CA Rennes, 5e ch., 15 mai 2024, n° 21/03381
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Surcouf (SCI)
Défendeur :
Hotel Surcouf (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Le Champion
Vice-président :
Mme Parent
Conseiller :
Mme Hauet
Suivant acte sous seing privé du 27 avril 2008, la SCI Surcouf a donné à bail commercial à la société Hôtel Surcouf un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 4] à destination d'hôtel, séminaires et d'habitation pour une durée de 9 ans à compter du 1er novembre 2008 moyennant un loyer de
49 800 euros hors taxes hors charges payable mensuellement d'avance.
Par acte d'huissier du 28 décembre 2017, la SCI Surcouf a fait signifier à la société Hôtel Surcouf un congé pour le 30 juin 2018 avec offre de renouvellement du bail aux mêmes clauses et conditions, sauf à porter le montant du loyer à 75 000 euros.
Par jugement en date du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Nantes a :
- fixé à 75 548,38 euros hors taxes et hors charges le nouveau montant du
loyer à compter du 1er juillet 2018,
- dit que les arriérés de loyer portent intérêts au taux légal à compter de l'assignation pour ceux échus à cette date du 25 octobre 2018, et à compter des échéances postérieures pour le surplus, et ordonné leur capitalisation par années entières dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté toutes autres prétentions plus amples ou contraires,
- fait masse des dépens, y compris les frais d'expertise, et les partage par moitié entre les parties.
Le 3 juin 2021, la SCI Surcouf a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 20 janvier 2022, elle demande à la cour de :
- l'accueillir en son appel et le dire bien fondé,
- réformer le jugement rendu le 11 décembre 2020 par le juge des loyers commerciaux près le tribunal judiciaire de Nantes, en ce qu'il a :
* fixé à 75 548,38 euros hors taxes et hors charges le nouveau montant du
loyer à compter du 1er juillet 2018,
* dit que les arriérés de loyer portent intérêts au taux légal à compter de l'assignation pour ceux échus à cette date du 25 octobre 2018, et à compter des échéances postérieures pour le surplus, et ordonné leur capitalisation par années entières dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
* ordonné l'exécution provisoire,
* fait masse des dépens, y compris les frais d'expertise, et les partage par moitié entre les parties,
- voir constater que la société Hôtel Surcouf n'a pas respecté la procédure instituée pour la réalisation des travaux,
- voir constater que seule une faible part d'entre eux se rapporte aux dispositions de l'article L.311-1 du code du tourisme,
- voir constater que la preuve de la réalité des travaux n'est pas rapportée,
- en conséquence, écarter l'application des dispositions des articles L.311-1 et suivants du code du tourisme,
- fixer le montant du loyer à la valeur locative à compter rétroactivement du 1er juillet 2018, soit la somme de 106 681,08 euros HT et hors charges par an, toutes les clauses de l'ancien bail étant maintenues,
- condamner la société Hôtel Surcouf au paiement des intérêts de droit sur chaque échéance, en application de l'article 1155 du code civil, outre les intérêts capitalisés en application de l'article 1154 du code civil,
- débouter la société Hôtel Surcouf de l'ensemble de ses prétentions,
- condamner la société Hôtel Surcouf à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner à tous les dépens en ce compris les frais d'expertise.
Par dernières conclusions notifiées le 21 octobre 2021, la société Hôtel Surcouf demande à la cour de :
- la juger recevable et bien fondée en son appel incident,
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Nantes du 17 décembre 2020 en ce qu'il a fixé le montant du loyer HT et hors charges à la somme de 75 548,38 euros à compter du 1er juillet 2018, juger que les arriérés de loyers portent intérêts au taux légal à compter de l'assignation avec capitalisation, condamné les parties aux dépens par moitié et rejeté la demande de non valorisation du loyer et les demandes subsidiaires de fixation du loyer à la somme de 54 182,80 euros HT et plus subsidiairement à la somme de 58 484,60 euros HT,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nantes du 17 décembre 2020 en ce qu'il a rejeté la prise en compte des recettes petits déjeuners et parkings, en ce qu'il a jugé respecté l'information préalable du bailleur de l'article L.311-2 du code du tourisme,
Statuant à nouveau,
- déclarer irrecevable la demande en augmentation du prix du bail renouvelé le 1er juillet 2018, à raison des travaux réalisés par elle durant le bail venu à terme le 31 octobre 2017, suivant autorisation du bailleur du 29 novembre 2015 faisant réponse à une lettre respective du 1er août 2015, lesquels sont des travaux d'amélioration de l'immeuble et de ses équipements ce dont résulte que pendant la durée du bail renouvelé et une durée de douze ans, le bailleur ne peut prétendre à aucune majoration de loyer du fait de l'incorporation des travaux à l'immeuble, qui ont permis le maintien du classement de l'hôtel dans sa catégorie 2 étoiles,
- juger qu'il n'y a pas lieu à augmentation du montant du loyer,
- juger qu'elle a respecté l'information préalable à la réalisation de travaux,
- juger que la preuve des travaux est rapportée,
- débouter la SCI Surcouf de toutes ses demandes,
- condamner la SCI Surcouf à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCI Surcouf aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise,
Subsidiairement,
- juger qu'il n'y a pas lieu à augmentation du montant du loyer,
- juger qu'elle a respecté l'information préalable à la réalisation de travaux,
- juger que la preuve des travaux est rapportée,
- débouter la SCI Surcouf de toutes ses demandes,
- condamner la SCI Surcouf à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCI Surcouf aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise,
Plus subsidiairement,
- fixer le montant du loyer annuel rétroactivement au 1er juillet 2018 à la valeur locative soit la somme HT et hors charges de 53 322 euros HT et encore plus subsidiairement 54 182,80 euros HT,
- débouter la SCI Surcouf de toutes ses demandes,
- condamner la SCI Surcouf à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCI Surcouf aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise,
- autoriser la SCP Ab Litis - maître Sylvie Pelois - maître Amélie Amoyel Vicquelin avocats postulants à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er février 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il est rappelé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de 'constater', 'donner acte', 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d'entraîner des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise de moyens développés dans le corps des conclusions qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.
- Sur la fixation du montant du loyer du bail renouvelé
La SCI Surcouf demande de voir confirmer l'application de la méthode hôtelière mais sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a écarté à tort, selon elle, un certain nombre d'éléments retenus par l'expert judiciaire comme la recette du petit déjeuner et celle potentielle des places de parking. Elle sollicite de voir fixer le montant du loyer à la valeur locative rétroactivement au 1er juillet 2018 soit la somme de 106 681,08 euros HT et hors charges par an.
Elle s'oppose à toute prise en charge des travaux réalisés par le preneur et demande de voir écarter l'application des dispositions de l'article L.311-1 du code du tourisme au motif que le preneur n'a pas respecté les formalités substantielles imposées par le texte en ce qu'il n'a pas joint au courrier descriptif des travaux, un plan d'exécution et un devis descriptif et estimatif des travaux projetés.
Elle relève que l'expert n'a retenu qu'un total de factures de 14 755,79 euros comme pouvant correspondre à des travaux éligibles et demande de ne pas retenir les nouvelles factures produites par le preneur postérieurement au dépôt de l'expertise.
Elle critique le jugement qui a retenu un abattement supplémentaire de 10% pour des travaux d'améliorations importants. Elle soutient que les travaux réalisés par le preneur sont des travaux d'entretien à refaire régulièrement et sont liés à une mise en image de l'hôtel dans le cadre de son affiliation au réseau Inter-Hôtel. Elle conteste que l'hôtel ait vu une augmentation importante de son chiffre d'affaires du fait des travaux et indique que le premier exercice était d'une durée de 9 mois alors que le deuxième était de 12 mois. Elle demande de réformer le jugement qui a retenu un abattement complémentaire de 75 548,38 euros.
Elle demande de voir condamner le preneur au paiement des intérêts de droit sur chaque échéance et sollicite la capitalisation des intérêts au visa de l'article 1154 du code civil.
La société Hôtel Surcouf ne conteste pas l'application de la méthode hôtelière mais demande de voir inclure les charges exorbitantes de droit commun, avec exclusion de la recette des petits déjeuners et des taxes de séjour et prise en compte du nombre réel de chambre, du prix des chambres, des jours travaillés et du coût des travaux constituant une amélioration qui doivent être écartés du prix du calcul du loyer renouvelé. Elle considère que la valeur locative est de 77 404 euros mais soutient que cette somme doit être minorée du fait des travaux qu'elle a effectués.
S'agissant des travaux, elle rappelle qu'elle a réalisé des travaux de rénovation importants incluant la mise aux normes des équipements et la rénovation de la totalité des chambres et salles de bains, qu'elle en a informé le bailleur par courrier du 1er août 2015 qui ne s'y est pas opposé et qui a accepté les travaux ne touchant pas à la structure du bâtiment. Elle en déduit que le bailleur ne peut se prévaloir du non-respect des dispositions de l'article L.311-2 du code du tourisme.
Elle fait valoir que le montant des travaux à retenir au titre de l'article L.311-1 du code du tourisme est de 140 192,70 euros HT et que suite à la réalisation des travaux, le chiffre d'affaires est passé de 395 749 euros à
709 109 euros de sorte que le bailleur ne peut prétendre à aucune majoration du loyer du fait de l'incorporation des travaux à l'immeuble, lesquels sont directement en lien avec l'augmentation des recettes.
A titre subsidiaire en cas de revalorisation du loyer, elle expose que le montant global des travaux pour 191 508,96 euros HT est d'importance et justifie un abattement de 30% et non de 10% comme retenu par le jugement.
Enfin, elle s'oppose à ce que les intérêts de retard courent à compter de la mise en demeure mais seulement à compter de la décision à intervenir.
Aux termes de l'article L. 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1- Les caractéristiques du local considéré ;
2 - La destination des lieux ;
3 - Les obligations respectives des parties ;
4 - Les facteurs locaux de commercialité ;
5 - Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;
Un décret en Conseil d'Etat précise la consistance de ces éléments.
En vertu de l'article L.145-34 du code de commerce, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article
L.145-33 du code de commerce, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L.112-3 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques.
A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33 du code de commerce ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.
Aux termes de l'article R.145-10 du code de commerce, le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L.145-33 et R.145-3 et suivants du même code, être déterminé selon les usages dans la branche d'activité considérée.
Sont assimilés aux locaux construits en vue d'une seule utilisation et qualifiés de monovalents, les locaux aménagés en vue d'une seule affectation et ne pouvant être affectés à une autre destination sans réalisation de travaux très importants et des transformations profondes et coûteuses. Il est cependant admis que le bailleur ne peut se prévaloir, pour voir retenir la qualification de locaux monovalents, des travaux réalisés par le preneur que s'ils ont fait accession.
Par application des dispositions de l'article L. 145-34 du code de commerce, il appartient au bailleur qui entend déroger au principe du plafonnement et voir déterminer le loyer de renouvellement à la valeur locative de justifier d'une modification des éléments cités aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du même code.
Il se déduit de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions qu'en application de l'article L.145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés doit correspondre en principe à la valeur locative mais qu'il peut cependant être plafonné en vertu de l'article L.145-34 du même code à défaut de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33, dans des conditions précisées par ce texte. Il résulte encore de l'article L.145-36 et de l'article R.145-10 du code de commerce que le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation, par dérogation aux articles L.145-33 et R.145-3 et suivants, peut être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.
Les parties s'accordent sur le caractère monovalent des locaux s'agissant d'un hôtel de tourisme.
Le jugement entrepris a fait application de la méthode hôtelière pour le calcul du loyer s'agissant de la méthode retenue par l'expert. Les parties ne contestent pas l'application de cette méthode.
La cour rappelle que la méthode hôtelière consiste à fixer la valeur locative par référence à la recette théorique globale hors taxes, à laquelle sont appliqués successivement et s'il y a lieu :
- un abattement pour segmentation de la clientèle s'il est pratiqué de manière habituelle des remises à des «tour-operators» ou clients récurrents,
- un taux d'occupation choisi en fonction du classement de l'hôtel, de l'emplacement géographique et des éléments statistiques recueillis pour des établissements de même catégorie,
- un taux sur recettes déterminé selon la catégorie de l'hôtel, les normes habituellement admises pour des établissements comparables, les caractéristiques physiques de l'immeuble,
- un abattement pour tenir compte de clauses exorbitantes du droit commun.
Le montant du loyer initial était de 49 800 euros HT et hors charges et est depuis le 1er novembre 2017 de 55 016,64 euros par an. Il est acquis que l'hôtel comporte 40 chambres et est classé deux étoiles.
- Sur la valeur locative
* Sur la recette théorique :
L'expert a retenu une moyenne par type de chambre au vu des tarifs
affichés :
- chambres club : 12 chambres - prix moyen : 75 euros
- chambres élégance : 14 chambres - prix moyen : 78 euros
- chambre privilège : 12 chambres - prix moyen : 82 euros
- chambre familiale : 2 chambres - prix moyen : 120 euros
soit un prix moyen théorique de 80,40 euros.
Le jugement a justement relevé que le tarif pour la chambre club a été arrondi à tort par l'expert de sorte que le prix moyen doit être estimé à 74,50 euros. De même, l'expert n'ayant pas distingué le tarif des chambres familiales selon qu'elles sont louées au tarif chambre triple (entre 84 et 107 euros soit une moyenne de 107 euros) ou au tarif chambre familiale (entre 90 et 150 euros soit une moyenne de 120 euros), le jugement a justement retenu un prix moyen pour les deux chambres dites familiales de 113,50 euros de sorte que le prix moyen par chambre retenu par le jugement de 79,925 euros doit être confirmé.
Le nombre de jours d'ouverture est de 365 jours par an. Il n'y a pas lieu de prendre en compte le fait que certaines chambres étaient fermées pour travaux dans la mesure où le taux d'occupation n'est pas de 100%, ce qui n'est pas contesté par les parties. Le taux de 10% de TVA n'est pas non plus contesté.
Dans ces conditions, le jugement a parfaitement évalué la recette théorique annuelle brute à 1 060 822,73 euros.
* Sur le taux d'occupation :
Les parties critiquent le jugement qui a retenu un taux de 69,75%. La SCI Surcouf demande retenir le taux préconisé par l'expert de 70,5% alors que la société Hôtel Surcouf propose un taux de 68,7% s'agissant d'un hôtel économique.
L'expert a retenu un taux d'occupation de 70,5% en se fondant sur une étude de l'observatoire MKG Consulting qui fixe un taux d'occupation de l'hôtellerie nantaise en 2018 de 67,4% et du site hospitality-on qui a estimé ce taux pour la ville de [Localité 4] en 2018 un taux de 70,5%. Il indique que le prix moyen des chambres à [Localité 4] est de 72,10 euros HT soit un prix assez proche de celui pratiqué par le preneur de 73 euros HT.
S'agissant de la catégorie d'hôtel, l'expert précise qu'il n'existe pas à sa connaissance de statistique sur le taux d'occupation des hôtels 2 étoiles en centre ville de [Localité 4] pour l'année 2018. Or le preneur produit un extrait de décembre 2018 des performances hôtelières en France pour la ville de [Localité 4] de la société In Extenso-Deloitte dont il résulte que le taux d'occupation est de 66,9% pour les hôtels super-économiques et de 68,7% pour la classe économique. Cette statistique est donc plus précise que celle retenue par l'expert. L'hôtel classé 2 étoiles doit être considéré comme un hôtel économique et le taux d'occupation moyen sera fixé à 68,7%. Le jugement sera infirmé sur ce point.
* Sur le taux de remise commerciale :
Le bailleur demande de confirmer le jugement qui a retenu le taux proposé par l'expert de 15% alors que le preneur demande de le voir fixer à 20%.
L'expert a indiqué que les pourcentages de remises des différents contrats sont de 12% s'agissant des contrats HRS, 16% s'agissant des contrats Expedia et 15% s'agissant des contrats Booking avant de retenir un taux moyen de 15%.
Le preneur produit une attestation de son expert-comptable qui indique que le taux de commission est de 17% pour Booking et 23% pour Expedia.
Toutefois il convient de retenir un taux moyen. Dans ces conditions, le premier juge a parfaitement apprécié le taux de remise commerciale à 15%.
* Sur la recette petits déjeuners et parking
Le bailleur demande de retenir la recette des petits déjeuners évaluée par l'expert à la somme de 68 721 euros HT et celle des parkings pour 8 400 euros alors que le preneur demande de ne pas en tenir compte.
L'expert indique que le bail mentionne au rez-de-chaussée : accueil, salle de petits déjeuners. Au vu du prix pratiqué en 2018 de 9,20 euros TTC, il retient une recette annuelle de 68 721 euros HT.
S'agissant des places de parking, il relève que l'hôtel dispose de 9 places de parking en sous-sol dont 2 sont condamnées par la buanderie et retient un loyer mensuel possible de 700 euros au vu des prix pratiqués au centre-ville de [Localité 4] soit une somme de 8 400 euros par an.
Cette recette qui apparaît purement accessoire à celle d'hébergement doit être écartée dans le cadre de l'application de la méthode hôtelière classique qui a pour seule assiette les recettes tirées de la location des chambres et ce d'autant que la superficie de la salle de petit déjeuner n'est pas précisée et que l'hôtel se trouve au centre ville à proximité de la gare permettant aux clients de se rendre dans d'autres établissements pour le petit déjeuner. Il en est de même des places de parking qui sont très réduites et qui présentent une configuration rendant difficile le stationnement au vu des plans produits par le preneur outre les difficultés d'accès dans une zone à proximité de la gare. Ces difficultés expliquent le chiffre d'affaires de 20 euros seulement pour l'année 2018.
Le jugement qui n'a pas tenu compte des recettes petits déjeuners et parking sera confirmé.
* Sur les charges exorbitantes
Les parties s'accordent sur le montant de la taxe foncière retenue par l'expert à la somme de 9 168 euros.
Le jugement a justement considéré que la charge de réalisation des peintures tous les 3 ans stipulée au bail, qui n'est d'ailleurs pas reconnue comme nécessaire compte tenu de l'application d'un enduit durable, devait être considérée comme une obligation d'entretien locative et non comme une charge exorbitante, de même que l'absence de stationnement, ce service n'étant pas attractif au vu du chiffre d'affaires de 20 euros pour l'année 2018.
La valeur locative se calcule donc comme suit :
- recette théorique : 1 060 822,73 euros
- taux d'occupation : 68,7% = 728 785,21 euros
- remise commerciale : -15% = 619 467,42 euros
- taux d'effort : 15% = 92 920,11 euros
- taxe foncière : - 9 168 euros
soit 83 752,11 euros avant l'incidence des travaux.
- Sur les travaux réalisés par la société Hôtel Le Surcouf
L'article L.311-1 du code du tourisme dispose que le propriétaire d'un immeuble dans lequel est exploité un hôtel ne peut s'opposer, nonobstant toute stipulation contraire, à l'exécution des travaux d'équipement et d'amélioration que le locataire, propriétaire du fonds de commerce, réalise à ses frais et sous sa responsabilité lorsque ces travaux concernent :
1° La distribution de l'eau, du gaz et de l'électricité ;
2° L'installation du téléphone, d'appareils récepteurs de radiodiffusion et de télévision ;
3° L'équipement sanitaire ;
4° Le déversement à l'égout ;
5° L'installation du chauffage central ou de distribution d'air chaud ou climatisé ;
6° L'installation d'ascenseurs, monte-charges et monte-plats ;
7° L'aménagement des cuisines et offices ;
8° La construction de piscines,
même si ces travaux doivent entraîner une modification dans la distribution des lieux.
Dans le cas où ceux-ci affectent le gros oeuvre de l'immeuble, ils ne peuvent être entrepris, à défaut d'accord du propriétaire, qu'après avis favorable de commissions dont la composition et le fonctionnement seront fixés par décret pris sur avis du Conseil d'Etat et dans lesquelles seront représentés en nombre égal les hôteliers et les propriétaires d'immeubles.
L'article L.311-2 du dit code indique que le locataire doit, avant de procéder aux travaux, notifier son intention à son propriétaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Un plan d'exécution et un devis descriptif et estimatif des travaux projetés sont joints à cette notification. Dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article L. 311-1, le propriétaire dispose d'un délai de deux mois pour informer dans la même forme le locataire de son acceptation ou de son refus. Le défaut de réponse est réputé valoir accord.
L'article L.311-3 du dit code prévoit que pendant la durée du bail en cours et celle du bail renouvelé qui lui fait suite et pour une durée de douze années à compter de l'expiration du délai d'exécution mentionné à l'article L. 311-2, le propriétaire ne peut prétendre à aucune majoration de loyer du fait de l'incorporation à l'immeuble des améliorations résultant de l'exécution des travaux mentionnés à l'article L. 311-1.
S'agissant du respect des formalités visées à l'article L.311-1 du code de tourisme, le preneur a adressé un courrier en date du 1er août 2015 au
propriétaire lui faisant part de son intention de réaliser les travaux suivants:
- au rez-de-chaussée : remplacement de la porte de la salle de petit déjeuner par une porte vitrée ; remplacement de la banque de la salle de petite déjeuner par un meuble aux normes ; mise aux normes de la banque d'accueil,
- rénovation des 38 chambres et de leurs salles de bain, en ce compris le remplacement du carrelage, remplacement des portes d'entrée des salles de bains,
- rénovation des couloirs des 4 étages avec changement de la moquette et peinture des portes des chambres,
- création de 2 chambres handicapées conformément au diagnostic établi par Diag Expert (joint en annexe).
Il est constant que le preneur n'a pas joint de plan d'exécution ni de descriptif de travaux toutefois par courrier du 29 novembre 2015, la SCI Surcouf a répondu 'suite à ma visite de l'hôtel le Surcouf le jeudi 23 octobre où vous m'avez exposé les projets de travaux à venir et pour répondre à votre courrier recommandé du 1er août 2015. Les travaux ne touchant pas à la structure du bâtiment et ne concernant que la décoration et l'aménagement des chambres, accueil, parties communes ne nécessite pas de demande d'autorisation du propriétaire. En ce qui concerne le changement de distribution prévu dans l'appartement actuel, je vous donne l'autorisation pour faire ces transformations sous la surveillance unique de votre architecte qui sera responsable pour vous de la bonne exécution et de la conformité de celles-ci.'. En raison de la visite des lieux le 23 octobre 2015 par le propriétaire au cours de laquelle le preneur lui a exposé les projets de travaux sur site et de l'autorisation accordée par le propriétaire en toute connaissance de cause, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que le propriétaire ne pouvait invoquer le non-respect des formalités de l'article L.311-2 du code de tourisme.
L'expert a constaté que les travaux se sont échelonnés de mai 2015 à début 2018 et que les travaux ont commencé 7 mois avant l'autorisation écrite du bailleur. Le preneur lui a remis un tableau des factures engagées. L'expert, après avoir examiné l'ensemble des factures, a exclu les factures irrégulières ainsi que celles relatives à l'outillage qui ne sont pas prises en compte au titre de l'article L.311-1 précité ou présentant des références non identifiables de sorte qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des factures produites postérieurement au dépôt de l'expertise par le preneur. L'expert n'a pas retenu les factures antérieures à la demande de travaux faite par le preneur le 1er août 2015 ni celles établies dans les deux mois correspondant au délai donné au bailleur pour répondre.
L'expert a retenu un total de 14 755,79 euros de factures justifiées pour les travaux relevant de l'article L.311-1 précité (29.11.2015 de 9 240 euros pour la pose de carrelage et parquet, 08.02.2016 de 1 876,14 euros pour des travaux électricité, plomberie, peinture et 20.04.2016 de 1 180,35 euros pour revêtement de sol).
Le jugement a considéré, à juste titre, que ces travaux étaient amortis sur 12 ans de sorte qu'il en résulte une déduction de 1 229,65 euros par an sur la valeur locative, ce qui n'est pas véritablement contesté par les parties.
Au vu de ces éléments, le preneur sera débouté de sa demande tendant à voir constater l'irrecevabilité de la demande en augmentation du prix du bail renouvelé le 1er juillet 2018, à raison des travaux réalisés par elle durant le bail
S'agissant des travaux autres que ceux relevant des dispositions de l'article L.331-1 précité, l'expert a constaté que des travaux d'amélioration avaient été exécutés et que le locataire avait 'réalisé des travaux importants pendant la durée du bail' s'agissant de rénovation d'espaces communs et de l'ensemble des chambres et de leurs salles de bain. Il ne s'agit nullement de travaux d'entretien ayant pour objectif de mettre l'hôtel au niveau de la charte graphique du groupement auquel il appartient comme le soutient à tort la SCI Surcouf. L'expert a retenu la somme de 99 830,64 euros au titre de la valeur des travaux réalisés après étude des différentes factures produites étant précisé que cette somme intègre le montant des travaux relevant des dispositions de l'article L.311-1 du code du tourisme.
Toutefois, l'article 6 du bail intitulé 'améliorations' stipule que 'tous les travaux, embellissements et améliorations quelconques, qui seraient faits par le preneur, même avec l'autorisation du bailleur, resteront en fin de bail la propriété du bailleur, sans indemnité.
Or la clause accession en fin de bail des travaux d'amélioration réalisés par le preneur au cours du bail expiré ne prévoit aucune indemnité de la part du bailleur à ce titre, de ce fait le locataire ne peut prétendre à abattement sur le loyer renouvelé du fait des travaux d'amélioration effectués que si ces travaux relèvent des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de tourisme (cour d'appel de Paris 23.11.2023 - 21/12722). Ces travaux ayant déjà fait l'objet d'un abattement au visa de ce texte, il n'y a, dès lors, pas lieu de procéder à un abattement supplémentaire. Le jugement, qui a retenu un abattement de 10% s'agissant des travaux d'amélioration ne relevant pas des dispositions de l'article L.311-1 précité, sera réformé.
La valeur locative sera ainsi fixée :
- valeur locative avant incidence des travaux : 83 752,11 euros
- travaux code du tourisme : - 1 229,65 euros
soit une valeur locative de 82 522,46 euros.
Le jugement sera infirmé sur le montant de la valeur locative.
Le jugement, qui a fait droit à la demande du bailleur de voir fixer les intérêts sur les arriérés de loyer à compter de l'assignation et des échéances postérieures et qui pourront être capitalisés par années entières au visa de l'article 1343-2 du code civil, sera confirmé.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant chacun pour partie, la SCI Surcouf et la société Hôtel Surcouf seront déboutées de leur demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel et les dépens seront partagés entre les parties. Les dispositions du jugement entreprises relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 75 548,38 euros hors taxes hors charges le nouveau montant du loyer à compter du 1er juillet 2018 ;
Statuant à nouveau,
Fixe à 82 522,46 euros hors taxes hors charges le nouveau montant du loyer à compter du 1er juillet 2018 ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Y ajoutant,
Dit que les dépens d'appel seront partagés entre les parties ;
Déboute la société Hôtel Surcouf de toutes ses demandes, fins et
conclusions ;
Déboute la SCI Surcouf du surplus de ses demandes, fins et conclusions.