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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 14 mai 2024, n° 23/17579

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Boucherie du Marché (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chazalette

Conseillers :

Mme Blanc, Mme Georget

Avocats :

Me Garban, Me Vignes

TJ Créteil, du 12 oct. 2023, n° 23/00468

12 octobre 2023

Par acte du 21 octobre 2019, la SCI V.S.M., locataire principal des lieux, a donné à bail à la société Boucherie du marché un local commercial situé [Adresse 2] moyennant un loyer annuel de 80 000 euros, hors charges et hors taxes, payable trimestriellement, par avance, outre un dépôt de garantie de 20 000 euros et une provision sur charges trimestrielle de 4 000 euros.

Suivant un acte de commissaire de justice du 6 décembre 2022, la SCI V.S.M. a fait délivrer à la société Boucherie du marché un commandement de payer visant la clause résolutoire pour une somme de 25 866,61 euros TTC au titre de l'arriéré locatif au 30 novembre 2022, échéance d'octobre incluse.

Par acte extrajudiciaire du 9 février 2023, la SCI V.S.M. a fait assigner la société Boucherie du marché devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de voir :

constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail ;

ordonner l'expulsion de la société Boucherie du marché et celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique si besoin est ;

dire que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L.433-1 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

condamner la société Boucherie du marché à payer à la SCI V.S.M. la somme provisionnelle de 54 588,70 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 6 janvier 2023 ;

condamner la société Boucherie du marché au paiement d'une indemnité d'occupation provisionnelle égale à la somme de 13 279 euros toutes charges et taxes comprises par mois d'occupation à compter du 6 janvier 2023, correspondant au loyer normal majoré de 50% majoré des charges et de la TVA, jusqu'à la libération des locaux qui se matérialisera par la remise des clés ou l'expulsion du défendeur ;

dire que le dépôt de garantie demeurera acquis au bailleur.

Par ordonnance contradictoire du 12 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a :

débouté la société Boucherie du marché de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire ;

constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 7 janvier 2023 ;

ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la Société Boucherie du marché et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 2] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution sur ce point ;

fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Boucherie du marché, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires et condamné la Société Boucherie du marché à la payer ;

vu l'existence de contestations sérieuses ;

dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Boucherie du marché de condamnations provisionnelles de la SCI V.S.M. au titre du préjudice subi pour défaut d'accès des emplacements de parking par la clientèle de la société Boucherie du marché et de remboursement des provisions sur charges ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de la société Boucherie du marché de condamnation de la SCI V.S.M. à installer un système de barrière permettant l'accès à la clientèle des emplacements de parking ;

condamné par provision la société Boucherie du marché à payer à la SCI V.S.M. la somme de 54 588,70 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arrêté au 24 janvier 2023 (4ème trimestre 2022 et 1er trimestre 2023 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2022 sur 25 866,61 euros et à compter du 9 février 2023 sur le surplus, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre du dépôt de garantie ;

condamné la société Boucherie du marché aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement ;

condamné la société Boucherie du marché à payer à la SCI V.S.M. la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

rappelé que l'ordonnance de référé rendue en matière de clause résolutoire insérée dans le bail commercial a autorité de chose jugée provisoire et est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 30 octobre 2023, la société Boucherie du marché a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble des chefs de son dispositif, sauf en ce qu'elle dit n'y avoir lieu à référé sur la demande au titre du dépôt de garantie.

La société Boucherie du marché a été placée en redressement judiciaire par jugement du 26 décembre 2023, M. [R] [D] étant désigné mandataire judiciaire.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 27 février 2024, la société Boucherie du marché et M. [R] [D] en sa qualité de mandataire judiciaire demandent à la cour de :

recevoir l'intervention volontaire de Me [R] [D] ès qualités de mandataire à la procédure de redressement judiciaire de la société Boucherie du marché et la déclarer recevable ;

la dire et la juger recevable et bien fondée en toutes ses demandes ;

à titre principal,

les recevoir en leurs prétentions, savoir que :

l'ouverture d'une procédure collective interrompt toute poursuite fondée sur une créance de somme d'argent ;

il existe d'importantes contestations sérieuses portant sur le décompte locatif du bailleur qui ne tient pas compte de tous les règlements de la société Boucherie du marché ou intègre seulement des provisions sur charge et non la régularisation annuelle des charges ;

il existe des manquements du bailleur à son obligation de délivrance justifiant l'existence d'une créance au profit du preneur qui, outre le fait de constituer une contestation sérieuse, doit venir en compensation des propres demandes du bailleur ;

les demandes incidentes du bailleur portant sur le versement d'intérêts de retard et la retenue du dépôt de garantie se heurtent à des contestations sérieuses et notamment à raison de l'avantage excessif que cela conférerait au bailleur sur lequel seul le juge du fond est compétent ;

en conséquence,

confirmer l'ordonnance entreprise portant sur les chefs de jugement ci-dessous ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre du dépôt de garantie ;

infirmer le jugement entrepris portant sur les chefs de jugement ci-dessous :

débouté la société Boucherie du marché de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire ;

constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 7 janvier 2023 ;

ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Boucherie du marché et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Localité 5] ([Adresse 2] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution sur ce point ;

fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Boucherie du marché, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires et condamné la société Boucherie du marché à la payer ;

vu l'existence de contestations sérieuses ;

dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Boucherie du marché de condamnations provisionnelles de la SCI V.S.M. au titre du préjudice subi pour défaut d'accès des emplacements de parking par la clientèle de la société Boucherie du marché et de remboursement des provisions sur charges ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de la société Boucherie du marché de condamnation de la SCI V.S.M. à installer un système de barrière permettant l'accès à la clientèle des emplacements de parking ;

condamné par provision la société Boucherie du marché à payer à la SCI V.S.M. la somme de 54 588,70 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d'occupation arrêté au 24 janvier 2023 (4ème trimestre 2022 et 1er trimestre 2023 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2022 sur 25 866,61 euros et à compter du 9 février 2023 sur le surplus, ainsi que les indemnités d'occupation postérieures ;

condamné la société Boucherie du marché aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement ;

condamné la société Boucherie du marché à payer à la SCI V.S.M. la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

rappelé que l'ordonnance de référé rendue en matière de clause résolutoire insérée dans le bail commercial a autorité de chose jugée provisoire et est exécutoire à titre provisoire.

et statuant à nouveau

à titre principal,

dire n'y avoir lieu à référé compte tenu, d'une part, du principe d'arrêt des poursuites lié à l'ouverture d'une procédure collective et, d'autre part, des contestations sérieuses existantes ;

déclarer la société V.S.M. irrecevable dans toutes ses demandes ;

débouter la société V.S.M. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et notamment de son appel incident ;

à titre subsidiaire,

suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire du bail commercial signé le 21 octobre 2019 ;

ordonner la compensation entre les sommes dues entre les parties ;

lui accorder un délai de 24 mois afin qu'elle s'acquitte de sa dette, à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;

à titre reconventionnel et en tout état de cause,

condamner la société V.S.M. à procéder à l'installation de tout système permettant l'accès de la clientèle du commerce aux emplacements de parkings, ce sous astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir ;

condamner la société V.S.M. à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre tous les dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 27 février 2024, la SCI V.S.M. demande à la cour de :

débouter la société Boucherie du marché de son appel et de toutes ses demandes ;

confirmer partiellement l'ordonnance de référé rendue le 12 octobre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Créteil sur les chefs de condamnation suivant :

débouter la société Boucherie du marché de sa demande de délais de paiement de suspension des effets de la clause résolutoire ;

dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Boucherie du marché de condamnations provisionnelles de la SCI V.S.M. au titre du préjudice subi pour défaut d'accès des emplacements de parking par la clientèle de la société Boucherie du marché et de remboursement des provisions sur charges ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de la société Boucherie du marché de condamnation de la SCI V.S.M. à installer un système de barrière permettant l'accès à la clientèle des emplacements de parking ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre du dépôt de garantie ;

vu l'évolution du litige, statuant à nouveau :

à titre principal

fixer au passif de la société Boucherie du marché la somme de 145 298,18 euros toutes taxes comprises (137 234,62 euros TTC + 8 063,56 euros TTC), correspondant aux loyers, provisions pour charges, taxes, intérêts de retard fixés au taux EURIBOR à 3 mois majoré de 100 points de base, conformément aux stipulations du bail et autres sommes dues au titre du bail commercial, arrêtés au 26 décembre 2023 ;

à titre subsidiaire

fixer au passif de la société Boucherie du marché la somme de 137 234,62 euros toutes taxes comprises au titre du solde des loyers, charges et accessoires et indemnités d'occupation arrêté au 26 décembre 2023 majorée de l'intérêt au taux légal ;

en toute hypothèse

condamner l'étude [R] [D] prise en la personne de Me [R] [D] à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme de 1 000 euros qui lui a été allouée en première instance et outre sa condamnation aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 février 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Par message envoyé par le réseau privé virtuel des avocats le 6 mai 2024, les parties ont été informées que la cour envisageait de soulever d'office l'irrecevabilité de la demande de voir condamner la société V.S.M. à procéder à l'installation de tout système permettant l'accès de la clientèle de la société Boucherie du marché aux emplacements de parkings sous astreinte au regard de l'autorité de la chose jugée de la décision au fond du 12 avril 2022 du tribunal judiciaire de Créteil rejetant la demande de la société Boucherie du marché de voir ordonner sous astreinte la réalisation de tout système permettant l'utilisation du parking comme un parking client. Les parties ont été invitées à communiquer une note en délibéré à ce sujet jusqu'au 10 mai 2024 à minuit ce qu'elles n'ont pas fait.

Sur ce,

Il convient, à titre liminaire, de recevoir l'intervention volontaire de M. [R] [D] en sa qualité de mandataire à la procédure de redressement judiciaire de la société Boucherie du marché.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

L'article L.622-21 du code du commerce dispose que :

Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

II.-Sans préjudice des droits des créanciers dont la créance est mentionnée au I de l'article L. 622-17, le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.

III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.

IV.-Le même jugement interdit également de plein droit, tout accroissement de l'assiette d'une sûreté réelle conventionnelle ou d'un droit de rétention conventionnel, quelle qu'en soit la modalité, par ajout ou complément de biens ou droits, notamment par inscription de titres ou de fruits et produits venant compléter les titres figurant au compte mentionné à l'article L. 211-20 du code monétaire et financier, ou par transfert de biens ou droits du débiteur.

Toute disposition contraire, portant notamment sur un transfert de biens ou droits du débiteur non encore nés à la date du jugement d'ouverture, est inapplicable à compter du jour du prononcé du jugement d'ouverture.

Toutefois, l'accroissement de l'assiette peut valablement résulter d'une cession de créance prévue à l'article L. 313-23 du code monétaire et financier lorsqu'elle est intervenue en exécution d'un contrat-cadre conclu antérieurement à l'ouverture de la procédure. Cet accroissement peut également résulter d'une disposition contraire du présent livre ou d'une dérogation expresse à son application prévue par le code monétaire et financier ou le code des assurances.

Il résulte de ce texte que l'action introduite par le bailleur avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.

En l'espèce, le jugement d'ouverture de la procédure collective est intervenu le 26 décembre 2023. Le commandement de payer vise des loyers échus au 30 novembre 2022, échéance d'octobre incluse.

Il en résulte que la décision entreprise, dont il avait été régulièrement fait appel le 30 octobre 2023, n'était pas passée en force de chose jugée lors du jugement d'ouverture et que l'action en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut être poursuivie.

Il convient, en conséquence, au vu de l'évolution du litige, d'infirmer l'ordonnance entreprise et de dire n'y avoir lieu à référé sur la demande tendant à l'acquisition de la clause résolutoire et sur les demandes subséquentes.

Sur la provision

L'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L.622-21 du code de commerce.

Il convient, en conséquence, au vu de l'évolution du litige, d'infirmer l'ordonnance sur la demande tendant au paiement de provisions.

Sur la demande reconventionnelle de la société Boucherie du marché

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 125 alinéa 2 du même code énonce que le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée.

Aux termes de l'article 480 du même code, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4.

L'article 1355 du code civil énonce que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité.

Le juge des référés ne peut méconnaître l'autorité de la chose jugée par le juge du fond, même si le jugement au fond, assorti ou non de l'exécution provisoire, est frappé d'appel. Il en résulte qu'une cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé, ne peut méconnaître ce qui a été précédemment jugé par une juridiction du fond (Civ. 2e, 10 mars 2005, 02-20.513).

Au cas présent, par jugement au fond du 12 avril 2022 le tribunal judiciaire de Créteil a rejeté la demande de la société Boucherie du marché de voir ordonner sous astreinte à la SCI V.S.M. la réalisation de tout système permettant l'utilisation du parking comme un parking client.

Il en résulte que cette même demande fondée sur une cause identique entre les mêmes parties en leur même qualité se heurte à l'autorité de la chose jugée de cette décision au fond, peu important qu'il en ait été fait appel.

Elle est dès lors irrecevable.

La décision sera infirmée en ce qu'elle dit n'y avoir lieu à référé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Eu égard à la solution du litige, chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

Il ne sera pas fait droit aux demandes au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance comme en appel.

La décision sera infirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'intervention volontaire de M. [R] [D] en sa qualité de mandataire judiciaire de la société La Boucherie du marché ;

Infirme l'ordonnance entreprise dans les limites de la saisine de la cour ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes d'acquisition de la clause résolutoire et de provision ;

Déclare irrecevable la demande de voir condamner la société V.S.M. à procéder à l'installation de tout système permettant l'accès de la clientèle du commerce aux emplacements de parkings sous astreinte ;

Rejette les demandes des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens.