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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 7 mai 2024, n° 23/01011

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Eurogroup (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pascot

Conseillers :

M. Vetu, M. Lecler

Avocats :

Me Michot, Me Abbou, Me Clerc, Me Bendrihem

CA Poitiers n° 23/01011

6 mai 2024

EXPOSÉ DU LITIGE :

Dans le cadre d'un programme de défiscalisation, Monsieur [S] [E] et son épouse, Madame [G] [E] (ci-après désignée les époux [E]) ont acquis en l'état futur d'achèvement auprès de la société civile immobilière du Domaine, promoteur, les lots 24 et 69 dépendant de la résidence de tourisme [13], située à [Localité 12], [Adresse 11], et consistant notamment en une villa de type [8] portant le numéro 92.

Par acte sous seing privé du 09 septembre 2002, intitulé ' Bail commercial ', les époux [E] ont confié à la société Gestion Patrimoine Loisirs l'exploitation du lot numéro 95 pour une durée de neuf années débutant au lendemain du jour de l'achèvement de l'immeuble ou de la date d'acquisition pour s'achever au 31 décembre de la neuvième année, soit le 31 décembre 2013.

Cet acte stipule en son article 1er alinéa 4 que si le bailleur ne souhaite pas renouveler le bail à son échéance ou en cas de résiliation avant le terme, le preneur s'engage à ne pas demander d'indemnité d'éviction.

Suivant courrier en date du 16 mai 2007, les époux [E] ont été avisés de la reprise du bail commercial par la société [Localité 12], filiale de la société Eurogroup, ayant pour objet social la gestion de résidence de tourisme et d'ensembles para-hôteliers et qui commercialise des séjours dans des résidences et hôtels, notamment sous l'enseigne ' Madame Vacances '.

Par acte d'huissier en date du 30 juin 2016, intitulé ' Congé comportant refus de renouvellement sans paiement d'une indemnité d'éviction ', les époux [E] ont notifié à la SARL [Localité 12] leur décision de mettre un terme au bail pour le 31 décembre 2013.

La société [Localité 12] a contesté la validité de ce congé.

Le 24 décembre 2018, ladite société a attrait les époux [E] devant le tribunal de grande instance des Sables d'Olonne, devenu le tribunal judiciaire aux fins de voir :

- Déclarer nul et de nul effet le congé sans offre de renouvellement ni offre de payer une indemnité d'éviction en date du 30 juin 2016,

- Dire en conséquence que le bail commercial conclu le 09 septembre 2002 se poursuit par tacite prorogation,

- Constater la voie de fait commise par les époux [E] et l'éviction sans droit ni titre de la société [Localité 12] des locaux donnés à bail,

- Ordonner sa réintégration immédiate,

- Ordonner l'expulsion des époux [E] et tous occupants de leur chef,

- Les condamner solidairement à la restitution des clés sous astreinte,

- Leur faire interdiction de changer les serrures, de conserver un jeu de clés et de se maintenir dans les lieux directement ou par personne interposée, au-delà des périodes d'occupation personnelle contractuelles, de consentir un bail ou un mandat de gestion ou tout contrat d'exploitation à un tiers sur les locaux dont s'agit, tant que la société [Localité 12] disposera d'un titre locatif ou sera en attente du paiement de l'indemnité d'éviction,

- Les condamner solidairement à lui payer une somme de 8.000 euros par mois à compter du 1er juillet 2016 jusqu'à restitution effective des lieux et complète réintégration à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi consécutif à la voie de fait, la dépossession des lieux, les pertes d'exploitation subséquentes, les actes de concurrence déloyale,

- Les condamner solidairement à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par acte en date du 23 avril 2021, les époux [E] ont appelé à la cause la société Eurogrup à l'effet de la voir condamner à règler toutes les sommes susceptibles d'être mises à la charge de la société [Localité 12], en cas de défaillance de cette dernière, au titre de leurs demandes reconventionnelles dans l'instance principale.

Par jugement en date du 17 janvier 2023, le tribunal judiciaire des Sables d'Olonne a statué ainsi :

- Rappelle que le bail consenti le 09 septembre 2002 par Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] à la société Gestion Patrimoine Loisirs à laquelle a succédé la société [Localité 12], est un bail commercial ;

- Déboute en conséquence Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] de leur demande reconventionnelle aux fins de voir dire et juger que la convention conclue le 09 septembre 2002 n'est pas un bail commercial ;

- Déclare le congé délivré le 30 juin 2016 par Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] à la société [Localité 12], sans offre de renouvellement ni offre de payer une indemnité d'éviction, visant les locaux donnés à bail commercial à cette société à savoir la villa [8] n°92 située [Adresse 7] à [Localité 12] (Vendée) nul et de nul effet ;

- Dit que le bail commercial conclu entre Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] d'une part, et la société [Localité 12], d'autre part, le 09 septembre 2002, se poursuit par tacite prolongation ;

- Déboute Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] de leur demande reconventionnelle de résiliation judiciaire du bail commercial ;

- Déboute la société [Localité 12] de ses demandes en réintégration, restitution des clés des lieux loués sous astreinte, expulsion, interdiction sous astreinte de changer les serrures, de conserver un jeu de clés, de se maintenir dans les lieux, de consentir des contrats à un tiers ;

- Déboute la société [Localité 12] de ses demandes de dommages et intérêts et indemnité mensuelle pour dépossession, privation de jouissance et actes de concurrence déloyale ;

- Déboute Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] de leurs demandes reconventionnelles en indemnisation de perte de loyers, en remboursement de charges, de leur demande au titre d'une violation du devoir d'information et de loyauté et demande subséquente en compensation, formées contre la société [Localité 12] et la société Eurogroup ;

- Déboute Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Met hors de cause la société Eurogroup ;

- Condamne solidairement Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] à verser à la société [Localité 12] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne solidairement Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] à verser à la société Eurogroup la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette la demande d'indemnité pour frais irrépétibles formée par Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] ;

- Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires au présent dispositif ;

- Condamne solidairement Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] aux entiers dépens, incluant les frais de traduction de l'assignation, du jugement et de sa signification, lesquels pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Cécile Larcher, Avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Par déclaration en date du 28 avril 2023, les époux [E] ont relevé appel de cette décision en visant les chefs expressément critiqués en intimant les sociétés [Localité 12] et Eurogroup (RG n° 23/01011).

Par déclaration en date du 04 mai 2023, les sociétés [Localité 12] et Eurogroup ont relevé appel de cette décision en visant les chefs expressément critiqués en intimant les époux [E] (RG n° 23/01041).

Par ordonnance en date du 10 mai 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures n° RG 23/01041 et 23/01011 et dit que la procédure sera poursuivie sous le n° RG 23/01011.

Les époux [E], par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 24 janvier 2024, demandent à la cour de :

- Juger recevable et bien fondé l'appel des époux [E],

Y faisant droit, réformer et statuer à nouveau,

In limine litis,

- Déclarer prescrite l'action formée par la société [Localité 12] aux fins de requalification du contrat en bail commercial ;

- Débouter en conséquence les sociétés [Localité 12] et Eurogroup de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre principal,

- Dire et juger le congé signifié le 30 juin 2016 à l'initiative des époux [E] de plein effet depuis le 31 décembre 2016 ;

- Dire et juger que la convention conclue entre la Gestion Patrimoine Loisirs et les époux [E] le 9 septembre 2002 n'est pas un bail commercial et ne saurait être interprété comme tel,

- Condamner in solidum les sociétés [Localité 12] et Eurogroup à régler aux époux [E] une somme mensuelle 1600 euros au titre de la perte de loyers causée depuis le 1er avril 2017 ;

- Condamner in solidum les sociétés [Localité 12] et Eurogroup à régler aux époux [E] la somme de 25.010,37 euros en remboursement des charges avancées pour le compte du locataire ;

A titre subsidiaire,

- Prononcer la resiliation du contrat aux torts exclusifs de la société [Localité 12],

- Dire et juger que l'acte délivré par exploit d'huissier le 30 juin 2016, vaut dénonciation de cette convention à échéance assorti d'un préavis suffisant,

- Constater que les parties ont expressément exclu toute indemnité ;

- Dire n'y avoir pas lieu indemnité ;

- Dire et juger qu'en tout état de cause, l'action de la société [Localité 12] tendant à la requalification du contrat litigieux en bail commercial, est prescrite ;

- Débouter en conséquence les sociétés [Localité 12] Eurogroup de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre infiniment subsidiaire, si la qualification de bail commercial était retenue,

- Dire et juger que le congé délivré par les époux [E] par exploit d'huissier du 30 juin 2016 produit ses effets et que le bail conclu le 09 septembre 2002 est arrivé à son terme le 31 décembre 2016,

- Dire et juger que l'article L145-15 du Code de commerce issu de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 n'est pas applicable à ce bail conclu le 09 septembre 2002,

- Dire et juger la société [Localité 12] irrecevable en sa demande de nullité de l'article 1 alinéa 4 du bail conclu le 9 septembre 2002,

- Débouter en conséquence les sociétés [Localité 12] et Eurogroup de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Sur la résiliation du bail,

Vu l'article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable à la convention liant les parties,

- Prononcer la résiliation judiciaire du bail conclu le 9 septembre 2002 aux torts de la société [Localité 12],

- Dire n'y avoir pas lieu à indemnité d'éviction,

Très subsidiairement,

- Ordonner une expertise pour fixer le montant d'une indemnité d'éviction, aux frais avancés de la société [Localité 12]

A titre incident,

Vu les articles 1231-1 et 1240 du code civil,

- Condamner in solidum les sociétés [Localité 12] et Eurogroup à régler aux époux [E] la perte de loyers subie depuis le 1er avril 2017,

- Condamner in solidum les sociétés [Localité 12] et Eurogroup à rembourser aux époux [E] la somme de 25.010,37 euros au titre des charges avancées pour le compte du locataire ;

- Dire et juger que les sociétés [Localité 12] et Eurogroup ont manqué à leur devoir d'information et de loyauté à l'égard des époux [E],

- Condamner in solidum les sociétés [Localité 12] et Eurogroup à payer aux époux [E] des dommages-intérêts d'un montant équivalent aux sommes qui seraient mises à leur charge ;

- Ordonner la compensation des sommes dues par les sociétés [Localité 12] et Eurgroup aux époux [E] avec celles qui seraient éventuellement mises à la charge des époux [E],

En tout état de cause,

- Condamner in solidum les sociétés [Localité 12] et Eurogroup à régler aux époux [E] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum les sociétés [Localité 12] et Eurogroup aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Tapon Michot, avocats au barreau de Poitiers.

Les sociétés [Localité 12] et Eurogroup, par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 27 octobre 2023, demandent à la cour de :

- Déclarer Monsieur [S] [H] [E] et Madame [G] [U] [E] irrecevables en leur demande de sursis à statuer, En tout état de cause, les déclarer mal fondés en cette demande et les en débouter

- Statuant dans la limite des conclusions d'appel des époux [E], conformément aux dispositions des articles 909, 910-1 et 954 du Code de procédure civile,

- Déclarer Monsieur [S] [H] [E] et son épouse Madame [G] [U] [E] infondés en leur appel ainsi qu'en toutes leurs prétentions et confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Rappelé que le bail consenti le 09 septembre 2002 par Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] à la société Gestion Patrimoine Loisirs à laquelle a succédé la société [Localité 12], est un bail commercial ;

- Débouté en conséquence Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] de leur demande reconventionnelle aux fins de voir dire et juger que la convention conclue le 09 septembre 2002 n'est pas un bail commercial ;

- Déclaré le congé délivré le 30 juin 2016 par Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] à la société [Localité 12], sans offre de renouvellement ni offre de payer une indemnité d'éviction, visant les locaux donnés à bail commercial à cette société à savoir la villa [8] n°92 située [Adresse 7] à [Localité 12] (Vendée) nul et de nul effet ;

- Dit que le bail commercial conclu entre Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] d'une part, et la société [Localité 12], d'autre part, le 09 septembre 2002, se poursuit par tacite prolongation ;

- Débouté Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] de leur demande reconventionnelle de résiliation judiciaire du bail commercial ;

- Débouté Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] de leurs demandes reconventionnelles en indemnisation de perte de loyers, en remboursement de charges, de leur demande au titre d'une violation du devoir d'information et de loyauté et demande subséquente en compensation, formées contre la société [Localité 12] et la société Eurogroup ;

- Débouté Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- Mis hors de cause la société Eurogroup ;

- Condamné solidairement Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] à verser à la société [Localité 12] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné solidairement Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] à verser à la société Eurogroup la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté la demande d'indemnité pour frais irrépétibles formée par Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] ;

- Condamné solidairement Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] aux entiers dépens ;

Pour le surplus ;

- Recevoir la société [Localité 12] en son appel incident et le dire bien fondé,

En conséquence, y faisant droit Infirmer le Jugement dont appel en ce qu'il a :

- débouté la société [Localité 12] de ses demandes en réintégration, restitution des clés des lieux loués sous astreinte, expulsion, interdiction sous astreinte de changer les serrures, de conserver un jeu de clés, de se maintenir dans les lieux, de consentir des contrats à des tiers,

- débouté la société [Localité 12] de ses demandes de dommages et intérêts et indemnité mensuelle pour dépossession, privation de jouissance et actes de concurrence déloyale,

- débouté la société [Localité 12] de ses autres demandes plus amples ou contraires au présent dispositif.

Statuant à nouveau de ces chefs,

- Ordonner la réintégration immédiate de la société [Localité 12] dans les lieux pris à bail, savoir la villa portant le numéro 92 située dans le [Adresse 6], [Adresse 11] à [Localité 12]. si besoin avec le concours de la force publique,

- Condamner solidairement Monsieur [S] [H] [E] et son épouse Madame [G] [U] [E], à restituer à la Société [Localité 12], la jouissance des lieux, à lui remettre les clefs de la villa portant le numéro 92 située dans le [Adresse 6], à lui transmettre tous les moyens d'accès et code d'activation de l'alarme, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de la décision à intervenir sur ce point,

- En tout état de cause, ordonner l'expulsion immédiate des lieux loués des Époux [E], ainsi que celle de tous occupants de leur chef,

- Faire interdiction à Monsieur [S] [H] [E] et à son épouse Madame [G] [U] [E], sous astreinte de 500 euros par jour et infraction constatée, de changer les serrures, de conserver un jeu de clés, et de se maintenir dans les lieux directement ou par personne interposée, au-delà des périodes d'occupation personnelles contractuelles, de consentir un bail ou un mandat de gestion ou tout contrat d'exploitation à un tiers sur les locaux dont s'agit, tant que la société [Localité 12] disposera d'un titre locatif ou sera en attente du paiement de l'indemnité d'éviction ;

- Condamner solidairement Monsieur [S] [H] [E] et son épouse Madame [G] [U] [E], à payer à la [Localité 12] une somme de 75.500 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages-intérêts pour la dépossession des lieux et la privation de jouissance à compter du 1er Juillet 2016, date à laquelle elle a été évincée des lieux sans droit ni titre, pour le trouble commercial occasionné, pour les pertes de jouissance et d'exploitation du bien loué entre le 1er juillet 2016 et le 31 décembre 2022 et pour les actes de concurrence déloyale commis à son préjudice.

- Condamner solidairement Monsieur [S] [H] [E] et son épouse Madame [G] [U] [E], à payer à la [Localité 12], à titre de dommages et intérêts pour la dépossession des lieux et la privation de jouissance pour la période postérieure au 31 décembre 2022 et jusqu'à parfaite restitution une indemnité, sauf à parfaire de 899 euros par mois

Subsidiairement, si par impossible la cour devait dire le congé régulier, et de nature à mettre fin au bail commercial, ou encore refuser la réintégration dans les lieux,

- Déclarer non écrite par application des dispositions d'ordre public de l'article L145-15 du Code de commerce, la clause de renonciation du preneur à l'indemnité d'éviction figurant à l'article 1 alinéa 4 du bail commercial du 9 septembre 2002,

- En toute hypothèse, déclarer la société [Localité 12] recevable à se prévaloir par voie d'exception de la nullité de ladite clause de renonciation du preneur au bénéfice d'une indemnité d'éviction, telle qu'insérée à l'article 1 alinéa 4 du bail commercial litigieux, en application de l'article L 145-15 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la Loi du 18 Juin 2014,

- En conséquence, déclarer la société [Localité 12] bien fondée en sa demande de paiement d'une indemnité d'éviction, en application des articles L145-14 et suivants du Code de commerce,

- Avant dire droit sur ce point, désigner, aux frais avancés de Monsieur [S] [H] [E] et son épouse Madame [G] [U] [E], tel expert qu'il plaira à la Cour de nommer aux fins de chiffrer ladite indemnité, selon les critères fixés par l'article L 145-14 du Code du commerce,

- Dire que l'expert accomplira sa mission selon les règles d'usage en semblable matière, après avoir convoqué et entendu les parties, s'être rendu sur place, avoir visité les lieux loués ou tout autre bien qu'il estimera utile, s'être fait communiquer tout dire, avoir interrogé ou entendu tout sachant, le tout dans le respect du contradictoire, et lui impartir un délai pour déposer son rapport,

- Dans l'attente de la fixation définitive de ladite indemnité d'éviction, condamner solidairement Monsieur [S] [H] [E] et son épouse Madame [G] [U] [E] à payer à la Société [Localité 12], à titre provisionnel de ce chef, une somme de 20.000 euros, sauf à parfaire,

- Condamner solidairement Monsieur [S] [H] [E] et son épouse Madame [G] [U] [E], à payer à la [Localité 12] une somme de 75.500 €, sauf à parfaire, à titre de dommages-intérêts pour la dépossession des lieux et la privation de jouissance à compter du 1er Juillet 2016, date à laquelle elle a été évincée des lieux sans droit ni titre, pour le trouble commercial occasionné, pour les pertes de jouissance et d'exploitation du bien loué entre le 1er Juillet 2016 et le 31 Décembre 2022 et pour les actes de concurrence déloyale commis à son préjudice.

- Condamner solidairement Monsieur [S] [H] [E] et son épouse Madame [G] [U] [E], à payer à la [Localité 12], à titre de dommages et intérêts pour la dépossession des lieux et la privation de jouissance pour la période postérieure au 31 décembre 2022 et jusqu'à parfaite restitution des lieux ou à défaut, paiement de l'indemnité d'éviction. une indemnité, sauf à parfaire de 899 euros par mois,

En tout état de cause,

- Débouter les Époux [E], de toutes leurs demandes, fins et conclusions ou toute demande contraire au présent dispositif,

- Condamner solidairement Monsieur [S] [H] [E] et son épouse Madame [G] [U] [E] à payer à la société [Localité 12] une somme de 12.000 euros en application de l'Article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- Condamner solidairement Monsieur [S] [H] [E] et son épouse Madame [G] [U] [E] à payer à la Société Eurogroup une somme de 6.000 euros en application de l'Article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- Condamner solidairement Monsieur [S] [H] [E] et son épouse Madame [G] [U] [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui incluront les frais de traduction de l'assignation, du jugement, de l'arrêt à intervenir et des actes de signification, dont distraction au profit de Maître Jérôme Clerc, Avocat constitué, conformément aux dispositions des Articles 695-2 et 699 du Code de Procédure Civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la demande des époux [E] tendant à voir déclarer prescrite l'action de la société [Localité 12] :

Les époux [E] font valoir que l'action en reconnaissance d'un bail commercial est soumise au délai de prescription de deux ans en application de l'article L 145-60 du code de commerce.

Une telle demande constitue une prétention.

L'article 910-4 al 1 du code de procédure civile dispose notamment : 'A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.'.

Or, conformément aux observations de la société [Localité 12], la cour constate que la prétention concernant la prescription, si elle est mentionnée aux conclusions déposées le 24 janvier 2024, ne figurait pas au dispositif des conclusions des appelants déposées le 27 juillet 2023, soit dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile.

Les époux [E] seront donc déclarés irrecevables en leur demande de prescription.

Et en tout état de cause, la cour constate que la société [Localité 12] n'a pas agi en requalification d'un bail en bail commercial mais en demande de nullité de congé.

La cour déclarera les époux [E] irrecevables en leur demande tendant à constater la prescription de l'action de la société [Localité 12].

2) Sur le congé comportant refus de renouvellement du bail sans paiement d'une indemnité d'éviction :

Il conviendra au préalable de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le bail litigieux était de nature commerciale, comme le rappelle la lettre même de l'intitulé du contrat, et la nature des prestations de la société [Localité 12] qui ne se borne pas à mettre le bien immobilier à la disposition de touristes dans le cadre de locations saisonnières, mais assure des prestations de service, ce qui caractérise l'exploitation de fonds de commerce.

Les époux [E] ont fait signifier à la société [Localité 12] un congé comportant refus de renouvellement sans paiement d'une indemnité d'éviction.

La cour constate que ce congé est régulier en la forme en ce :

- qu'il a été délivré par acte d'huissier le 30 juin 2018 pour la date du 31 décembre 2016,

- qu'il énonce deux motifs à savoir :

- la clause du bail de renonciation du preneur à l'indemnité d'éviction (article 4ème paragraphe),

- le fait de ne pas avoir payé la réparation des dégâts réalisés par les sous locataires après mise en demeure du 7 juin 2016 restée infructueuse,

- qu'il rappelle le délai de deux ans dont dispose le locataire pour saisir le tribunal, soit pour contester le congé, soit pour demander le paiement d'une indemnité d'éviction.

Il est constant que l'absence ou l'insuffisance de la motivation d'un congé avec refus de renouvellement, sans offre d'indemnité d'éviction, au regard des conditions énoncées par les articles L 145-14 et L 145-17 du code de commerce, laisse subsister le congé et le droit pour le preneur de prétendre au paiement d'une indemnité d'éviction.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré nul et de nul effet le congé litigieux. Il incombe dès lors à la cour de vérifier le bien fondé du motif de dénégation du droit au renouvellement sans indemnité d'éviction.

En droit, l'article 145-17 du code de commerce dispose en son paragraphe I :

'I.-Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité : 1° S'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant. Toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l'article L. 145-8, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa ; 2° S'il est établi que l'immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d'insalubrité reconnue par l'autorité administrative ou s'il est établi qu'il ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état.'

Il convient de déterminer si les deux motifs énoncés au congé et développés par les époux [E] dans leurs conclusions répondent aux exigences de l'article susvisé.

En ce qui concerne la clause de renonciation du locataire à réclamer une indemnité d'éviction, l'article L 145-15 du code de commerce dispose : 'Sont réputés non écrits, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145-4, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa de l'article L. 145-42 et des articles L. 145-47 à L. 145-54.' Si la sanction du non écrit résultant de la loi Pinel du 18 juin 2014 est intervenue en cours de bail, la Cour de Cassation (Civ 3° 19 novembre 2020, n° 19-20.405) a jugé que ce texte est applicable aux baux en cours. Les intimés ne sont donc pas recevables à se prévaloir de la clause litigieuse pour arguer d'un motif légitime pour refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité.

En ce qui concerne le fait de ne pas avoir payé la réparation des dégâts réalisés par les sous locataires, les époux [E] produisent en pièce n° 24, une lettre recommandée en date du 7 juin 2017 pour se prévaloir d'une mise en demeure restée infructueuse. La cour rappelle que l'article 145-17 du code de commerce susvisé précise : 'Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa'. Force est de constater que cette exigence légale n'a pas été respectée, par les bailleurs, tant au titre de la forme de la notification que de la teneur de l'information portée à la connaissance de la locataire.

Au vu de l'ensemble de ces observations, il convient dire qu'aucun des motifs légitimes prévus par la loi n'est caractérisé, qui permettrait aux bailleurs de se dispenser de payer une indemnité d'éviction au profit de la société [Localité 12].

Quant à la résiliation de plein droit du bail sans aucune formalité alléguée par les bailleurs en application de la clause n°8 de la convention, ce moyen est inopérant compte tenu de la nature commerciale du bail dont s'agit et du statut légal de la protection du locataire en application des articles L 145-4 et suivants du code de commerce.

3) Sur l'indemnité d'éviction :

La cour rappelle sur ce point que l'objet de l'indemnité est 'la réparation du préjudice causé au preneur par le refus du renouvellement du bail' (Civ 3° 7 novembre 1978).

L'article L 145-14 du code de commerce dispose en son 2ème alinéa : 'Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.'

Conformément aux demandes respectives de chacune des parties, et compte tenu de la complexité d'évaluation du montant de cette indemnité, la cour ordonnera avant dire droit une expertise dans les termes du dispositif du présent arrêt en vue de sa détermination. Dans un souci de célérité et pour prévenir toute difficulté, cette expertise sera effectuée aux frais avancés de la partie qui a le plus intérêt à cette mesure, la société [Localité 12] en l'occurrence. Il sera donc sursis à statuer sur la fixation du montant de l'indemnité jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.

En pièces 47 et 64, la société [Localité 12] produit des éléments comptables permettant de constater que sur les trois années comprises entre 2012 et 2015, le fonds de commerce '[Adresse 6]' composée de 59 lots génère un chiffre d'affaires moyen de l'ordre de 810.000 €. Au vu de ces chiffres, la société appelante est fondée en sa demande de provision à hauteur de 20.000 €. Il y sera fait droit.

4) Sur l'indemnité de dépossession sollicitée par la société [Localité 12] :

a) Sur le principe de l'indemnité de dépossession :

La société [Localité 12] prétend à la réparation du préjudice par elle subi (pertes de jouissance et d'exploitation) du fait qu'elle aurait été dépossédée de la villa des époux [E] qui ont repris les lieux, ce préjudice perdurant dans le temps, jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction.

Un désaccord existe entre les parties sur les circonstances dans lesquelles un changement de clés de la villa litigieuse est intervenu, chacune reprochant à l'autre d'en être l'auteur.

La société [Localité 12] se prévaut de deux procès-verbaux de constat d'huissier en date des12 juillet 2016 et 10 avril 2017. Le premier évoque la présence sur la villa n° 92 d'un boîtier portant l'inscription System Addict (manifestement une alarme anti-intrusion) et le second un changement de clés intervenu, de telle sorte que les 6 clés détenues par la société preneuse ne permettent pas d'ouvrir la porte de la villa.

Les époux [E], s'ils revendiquent la mise en place d'un dispositif anti-intrusion, contestent avoir changé les clés et font valoir :

- que le 8 juillet 2016 la réception leur a refusé la remise des clés de la villa n° 95 (constat d'huissier en pièce n° 21),

- que le 10 juillet 2016, il sont fait poser une alarme,

- que le 13 juillet 2016, ils ont constaté le changement de serrure,

- que le 14 juillet 2016, à la faveur de la présence de nouveaux arrivants, ils ont pu récupérer leurs affaires,

- que le 4 août 2016, ils ont fait délivrer une sommation de fournir un double des nouvelles clés (pièce n° 22),

- que ces clés leur ont été remises le jour même.

Ces éléments appellent les observations suivantes de la cour.

Le constat d'huissier du 8 juillet 2016 dans lequel il est établi qu'un employé a déclaré 'Je suis réceptionniste, je n'ai pas le droit de remettre les clés. Je ne fais qu'assurer l'accueil et la réception', et la délivrance d'une sommation de faire (restituer les clés) en date du 4 août 2016, dont il est simplement allégué - sans le moindre élément de preuve - qu'il y a été donné suite, ne démontrent strictement rien.

En revanche, les époux [E] conviennent que postérieurement à ce changement de clés, leur villa n'a pas été exploitée par la résidence de tourisme puisqu'ils affirment en page 20 de leurs conclusions qu'elle n'a pas été louée depuis juillet 2016. Ils demandent d'ailleurs réparation au titre de la perte de loyers par eux subie. Cette affirmation constitue un aveu. La société [Localité 12] dont l'objet est de tirer des bénéfices en exploitant des villas louées n'avait strictement aucun intérêt à rentrer en possession d'une unité d'hébergement pour ne rien en faire. Cet argument de bon sens combiné à la coïncidence entre le changement de clés litigieux et l'installation d'un système de sécurité reconnue par les bailleurs, permet d'établir sans le moindre doute que ce sont les époux [E] qui, au lendemain de la délivrance de leur congé, ont changé les serrures, en même temps qu'ils ont installé un dispositif anti-intrusion.

Il en résulte que la société [Localité 12] est fondée à solliciter réparation de son préjudice au titre de la dépossession d'une unité d'hébergement qu'elle était encore en droit d'exploiter en dépit du congé qui venait de lui être délivré - qui ne produisait effet qu'à la date du 31 décembre 2016 - et ce jusqu'à la date du paiement de l'indemnité d'éviction.

b) Sur l'évaluation de l'indemnité de dépossession :

La société [Localité 12] sollicite la réparation de son préjudice par l'allocation :

- d'une somme réparant son préjudice compris entre le 2 juillet 2016 jusqu'au 31 décembre 2022,

- d'une indemnité mensuelle à compter du 1er janvier 2023 jusqu'à la réintégration des lieux - étant entendu que compte tenu de ce qui précède, le terme sera le paiement de l'indemnité d'éviction sauf exercice du droit de repentir.

Le calcul proposé est le suivant :

Préjudice compris entre le 2 juillet 2016 jusqu'au 31 décembre 2022 :

' produits locatifs non perçus entre le 02-07-2016 et le 29-10-2016 (Tarif public 2016-EEA) 26.530 €

' produits locatifs non perçus entre le 01-04-2017 et le 28-10-2017 (Tarif public 2017-EEA): 38.249 €

' produits locatifs non perçus entre le 24-04-2018 et le 27-10-2018 (Tarif public 2018-EEA) : 39.760 €

' produits locatifs non perçus entre le 23-03-2019 et le 26-10-2019 (Tarif public 2019-EEA) 40.910 €

' produits locatifs non perçus entre le 27-06-2020 (ouverture post confinement

et le 24-10-2020 (Tarif public 2020-EEA) 30.480 €

' produits locatifs non perçus entre le 03-04-2021et le 23-10-2021 (Tarif public 2021-EEA) 42.740 €

' produits locatifs non perçus entre le 02-04-2021et le 05-11-2021 (Tarif public 2021-EEA) 44.795 €

Soit une perte totale de produits

d'exploitation entre 2016 et 2021 de : 263.464 €

soit après application du taux d'occupation moyen de 55,40%, une perte brute de 145.959 €

À déduire la charge des loyers en numéraire contractuellement dus sur la même période :

(145.959 € x 55%) - 80.277 €

Soit un préjudice minimal de 65.681 € arrondi à : 65.500 €

+ Trouble commercial et concurrence déloyale : + 10.000 €

Soit au total 75.500 €

Préjudice subi à compter du 1er janvier 2023 :

Une indemnité mensuelle de 899 € soit 1/12 ème de l'indemnité annuelle calculée ci-dessus (75.500/7 = 10.785 / 12 = 898,75 arrondi à 899 €.

Ces prétentions appellent les observations suivantes de la cour.

Indemnisation pour la période comprise entre le 2 juillet 2016 jusqu'au 31 décembre 2022 :

La cour adhère à la méthode de calcul telle que proposée par la société [Localité 12] qui consiste, à partir des produits locatifs théoriques non perçus, à appliquer le taux d'occupation, et d'en déduire les loyers dus par la locataire.

En l'espèce, les tarifs d'offre au public sont justifiés, ainsi que le taux d'occupation, et le pourcentage de 55% reversé aux bailleurs au titre des loyers en espèce.

S'agissant en revanche de l'indemnité complémentaire au titre du trouble commercial et de la concurrence déloyale, la société [Localité 12] ne démontre pas que les époux [E] auraient exploité eux-même leur villa en la proposant sur des sites d'offre en ligne à des prix concurrentiels, profitant ainsi de l'infrastructure financée par l'exploitant, de l'entretien de la résidence, de son organisation comme établissement commercial, de son gardiennage et de sa renommée.

Dès lors, l'indemnisation au titre de la période comprise entre le 2 juillet 2016 et le 31 décembre 2022 sera évaluée à la somme de 65.500 €.

Préjudice subi à compter du 1er janvier 2023 et jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction :

Mensualité de 65.500 € / (7 x 12) = 779,76 € arrondie à 779 €.

Les époux [E] seront condamnés à payer à la société [Localité 12] une indemnité mensuelle de 779 € à compter du 1er janvier 2023 jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction ou acceptation de la réintégration effective de la société [Localité 12].

5) Sur les demandes indemnitaires des époux [E] :

a) Sur les pertes de loyers :

Les époux [E] seront déboutés de leurs demandes au titre de la perte de loyers alléguée dans la mesure où il résulte des observations qui précèdent qu'ils sont à l'origine de l'impossibilité dans laquelle s'est trouvée la société [Localité 12] d'exploiter leur villa.

b) Sur les remboursements de charges :

Les époux [E] sollicitent la condamnation de la société [Localité 12] à leur verser la somme de 25.010,37 € au titre du remboursement de charges qu'ils ont engagée. Ils produisent à cette fin diverses pièces.

La cour constate que :

- les pièces n° 7 et 8 sont sans lien avec de prétendus paiements de charges,

- la pièce n° 26 concerne l'achat d'une hotte électrique pour le 29 mars 2016 (348,69 €),

- la pièce n° 26 est sans lien avec de prétendus paiements de charges,

- la pièce n° 28 est une facture du 18 décembre 2015 pour travaux de jardinage (978,21 €)

- la pièce n° 29 est une facture de remplacement d'un store banne du 20 juin 2014 (2.106,10 €),

- la pièce n° 30 est un ensemble de factures d'entretien de la piscine entre novembre 2011 et novembre 2015.

L'acte introductif d'instance étant du 23 avril 2021, conformément aux observations de la société [Localité 12], la cour constatera la prescription de ces demandes.

c) Sur la demande de dommages intérêts venant compenser les sommes dues à la société [Localité 12] :

Dans le dispositif de leurs conclusions, les époux [E] demandent à la cour de :

'-Dire et juger que les sociétés [Localité 12] et Eurogroup ont manqué à leur devoir d'information et de loyauté à l'égard des époux [E],

- Condamner in solidum les sociétés [Localité 12] et Eurogroup à payer aux époux [E] des dommages-intérêts d'un montant équivalent aux sommes qui seraient mises à leur charge ;'

L'article 954 du code de procédure civile dispose en son alinéa 3 : 'La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont évoqués dans la discussion'.

La cour constate que les époux [E] ne développent dans la partie discussion de leurs écritures strictement aucun moyen au soutien du manquement au devoir d'information et de loyauté. Il n'appartient donc pas à la cour de statuer sur ce point.

d) Sur la mise en cause de la société Eurogroup :

Le débat sur le point de savoir si la société Eurogroup doit ou non être mise hors de cause est sans objet, aucune condamnation n'étant prononcée contre la société [Localité 12].

6) Sur les frais et dépens :

Compte tenu de l'expertise à intervenir, les dépens seront réservés.

Les époux [E] qui succombent seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles et condamnés à payer en cause d'appel les sommes suivantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

- 4.000 € à la société [Localité 12],

- 2.000 € à la société Eurogroup.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Déclare les époux [E] irrecevables en leur demande tendant à déclarer prescrite l'action de la société [Localité 12],

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a :

1) Déclaré le congé délivré le 30 juin 2016 par Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] à la société [Localité 12], sans offre de renouvellement ni offre de payer une indemnité d'éviction, visant les locaux donnés à bail commercial à cette société à savoir la villa [8] n°92 située [Adresse 7] à [Localité 12] (Vendée) nul et de nul effet ;

2) Dit que le bail commercial conclu entre Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] d'une part, et la société [Localité 12], d'autre part, le 09 septembre 2002, se poursuit par tacite prolongation ;

3) Débouté la société [Localité 12] de ses demandes de dommages et intérêts et indemnité mensuelle pour dépossession, privation de jouissance et actes de concurrence déloyale ;

Statuant à nouveau de ces trois chefs,

1) Déclare valide le congé délivré le 30 juin 2016 par Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] à la société [Localité 12], sans offre de renouvellement ni offre de payer une indemnité d'éviction, visant les locaux donnés à bail commercial à cette société à savoir la villa [8] n°92 située [Adresse 7] à [Localité 12] (Vendée),

2) Dit que le bail commercial conclu entre Monsieur [S] [E] et Madame [G] [E] d'une part, et la société [Localité 12], d'autre part, le 09 septembre 2002, ne se poursuit pas par tacite prolongation ;

3) Condamne in solidum Monsieur [S] [E] et Mme [G] [E] à payer à la SARL [Localité 12] la somme de 65.500 € au titre de la perte de produits d'exploitation subie par la société locataire pour la période du 2 juillet 2016 au 31 décembre 2022, du fait de sa dépossession, outre une somme de 779 € euros par mois, à compter du 1er janvier 2023 jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction (ou acceptation de la réintégration effective de la société [Localité 12]),

Y ajoutant,

Dit que la société [Localité 12] est fondée à demander une indemnité d'éviction,

Avant dire droit sur la fixation du montant de l'indemnité d'éviction,

Ordonne une expertise,

Désigne pour y procéder M. [O] [I] expert près la cour d'appel de Rennes, [Adresse 3]

Tél: : [XXXXXXXX01] / [XXXXXXXX02]

avec mission :

* de se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

* visiter les lieux loués, les décrire,

* rechercher, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l'état des locaux, tous éléments permettant à la juridiction saisie de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction : valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation afférents à la cession de fonds d'importance identique, de la réparation du trouble commercial,

Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui de solliciter, si nécessaire, une consignation complémentaire couvrant le coût de sa prestation et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport; dit que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert ;

Dit que l'expert devra communiquer un pré rapport aux parties en les invitant à présenter leurs observations dans un délai maximum d'un mois ;

Dit que l'expert, après avoir répondu aux observations des parties, devra transmettre copie du rapport définitif à chacune des parties (article 173 du code de procédure civile) et à la juridiction qui a procédé à sa désignation, dans le délai de trois mois à compter du jour où il aura été saisi de sa mission ;

Dit que la société [Localité 12] fera l'avance des frais d'expertise et devra consigner la somme de 3500 euros (trois mille euros) à la régie d'avance et de recettes de la cour avant le 7 juillet 2024.

Dit qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert deviendra caduque (article 271 du code de procédure civile) ;

Dit que l'expert commencera ses opérations dès qu'il sera averti par le greffe que les parties ont consigné la provision mise à leur charge ou le montant de la première échéance ;

Dit que l'expert, si le coût probable de l'expertise s'avère beaucoup plus élevé que la provision fixée, devra communiquer au conseiller chargé du suivi de l'expertise ainsi qu'aux parties, l'évaluation prévisible de ses frais et honoraires en sollicitant, au besoin, la consignation d'une provision complémentaire ;

Dit que la mesure d'expertise s'exercera sous le contrôle du Président de la deuxième chambre civile, auquel seront soumises, s'il y a lieu, les difficultés;

Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus d'acceptation de sa mission par l'expert il sera pourvu à son remplacement par ordonnance sur requête ;

Condamne in solidum Monsieur [S] [E] et Mme [G] [E] à payer à la SARL [Localité 12] la somme de 20 000 euros à titre provisionnel, à valoir sur le montant de l'indemnité d'éviction,

Rejette la demande de la société [Localité 12] en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et actes parasitaires,

Déboute les époux [E] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les époux [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à payer les sommes complémentaires suivantes en cause d'appel :

- 4.000 € à la société [Localité 12],

- 2.000 € à la société Eurogroup,

Réserve les dépens.

Rejette toute demande plus ample ou contraire.