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Décisions

CA Chambéry, 1re ch., 14 mai 2024, n° 21/02076

CHAMBÉRY

Autre

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Eurogroup (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pirat

Conseillers :

Mme Reaidy, M. Sauvage

Avocats :

Me Winckel, SCP Armand - Chat et Associés, SELARL Rivage Avocat

CA Chambéry n° 21/02076

13 mai 2024

Suivant acte sous seing privé en date du 18 juin 2004, Mme [C] [X] épouse [N] et Mme [K] [S], aujourd'hui décédée, ont consenti à la société Eurogroup un bail commercial portant sur un immeuble à usage d'hôtel-restaurant situé [Adresse 3] à [Localité 4], qui était exploité auparavant par d'autres locataires de manière continue depuis 1943, et comprenant :

au sous-sol : une cave divisée en 4 parties, dont un local chaufferie avec chaudière à gaz et un local laverie avec pompe d'évacuation à relevage ;

au rez-de-chaussée: une salle à manger, une salle de bar/café, une cuisine/office, et des toilettes;

au 1er étage : neuf chambres avec lavabo et bidet, une salle de douche communes et des toilettes ;

au 2ème étage: six chambres avec lavabo et bidet, deux chambres avec salle de douche, une chambre avec salle de bain équipée d'une baignoire, une salle de douche commune, et des toilettes ;

au 3ème étage : des combles situées sous toiture.

Le bail a pris effet à compter du 1er février 2002 pour une durée de 9 années. A son terme, les parties ont conclu, le 20 février 2012, un nouveau bail commercial pour une période allant du 1er avril 2011 jusqu'au 31 mars 2020, moyennant un loyer annuel de 17 500 euros HT, avec indexation annuelle.

Le contrat contient une clause de résiliation particulière, rédigée en ces termes : 'Si les locaux venaient à faire l'objet d'un avis défavorable de la commission d'hygiène et de sécurité ou d'une instance publique analogue, entraînant une impossibilité d'exercer l'activité, le preneur aura le choix entre effectuer les travaux de mise aux normes ou, s'il les juge trop importants, résilier le présent bail et faire son afffaire du déménagement et de sa réinstallation. Il donnera congé par huissier, avec préavis de trois mois. La résiliation prendra effet après le préavis à la date de libération des lieux'.

Se prévalant de cette stipulation contractuelle, la société Eurogroup a, par acte d'huissier du 29 janvier 2015, donné congé à Mme [V], avec effet au 30 avril 2015, en excipant d'une impossibilité d'exercer suite à un avis émis par la commission communale de sécurité de la ville de [Localité 4] le 21 février 2014, prescrivant la réalisation de plusieurs travaux de mise aux normes des locaux.

Le 30 avril 2015, un état des lieux de sortie a été dressé par un huissier en présence des représentants de la société Eurogroup, qui ont procédé à la remise des clés. M. [V], époux de Mme [X], présent au début de cet état des lieux, a été invité à partir à défaut de pouvoir justifier d'un pouvoir écrit de représentation de la bailleresse. Le 2 juin 2015, un second état des lieux a été dressé en présence de M. [V], mais en l'absence du preneur, régulièrement convoqué.

A la demande de la bailleresse, une expertise technique du bâtiment a par ailleurs été réalisée le 27 mai 2015 par M. [I], suite à une visite des lieux intervenue le 28 avril 2015, mettant en exergue l'existence de nombreuses dégradations affectant les locaux donnés à bail.

Par acte d'huissier du 25 avril 2016, Mme [V] a fait assigner la société Eurogroup devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Chambéry, afin d'obtenir le paiement par provision du solde des loyers ainsi que la désignation d'un expert pour chiffrer le coût de remise en état des locaux.

Par ordonnance du 21 juin 2016, le président du tribunal de grande instance de Chambéry a :

- condamné la société Eurogroup à payer une provision de16 577 euros au titre de son arriéré locatif, outre intérêts au taux légal depuis le 30 novembre 2015,

- ordonné une expertise sur l'état du local et le coût de sa remise en état, confiée à M. [J].

Cette ordonnance a été confirmée par arrêt du 28 février 2017 de la cour d'appel de Chambéry.

L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 8 juin 2018.

Suivant exploit d 'huissier de justice du 26 mars 2019, Mme [V] a fait assigner la société Eurogroup devant le tribunal de grande instance de Chambéry afin d'obtenir sa condamnation au paiement d'une indemnité équivalente au paiement des loyers jusqu'à la période triennale échue au 30 avril 2017 et au coût des travaux de remise en état des locaux loués.

Par jugement en date du 16 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Chambéry a :

- déclaré recevable car non prescrite l'action de Mme [V] en contestation du congé donné par la société Eurogroup suivant exploit du 29 janvier 2015 avec effet au 30 avril 2015 ;

- débouté la société Eurogroup de sa demande de constatation de la résiliation amiable du bail commercial souscrit entre les parties ;

- dit que la résiliation du bail commercial par la société Eurogroup est irrégulière ;

- condamné la société Eurogroup à payer à Mme [V] la somme de 35 000 euros en réparation de la résiliation irrégulière du bail commercial ;

- condamné la société Eurogroup à payer à Mme [V] la somme de 234 201 euros HT soit 257 621 euros TTC avec une TVA à 10% au titre de l'indemnisation des réparations locatives suivantes :

- 17 125 euros HT pour les façades,

- 1 500 euros HT pour le sol extérieur,

- 27 798 euros HT pour les menuiseries extérieures,

- 53 106 euros HT pour les peintures intérieures,

- 2 891 euros HT pour les doublures des cloisons,

- 4 499 euros HT pour les faux-plafonds,

- 24 028 euros HT pour les sols,

- 26 100 euros HT au titre des menuiseries intérieures,

- 50 317 euros HT pour la plomberie,

- 7 500 euros HT au titre des travaux de ventilation et de chauffage,

- 19 337 euros HT de maitrise d''uvre ;

- débouté Mme [V] de sa demande d'indemnisation au titre du mobilier de bar et de cuisine ;

- débouté Mme [V] de sa demande d'indemnisation au titre des travaux électriques ;

- condamné la société Eurogroup à payer à Mme [V] la somme de 113 305 euros en réparation du préjudice d'immobilisation ;

- déclaré recevable car non prescrite la demande reconventionnelle de la société Eurogroup concernant le trop-perçu de loyers ;

- débouté la société Eurogroup de sa demande d'annulation de la clause d'indexation et de restitution de la somme de 16 577,57 euros trop-perçue au titre des loyers ;

- condamné Mme [V] à restituer à la société Eurogroup le dépôt de garantie pour un total de 4 375 euros ;

- condamné la société Eurogroup aux dépens, ce y compris les frais d'expertise judiciaire;

- condamné la société Eurogroup à payer à Mme [V] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- débouté la société Eurogroup de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Au visa principalement des motifs suivants :

la résiliation du bail commercial est irrégulière étant donné que par procès-verbal du 21 février 2014, la commission communale de Sécurité à [Localité 4] a levé l'avis défavorable à la poursuite de l'établissement résultant de la visite du 13 décembre 2013 ;

aucun terme n'a été fixé pour la réalisation des travaux préconisés dans le rapport ;

Mme [V] justifie d'un préjudice constitué par l'absence de perception de loyers commerciaux jusqu'au terme du renouvellement triennal du contrat, soit jusqu'au 30 avril 2017 ;

la société Eurogroup était tenue d'une obligation d'entretien renforcée, qui était la contrepartie d'un prix de loyer inférieur au prix du marché pour un bien identique ;

les dégradations du bâtiment ne résultent pas de la simple usure du temps et de l'absence de travaux de rénovation de la part de Mme [V], mais résultent également d'un défaut d'entretien imputable à la société Eurogroup ;

le préjudice d'immobilisation est établi à compter du 1er mai 2017, le tribunal ayant condamné la société Eurogroup au paiement des loyers à courir jusqu'au 30 avril 2017.

Par déclaration au greffe du 19 octobre 2021, la société Eurogroup a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions, hormis en ce qu'il a :

- débouté Mme [V] de sa demande d'indemnisation au titre du mobiliers de bar et de cuisine ;

- débouté Mme [V] de sa demande d'indemnisation au titre des travaux électriques ;

- déclaré recevable car non prescrite la demande reconventionnelle de la société Eurogroup concernant le trop-perçu de loyers ;

- condamné Mme [V] à restituer à la société Eurogroup le dépôt de garantie pour un total de 4 375 euros.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières écritures du 11 juillet 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Eurogroup sollicite l'infirmation des seuls chefs critiqués de la décision et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

- déclarer Mme [V] irrecevable en ses demandes, fins et prétentions, faute de justifier d'un intérêt à agir ;

Subsidiairement,

- dire et juger Mme [V] prescrite pour contester le congé qu'elle a délivré à effet au 30 avril 2015 ;

Très subsidiairement,

- dire et juger que le bail a été résilié amiablement entre les parties ;

Très très subsidiairement,

- dire et juger qu'elle a valablement et légitimement pu délivrer congé pour le 30 avril 2015 ;

En tout état de cause,

- dire et juger qu'elle n'est redevable que des réparations locatives et qu'il ne saurait être réclamé qu'elle remette les locaux après plus de 70 ans d'exploitation continue de ceux-ci ;

- débouter Mme [V] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

- dire et juger nulle et de nul effet la clause d'indexation figurant au bail conclu à effet du 1er avril 2011 avec Mme [V] ;

En conséquence,

- condamner Mme [V] à lui rembourser la somme de 16 577,57 euros trop-perçue au titre des loyers ;

- condamner Mme [V] à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société Eurogroup fait notamment valoir que :

Mme [V] n'est plus propriétaire du bâtiment, lequel est depuis le 16 décembre 2020, la propriété de Cristal Habitat, dès lors, elle ne justifie pas d'un intérêt à agir pour solliciter le coût de travaux de remise en état d'un bien qui ne lui appartient plus ;

la procédure en référé entreprise par Mme [V] n'avait vocation qu'à faire désigner un expert pour chiffrer les travaux de remise en état des locaux après leur restitution, cette procédure ne peut donc avoir eu pour effet d'interrompre l'action en contestation du congé ;

Mme [V] disposait d'un délai expirant au 30 avril 2017 pour contester le congé délivré par la société Eurogroup le 29 janvier 2015 à effet du 30 avril 2015, or, ce n'est que dans le cadre de l'introduction de la présente procédure, soit par exploit du 20 février 2019, qu'elle a contesté la régularité du congé ;

il résulte des échanges entre les parties que Mme [V] a accepté, sans la moindre réserve, tant le principe de la résiliation anticipée du bail, que la remise des clés traduisant ainsi son accord sur une résiliation amiable du bail au 30 avril 2015 ;

elle n'a pas souhaité entreprendre les travaux figurant dans le rapport de la commission de sécurité, et a dès lors pu délivrer congé à effet du 30 octobre 2015, conformément à l'option qui lui était offerte aux termes du bail ;

il ne saurait être exigé d'elle la remise dans un état neuf d'un bien qui est exploité sans discontinuer depuis 1943, sans que le bailleur y ait entrepris de travaux de rénovation;

Mme [V] ne démontre aucunement la réalité du préjudice qu'elle invoque au titre des dégradations locatives dès lors qu'elle a revendu le bien, qui est destiné à être démoli par le nouvel acquéreur ;

aucun état des lieux d'entrée n'a été établi, de sorte qu'il est impossible de déterminer si les locaux et le mobilier sont à l'état identique ou non au regard de la vétusté initiale ;

le bail ne mettait à sa charge que les réparations dites locatives ;

la clause d'indexation, telle que rédigée au bail, est contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L145-15 du code de commerce ;

il n'est justifié par Mme [V] d'aucune demande de révision respectant le formalisme prescrit par l'article R145-20 du code de commerce.

Aux termes de ses dernières écritures du 15 avril 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mme [V] demande quant à elle à la présente juridiction de :

- constater le refus d'établir un état des lieux contradictoire ;

- constater l'état de dégradation du local ;

- constater la modicité du loyer et une obligation d'entretien renforcée et justifiée ;

- constater un faute lourde détachable du contrat ;

- constater le motif erroné du congé délivré le 29 janvier 2015 sur la base d'un avis n'interdisant ni ne rendant impossible l'exploitation ;

Confirmation du jugement,

- confirmer le jugement déféré en toutes ces dispositions et plus particulièrement :

Sur la résiliation fautive,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Eurogroup au paiement d'une indemnité équivalente aux paiements des loyers jusqu'à la période triennale échue au 30 avril 2017, soit 36 000 euros ;

Sur les remises en état,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné société Eurogroup à 234 201 euros HT soit 257 621 euros TTC au titre de l'indemnisation des réparations locatives vétusté déduite ;

Sur les demandes reconventionnelles,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Eurogroup de ses demandes;

Statuant à nouveau,

- condamner la société Eurogroup à la somme de 82 146,70 euros au titre de l'immobilisation du 1er mai 2017 au 15 décembre 2020 ;

- débouter la société Eurogroup de l'ensemble de ses demandes en tant que de besoin ;

- condamner la société Eurogroup à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont les frais d'expertise et de référés.

Au soutien de ses prétentions, Mme [V] fait notamment valoir que :

l'action n'est pas conditionnée à la propriété du bien au jour de la décision définitive, le préjudice financier étant acquis avant sa revente ;

par la remise des clefs, la société Eurogroup ne peut en tirer une quelconque intention de récupérer le bien sans réserve, au regard des incidents ayant jalonné l'établissement d'un constat d'état des lieux contradictoire ;

aucune des conditions affectées à cette faculté de congé exceptionnel n'est acquise ;

la société Eurogroup ne démontre pas l'existence d'une impossibilité d'exploiter, dès lors sa résiliation unilatérale est fautive ;

la société Eurogroup a commis une faute lourde pour le défaut d'entretien et de réparationdu bien qui lui est imputable depuis sa prise de possession ;

la société Eurogroup ne démontre pas un défaut de délivrance ;

elle ne demande pas à la société Eurogroup de garantir la vétusté puisqu'elle fait l'objet d'un abattement, mais les conséquences de ses dégradations qui dépassent très largement la notion d'usure ;

les clauses d'indexation sont valables et ne font pas échec aux dispositions de l'article L 145-38 du code de commerce ;

la société Eurogroup ne fournit aucun justificatif sur les règlements qu'elle oppose.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance en date du 8 janvier 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 6 février 2024.

Motifs de la décision

I - Sur la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme [V]

La société Eurogroup soutient, en cause d'appel, que Mme [V] serait dépourvue d'intérêt à agir pour solliciter le paiement du coût des travaux de remise en état d'un bien qui ne lui appartient plus, puisqu'il est constant qu'elle a revendu à la société Cristal Habitat, le 16 décembre 2020, l'immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 4]. Elle conclut pour ce motif à l'irrecevabilité de l'ensemble des prétentions formées par l'intimée dans le cadre de la présente instance.

Force est de constater, cependant, que la recevabilité de l'action engagée par Mme [V] n'est nullement conditionnée à la preuve de sa qualité de propriétaire au jour de la décision définitive. En effet, les préjudices dont elle sollicite la réparation découlent bien de sa qualité de bailleresse du bien litigieux et sont notamment tirés de l'inexécution des obligations du bail conclu auprès d'elle par la société Eurogroup, étant observé qu'en cause d'appel, elle arrête expressément ses demandes indemnitaires à la date de la vente du bien et ne réclame plus aucune somme postérieure au 16 décembre 2020.

Quant à l'incidence de la vente du bien sur l'appréciation de l'existence de son préjudice, elle relève du fond du litige, et sera examinée plus avant.

La fin de non recevoir soulevée de ce chef par l'appelante sera donc rejetée.

II - Sur la prescription de la contestation du congé

La société Eugroup prétend que l'action engagée à son encontre par Mme [V], tendant à contester la régularité du congé délivré le 29 janvier 2015 serait prescrite, en ce que qu'elle se heurterait à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce. Ce texte prévoit en effet que 'toutes les actions exercées en vertu du chapitre V relatif au bail commercial se prescrivent par deux ans'.

Cependant, comme l'ont relevé les premiers juges, cette prescription biennale ne trouve pas application à toutes les actions mettant en jeu un bail commercial, mais est limitée aux seules actions qui sont fondées sur le statut des baux commerciaux c'est-à-dire sur les articles L.145-1 à L.145-60 du Code de commerce. Or, en l'espèce, il ne peut qu'être constaté que le congé qui a été délivré par la société Eurogroup n'est pas fondé sur le statut des baux commerciaux, mais sur une clause résolutoire spécifique stipulée au bail, relevant du droit commun des obligations contractuelles, de sorte que l'action en contestation de ce congé ne peut être soumise qu'à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.

En tout état de cause, en admettant même que la prescription biennale puisse trouver application, son cours a nécessairement été interrompu, comme le fait valoir Mme [V], par la saisine du juge des référés intervenue le 25 avril 2016, puisque la demande d'expertise formée par l'intimée portait également sur l'évaluation du coût des travaux résultant de l'avis de la commission de sécurité, et tendait ainsi à déterminer le bien-fondé de l'invocation par la société Eurogroup de la clause résolutoire. Le délai a ensuite été suspendu pendant l'exécution de la mesure d'expertise, jusqu'au 8 juin 2018, et l'action au fond a été engagée par Mme [V] le 20 février 2019, de sorte qu'aucune prescription ne se trouve acquise.

Cette fin de non recevoir sera donc également rejetée.

III - Sur la résiliation amiable du bail commercial

La société Eurogroup soutient qu'une résiliation amiable du bail serait intervenue entre les parties suite à la remise des clés, le 30 avril 2015, acceptée sans réserve par Mme [V].

Il est constant en effet que malgré les dispositions impératives de l'article L. 145-9 du code de commerce, soumettant la résiliation d'un bail commercial à la délivrance d'un congé donné six mois à l'avance, le juge peut constater l'existence d'une résiliation amiable du contrat, exprès ou tacite. L'accord doit cependant, dans une telle hypothèse, être clair et non équivoque et ne peut résulter que d'éléments de fait incompatibles avec la volonté de maintenir le contrat, ce qui peut en particulier se déduire de la remise des clés acceptée sans réserve par le bailleur.

Cependant, en l'espèce, nonobstant la remise des clés intervenue le 30 avril 2015, il ne peut être sérieusement soutenu par l'appelante que Mme [V] aurait accepté expressément et sans réserve une quelconque résiliation amiable du contrat de bail, compte tenu des courriers qui ont été préalablement échangés entre les parties, et qui mettent en exergue l'existence de nombreux désaccords les opposant. Ainsi, la bailleresse a expressément refusé, le 17 février 2015, le projet de protocole d'accord qui lui a été soumis par la société Eurogroup le 22 janvier 2015, qui contenait une mention selon laquelle les parties acceptaient de résilier de manière amiable et irrévocable le contrat les liant. Mme [V] a ensuite adressé plusieurs mises en demeure de paiement à sa locataire et dans aucun de ses courriers, elle n'a indiqué qu'elle acceptait une quelconque résiliation amiable du bail.

Surtout, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, Mme [V] a adressé à l'appelante un courrier du 20 avril 2015, soit avant la remise des clés, aux termes duquel elle a expressément contesté le motif du congé qui lui a été délivré le 29 janvier 2015, estimant qu'il n'existait aucune impossibilité d'exercer justifiant la mise en oeuvre de la clause résolutoire, et a soutenant que les loyers lui étaient dus jusqu'à l'échéance du bail, le 30 mars 2017.

Par ailleurs, dans un courriel daté du 17 avril 2015, M. [R] [N] avait déjà précisé que l'éventuelle exemption d'indemnité d'occupation en cas de libération plus tardive des lieux ne déchargerait pas le preneur de 'son obligation de paiement des loyers, dans le cas où la clause d'inadéquation des locaux face à l'évolution des exigences de sécurité ne serait pas retenue et où le bail serait considéré comme s'appliquer jusqu'à la fin de la période triennale en cours', ce qui démontre que la question de la régularité du congé était alors déjà questionnée par la bailleresse.

Dans ce contexte, la simple circonstance que la remise des clés soit ensuite intervenue le 30 avril 2015 ne peut de toute évidence être interprétée comme valant acceptation par la bailleresse d'une résiliation amiable du contrat.

IV - Sur la régularité du congé délivré le 29 janvier 2015

La société Eurogroup soutient qu'elle était fondée à résilier de manière anticipée le contrat de bail, suivant congé délivré le 29 janvier 2015, prenant effet le 30 avril 2015, en se prévalant de la clause résolutoire stipulée en page 7 de la convention, intitulée 'CAS D'INADEQUATION DES LOCAUX FACE A L'EVOLUTION DES EXIGENCES DE SECURITE', et dont le contenu est le suivant : 'Si les locaux venaient à faire l'objet d'un avis défavorable de la commission d'hygiène et de sécurité ou d'une instance publique analogue, entraînant une impossibilité d'exercer l'activité, le preneur aura le choix entre effectuer les travaux de mise aux normes ou, s'il les juge trop importants, résilier le présent bail et faire son afffaire du déménagement et de sa réinstallation. Il donnera congé par huissier, avec préavis de trois mois. La résiliation prendra effet après le préavis à la date de libération des lieux'.

Cette stipulation contractuelle offre au preneur une faculté de résiliation du bail lorsqu'il existe un avis défavorable émanant d'une instance d'hygiène et de sécurité entraînant une impossibilité d'exercer et qu'il estime que les travaux de remise aux normes à entreprendre sont trop importants.

Il se déduit en l'espèce des pièces versées aux débats que la commission communale de sécurité de [Localité 4] a émis le 13 décembre 2013 un avis défavorable à la pousuite de l'activité de l'établissement, constatant que les neuf prescriptions qu'elle avait précédemment formulées, le 23 avril 2012, n'avaient pas été mises en oeuvre par la société Eurogroup. Un courrier de mise en demeure a ensuite été adressé à la preneuse par le maire de la commune le 16 décembre 2013, l'enjoignant de se mettre en conformité avec ces recommandations impératives en matière d'hygiène et de sécurité.

Pour autant, comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, suite à une nouvelle visite réalisée le 21 février 2014, faisant suite à la réalisation de certains travaux par l'appelante, la commission communale de sécurité de [Localité 4] a émis un avis favorable à la poursuite d'activité, tout en formulant les cinq prescriptions de remise aux normes suivantes :

- mise en place d'une porte coupe feu en partie supérieure de l'escalier donannt accès au sous-sol ;

- assurer la reprise de l'isolement de la cuisine par la mise en place de deux portes pare flammes au niveau des intercommunications avec les salles de restauration et de bar ;

- fournir un rapport de vérification du local chaufferie par un organisme agréé ;

- mise en place d'un dispositif de désenfumage en partie supérieure de la cage d'escalier ;

- mise en place d'une main courante recensant l'ensemble des déclenchements du système de sécurité incendie.

Il convient d'observer qu'aucune mise en demeure d'exécuter ces travaux n'a été adressée à l'exploitant et qu'aucun délai n'a été fixé par l'autorité administrative pour leur réalisation. Il ne peut ainsi qu'être constaté qu'au jour de la délivrance du congé litigieux, le 29 janvier 2015, aucune impossibilité d'exercer qui serait consécutive à un avis défavorable d'une instance d'hygiène et de sécurité ne se trouvait caractérisée, puisque la commission avait émis un avis favorable à la poursuite d'activité.

Et la société Eurogroup n'apporte aucun élément susceptible de démontrer que les préconisations de remise aux normes formulées le 21 février 2014 auraient été prescrites de manière impérative et allaient nécessairement conduire à court terme à une quelconque impossibilité d'exercer.

Les conditions d'application de la clause résolutoire ne se trouvaient donc pas réunies au jour de la délivrance du congé.

Par ailleurs, l'expert judiciaire, M. [J], a évalué le coût des travaux de remise aux normes préconisés par l'administration aux termes de son avis du 21 février 2014 à hauteur de la seule somme de 11 500 euros HT, étant observé que sur ce montant, 4 500 euros sont imputables selon lui à un défaut d'entretien du locataire. Le coût réel de mise aux normes dont peut se prévaloir la société Eurogroup s'élève ainsi à une somme de 7 000 euros HT, qui apparaît minime au regard du montant du loyer annuel dont elle s'acquitte et de la surface des locaux exploités.

Or, comme le fait observer Mme [V], si la clause résolutoire stipulée au bail confère un droit subjectif d'appréciation à la preneuse sur le montant des travaux de remise en état qu'elle estimerait trop importants, elle ne saurait offrir au locataire, sauf à être mise en oeuvre de mauvaise foi, une faculté complètement discrétionnaire de résilier le bail en présence de travaux d'un montant dérisoire, ce qui est manifestement le cas en l'espèce.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que la résiliation du bail commercial intervenue à l'initiative de la société Eurogroup présentait un caractère irrégulier.

V - Sur l'indemnisation du préjudice causé par la résiliation irrégulière du bail commercial

Aux termes de l'article 1147 ancien du code civil, 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.

Il se déduit en l'espèce de ce qui précède que la faculté de résiliation offerte au preneur a été mise en oeuvre de manière irrégulière par ce dernier, ce qui constitue un manquement contractuel qui engage sa responsabilité.

Mme [V] apparaît fondée à obtenir la réparation d'un préjudice consistant en l'absence de perception des loyers jusqu'au terme du renouvellement triennal du bail, le 30 avril 2017, pour une somme de 17 500 euros HT (montant du loyer annuel) x2 ans = 35 000 euros HT, comme l'ont retenu les premiers juges, étant observé que l'intimée excipe d'une créance supérieure, d'un montant de 36 000 euros, mais ne conclut pas à l'infirmation de ce chef du jugement entrepris, qui ne pourra donc qu'être confirmé sur ce point.

VI - Sur les dégradations locatives

Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil, 'les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites'. Il résulte des articles 1730 et 1731 du code civil que le locataire doit répondre des dégradations locatives affectant le bien loué, excepté ce qui a été dégradé par vétusté ou par force majeure.

En l'espèce, aucun état des lieux d'entrée n'a été effectué, conformément à l'accord des parties, le preneur ayant accepté, aux termes du contrat de bail, de prendre les locaux dans l'état dans lequel ils se trouvaient au jour de son entrée en jouissance. Il est constant en outre que l'immeuble a été exploité de manière continue depuis 1943 et Mme [V] n'allègue ni a fortiori ne démontre avoir entrepris de travaux de rénovation importants sur ce bâtiment, qui était donc, de toute évidence, loin d'être dans un état neuf lors de la prise de possession des lieux par la société Eurogroup le 1Er février 2002. L'appelante aura en définitive exploité les lieux pendant un peu plus de treize ans.

Par ailleurs, comme l'ont relevé les premiers juges, et l'a constaté l'expert judiciaire, le contrat de bail mettait à la charge du preneur une obligation d'entretien renforcée par raport aux seules prescriptions légales, et ce en contrepartie de la fixation d'un loyer qui était relativement modique par rapport à la surface du bien, d'environ 400 m2. A ce titre, il devait notamment procéder à l'entretien périodique de la toiture et des chéneaux, des peintures extérieures, ainsi que des installations techniques, et avait également à sa charge la réalisation de tous travaux de mise en conformité des lieux avec les prescriptions applicables en matière d'hygiène et de sécurité. Si ces stipulations contractuelles ne peuvent dispenser le bailleur de son obligation générale de délivrance, elles relèvent de la liberté contractuelle offerte aux parties et n'apparaissent contraires à aucune disposition légale ou réglementaire d'ordre public.

Aucun état des lieux de sortie n'ayant été réalisé de manière contradictoire, l'état des locaux après le départ de la société Eurogroup doit être déterminé sur la base des conclusions expertales de M. [J]. Cet expert a relevé, au terme de son rapport, l'existence de dégradations importantes, partiellement imputables au locataire. Il distingue à cet égard clairement les désordres qui sont en relation avec la construction ou avec le viellissement des matériaux, et qui sont imputables au bailleur, et ceux qui sont en relation avec les conditions d'occupation et un entretien défaillant, et qui sont imputables au locataire. Il évalue les frais de remise en état qui doivent être supportés à ce titre par la société Eurogroup à hauteur d'une somme totale de 391 770 euros HT, comprenant des frais de maîtrise d'oeuvre de 32 348 euros HT et propose en outre l'application d'un coefficient de vétusté de 33% compte tenu de l'ancienneté de l'immeble et de la date d'entrée dans les lieux.

Sur la base de ces conclusions expertales, Mme [V] a sollicité en première instance la paiement d'une somme totale de 391 770 euros HT au titre des dégradations locatives, qui a été accueillie par le tribunal à hauteur de 234 201 euros HT, soit 257 621 euros TTC.

Cependant, comme le fait observer en cause d'appel la société Eurogroup, il appartient à Mme [V], qui agit en responsabilité contractuelle, de rapporter la preuve d'un manquement de sa locataire à ses obligations, mais également de l'existence d'un préjudice réel et certain qui lui aurait été causé par cette faute.

S'il est de jurisprudence constante que le bailleur n'est pas tenu de justifier de la réalisation des travaux de remise en état du bien loué pour obtenir la prise en charge par son locataire des dégradations locatives qui lui incombent, il lui appartient cependant de démontrer qu'il subit réellement un préjudice en lien avec ces dégradations. Des dommages-intérêts ne peuvent en effet être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu'il est résulté un préjudice de la faute contractuelle (voir sur ce point notamment, dans une affaire similaire : Cour de cassation , 3ème Civ, 3 décembre 2003, pourvoi n° 02-18.033, Bulletin civil 2003, III, n° 221).

Or, en l'espèce, il est apparu, en cause d'appel, que Mme [V] a en réalité procédé à la vente de l'immeuble au profit de la société Cristal Habitat le 16 décembre 2020, comme il se déduit de l'attestation immobilière qu'elle verse elle-même aux débats. Et l'intimée ne conteste pas que le nouvel acquéreur va procéder à la démolition du bien ou à tout le moins à sa transformation intégrale, en lien avec un changement complet de destination.

Mme [V] prétend que les dégradations locatives imputables à son ancienne locataire ont eu nécessairement un impact sur le prix de vente. Force est cependant de constater qu'elle n'apporte aucun élément susceptible de le démontrer.

Il lui appartient pourtant, pour justifier d'un préjudice, de rapporter la preuve de ce que les dégradations locatives imputables à la société Eurogroup auraient conduit le promoteur auquel elle a cédé l'immeuble à proposer un prix de vente inférieur, ce dont il est permis de douter alors que les dégradations constatées par l'expert n'ont pas impacté la structure du bien en elle-même, et que les aménagements intérieurs de l'hôtel-restaurant doivent en tout état de cause être entièrement reconstruits par l'acquéreur. L'intimée n'allègue ni ne prouve en outre qu'elle aurait été privée de la possibilité de céder son bien à un prix supérieur à un autre acquéreur, dans le cadre d'un autre projet, en l'absence des dégradations imputables à sa locataire, ni ne se prévaut, du reste, d'une quelconque perte de chance qu'elle aurait subie de ce chef.

Dès lors qu'elle échoue ainsi à justifier de l'existence d'un préjudice qui lui aurait été causé par le manquement de la société Eurogroup à son obligation d'entretien des locaux donnés à bail, la demande indemnitaire formée par Mme [V] au titre des réparations locatives ne pourra qu'être rejetée. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

VII - Sur le préjudice d'immobilisation

Mme [V] apparaît par contre fondée à se prévaloir d'un préjudice d'immobilisation en lien avec les dégradations locatives imputables à son locataire. En effet, il se déduit des constatations expertales que l'immeuble ne pouvait en aucun cas être reloué compte tenu de l'état dans lequel il se trouvait lors du départ de la société Eurogroup. L'intimée a donc nécessairement subi des pertes locatives à ce titre.

Les premiers juges ont retenu à ce titre une somme totale de 113 305 euros, correspondant à une période de 60 mois, du 1er mai 2017 au 1er mai 2022, sur la base d'un loyer mensuel indexé de 1 888, 43 euros TTC.

Compte tenu de la vente du bien, intervenue le 16 décembre 2020, seule la somme de 82 146, 70 euros sera allouée à ce titre à Mme [V], sur la base du calcul suivant : 43, 5 mois (du 1er mai 2017 au 15 décembre 2020) x loyer mensuel de 1 888, 43 euros. Le jugement sera donc infirmé sur ce point, ce dont l'intimée convient du reste, étant observé que l'appelante ne conclut pas expressément de ce chef, dont elle sollicite pourtant l'infirmation.

VIII - Sur la demande formée par la société Eurogroup en restitution d'un trop-perçu de loyers

La société Eurogroup sollicite dans le cadre de la présente instance la restitution des loyers qui ont été mis à sa charge à titre provisionnel en référé à hauteur d'une somme de 16 557, 57 euros, en se prévalant de la nullité de la clause de révision annuelle stipulée au bail, ainsi que de l'absence de mise en oeuvre de la révision triennale.

L'article L. 145-15 du code de commerce répute non écrits, quelle qu'en soit la forme, 'les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145-14, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa de l'article L 145-42 et des articles L. 145-47 à L. 145-54".

L'article L. 145-39 prévoit quant à lui que 'par dérogation à l'article L. 145-38 (qui fixe le mécanisme de la révision triennale légale du loyer), si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. La variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente'.

Il est constant en outre que les clauses d'indexation se référant à un indice de base fixe ne contreviennent pas aux dispositions de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier, dès lors qu'il y a concordance entre la période de variation de l'indice et celle de variation du loyer et qu'elles ne jouent pas exclusivement à la hausse.

En l'espèce, la clause d'indexation stipulée au bail se trouve ainsi rédigée : 'par dérogation aux dispositions de l'article L. 145-38 du code de commerce sur la révision triennale légale, il est expressément convenu entre les parties que le montant du loyer sera révisé à l'expiration de chaque période annuelle, en fonction de la variation de l'indice trimestriel du coût de la construction publié par l'Insee, sans notification préalable'.

L'appelante prétend, comme elle l'a fait en première instance ainsi que devant le juge des référés, que cette clause tendrait à faire renoncer les parties au principe de la révision légale en ce qu'elle prévoirait un mécanisme d'indexation se substituant à celle-ci.

Cependant, comme l'ont relevé tant les premiers juges que la cour d'appel dans son arrêt du 28 février 2017, la clause stipulée au bail n'exclut nullement, contrairement à ce que soutient la société Eurogroup, le recours à la révision triennale du loyer, dans les conditions prévues à l'article L. 145-39.

Par ailleurs, l'appelante n'allègue ni a fortiori ne justifie avoir jamais demandé la mise en oeuvre de la révision triennale instituée par la loi, ni avoir contesté au cours du bail, du reste, le montant des loyers dont le paiement lui était réclamé. Au contraire, la société Eurogroup a admis, suite à la mise en demeure de paiement qui lui a été adressée, rester devoir les sommes sollicitées par sa bailleresse, se contentant d'évoquer des difficultés de trésorerie.

Il apparaît en outre que le décompte produit par Mme [V], faisant état d'un arriéré locatif de 16 577, 57 euros, arrêté à la date du départ de sa locataire, se trouve justifié par les clauses du bail commercial liant les parties, étant observé que la société Eurogroup ne fait état de son côté d'aucun paiement qu'elle aurait effectué et qui n'aurait pas été pris en compte.

En conséquence, la demande de restitution d'un trop-perçu de loyers formée par l'appelante ne pourra qu'être rejetée.

IX - Sur les mesures accessoires

En tant que partie perdante, la société Eurogroup sera condamnée aux dépens exposés en cause d'appel, ainsi qu'à payer à Mme [V] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en cause d'appel.

La demande formée à ce titre par l'appelante sera enfin rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,

Rejette la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme [V] soulevée en cause d'appel par la société Eurogroup,

Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry le 16 septembre 2021 en ce qu'il a :

- condamné la société Eurogroup à payer à Mme [V] la somme de 234 201 euros HT soit 257 621 euros TTC avec une TVA à 10% au titre de l'indemnisation des réparations locatives ;

- condamné la société Eurogroup à payer à Mme [V] la somme de 113 305 euros en réparation de son préjudice d'immobilisation,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Rejette la demande de dommages et intérêts formée par Madame [C][X] épouse [N] au titre des dégradations locatives affectant le bien donné à bail à la société Eurogroup,

Condamne la société Eurogroup à payer à Mme [C] [X] épouse [N] la somme de 82 146, 70 euros en réparation de son préjudice d'immobilisation,

Confirme le jugement entrepris en l'ensemble de ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Eurogroup aux dépens exposés en cause d'appel,

Condamne la société Eurogroup à payer à Mme [C] [X] épouse [N] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en cause d'appel,

Rejette la demande formée à ce titre par la société Eurogroup.