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Décisions

CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 14 mai 2024, n° 23/01093

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cacciatore TP (SARL)

Défendeur :

Meca TP (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pirat

Conseillers :

Mme Reaidy, M. Sauvage

Avocats :

Me Degrange, Me Eme

T. com. Chambéry, du 4 juill. 2023

4 juillet 2023

Exposé du litige

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Faits et procédure

Par jugement du 13 septembre 2022 du tribunal de commerce de Chambéry, la société Cacciatore TP a été placée en redressement judiciaire. Me [W] a été désigné comme juge commissaire et la société MJ Alpes, représentée par Me [T], comme mandataire judiciaire. Le jugement a fait l'objet d'une publication le 22 septembre 2022.

Par ordonnance n°2022M01423 du 16 février 2023, le juge commissaire a autorisé la société Méca TP, reconnue propriétaire de la minipelle Kubota 2T8 KX71.3, à reprendre le bien.

Me Degrange, représentant la société Cacciatore, a déposé un recours par déclaration au greffe du 2 mars 2023.

Par jugement contradictoire du 04 juillet 2023, le tribunal de commerce de Chambéry a :

- déclaré régulier et recevable en la forme le recours devant le tribunal de la société Cacciatore TP à l'encontre de l'ordonnance n°2022M01423 rendue le 16 février 2023 par M. le juge-commissaire du redressement judiciaire de la société Cacciatore TP ;

- écarté des débats l'extrait du grand livre produit en cours de délibéré par la société Cacciatore ;

- au fond, confirmé dans toutes ses dispositions l'ordonnance n°2022M01423 rendue par le juge commissaire le 16 février 2023 ;

- mis les dépens à la charge de la société Cacciatore.

Au visa principalement des motifs suivants :

le contrat conclu entre les parties était intitulé contrat de location et ne comportait aucune mention de valeur résiduelle ou d'indemnité de rachat qui existerait en cas de location-vente ;

aucune facture attestant du transfert de propriété n'est produite ;

la mention 'location vente' dans la rubrique 'chantier' ne suffit pas à qualifier le contrat de location-vente.

Par déclaration au greffe du 17 juillet 2023, la société Cacciatore TP, représentée par son mandataire judiciaire la selarl MJ Alpes a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures du 17 août 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Cacciatore TP, représentée par son mandataire judiciaire, la société MJ Alpes sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :

- déclarer la société Cacciatore TP recevable et bien fondée en ses demandes ;

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 juillet 2023 par le tribunal de commerce de Chambéry :

- en ce que le jugement a confirmé en tous points l'ordonnance de revendication n° 2022M01423 du 16 février 2023.

- en ce qu'il a été jugé que le contrat liant la société Cacciatore TP et la société Méca TP était un contrat de location et que la société Cacciatore TP devait la restitution de la mini-pelle Kubota.

Statuant à nouveau,

- rejeter la revendication de la propriété de la mini pelle Kubota 2T8 KX71.3 présentée par la société Méca TP dans sa requête enregistrée au greffe du tribunal de commerce de Chambéry le 24 novembre 2022 ;

- dire et juger que la mini pelle Kubota 2T8 KX71.3 est la propriété de la société Cacciatore TP suivant contrat du 26 mars 2019, en application des articles 1582 et 1583 du Code civil et en l'absence de clause de réserve de propriété ;

- constater le complet règlement du prix de la mini pelle Kubota 2T8 KX71.3 par la société Cacciatore TP ;

- condamner la société Méca TP à verser à la société Cacciatore TP la somme de 3000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamer la société Méca TP aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

Au soutien de ses demandes, la société Cacciatore fait valoir :

que le contrat du 26 mars 2019 mentionne le bien mis à disposition, son prix, ainsi que les modalités de règlement, de sorte qu'il y a un accord sur la chose et le prix et que la vente doit être considérée comme parfaite ;

que l'absence de valeur de rachat est sans incidence et que sur le contrat qui était une vente assortie d'un crédit sans intérêt, elle a réglé un total de 34 194,85 euros HT, soit un prix supérieur au prix convenu de 24 356,08 euros HT.

Par dernières écritures du 4 janvier 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Méca TP sollicite de la cour qu'elle :

- confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chambéry le 4 juillet 2023 en ce qu'il a :

- écarté des débats l'extrait du grand livre produit en cours de délibéré par la société Cacciatore TP ;

- au fond, confirmé dans toutes ses dispositions l'ordonnance n°2022M01423 rendue par le juge commissaire le 16 février 2023 ;

- mis les dépens à la charge de la société Cacciatore TP ;

- laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

Y ajoutant,

- condamne la société Cacciatore TP à verser à la société Méca TP la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamne la société Cacciatore TP à verser à la société Méca TP la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamne la société Cacciatore TP aux entiers dépens d'appel.

A l'appui de ses prétentions, la société Méca TP, intimée fait valoir :

qu'elle pratique la location et la location-bail de machines et équipements pour la construction, et qu'elle a conclu un contrat de location avec la société Cacciatore ;

les factures de location comportent toutes une erreur de remplissage informatique portant sur le lieu du chantier, champ dans lequel il est indiqué 'location-vente', ce qui ne peut avoir pour effet de modifier le contenu du contrat ;

une déclaration de créance a été faite pour les loyers impayés, et acceptée, pour un montant de 64 188,48 euros, et la société Cacciatore n'explique pas pourquoi elle aurait accepté de payer 48 factures de loyers si elle estimait être propriétaire après paiement de 28 mensualités ;

le contrat ne mentionne enfin aucune option, ni valeur de rachat, alors que la location-vente doit faire apparaître une option d'achat ;

enfin, la société Cacciatore faisant preuve de mauvaise foi et n'ayant toujours pas restitué la pelle mécanique, il y a lieu de la condamner à payer des dommages et intérêts pour résistance abusive.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 janvier 2024 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 5 février 2024.

Motivation

MOTIFS ET DECISION

L'article 1582 du code civil dispose 'La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer.'

Un document intitulé 'contrat de location' est produit aux débats, portant le n°45255, libellé au nom du client 'SARL Cacciatore TP', mentionnant 'dépôt : Virignin, chantier : location vente, contrat établi par [I] [D], mise à disposition le 26/03/2019 à 9h40, début de la location le 26/03/2019 à 9h40. Fin de la location le 30/07/2021. Nbre jours : 507, forfait mois : 870,00 HT, montant HT 20 962,85 euros HT,' avec les caractéristiques de la pelle kubota, mention réservoir plein.

Il est, en bas de page, précisé 'je reconnais avoir pris connaissance des conditions générales de location recto/verso et avoir souscris à une éventuelle assurance pour les risques dus à l'utilisation. Franchise à la charge du locataire (...) Toutes nos machines sont livrées avec le plein de carburant et devront être rendues avec le plein fait. Le manquant sera facturé. Le matériel sera contrôlé au retour et le nettoyage ou la casse éventuelle seront facturés en sus de la location de base.'

Hormis la mention 'chantier : location vente', aucune des spécifications de ce document ne permet de corroborer l'hypothèse que le contrat était en réalité une location-vente et que la société Cacciatore en serait propriétaire en fin de période de location, soit le 30 juillet 2021.

Les factures produites font ensuite apparaître que le contrat initialement conclu jusqu'au 30 juillet 2021 s'est prolongé par tacite reconduction et que la société Méca TP a continué à adresser des factures mensuelles en paiement du prix de location et a opéré une déclaration de créance à titre chirographaire le 22 septembre 2022 pour un montant de 64 188,48 euros, laquelle a été acceptée selon certificat d'admission du 5 décembre 2023 du tribunal de commerce de Chambéry.

La preuve n'est donc pas rapportée par la société Cacciatore TP que le contrat passé avec la société Méca TP était une location-vente et le jugement de première instance sera confirmé en toutes ses dispositions.

C'est par une exacte appréciation des circonstances de la cause que le premier juge a considéré que la société Méca TP ne faisait pas la démonstration d'une faute de la société Cacciatore dans sa revendication de la mini pelle Kubota, dans le contexte particulier de difficultés financières avérées ayant conduit à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Il convient de fixer au passif de la société Cacciatore la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de l'instance.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Fixe au passif du redressement judiciaire de la société Cacciatore TP les dépens de l'instance d'appel,

Fixe au passif du redressement judiciaire de la société Cacciatore TP la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Méca TP.