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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-3, 16 mai 2024, n° 22/00851

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Direction Régionale des Douanes Paris Ouest

Défendeur :

Etudes Gestion Transit (SA), Axyme (SELARL), Etude JP (SELAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perret

Conseillers :

Mme Cougard, M. Maumont

Avocats :

Me Opsomer, Me Dumeau

TGI Versailles, 1re ch., du 7 déc. 2017,…

7 décembre 2017

FAITS ET PROCEDURE

La société Henry Johnson Sons and co limited (ci-après, la société HJS), commissionnaire agréé en douanes, est intervenue pour le compte de la société Aéro Métals and Alloys (ci-après, la société Aéro Métals).

La société Aéro Métals a fait l'objet d'un contrôle douanier au cours de l'année 2011 portant sur l'état du stock de l'entrepôt en douanes, contrôle au cours duquel 92 soustractions ont été constatées par l'administration. Le 1er février 2012, l'administration des douanes a procédé à un deuxième contrôle du stock de marchandises pour constater la soustraction de 37,5 kg de titane.

La société Aéro Métals a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde judiciaire par jugement du 1er décembre 2011 puis le plan a été résolu et une procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 26 juin 2014, convertie en liquidation judiciaire le 27 août 2014.

Le 22 novembre 2012, l'administration des douanes a notifié à la société HJS un avis de mise en recouvrement des sommes de 80 942 euros au titre des droits de douanes et 324 447 euros au titre de la TVA, cet avis de mise en recouvrement visant « la soustraction des marchandises sous douanes, infraction prévue par l'article 423-2 du code des douanes nationales et réprimées par l'article 410-1 du même code ».

La société HJS a contesté cet avis de mise en recouvrement le 13 décembre 2012. Par acte du 25 juillet 2013, elle a assigné l'administration des douanes devant le tribunal de grande instance de Versailles aux fins d'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 22 novembre 2012.

Le 27 mai 2014, l'administration des douanes a annulé cet avis de mise en recouvrement et transmis le 5 juin 2014 un avis de résultat du contrôle à la société HJS.

Le 22 septembre 2014, l'administration des douanes a émis un nouvel avis de mise en recouvrement, contesté par la société HJS le 22 octobre suivant.

Après rejet de sa contestation, la société HJS a, par acte du 24 juillet 2015, assigné la direction générale des douanes et droits indirects, prise en la personne des douanes et droits indirects de Paris-Ouest (ci-après, l'administration des douanes), en annulation de ce second avis de mise en recouvrement.

Par jugement du 7 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Versailles a :

- déclaré prescrite l'action de l'administration des douanes à l'encontre de la société HJS,

- annulé l'avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- dit n'y avoir lieu à condamner l'administration des douanes aux dépens,

- condamné l'administration des douanes à payer à la société HJS la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte du 30 janvier 2018, l'administration des douanes a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 8 février 2019, la cour d'appel de Versailles a :

- confirmé le jugement déféré, sauf en ce qu'il a jugé l'action de la douane prescrite et a condamné l'administration sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau de ces chefs,

- dit que l'action de l'administration des douanes n'est pas prescrite,

- débouté la société HJS et l'administration des douanes de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la procédure est sans frais à répéter.

Saisie d'un pourvoi formé par l'administration des douanes, la chambre commerciale de la Cour de cassation a, par arrêt du 13 octobre 2021, cassé et annulé l'arrêt du 8 février 2019, sauf en ce qu'il dit que l'action de l'administration des douanes n'est pas prescrite, et remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt en les renvoyant devant la cour d'appel de Versailles autrement composée. La Cour a par ailleurs condamné la société Études Gestion Transit (ci-après, la société Egetra), venant aux droits de la société HJS, aux dépens, rejeté la demande formée par la société Egetra au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné cette dernière à payer à l'administration des douanes la somme globale de 3 000 euros sur ce même fondement.

Pour annuler l'avis de mise en recouvrement émis contre la société HJS, la cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 8 février 2019, a relevé que la société avait souscrit le 16 août 2011, une soumission générale cautionnée pour le dédouanement de marchandises au profit de la société Aero Metals, que cette dernière avait fait l'objet d'un contrôle douanier s'étant déroulé dans ses locaux et ayant donné lieu, le 9 février 2012, à un procès-verbal de notification d'infraction de soustraction de marchandises sous douanes. Elle a aussi relevé que la société HJS avait, lors des opérations de contrôle, transmis sa comptabilité matières, que le 5 juin 2014, l'administration avait, en application de l'article 67 A du code des douanes, adressé à la société HSJ un « avis de résultat d'enquête », qui relatait les circonstances du contrôle douanier effectué au sein de la société Aero Metals. Cet avis expliquait les raisons pour lesquelles, à la suite du défaut de paiement de cette dernière, la société HJS était redevable de la dette douanière en invitant celle-ci à présenter des observations écrites dans un délai de trente jours et en l'informant qu'à défaut de réponse, la dette douanière lui serait notifiée. La cour a encore souligné que, le 25 juin 2014, la société HJS avait transmis ses observations à l'administration, qui, le 5 août 2014, lui avait, à sa demande, adressé des documents et l'avait invitée à assister à la rédaction d'un procès-verbal récapitulatif. Selon le procès-verbal établi le 4 septembre 2014, le dirigeant de la société HJS avait été aussi invité à formuler ses observations : ce dernier avait maintenu l'ensemble des arguments exposés le 25 juin 2014 et l'administration avait émis l'AMR le 22 septembre 2014.

La cour d'appel de Versailles en a déduit que l'administration avait communiqué les documents réclamés par la société HJS, cependant que le délai de réponse de trente jours prévus par l'article 67 A du code des douanes était déjà expiré, de sorte que ladite société n'avait pu être entendue sur ces pièces.

Par arrêt du 13 octobre 2021, la Cour de cassation a énoncé que selon l'article 67 A du code des douanes, la notification d'une dette douanière est précédée de l'envoi ou de la remise à la personne concernée d'un document par lequel l'administration des douanes fait connaître la décision envisagée, les motifs de celle-ci, la référence des documents et informations sur lesquels elle sera fondée ainsi que la possibilité dont dispose l'intéressé de faire connaître ses observations dans un délai de trente jours à compter de la notification ou de la remise de ce document. Elle a par ailleurs affirmé qu'il résulte du principe du respect des droits de la défense, qui trouve à s'appliquer dès lors que l'administration se propose de prendre contre une personne un acte qui lui fait grief, que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l'administration entend fonder sa décision et de disposer, à cet effet, d'un délai suffisant.

Au visa du principe du respect des droits de la défense et de l'article 67 A du code des douanes, la Cour de cassation a néanmoins jugé qu'en annulant l'avis de mise en recouvrement émis contre la société HJS, alors que la demande de communication de pièces n'avait pas eu pour effet de rouvrir le délai de trente jours prévu à l'article 67 A du code des douanes ou d'en faire courir un nouveau, la société HJS avait été mise en demeure de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels l'administration entendait fonder sa décision et avait disposé, à cet effet, d'un délai suffisant.

Par déclaration du 10 février 2022, l'administration des douanes a saisi la cour pour voir statuer sur renvoi après cassation.

Par dernières écritures du 6 septembre 2023, l'administration des douanes prie la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré prescrite l'administration des douanes à l'encontre de la société HJS et annulé l'avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014,

Statuant à nouveau,

- juger que la dette douanière n'est pas prescrite,

- que le principe du contradictoire a été respecté par l'administration des douanes,

- que la société HJS est redevable de la dette douanière et fiscale,

- confirmer la validité de l'avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014 ainsi que celle de la décision de rejet de contestation de l'avis de mise en recouvrement pris par l'administration des douanes,

- débouter la société HJS de l'intégralité de ses prétentions,

- condamner la société HJS à payer à l'administration des douanes la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières écritures du 8 juin 2022, la société Axyme et la société Selas Etude JP sont intervenues volontairement ès qualités de mandataires liquidateurs de la société Egetra.

Par dernières écritures du 8 juin 2022, la société Egetra, venant aux droits de la société HJS, ainsi que les sociétés Axyme et Selas Etude JP prient la cour de :

A titre principal,

- débouter l'administration des douanes de toutes ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont irrecevables,

A titre subsidiaire,

- débouter l'administration des douanes de toutes ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont mal fondées,

- déclarer la créance alléguée par l'administration des douanes au titre de l'avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014 inopposable à la société Egetra, en liquidation judiciaire,

A titre encore plus subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il annule l'avis de mise en recouvrement, par substitution de motifs,

- annuler l'avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014, la société HJS n'étant pas visée par l'article 203 dudit code,

A titre encore plus subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il annule l'avis de mise en recouvrement, par substitution de motifs,

- annuler l'avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014, la société HJS du fait de sa qualité de représentante directe de la société Aero Metals vis-à-vis de l'administration des douanes,

A titre infiniment subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il annule l'avis de mise en recouvrement, par substitution de motifs,

- annuler l'avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014, faute de déclaration de créance par l'administration des douanes au passif de la société Aero Metals,

A titre encore plus subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il annule l'avis de mise en recouvrement, par substitution de motifs,

- annuler l'avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014 faute de preuve de la dette douanière,

A titre très subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il annule l'avis de mise en recouvrement, par substitution de motifs,

- annuler l'avis de mise en recouvrement du 22 septembre 2014 en ce qu'il excède la soumission générale cautionnée de dédouanement fournie par la société HJS,

- condamner l'administration des douanes à payer à la société Egetra une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre ceux prononcés par le jugement déféré,

- condamner l'administration des douanes aux entiers dépens avec recouvrement direct, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2023.

SUR QUOI

Les parties sont replacées dans la situation où elles se trouvaient avant l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 8 février 2019 sauf en ce qu'il est définitivement jugé que l'action de l'administration des douanes n'est pas prescrite et que contrairement aux moyens développés en première instance, la société Egetra n'allègue plus la violation du principe du contradictoire à l'encontre de la société HJS.

Il convient de rappeler en quelle qualité les parties sont apparues dans la procédure douanière: la société Henry Johnson and Co Limited (ci-après "la société HJS"), absorbée par la société Egetra, est intervenue en qualité de commissionnaire agréé en douane de la société Aero Metals & Alloys sur le fondement de l'article 189 paragraphe 3 du code des douanes communautaire qui permet aux autorités douanières d'autoriser un tiers à répondre en lieu et place des obligations d'une autre personne existant dans le cadre d'un régime douanier en matière de dédouanement. Cela entraîne à la charge de ce commissionnaire devenu principal obligé l'engagement de payer tous les droits, intérêts et taxes éventuellement dus en cas de défaillance de sa cliente, ici la société Aero Metals & Alloys, pour les opérations effectuées pour le compte de cette dernière et ce, par imputation sur sa propre soumission générale.

Du fait de la défaillance de paiement de la société Aero Metals & Alloys, l'administration des douanes a notifié le 22 novembre 2012 à la société HJS un premier avis de mise en recouvrement (AMR) puis le 22 septembre 2014, un second, fondés sur l'obligation précitée de répondre des manquements de la société HJS en vertu de l'acte de soumission en douane souscrit par la société Aero Metals & Alloys (pièce n° 4 de l'intimée).

A l'appui de sa contestation de la validité et du bien-fondé de l'AMR du 22 septembre 2014, la société Egetra s'appuie sur :

1- Sur l'irrecevabilité des demandes dû à un défaut de déclaration par la direction régionale des douanes de sa créance

La société Egetra invoque le fait qu'elle a été placée en redressement judiciaire par jugement du 22 juin 2021 puis en liquidation judiciaire par jugement du 2 août 2021 pour, au visa des articles L. 622-21, L. 622-22, L. 631-14, L. 641-3 du code de commerce, invoquer l'interruption des actions en justice en cours jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait déclaré sa créance. Elle affirme que l'article L. 622-25 alinéa 1 du code de commerce impose au créancier de déclarer sa créance au passif du débiteur mis en redressement judiciaire et de préciser la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie.

Or, selon la société Egetra, la direction régionale des douanes a négligé de le faire entre les mains du mandataire judiciaire ou du liquidateur judiciaire dans le délai de 2 mois de la publication du jugement.

Dès lors, en vertu des articles L. 622-26, L. 631-14, L. 641-3 du code de commerce, les créances non déclarées étant inopposables à la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, celle de la douane est inopposable à la société Egetra durant la procédure de liquidation judiciaire.

L'administration aurait également négligé de déclarer sa créance à la liquidation de la société Aero Metals et par ce fait fautif, elle aurait privé la société HJS du bénéfice des répartitions et dividendes et de sa subrogation dans le privilège de la douane tel que prévu par l'article 381 du code des douanes par lequel le commissionnaire en douane qui paie la dette douanière est subrogé dans le privilège de l'administration.

En réponse, l'administration des douanes admet ne pas avoir déclaré sa créance au passif de la société Aero Metals mais l'avoir fait à la procédure collective de la société Egetra le 24 juillet 2014, créance acceptée par le juge commissaire.

Elle expose pourquoi cela n'a généré aucun préjudice pour la société Egetra venant aux droits de la société Aero Metals.

Sur ce,

L'administration ne prouve pas avoir déclaré sa créance à la procédure collective concernant la société Egetra. Mais depuis l'entrée en vigueur le 1er janvier 2006 de la loi dite sauvegarde des entreprises, les créances non déclarées dans les délais légaux ne sont plus, comme auparavant frappées d'extinction mais sont simplement inopposables à la procédure collective. La dette demeure.

Quant au préjudice invoqué par l'intimée du fait de la non déclaration à la procédure de la société Aero Metals qui justifierait l'annulation de l'AMR du 22 septembre 2014, il lui incombe de démontrer sa qualité de caution pour pouvoir prétendre à l'application des dispositions de l'article 2314 du code civil, aux termes desquelles "Lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s'opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu'elle subit".

Or, la soumission générale, souscrite le 16 août 2011, consiste en une garantie autonome (pièce n° 19 du dossier de l'appelant) qui, à ce titre, n'offre pas au garant la même protection qu'à une caution. En l'occurrence, elle ne permet pas à la société HJS, désignée comme "principal obligé" aux termes de la garantie, de prétendre bénéficier de la décharge prévue au titre du bénéfice de subrogation de la caution.

Ce moyen doit être rejeté.

2- Sur l'irresponsabilité du déclarant en douane et du représentant direct du commissionnaire en douane

La société Egetra affirme qu'en vertu des articles 203 paragraphe 3 et 214.2 al 1 du code des douanes communautaire, pour que la douane puisse se prévaloir d'une créance douanière, il faudrait qu'elle-même ait assuré dans les faits le stockage des marchandises ou leur déplacement, ce qu'elle n'a pas réalisé, et rappelle que le simple déclarant en douane ne peut être considéré comme débiteur de la dette douanière.

Au visa des articles 87 et 345 alinéa 3 du code des douanes communautaire ainsi que de l'article 5.2 du même code, elle assure également que la conséquence de la représentation directe de la société HJS est que le commissionnaire en douane agit en vertu d'un mandat et qu'il n'est donc pas débiteur de la dette douanière. Seule la société Aero Metals and Alloys serait débitrice.

L'Administration des douanes répond que l'AMR du 22 septembre 2014 vise certes l'article 87 du code des douanes mais aussi le procès-verbal du 4 septembre 2014 qui ne permet aucune confusion sur la qualité de la société HJS, codébitrice solidaire des dettes douanières et fiscales liées à la soustraction sous douane de marchandises placées en entrepôt.

Sur ce,

Les textes visés par l'intimée sont les suivants :

Aux termes de l'article 203 du code des douanes communautaire dans sa version applicable à l'époque des faits :

"1. Fait naître une dette douanière à l'importation : la soustraction d'une marchandise passible de droits à l'importation à la surveillance douanière.

2. La dette douanière naît au moment de la soustraction de la marchandise à la surveillance douanière.

3. Les débiteurs sont :

- la personne qui a soustrait la marchandise à la surveillance douanière,

- les personnes qui ont participé à cette soustraction en sachant ou en devant raisonnablement savoir qu'il s'agissait d'une soustraction de la marchandise à la surveillance douanière,

- celles qui ont acquis ou détenu la marchandise en cause et qui savaient ou devaient raisonnablement savoir au moment où elles ont acquis ou reçu cette marchandise qu'il s'agissait d'une marchandise soustraite à la surveillance douanière ainsi que,

- le cas échéant, la personne qui doit exécuter les obligations qu'entraîne le séjour en dépôt temporaire de la marchandise ou l'utilisation du régime douanier sous lequel cette marchandise a été placée."

L'article 87 exige l'agrément en tant que commissionnaire en douane pour pouvoir accomplir des formalités de douane au nom et pour le compte d'autrui, c'est-à-dire en tant que représentant direct au sens de l'article 5.2 du CDD.

La société HJS n'est pas actionnée par l'administration des douanes du fait de sa qualité de représentante directe de la société Aero Metals et Alloys effectivement détenue selon les modalités de l'article 5 .2 alinéa 1 du code des douanes communautaire, mais en tant que signataire d'une soumission générale cautionnée. De ce dernier chef, elle doit répondre directement comme co-obligée des manquements de la personne morale qui est sa cliente et supporter ses dettes issues d'infractions douanières commises à l'occasion de soustractions de marchandises constatées dans l'entrepôt, peu important donc qu'elle n'ait ni déplacé ni stocké elle-même lesdites marchandises. L'administration des douanes ne lui reproche pas d'avoir commis elle-même les faits litigieux ni d'avoir participé à la soustraction des marchandises faisant naître ainsi une dette douanière au sens de l'article 203 précité ; la société HJS n'a d'ailleurs pas fait l'objet d'un contrôle douanier elle-même.

Le procès-verbal du 4 septembre 2014 sur lequel repose l'émission de l'AMR du 22 septembre 2014 est très clair à ce sujet dans son folio 3 par lequel M. [Y] [H] , dirigeant de la société HJS, se voit rappeler l'imputation des opérations de la société Aero Metals & Alloys sur sa propre soumission générale cautionnée n° 168286 du 16 août 2011 telle qu'elle figure en pièce 19 versée aux débats par l'administration appelante.

Ce moyen doit être rejeté.

3- Sur le défaut de preuve des droits et taxes réclamés

La société Egetra assure que n'ayant pas participé au contrôle et n'ayant pas eu communication des pièces à l'appui desquelles la dette douanière s'est fondée, elle est dès lors dans l'impossibilité de contrôler les droits et taxes objets de l'avis de résultat de contrôle. Elle considère donc qu'il n'est pas démontré que les marchandises aient été soustraites au contrôle de l'administration et qu'il n'existe pas ici d'éléments permettant de démontrer la date de la soustraction.

L'administration des douanes affirme que toutes les soustractions sous douane identifiées sont clairement détaillées dans les documents et annexes envoyés par l'administration des douanes par courrier recommandé le 5 août 2014 versé aux débats.

Sur ce,

Par courrier recommandé du 5 août 2014, l'administration des douanes a transmis à la société HJS :

o le procès-verbal de constat PC12-004 n° 1 et ses annexes (sur 19 pages) ;

o le procès-verbal de notification d'infraction PC12-004 n° 2 et ses annexes (10 pages) ;

o le détail de la liquidation d'office mentionnant les déclarations en douane justifiant l'importation ;

o le courrier du 10 novembre 2011 de la société Aerometals où cette dernière reconnaissait la soustraction sous douane.

Toutes les soustractions sous douane identifiées sont clairement détaillées dans ces documents et leurs annexes.

De plus, l'administration des douanes tient à rappeler que la société Aero Metals a, elle-aussi, procédé à un contrôle des marchandises manquantes, qu'elle a admis avoir effectué les soustractions sous douanes reprochées et qu'elle n'a jamais contesté le montant des droits et taxes réclamé.

La société HJS elle-même a reconnu l'existence des soustractions de marchandises reprochées et partant de la dette et de la validité de l'AMR et ce, après avoir procédé à un contrôle des marchandises manquantes dans l'entrepôt. En se fondant sur les références des déclarations d'importation litigieuses et sur son propre état du stock qu'elle a fourni de son propre gré à l'administration des douanes, la société HJS avait donc tous les éléments qui lui étaient nécessaires afin de procéder, par elle-même, au contrôle des marchandises manquantes dans l'entrepôt sous douane contenant les marchandises de la société Aero Metals.

L'ensemble des documents sur lesquels repose la démonstration de l'infraction lui a été communiqué et elle a eu un délai pour présenter ses observations.

L'article 345 alinéa 3 du code des douanes énonce que "L'avis de mise en recouvrement indique le fait générateur de la créance ainsi que sa nature, son montant et les éléments de sa liquidation. Une copie est notifiée au redevable." Tous les renseignements sur l'origine et le calcul de la dette est donc encore exposé.

L'AMR du 22 septembre 2014 repose sur le procès-verbal d'infraction du 4 septembre 2014 où il est établi que la société HJS est recherchée comme signataire d'une soumission générale cautionnée qui la rend codébitrice des dettes douanières et fiscales liées à la soustraction sous douane de marchandises placées en entrepôt. Cela est très clair également d'après l'avis de résultat de contrôle du 5 juin 2014 adressé à la société HJS. Cette dernière n'est pas poursuivie comme représentante directe de la société HJS et la procédure a été parfaitement contradictoire comme le reconnaît implicitement la société Egetra en abandonnant ce moyen relatif à la violation de ce principe devant la cour.

Au cas présent, la liste très exacte des opérations litigieuses, expliquant en tant que de besoin le calcul de l'administration des douanes, a été fournie à la société HJS en annexe de l'AMR.

Dès lors, ce moyen développé par la société Egetra doit également être rejeté.

4- Sur le dépassement de la soumission de dédouanement

La société HJS est actionnée en tant que principale obligée à la suite de la signature d'une soumission pour une dette découlant d'une infraction douanière. En sa qualité de principale obligée, la société HJS s'est engagée pour la totalité des droits et taxes susceptibles de devenir exigibles.

Le moyen doit être rejeté.

En conclusion, après avoir déclaré la validité de l'AMR du 22 septembre 2014, il sera dit que la société HJS est bien redevable de la dette douanière et fiscale.

5- Sur les autres demandes

Eu égard au sens de la présente décision, la disposition de première instance relative à la condamnation de l'administration des douanes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera infirmée tout comme celle des dépens qui seront mis à la charge de la société HJS.

Cette dernière paiera une indemnité de procédure de 5 000 euros à l'administration des douanes et supportera la charge des dépens d'appel outre ceux de première instance.

La société HJS sera condamnée à payer à l'administration des douanes la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition,

Infirme l'ensemble des dispositions du jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Déclare valide l'AMR n° 788/690/14/DNA/088 du 22 septembre 2014, et dit que la société HJS est redevable de la dette douanière et fiscale,

Déboute la société Egetra de l'ensemble de ses demandes, 

Condamne la société HJS à payer à l'établissement public Direction régionale des douanes Paris-Ouest la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société HJS aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.