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Décisions

CA Versailles, ch. com. 3-2, 7 mai 2024, n° 22/06489

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 22/06489

7 mai 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59D

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 MAI 2024

N° RG 22/06489 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VPPX

AFFAIRE :

[G] [E]

C/

S.A. D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE RENOVATION ET D' EQUIPEMENT DE [Localité 4] - SEMARELP

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Septembre 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 5

N° RG : 2020F00896

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Claire RICARD

Me Mélina PEDROLETTI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [G] [E]

né le 01 Janvier 1962 à [Localité 3] (HAUTS DE SEINE)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Claire RICARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2221906 - Représentant : Me Emmanuel MARSIGNY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2005 -

Représentant : Me Louis GUESDON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2005

APPELANT

****************

S.A. D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE RENOVATION ET D' EQUIPEMENT DE [Localité 4] - SEMARELP

N° SIRET : 775 726 359 RCS NANTERRE

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 25959 -

Représentant : Me Carbon DE SEZE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0647

S.A.R.L. SCRIM ILE DE FRANCE

N° SIRET : 340 561 562 RCS NANTERRE

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 25959 -

Représentant : Me Carbon DE SEZE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0647

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marietta CHAUMET, Vice-Présidente placée et Monsieur Ronan GUERLOT, président chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mosieur Ronan GUERLOT, Président,,

Madame Marietta CHAUMET, Vice-Présidente placée,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Julie FRIDEY,

M. [G] [E] a occupé les fonctions de directeur général de la société d'économie mixte d'aménagement et de rénovation et d'équipement de [Localité 4] (la Semarelp) ainsi que de co-gérant de la société Scrim Île de France (la société Scrim) du 3 avril 2008 au 7 octobre 2014. Le capital de cette dernière est intégralement détenu par la Semarelp. Il a été administrateur de la Semarelp à compter du 28 mai 2014.

A la suite de l'ouverture d'une information judiciaire ouverte le 4 décembre 2013, il a été mis en examen le 22 mai 2014 du chef de blanchiment de fraude fiscale puis le 3 octobre 2014 des chefs de corruption et de blanchiment de corruption. Le 28 septembre 2016 et le 13 janvier 2017, il était à nouveau mis en examen du chef de prise illégale d'intérêts.

Le 6 juillet 2018, il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour complicité de corruption passive commise par une personne dépositaire de l'autorité publique et chargée d'une mission de service public, pour blanchiment de corruption par une personne dépositaire de l'autorité publique et chargée d'une mission de service public, pour complicité de prise illégale d'intérêt par une personne dépositaire de l'autorité publique et chargée d'une mission de service public dans une affaire dont elle assurance l'administration et la surveillance, pour prise illégale d'intérêts par une personne dépositaire de l'autorité publique et chargée d'une mission de service public et pour blanchiment de fraude fiscale.

Par jugement du 18 octobre 2019, le tribunal correctionnel de Paris a prononcé sa condamnation du chef de blanchiment de fraude fiscale. En revanche, il l'a relaxé des autres chefs d'accusation soit de la complicité de corruption passive, de blanchiment de corruption passive. Il l'a relaxé partiellement des faits de prise illégale d'intérêts par personne chargée d'une mission de service public, l'action publique ayant été déclarée prescrite pour une partie des faits.

M. [E] a ensuite demandé le 4 février 2020 à la Semarelp et la société Scrim de prendre en charge ses frais de défense à hauteur de 234 000 euros HT.

A la suite de leur refus, par lettres du 3 mars 2020, il les a assignées, par acte du 25 juin 2020, devant le tribunal de commerce de Nanterre qui, par jugement contradictoire du 20 septembre 2022, a :

- débouté M. [E] de ses fins et demandes ;

- condamné M. [E] à payer à la Semarelp et la société Scrim la somme la somme de 6 000 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [E] aux dépens.

Par déclaration du 26 octobre 2022, M. [E] a interjeté appel.

Par ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 26 janvier 2023, il demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a :

- débouté de ses fins et demandes ;

- condamné à payer à la Semarelp et la société Scrim la somme de 6 000 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et, statuant à nouveau :

- de condamner solidairement la Semarelp et la société Scrim à lui verser la somme de 280 000 euros;

- condamner solidairement la Semarelp et la société Scrim à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance ;

- condamner solidairement la Semarelp et la SCRIM Île de France à lui verser la somme de 5 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel.

Par dernières conclusions signifiées via le RPVA le 11 avril 2023, la Semarelp et la société Scrim demandent à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement, y ajoutant de :

- condamner M. [E] à verser à la Semarelp la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [E] à verser à la société Scrim la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 ;

- condamner M. [E] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 octobre 2023.

Motifs de la décision

- Sur la demande principale en paiement à l'encontre des sociétés Smarelp et Scrim

M. [E] soutient qu'il existe une obligation pour une société de prendre en charge les frais de défense de son dirigeant à raison des poursuites pour des faits non fautifs relevant de l'exercice de ses fonctions. Il fait valoir que l'obligation et le régime juridique de la protection juridique du dirigeant de droit découle de son statut et de la nature des actes qu'il accomplit. Il considère que la dimension contractuelle du statut du dirigeant social impose de se référer aux solutions applicables au mandat de droit commun résultant de l'interprétation jurisprudentielle de l'article 2000 du code civil. Ainsi, après avoir souligné que la qualité de mandataire du dirigeant social n'était pas contestable, il allègue que l'article 2000 crée l'obligation pour la société, mandante, de prendre en charge les frais que le dirigeant social, mandataire, a exposé en rapport avec l'exécution de son mandat, sauf s'il a commis une faute. Il souligne que, dans le mandat de droit commun, le mandant doit indemniser le mandataire, sauf imprudence de ce dernier et qu'est retenue une conception extensive du droit à réparation du mandataire. Il ajoute que s'il existe des différences de régime entre le mandat de droit commun et le mandat social, ces différences ne portent toutefois pas sur l'obligation de la société de prendre en charge les frais exposés par le dirigeant en rapport avec l'exécution de son mandat. Il fait observer en outre que l'obligation de remboursement pesant sur la société est prévue dans l'intérêt commun de la société, compte tenu de la nature particulière unissant la société à son dirigeant. Il souligne que les intimées ont admis dans leurs écritures de première instance le principe de l'application du mandat de droit commun au mandat social.

Il conteste leur analyse selon laquelle les frais de défense qu'il a exposés ne seraient pas liés à l'exécution de son mandat. Sur ce point, il souligne que la société Scrim était partie à un litige commercial avec le groupe MBI relativement à une opération immobilière à [Localité 4] de sorte que la société Scrim et sa mère, la société Semarelp, avaient un intérêt dans la défense de leur dirigeant confronté à des poursuites du chef de complicité ou blanchiment de corruption ou prise illégale d'intérêt à raison des faits faisant l'objet de ce contentieux commercial. Il ajoute qu'il importait peu que les sociétés Scrim et Semalrep n'aient pas été mises en examen dans la mesure où la poursuite de personne morale dont le dirigeant est poursuivi ès qualités n'est pas automatique.

Il précise qu'il résulte des termes de la mise en examen et de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel que les faits qu'on lui reprochait s'inscrivait bien dans le cadre de ses fonctions accomplis pour le compte de ces sociétés. Il en déduit qu'il a exposé des frais à l'occasion de poursuites relevant de ses fonctions de dirigeant des sociétés Semalrep et Scrim, pour lesquels il a été définitivement relaxé. Il ajoute que la totalité de la procédure pénale visait l'opération immobilière 'tours Levallois' qu'il avait menée en sa qualité de dirigeant des deux sociétés.

Il considère par ailleurs qu'une analogie peut être faite entre la situation du salarié et celle du dirigeant social. Il fait ainsi valoir que, si le dirigeant social n'est pas un salarié, le dirigeant agit toutefois pour le compte de cette dernière dans le cade de l'intérêt et de l'objet social et dans la limite des pouvoirs donnés par la loi aux organes. Il souligne que le dirigeant social se borne parfois à représenter la société vis-à-vis des tiers pour exécuter une décision qui a été prise par un autre organe de sorte que sa liberté d'action est limitée par ses fonctions. Il ajoute que depuis 2006, la jurisprudence retient sur le fondement de l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, un devoir de protection juridique à la charge de l'employeur. Il expose que la Cour de cassation ne prévoit pas d'autre critère que celui du lien entre les actes en cause et l'exécution du contrat de travail, peu importe la nature de la faute, son caractère pénale ou non, son caractère intentionnel ou non.

S'agissant du caractère intentionnel de la faute du salarié, il fait observer que les juridictions du fond limitent la garantie fonctionnelle accordée au salarié lorsque ce dernier a commis une faute intentionnelle. Il en déduit que l'analogie entre la situation du salarié et celle du dirigeant social est justifiée tant au regard de l'encadrement de leurs fonctions qu'au regard du principe d'équité retenu par la jurisprudence pour établir l'obligation de protection juridique de l'employeur envers le salarié.

Il soutient en outre qu'une analogie peut être également faite entre la situation du dirigeant social et celle des agents publics qui bénéficient de la protection fonctionnelle de l'Etat.

Il considère que l'obligation pour la société de prendre en charge les frais de défense du dirigeant social trouve son fondement dans le rôle joué par l'écran de la personnalité juridique de la société et la théorie prétorienne de la faute détachable des fonctions. Sur ce dernier point, il expose que la règle jurisprudentielle d'imputation des fautes du dirigeant est la conséquence de l'attribution de la personnalité morale à la société et de la nécessité de préserver la liberté d'action du dirigeant. Il en déduit que, dès lors qu'un dirigeant social est partie à un contentieux pour le compte de la société et en sa qualité de dirigeant, cette dernière est tenue de prendre en charge ses frais de défense sauf s'il a commis une faute d'une particulière gravité telle qu'une faute pénale intentionnelle.

Il soutient encore que l'obligation de la société de prendre en charge les conséquences des actes non fautifs du dirigeant est renforcée par la responsabilité pénale d'une société qui peut être engagée du fait des actes de ses dirigeants.

Il soutient enfin que le droit à un procès équitable prévu par l'article 6 § 1 de CEDH implique l'obligation de la société de faire bénéficier ses mandataires sociaux d'une protection juridique.

Les sociétés Semalrep et Scrim répondent qu'il n'existe pas d'obligation à la charge d'une société de payer les frais de défense de ses dirigeants sociaux et que de la même manière, il n'existe pas d'obligation de contracter une assurance couvrant la responsabilité civile d'un dirigeant ou d'un mandataire social, notamment du fait de ses frais de défense. Elles font valoir qu'elles ont toujours affirmé ne pas vouloir prendre en charge les frais de défense engagés par M. [E] et qu'il n'est pas, par ailleurs, établi qu'elles avaient souscrit un contrat d'assurance couvrant sa responsabilité. Elles ajoutent que l'appelant ne les a pas sollicitées au cours de la procédure pénale et ne leur a demandé une prise en charge de ses frais de défense que plusieurs mois après sa relaxe.

Elles contestent l'analyse faite par l'appelant de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 septembre 205 et soulignent que la cour d'appel n'a pas retenu l'existence d'une obligation de prise en charge des frais d'avocat d'un dirigeant mais a considéré que la société s'était contractuellement engagée à cette prise en charge.

S'agissant de l'analogie entre le mandat et le statut de mandataire social, les intimées exposent que les frais d'avocat ne sauraient être qualifiés de frais exposés en rapport avec l'exécution de du mandat dans la mesure où elles n'ont pas été personnellement mises en cause et soulignent sur ce point que le juge d'instruction n'a pas considéré que les infractions ont été commises pour leur compte et en leur nom.

Elles ajoutent que les faits de blanchiment de fraude fiscale pour lesquels il a été condamné ont été instruits et jugés dans un cadre procédural indissociable des faits pour lesquels il a été relaxé. Elles en déduisent que l'appelant ne peut pas demander le remboursement d'honoraires payés pour une procédure ayant donné lieu à une déclaration de culpabilité et font observer qu'il est en outre impossible de répartir les honoraires selon qu'ils portent sur les faits dont l'appelant a été relaxé ou selon qu'ils concernent les faits de blanchiment pour lesquels il a été condamné.

Elles contestent également l'analogie faite par l'appelant avec le droit du travail. Elles font valoir que le dirigeant d'une société ne se trouve pas sous la subordination de celle-ci et que même s'il est encadré par la loi ou par les statuts, sa situation n'est pas comparable à celle d'un salarié. Elles ajoutent que, si le mandataire social peut être tenu par les décisions d'autres organes de la société, cette contrainte n'est pas comparable à celle d'un salarié subordonné au chef d'entreprise. Elles en concluent qu'il ne peut en être déduit un principe de prise en charge des frais de défense par la société.

Elles contestent également l'analogie avec la protection fonctionnelle des agents publics permettant la prise en charge des frais de défense d'un agent, objet de poursuites pénales relatives à des faits n'ayant pas le caractère d'une faute détachable de l'exercice de ses fonctions. Elles soulignent que cette protection n'est pas transposable puisqu'elle a pour objet de garantir l'indépendance de l'agent public et le bon fonctionnement du service public. Elles font observer que cette protection fonctionnelle est liée à la nature particulière de la fonction des agents publics.

Elles ajoutent que, n'ayant pas été mise en cause dans la procédure pénale, elles s'exposeraient à des poursuites pour abus de bien social si elles prenaient en charge les frais de défense de M. [E].

Elles terminent en contestant la thèse de l'appelant selon laquelle il se déduit de la possibilité d'engager la responsabilité d'une personne morale en application de l'article L. 121-2 du code pénal, un principe de prise en charge des honoraires d'avocats de ses dirigeants dans les procédures auxquelles elles n'ont pas été attraites. Elles soulignent que les infractions pour lesquelles l'appelant a été mis en cause sont des infractions intentionnelles et fait observer, que, contrairement aux affirmations de M. [E], la pratique judiciaire confirmée par une circulaire ministérielle est une recherche cumulative des responsabilités pénales de la personne physique et de la personne morale. Elles ajoutent que l'appelant ne démontre pas en quoi l'existence d'une responsabilité pénale de la personne morale aurait un rapport avec l'obligation pour une société de prendre en charge des frais du mandataire social.

réponse de la cour

L'article 1353 du code civil dispose :

'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'

En l'espèce, M. [E] justifie d'une facture d'honoraires de son avocat (pièce 11). Selon cette facture établie le 23 juin 2020, les honoraires relatifs aux diligences accomplies pour le compte de l'appelant du 21 mai 2014 au 29 octobre 2019 s'élèvent à 234 000 euros HT soit 280 000 euros TTC.

La facture précise que les diligences concernent la garde à vue des 21 et 22 mai 2014 (10 000 euros), l'information judiciaire (forfaits annuels au titre des années 2014 à 2018, soit 5 X 18 000 euros), des actes d'instruction complémentaires (8 000, 4 000 et 4 000 euros), la procédure devant la chambre de l'instruction (4 000, 8 000 et 6 000 euros) et l'audience au fond (100 000 euros).

Par ailleurs, selon deux lettres datées du 4 février 2020 (pièce 12) adressées respectivement au directeur général de la société Semalrep et au gérant de la société Scrim, après avoir rappelé qu'il a été relaxé de trois des chefs pour lesquels il avait été mis en examen, M. [E] expose que la procédure pénale s'est soldée par une relaxe ou la constatation de la prescription des faits qui lui étaient reprochés en 'sa qualité de directeur général et de co-gérant des sociétés Semalrep et Scrim' et que 'ces faits s'inscrivent dans le cadre de l'opération 'tours de Levallois' (...) qu'[il a] mené en [sa] qualité de directeur général de la Semalrep et de co-gérant de la Scrim, pour le compte de ces dernières.'

Il précise également dans ces courriers qu'il a été poursuivi pour des faits commis en sa qualité de dirigeant des sociétés Semalrep et Scrim, que 'sa responsabilité éventuelle aurait été de nature à entraîner la responsabilité pénale et civile de ces deux sociétés et que 'les faits pour lesquels [il a] été poursuivi relevaient d'actions entreprises en [sa] qualité d'organe de la Semalrep et de la Scrim, pour le compte de ces dernières.'

Il est constant que M. [E] était dirigeant des sociétés Semalrep et Scrim au moment des faits dont il était prévenu.

Il résulte en effet des pièces versées aux débats qu'il a été nommé directeur général de la société Semarelp par décision du conseil d'administration du 3 avril 2008 et co-gérant de la société Scrim par décision de l'associé unique de la même date (pièces 1 et 2 de l'appelant), qu'il a démissionné de ces fonctions le 7 octobre 2014 (pièces 6 et 7 de l'appelant) et que, selon le jugement du tribunal correctionnel de Paris rendu le 18 octobre 2019 (pièce 10), il était poursuivi des chefs de prises illégales d'intérêts par chargé de mission de service public dans une affaire dont il assure l'administration ou la surveillance en décembre 2010 et en décembre 2013, de complicité de corruption passive (sollicitation ou acceptation d'avantage par une personne dépositaire de l'autorité publique) courant 2009 à janvier 2010, de blanchissement (concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans) courant 2009 à janvier 2010, de complicité de prise illégale d'intérêt par dépositaire de l'autorité publique dans une affaire dont il assure l'administration ou la surveillance entre juin 2008 et avril 2010, de blanchiment (concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d'un délit de fraude fiscale de mars 2009 à décembre 2014).

Pour les chefs de complicité de corruption et de blanchiment de corruption, le procès-verbal d'interrogatoire du 3octobre 2014 fait état de sa qualité de dirigeant (pièce 7).

Ses mandats sociaux sont également mentionnées pour le chef de prise illégale d'intérêts. On peut ainsi lire dans le procès-verbal d'interrogatoire du 28 septembre 2016 : 'prise illégale d'intérêts par personne chargée d'une mission de service public en sa double qualité de directeur général de la Semalrep et de co-gérant de la Scrim...' (pièce 8).

Ce n'est en revanche le cas pour le chef de blanchiment de fraude fiscale (pièce 9, procès-verbal d'interrogatoire du 13 janvier 2017).

Il est par ailleurs constant que s'il a été relaxé des chefs de prise illégale d'intérêts, de complicité de corruption passive, de blanchiment de corruption et de complicité de prise illégale d'intérêts par une personne dépositaire de l'autorité publique dans une affaire dont elle assure l'administration ou la surveillance, il a été déclaré coupable des faits de blanchiment de fraude fiscale et à ce titre, il a été condamné à une peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 100 000 euros ainsi qu'à une interdiction de gérer.

Nonobstant la mention de ses mandats sociaux, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de prise en charge de M. [E].

En premier lieu, si les chefs dont il a été relaxé concernent des faits reprochés à M. [E] alors qu'il était directeur général de la Semalrep et de co-gérant de la société Scrim, l'existence d'un engagement obligeant ces sociétés à payer les honoraires d'avocat assurant la défense de ses intérêts pour des faits qui lui étaient reprochés alors qu'il était leur dirigeant n'est pas établi. Dans ces circonstance, le tribunal a considéré à juste titre qu'aucune convention ne prévoyait pas d'obligations contractuelles à la charge des sociétés de supporter le coût de la défense de leur mandataire social.

En deuxième lieu, l'appelant ne saurait utilement se prévaloir d'un mandat régi par l'article 2000 du code civil aux termes duquel 'le mandant doit aussi indemniser le mandataire des pertes que celui-ci a essuyées à l'occasion de sa gestion, sans imprudence qui lui soit imputable', pour fonder sa demande de prise en charge de ses frais de défense. En effet, les fonctions de directeur général et de co-gérant d'une société ne se limitent pas à celle d'un simple mandataire qui représente la société dans des actes juridiques dans la mesure où il dispose de pouvoirs de gestion dont la définition ne dépend pas de la personne morale mandante mais de la loi.

En outre, à supposer qu'il puisse être qualifié de mandataire des sociétés Semalrep et Scrim au sens de l'article 2000 précité, la cour observe que les frais de défense dont il demande la prise en charge, ne sont pas nés à l'occasion de l'exécution de son mandat, dès lors que seule sa responsabilité a été recherchée lors de l'enquête pénale et que les intimées n'ont pas été mises en cause.

En troisième lieu, s'il a été relaxé partiellement, la cour relève, comme le tribunal, qu'il a été déclaré coupable de blanchiment de fraude fiscale, en sorte que les faits pour lesquels il a supporté des coûts de défense ne peuvent être considérés au même titre que s'il avait été totalement relaxé, étant observé que cette dernière hypothèse, la prise en charge des honoraires de défense supposent une convention entre la société et son dirigeant.

Enfin, il ne peut pas non plus utilement soutenir que les intimés doivent prendre en charge ces frais en se fondant sur le statut des salariés. En effet, ces derniers étant par la loi soumis au pouvoir de direction et de contrôle de l'employeur et sous sa subordination juridique, ce dernier est obligé de les garantir en raison des actes ou faits qu'ils passent ou accomplissent en exécution du contrat de travail, ce qui n'est pas le cas d'un mandataire social fut-il contraint dans l'exercice de ses fonctions par des textes ou des décisions d'autres organes sociaux.

De la même manière, l'analogie avec le statut des agents publics défini par l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 est inopérante puisque la protection fonctionnelle dont bénéficie les fonctionnaires faisant l'objet de poursuites pénales, sauf faute personnelle détachable de l'exercice de leurs fonctions, découle de leur fonction même et ce faisant du fait qu'ils sont chargés d'une mission de service public.

En quatrième lieu et en tout état de cause, comme le soulignent les sociétés Semalrep et Scrim dans leurs lettres du 3 mars 2020 en réponse aux demandes de prise en charge par M. [E], force est de constater que les intimées n'ont pas été personnellement mises en cause dans les procédures instruites à l'encontre de M. [E] alors qu'elles auraient pu être également poursuivies s'il était démontré que les infractions reprochées à l'appelant, qui était alors directeur général et co-gérant de ces sociétés, avaient été commises pour leur compte par l'organe social les représentant.

En effet, l'article L. 121-2, alinéa 2, du code pénal, dispose que 'les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants', étant observé que la responsabilité pénale de la société se cumule avec celle des dirigeants en application de l'article L. 121-2, alinéa 3, du même code. Il en résulte que le moyen selon lequel l'obligation de prise en charge des frais de défense est renforcée du fait de la propre responsabilité pénale de la société n'est pas fondé.

En dernier lieu, n'est pas non plus fondé le moyen tiré de la violation du droit à un procès équitable fondé sur l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que seule la responsabilité de l'appelant était recherchée d'une part, et qu'il est constant que M. [E] a bénéficié de l'assistance d'un avocat tout au long des cinq années de la procédure qui le concernait d'autre part.

De manière surabondante, la cour observe que la note d'honoraires versée aux débats ne permet pas en tout état de cause de faire le départ entre les honoraires dus au titre des faits pour lesquels M. [E] a été relaxé et ceux pour lesquels il a été condamné.

Au regard de ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de prise en charge de ses frais d'avocats par les sociétés Semalrep et Scrim.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement;

Y ajoutant

Condamne M. [G] [E] aux dépens dont le montant sera recouvré conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,