droit d'archivage sur le master des rushs" ; qu'en déboutant le producteur de ses demandes au titre de la responsabilité contractuelle sans rechercher, comme elle y était ainsi invitée, si la Sorbonne université n'avait pas manqué à son obligation d'exécuter son contrat de bonne foi en conservant illicitement les masters des rushes, distincts des masters du film achevé, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

12. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

13. Pour rejeter les demandes du producteur au titre de la responsabilité contractuelle de l'[4] liée à la conservation de la matrice des rushes, l'arrêt retient que la convention de cession du 22 juin 2015 ne prévoit aucune disposition relativement à l'utilisation des rushes.

14. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du producteur selon lesquelles l'[4] n'était pas en droit de conserver les matrices des rushes, distinctes des matrices du film achevé, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la société Look at Sciences fondées sur les dispositions de l'article L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle ainsi que celles sur le fondement de la responsabilité contractuelle au titre de la conservation de la matrice des rushes, l'arrêt rendu le 18 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne l'établissement Sorbonne université aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'établissement Sorbonne université et le condamne à payer à la société Look at Sciences la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille vingt-quatre.