Décisions
Cass. crim., 15 mai 2024, n° 23-86.413
COUR DE CASSATION
Autre
Rejet
N° C 23-86.413 F-D
N° 00600
MAS2
15 MAI 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 15 MAI 2024
M. [D] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 12 octobre 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentatives de meurtre, extorsion et tentative, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraires, aggravés, en récidive, vol aggravé, associations de malfaiteurs, refus d'obtempérer et dégradations aggravées, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 22 décembre 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [D] [P], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mmes [E] [W] [X] et [A] [I] [B] [C], de MM. [L] [H], [F] [M], [O] [V], [O] [T], et des sociétés [3] SA [1] et SA [2], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 avril 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 6 janvier 2022 à 18 heures 40, les fonctionnaires de police de [Localité 4] ont intercepté un véhicule dont les occupants étaient soupçonnés d'avoir commis un enlèvement puis, après échanges de tirs d'armes à feu, ont interpellé ces derniers, le conducteur étant M. [D] [P].
3. Les données extraites d'un téléphone, placé sous scellé le même jour à 22 heures, ont permis de réaliser de nombreuses investigations.
4. M. [P] a été mis en examen le 8 janvier 2022.
5. Par déclaration du 8 juillet suivant, il a déposé une requête en nullité.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [P] et tous les moyens s'y trouvant développés et a dit n'y avoir lieu à autre moyen de nullité de la procédure de la cote D 1 à la cote D 8315, alors :
« 1°/ qu'en matière de flagrance, les agents de police judiciaire peuvent appréhender un objet suspect afin de le remettre à un officier de police judiciaire à condition que la procédure permette d'établir que les circonstances d'appréhension et de conservation de cet objet ont été exclusives de toute atteinte à son intégrité ; qu'à ce titre, il doit ressortir de la procédure que les objets ont été appréhendés par l'agent de police judiciaire agissant en flagrance, qu'ils ont été remis dans les meilleurs délais à l'officier de police judiciaire et que des mesures ont été prises pour garantir leur intégrité ; qu'en l'espèce, pour écarter la nullité de la saisie d'un téléphone Samsung sans qu'il soit fait mention par aucun acte de la procédure de son appréhension et de sa conservation par les agents de police judiciaire qui avaient agi en flagrance, la chambre de l'instruction a retenu que l'appréhension d'objets utiles à l'enquête par agents de police judiciaire intervenant sur une scène de crime n'était soumise à aucune formalité en raison des difficultés inhérentes à une interpellation en flagrance (arrêt, p. 46 § 9) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs contraires au principe susvisé, la cour d'appel a violé les articles 54 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que seuls les actes de procédure peuvent établir de la régularité de la procédure laquelle ne peut faire l'objet d'une reconstitution a posteriori , par les seuls témoignages des enquêteurs; qu'en l'espèce, pour écarter la nullité de la saisie et mise sous scellés d'un téléphone Samsung dont les conditions d'appréhension et de conservation avant la mise sous scellé ne sont établies par aucun acte de la procédure, la chambre de l'instruction a retenu que le juge d'instruction avait postérieurement demandé à entendre les enquêteurs sur les conditions d'appréhension et de conservation du téléphone et qu'il en résultait qu'un enquêteur avait trouvé le téléphone à proximité du véhicule et l'aurait remis au chef de poste du commissariat, lequel ne s'en souvient cependant pas (arrêt, p. 46 in fine et p. 47 § 1) ; qu'en rejetant la demande de nullité dans ces conditions, la cour d'appel a violé les articles 54, 170, 171, 173, 174, 206 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que ne peuvent figurer au dossier que les pièces à conviction qui ont été régulièrement saisies et placées sous scellés; qu'en retenant, pour refuser de prononcer la nullité de la saisie et de la mise sous scellés du téléphone Samsung que la question de la présence du téléphone sur la scène de crime « sera, le cas échéant, appréciée par la juridiction du fond, sans que, pour autant, une quelconque nullité ne soit encourue » (arrêt, p. 47 § 5), la chambre de l'instruction a violé les articles 54, 170, 171, 173, 174, 206 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour écarter la requête en annulation, l'arrêt attaqué énonce que le procès-verbal de saisine et d'interpellation rédigé par l'agent de police judiciaire précise les conditions dans lesquelles les indices ont été appréhendés sur place, à l'exception du téléphone, dont il n'est pas fait mention, alors que le procès-verbal de saisie et de placement sous scellés, établi par la suite, par l'officier de police judiciaire, en fait état.
8. Les juges relèvent que cette absence de mention sur le procès-verbal de saisine et d'interpellation ne saurait caractériser une irrégularité dans la mesure où l'agent de police judiciaire qui intervient sur une scène de crime n'est tenu au respect d'aucune formalité pour appréhender les objets utiles à l'enquête.
9. Ils ajoutent qu'aucun procès-verbal ne mentionne l'appréhension du téléphone sur le lieu des faits, mais que, entendu à l'occasion d'un supplément d'information, l'agent de police judiciaire intervenu sur les lieux a expliqué qu'il avait ramassé le téléphone au sol, près du véhicule conduit par le demandeur, lors de son interpellation, et l'avait apporté, avec les autres indices découverts sur les lieux, au commissariat de police, où il avait été placé, avec les autres objets trouvés sur place, dans une enveloppe, remise au chef de poste, dans l'attente de l'arrivée de l'officier de police judiciaire.
10. Ils précisent que l'officier de police judiciaire, lui aussi entendu, a expliqué qu'il avait dressé les procès-verbaux de saisie et de placement sous scellés des objets contenus dans cette enveloppe, parmi lesquels le téléphone du demandeur.
11. En l'état de ces énonciations, l'arrêt attaqué n'a pas encouru les griefs allégués.
12. En effet, si la présence du téléphone n'est pas indiquée dans le procès-verbal de saisine, sa découverte sur les lieux de l'interpellation et l'intégrité des données qu'il contient sont établies par les autres pièces de la procédure, ce dont il résulte que l'irrégularité critiquée n'a pas porté atteinte aux intérêts du demandeur.
13. Ainsi, le moyen ne peut qu'être écarté.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. [D] [P] devra payer aux parties représentées par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat à la Cour, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille vingt-quatre.
N° 00600
MAS2
15 MAI 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 15 MAI 2024
M. [D] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 12 octobre 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentatives de meurtre, extorsion et tentative, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraires, aggravés, en récidive, vol aggravé, associations de malfaiteurs, refus d'obtempérer et dégradations aggravées, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 22 décembre 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [D] [P], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mmes [E] [W] [X] et [A] [I] [B] [C], de MM. [L] [H], [F] [M], [O] [V], [O] [T], et des sociétés [3] SA [1] et SA [2], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 avril 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 6 janvier 2022 à 18 heures 40, les fonctionnaires de police de [Localité 4] ont intercepté un véhicule dont les occupants étaient soupçonnés d'avoir commis un enlèvement puis, après échanges de tirs d'armes à feu, ont interpellé ces derniers, le conducteur étant M. [D] [P].
3. Les données extraites d'un téléphone, placé sous scellé le même jour à 22 heures, ont permis de réaliser de nombreuses investigations.
4. M. [P] a été mis en examen le 8 janvier 2022.
5. Par déclaration du 8 juillet suivant, il a déposé une requête en nullité.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [P] et tous les moyens s'y trouvant développés et a dit n'y avoir lieu à autre moyen de nullité de la procédure de la cote D 1 à la cote D 8315, alors :
« 1°/ qu'en matière de flagrance, les agents de police judiciaire peuvent appréhender un objet suspect afin de le remettre à un officier de police judiciaire à condition que la procédure permette d'établir que les circonstances d'appréhension et de conservation de cet objet ont été exclusives de toute atteinte à son intégrité ; qu'à ce titre, il doit ressortir de la procédure que les objets ont été appréhendés par l'agent de police judiciaire agissant en flagrance, qu'ils ont été remis dans les meilleurs délais à l'officier de police judiciaire et que des mesures ont été prises pour garantir leur intégrité ; qu'en l'espèce, pour écarter la nullité de la saisie d'un téléphone Samsung sans qu'il soit fait mention par aucun acte de la procédure de son appréhension et de sa conservation par les agents de police judiciaire qui avaient agi en flagrance, la chambre de l'instruction a retenu que l'appréhension d'objets utiles à l'enquête par agents de police judiciaire intervenant sur une scène de crime n'était soumise à aucune formalité en raison des difficultés inhérentes à une interpellation en flagrance (arrêt, p. 46 § 9) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs contraires au principe susvisé, la cour d'appel a violé les articles 54 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que seuls les actes de procédure peuvent établir de la régularité de la procédure laquelle ne peut faire l'objet d'une reconstitution a posteriori , par les seuls témoignages des enquêteurs; qu'en l'espèce, pour écarter la nullité de la saisie et mise sous scellés d'un téléphone Samsung dont les conditions d'appréhension et de conservation avant la mise sous scellé ne sont établies par aucun acte de la procédure, la chambre de l'instruction a retenu que le juge d'instruction avait postérieurement demandé à entendre les enquêteurs sur les conditions d'appréhension et de conservation du téléphone et qu'il en résultait qu'un enquêteur avait trouvé le téléphone à proximité du véhicule et l'aurait remis au chef de poste du commissariat, lequel ne s'en souvient cependant pas (arrêt, p. 46 in fine et p. 47 § 1) ; qu'en rejetant la demande de nullité dans ces conditions, la cour d'appel a violé les articles 54, 170, 171, 173, 174, 206 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que ne peuvent figurer au dossier que les pièces à conviction qui ont été régulièrement saisies et placées sous scellés; qu'en retenant, pour refuser de prononcer la nullité de la saisie et de la mise sous scellés du téléphone Samsung que la question de la présence du téléphone sur la scène de crime « sera, le cas échéant, appréciée par la juridiction du fond, sans que, pour autant, une quelconque nullité ne soit encourue » (arrêt, p. 47 § 5), la chambre de l'instruction a violé les articles 54, 170, 171, 173, 174, 206 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour écarter la requête en annulation, l'arrêt attaqué énonce que le procès-verbal de saisine et d'interpellation rédigé par l'agent de police judiciaire précise les conditions dans lesquelles les indices ont été appréhendés sur place, à l'exception du téléphone, dont il n'est pas fait mention, alors que le procès-verbal de saisie et de placement sous scellés, établi par la suite, par l'officier de police judiciaire, en fait état.
8. Les juges relèvent que cette absence de mention sur le procès-verbal de saisine et d'interpellation ne saurait caractériser une irrégularité dans la mesure où l'agent de police judiciaire qui intervient sur une scène de crime n'est tenu au respect d'aucune formalité pour appréhender les objets utiles à l'enquête.
9. Ils ajoutent qu'aucun procès-verbal ne mentionne l'appréhension du téléphone sur le lieu des faits, mais que, entendu à l'occasion d'un supplément d'information, l'agent de police judiciaire intervenu sur les lieux a expliqué qu'il avait ramassé le téléphone au sol, près du véhicule conduit par le demandeur, lors de son interpellation, et l'avait apporté, avec les autres indices découverts sur les lieux, au commissariat de police, où il avait été placé, avec les autres objets trouvés sur place, dans une enveloppe, remise au chef de poste, dans l'attente de l'arrivée de l'officier de police judiciaire.
10. Ils précisent que l'officier de police judiciaire, lui aussi entendu, a expliqué qu'il avait dressé les procès-verbaux de saisie et de placement sous scellés des objets contenus dans cette enveloppe, parmi lesquels le téléphone du demandeur.
11. En l'état de ces énonciations, l'arrêt attaqué n'a pas encouru les griefs allégués.
12. En effet, si la présence du téléphone n'est pas indiquée dans le procès-verbal de saisine, sa découverte sur les lieux de l'interpellation et l'intégrité des données qu'il contient sont établies par les autres pièces de la procédure, ce dont il résulte que l'irrégularité critiquée n'a pas porté atteinte aux intérêts du demandeur.
13. Ainsi, le moyen ne peut qu'être écarté.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. [D] [P] devra payer aux parties représentées par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat à la Cour, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille vingt-quatre.