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Décisions

CA Rouen, ch. soc., 16 mai 2024, n° 22/03242

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 22/03242

16 mai 2024

N° RG 22/03242 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JGAG

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 16 MAI 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 15 Septembre 2022

APPELANTE :

Madame [A] [B]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Mehdi LOCATELLI de la SELARL CABINET LOCATELLI, avocat au barreau de l'EURE substitué par Me Pierre-Hugues POINSIGNON, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Madame [E] [C]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Arnaud SABLIERE, avocat au barreau de l'EURE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 15 Mars 2024 sans opposition des parties devant Madame ALVARADE, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame ALVARADE, Présidente

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l'audience publique du 15 mars 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 mai 2024

ARRÊT :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 16 Mai 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame ALVARADE, Présidente et par Mme DUBUC, Greffière.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 19 mars 2019, Mme [E] [C], exploitant un institut de beauté sous le nom commercial « Amande Douce », Mme [A] [B] et Pôle Emploi ont régularisé une convention tripartite dans le cadre d'une action de formation préalable au recrutement (AFPR) individuelle pour la période du 2 avril 2019 au 22 juin 2019.

A l'issue de cette période, Mme [B] a été embauchée par Mme [C] en qualité d'esthéticienne, suivant contrat à durée déterminée du 25 juin 2019 au 25 janvier 2020, à raison de 31 heures de travail par semaine, prorogé jusqu'au 25 septembre 2020 suivant avenant du 21 janvier 2020, la durée hebdomadaire de travail ayant été portée à 31,50 heures. Elle percevait un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu 1 385,48 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'esthétique, cosmétique et enseignements associés.

La relation de travail s'est achevée le 25 septembre 2020 au terme du contrat à durée déterminée.

La salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir requalifier la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 9 mars 2019 et à temps complet à compter de juin 2019, dire qu'elle a été victime de harcèlement moral, que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, d'indemnité et de dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 15 septembre 2022, le conseil de prud'hommes d'Evreux a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes.

La salariée a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 février 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 février 2024, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement, en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes et condamnée aux dépens,

Et, statuant à nouveau, de voir:

- requalifier la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 9 mars 2019 ;

- condamner Mme [C] à lui payer les sommes suivantes :

- 1 539,45 euros à titre d'indemnité de requalification ;

- 1 500 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la violation du respect de la vie privée;

- 1 500 euros à titre de dommages et intérêts résultant de la violation du droit au repos ;

- 120 euros au titre de l'engagement unilatéral de l'employeur résultant de la participation aux frais de mutuelle ou, subsidiairement, la somme de 32,12 euros à titre de dommages et intérêts résultant de l'absence de mutuelle ;

- 10,87 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés résultant des journées du 9 et 16 mars 2019 ;

- 250,76 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires sur la période du 2 avril au 25 juin 2019 ;

- 25,08 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 1 493,98 euros à titre de rappel de rémunération sur la base d'un temps plein du 25 juin 2019 au 25 septembre 2020 ;

- 149,40 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 9 236,70 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

- 15.000 euros à titre de dommages et intérêts résultant du harcèlement moral ;

- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de prévention des faits de harcèlement moral ;

- 1 539,45 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 153,94 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 609,36 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 10.000 euros net de CSG et de CRDS à titre d'indemnité résultant de la nullité du licenciement ou, subsidiairement, 3 078,90 euros résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- dire que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête et à compter du jour de la décision à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire ;

- condamner Mme [C] à lui payer une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [C] aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 janvier 2023, l'intimée demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

En conséquence :

- débouter Mme [A] [B] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait infirmer le jugement et entrer en voie de condamnation à son encontre:

- réduire nettement les condamnations qui seraient mises à sa charge,

Reconventionnellement :

- condamner Mme [A] [B] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [A] [B] aux entiers dépens de l'instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

1 ' 1 Sur la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée

La salariée fait valoir qu'elle a travaillé les 9, 16, 19, 20, 23 et 30 mars 2019 sans contrat de travail écrit et sans aucune convention de stage,

qu'elle a occupé les fonctions d'esthéticienne et était placée sous la subordination de l'employeur, qui lui a demandé de « rattraper » par anticipation trois jours d'absence prévus pendant la période de stage, les 12 et 13 avril et 18 mai 2019,

qu'elle a accompli de véritables journées de travail,

que l'article 7 de la convention collective applicable n'autorise aucun essai professionnel, renvoyant « aux règles de droit commun » et à la possibilité d'une période d'essai.

L'employeur répond que la salariée a réalisé deux essais professionnels sur deux après-midi les 9 et 16 mars 2019, qu'à ces occasions, elle n'a réalisé aucune prestation de travail, qu'il était initialement convenu que cet essai ne serait pas rémunéré, mais a en définitive fait l'objet d'un règlement dans le cadre d'une réclamation formulée par l'intéressée au sujet d'heures supplémentaires prétendument impayées, que bien que l'essai n'ait pas été concluant, une convention était néanmoins conclue entre les parties à compter du 19 mars 2019, dans le cadre de l'action de formation préalable au recrutement, les journées des 19, 20, 23 et 30 mars correspondant à des journées de rattrapage par anticipation d'absence de la salariée qui l'avait informée de ses absences à venir en avril et en mai 2019,

que s'agissant de ces journées, la relation contractuelle entre les parties était régie par ladite convention.

Il y a lieu de rappeler que la notion d'essai professionnel ou de test professionnel correspond à une période de très courte durée, avant conclusion d'un contrat de travail, durant laquelle le candidat à l'emploi passe une épreuve destinée à évaluer sa qualification et son aptitude à occuper l'emploi proposé, sans qu'il y ait durant celle-ci rémunération, sauf disposition conventionnelle ou collective le prévoyant.

La circonstance que la convention collective applicable n'envisage pas la possibilité de soumettre le candidat à l'emploi à un essai ou test professionnel, avant son embauche, n'est pas de nature à l'exclure. L'essai professionnel est en tout état de cause permis par la jurisprudence et ne constitue pas un contrat de travail, dès lors que cet essai se déroule sur une courte période et que le salarié n'est pas placé dans des conditions normales d'emploi.

S'agissant des demi-journées des 9 et 16 mars 2019, la salariée affirme sans le démontrer avoir réalisé une véritable prestation de travail sous la subordination de l'employeur, alors qu'il apparaît que les prestations ont été réalisées sur une salariée de l'institut, la cour observant du reste que son récapitulatif des heures de travail de mars 2019 à septembre 2020 (pièce 9) mentionne qu'il s'agit d'une journée d'essai. La salariée sera en conséquence déboutée de sa demande de rappel au titre des congés payés sur cette période.

Il est par ailleurs constant qu'une convention a été signée le 19 mars 2019 avec Pôle Emploi au titre d'une action de formation préalable au recrutement avec une prise d'effet au 2 avril 2019.

Or, il n'est pas contesté que la salariée a été employée dans l'institut les 19, 20, 23 et 30 mars, sans établissement d'un document définissant la nature exacte des relations contractuelles, l'employeur ne pouvant prétendre qu'il s'agissait de rattraper par anticipation des journées d'absence programmées sur la période de stage, alors même que la convention n'était pas encore effective, la date d'effet ayant été fixée au 2 avril 2019, peu important une signature au 19 mars 2019.

Il en résulte que la relation de travail n'est pas contestable et qu'en l'absence de tout écrit, elle doit être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 19 mars 2019, la signature de l'action de formation préalable à l'emploi, portant sur une période postérieure, puis à la suite d'un contrat à durée déterminée, ne pouvant avoir pour effet de mettre fin à ce contrat, le jugement devant donc être infirmé sur ce point, sans qu'il soit besoin d'examiner le surplus des moyens présentés par la salariée aux fins d'obtenir la requalification de la relation travaillée.

La relation de travail ayant été qualifiée de contrat de travail à durée indéterminée dès l'origine, il n'y a pas eu de requalification d'un contrat à durée déterminée de sorte qu'aucune indemnité n'est due.

1 ' 2 Sur la demande de rappel de salaire

Au titre des heures supplémentaires

Aux termes de L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

La salariée fait valoir qu'elle a réalisé de très nombreuses heures complémentaires ou supplémentaires pendant la relation de travail, sans être intégralement indemnisée et sans que toutes les heures ne soient déclarées, ou encore que les cotisations sociales les congés payés y afférents ne soient réglées.

Aux fins de justifier la réalisation d'heures complémentaires ou supplémentaires, la salariée verse aux débats ses bulletins de salaire, une attestation rédigée par Mme [I] déclarant que lors de sa période d'embauche, elle commençait à 9h45 à la demande de Mme [C] au lieu de 10 heures, des extraits SMS confirmant une prise de poste à 9h45 (« le matin à part le mardi les autres jours je continue bien à venir à 9h45 ' » « à demain 9h45 » (18 mars 2019) « bonjour [A], une demoiselle Marine arrive à 9h45 en essai vous lui ouvrirez SVP' » (23 avril 2019) ), le cahier de l'institut mentionnant ses horaires sur la période travaillée, son agenda personnel mentionnant ses horaires effectifs de travail sur la période de mars 2019 à septembre 2020 et un décompte des heures de travail et heures complémentaires ou supplémentaires sur la période en cause, présenté semaine par semaine.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

S'agissant des journées travaillées les 19, 20, 23 et 30 mars 2019, la salariée indique ne solliciter aucune somme, ces journées ayant été compensées avec des journées d'absences rémunérées pendant le contrat à durée déterminée.

Sur la période du 2 avril au 25 juin 2019 (action de formation préalable au recrutement), la salariée indique avoir effectué 20 heures complémentaires ou supplémentaires, 4h en avril 2019, 9h45 en mai 2019, 6h40 en juin 2019, ainsi que détaillé dans son décompte et son agenda personnel, et sollicite une somme de 250,76 euros outre les congés payés y afférents, expliquant que l'employeur en a refusé le paiement estimant qu'il revenait à pôle emploi de régler ces heures supplémentaires.

L'employeur répond que la salariée s'était prévalue au 18 juillet 2020 d'un solde de 28 heures supplémentaires, qui ont été régularisées, la salariée ayant reconnu avoir été payée de ses heures, à hauteur de 224,84 euros, ainsi que cela résulte de son attestation en date du même jour. Il ne sera pas fait droit à sa demande.

Au titre de la requalification à temps complet

Sur la période du 25 juin 2019 au 25 septembre 2020, la salariée revendique la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, faisant valoir que dès juillet 2019, elle a travaillé plus de 35 heures par semaine, observant que son contrat de travail prévoyait expressément le dépassement de la durée légale du travail, et que les heures complémentaires effectuées de la 32ème à la 35ème étaient rémunérées à 10 %, et les heures supplémentaires effectuées au-delà de la 35ème à 25 %. Elle s'estime en droit de solliciter un rappel de rémunération de 2 667,55 euros, outre 266,75 euros au titre des congés payés y afférents, à titre de rappel de rémunération sur la base d'un temps complet, soit une somme due de 2 248,96 euros outre les congés payés, calculée par différence entre les salaires perçus, incluant les heures supplémentaires réglées et un salaire à temps complet (1 521,29 euros d'août 2019 à décembre 2019 (151,67h X 10,0303 euros), 1 539,45 euros de janvier 2020 à septembre 2020 (151,67h X 10,0303 euros), après déduction de la régularisation opérée le 31 juillet 2020 à hauteur de 418,59 euros.

L'employeur répond que la salariée a reconnu au terme d'une attestation du 31 juillet 2020, qu'elle avait été remplie de ses droits au titre des heures supplémentaires pour la période du 25 juin 2019 au 31 juillet 2020,

que si des heures supplémentaires ont été réalisées c'est en raison de la lenteur de la salariée dans l'exécution de son travail, des remontrances lui ayant été faites à ce sujet,

qu'il ne lui a jamais été demandé d'effectuer des heures supplémentaires, ses horaires de travail étant ceux figurant dans son contrat de travail pour une durée hebdomadaire de 31 heures puis de 31 heures 50 à compter du 1er février 2020,

que son solde d'heures supplémentaires était de 28 heures soit 224,80 euros, somme qui a fait l'objet d'un règlement,

qu'en outre ses demandes ne tiennent pas compte de l'incidence de l'indemnisation au titre de l'activité partielle sur les mois de mars 2020 à juillet 2020.

L'article L. 3123-9 du code du travail dispose que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement.

Lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d'un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat de travail à temps partiel doit, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps complet.

Sur la période du 25 juin 2019 au 25 septembre 2020, le décompte des horaires établi par la salariée semaine par semaine, mentionne un premier dépassement en juillet 2019 avec 22,45 heures complémentaires et supplémentaires, soit 156,78 heures de travail dans le mois.

Eu égard aux dispositions de l'article L. 3123-9 précité, cette seule irrégularité est suffisante pour faire droit à la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet à compter à compter du 1er juillet 2019 jusqu'à la rupture de la relation de travail, la décision déférée étant infirmée de ce chef.

La salariée est ainsi fondée à obtenir le rappel de salaire en découlant à hauteur de la somme sollicitée, soit 1 493,98 euros, tenant compte de la période d'activité partielle du 17 mars 2020 au 10 mai 2020 (2 248,96 euros - 754,98 euros), outre 149,40 euros au titre des congés payés y afférents.

1-3 Sur les autres manquements de l'employeur à ses obligations découlant du contrat de travail

Aux termes de l'article L.1222-1 du code du travail : « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi. ». Sur le fondement de ces dispositions, l'employeur peut être sanctionné en raison de graves manquements à ses obligations.

Outre la réalisation d'heures supplémentaires, la salariée expose que l'employeur a commis divers autres manquements à ses obligations,

qu'ainsi elle a dû faire face à une surcharge anormale de travail,

qu'elle faisait l'objet d'une surveillance constante, d'actes de dénigrement et d'humiliation au quotidien,

que l'employeur a en outre détourné le système d'indemnisation de l'activité partielle à son détriment et à celui de la collectivité,

qu'il ne lui a pas permis de bénéficier d'une mutuelle.

1 ' 3 - 1 Sur la surveillance constante et la violation du respect de sa vie privée

La salariée fait valoir que l'employeur a installé au moins une caméra et des micros aux fins de surveiller et d'écouter ses salariés et les clients, ce, en violation de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la liberté proclamée par cette disposition impliquant le respect de la vie privée,

qu'ainsi, alors que Mme [C] était absente de l'institut, elle lui donnait des instructions, commentait ses soins et lui demandait de baisser la musique.

Elle sollicite une somme de 1500 euros pour l'atteinte portée à sa vie privée.

Elle produit :

- des SMS adressés par Mme [C] sur l'organisation des soins clientèle,

- les attestations de Mme [H] [I], ancienne salariée, laquelle déclare : « je suis témoin de plusieurs appels sur le fixe de l'institut de la part de [E], lors de ses absences, pour [A] pour lui faire des remarques sur son physique ou ses échanges avec ses clients » (pièce 38). ' »,

- de Mme [O] [L], épouse [K], cliente, qui témoigne ainsi : « Alors que je me plaignais de soins bâclés et donc mal faits, je disais mon intention de les faire refaire gracieusement, [E] a surgi du fond de l'institut en me disant : « Inutile de répéter, j'ai tout entendu », c'est ainsi que j'ai découvert que nous étions filmées et écoutées »,

- de Mme [J] [M], qui ajoute « avoir constaté la présence d'une vidéo surveillance à l'intérieur de l'institut Amande Douce sans que celle-ci soit notifiée sur la devanture de ce dit établissement»,

- des photographies corroborant l'absence d'affichage.

L'employeur fait valoir qu'une caméra qui filme l'entrée de l'institut et la caisse enregistreuse a été installée aux fins de permettre d'assurer la sécurité des salariés et des lieux, que l'établissement n'est équipé d'aucune autre caméra, ou de micro,

que la caméra ne filmait pas la salariée à son poste de travail et ne permettait pas d'entendre les conversations entre salariés et/ou clients,

que la gérante était du reste occupée à réaliser ses prestations en cabine,

que si celle-ci a pu lui demander de baisser la musique dans l'institut, c'est essentiellement en raison de la gêne occasionnée et non pour écouter les conversations,

qu'informée par son conseil de ses obligations inhérentes à la présence d'une vidéosurveillance dans un établissement, elle s'est conformée à la législation, a obtenu l'autorisation préfectorale de disposer d'un système de vidéo protection et a apposé une vignette informative sur sa devanture.

L'employeur justifie de ce que l'unique caméra, qu'il ne conteste pas avoir installée, avait pour but d'assurer la sécurité du personnel et de la clientèle, alors qu'elle est dirigée vers l'entrée du salon et la caisse enregistreuse. La présence d'un micro n'est toutefois pas établie, étant attestée par le seul témoignage de Mme [I], lequel n'est pas exempt de partialité, alors qu'elle est en litige avec l'employeur, et qui doit donc être considéré avec prudence, celui de Mme [K] étant insuffisant à corroborer ses dires, alors que selon les déclarations de cette dernière, Mme [C] se trouvait au fond de l'institut et pouvait donc l'avoir entendue se plaindre de ses soins.

Il n'est toutefois pas discutable que ce système de video surveillance a été installé sans aucune autorisation et que le personnel n'en a pas été régulièrement informé, peu important la régularisation opérée en cours de procédure, que dès lors que la salariée a pu considérer que cette installation était surtout destinée à permettre à la gérante de surveiller le personnel, elle est fondée à se prévaloir de l'irrégularité ainsi imputable à son ancien employeur.

Le manquement ainsi constaté sera réparé par l'octroi d'une somme de 1 000 euros.

1- 3 ' 2 Sur les intimidations, le dénigrement et les humiliations

La salariée indique avoir été victime d'actes de dénigrement et avoir fait l'objet de remarques humiliantes sur son physique, Mme [C] lui ayant dit qu'« elle était trop grosse pour l'image de l'Institut », que son maquillage était régulièrement critiqué tout comme ses vêtements,

qu'elle était sermonnée par SMS le soir après ses heures de travail, lors de ses jours de repos et même le dimanche,

qu'elle était privée de pauses, y compris de pauses déjeuner,

qu'elle a été également l'objet d'intimidation, Mme [C] menaçant les salariées à plusieurs reprises notamment avant les fêtes de fin d'année en 2019, de faire intervenir son conjoint et son beau-père afin de faire un « recadrage », notamment sur le nettoyage ou le chiffre d'affaires.

Elle produit :

- les SMS échangés à son sujet entre la gérante et Mme [I], dont certains extraits sont reproduits ci-après :

« Lol, le maquillage je parle d'elle sur son visage pas sur une cliente ».

« (') c'est pitoyable (') c'est vous la responsable [H] donc ne lui dit pas les choses en tant que copine à l'extérieur mais en tant que responsable comme hier le maquillage des yeux j'ai oublié de lui dire pas de mascara rien du tout, c'était fade. »

- les SMS échangés un dimanche lui adressant des reproches reproduits ci-après :

« Bonjour [A] merci pour les photos je posterai que la trois si je peux me permettre et j'aime pas la hune et surtout les deux vous avez pas repoussé les peaux et couper les peux je trouve que ça fait pas propre. »

« D'accord ! »

« Est-ce que vous en êtes consciente car c'est bien de dire d'accord mais ça devrait être à vous de remarquer '

« Oui, j'en suis consciente je ferai plus attention mais là je suis pas chez moi je peux pas trop parler »

« Je vous demande pas de parler [A].

Juste que j'arrive pas à comprendre qu'au bout de presque 1 an on voit des peaux épaisses et pas préparées avant de recevoir du gel, et que c'est à vous de bien faire pas à moi.

Bon Dimanche »,

- les SMS échangés entre la gérante et sa collègue, la première indiquant : « Vous êtes nulles les filles » « Soyez ferme avec ces boulets »,

- le témoignage de Mme [I] rapportant : « (') l'apprentie portait un short en cuir et [E] lui a dit : « [A] doit être jalouse, elle ne pourra jamais porter un short comme ça avec son corps »,

- le SMS d'insultes qui lui a été adressé le 15 octobre 2020 la traitant de « grosse vache » et le commentaire publié sur les réseaux sociaux par la gérante après son départ indiquant qu'elle « a été élevée dans la fourberie »,

- son récépissé de dépôt de plainte pour harcèlement moral en date du 16 octobre 2020 dénonçant les critiques que lui adressait son employeur sur son physique, l'envoi de nombreux messages entre 6 heures et 23 heures, ce sans limite, un message d'insultes, outre le fait qu'elle ne disposait pas du temps nécessaire pour réaliser ses prestations,

- l'attestation rédigée par Mme [Y] [S], indiquant : « Mme [C] se montre irrespectueuse envers les clients ainsi que les employées. Elle se moque ouvertement, devant la clientèle de ses employées. Une pression morale était exercée : écouter aux portes des cabines, révèle la vie des clientes / employées, critique ouvertement les choix de soins ou physique des clientes. »,

- le témoignage de Mme [I] attestant de menaces de recadrage à leur endroit,

- les photographies des cabines de soins retournées par vengeance par la gérante, alors qu'elles avaient été nettoyées et rangées la veille.

L'employeur répond que ni les SMS, ni les attestations produits par la salariée ne permettent de rapporter la preuve des faits allégués, que les relations entre les parties ont longtemps été bonnes ce qui explique les nombreuses discussions sur divers sujets en soirée et durant les week-ends,

que la salariée dénature les messages échangés et les témoignages versés aux débats sont dépourvus de valeur probante,

qu'ainsi celui de Mme [I], amie de la salariée, travaillant en outre toutes deux dans leur propre institut de beauté et établissant réciproquement des attestations pour satisfaire leurs intérêts, devra être écarté des débats, cette salariée faisant en outre état de faits inexacts.

Elle conteste formellement avoir fait des remarques sur le physique, le maquillage ou encore les habits de la salariée alors que le personnel est vêtu d'une tenue professionnelle, ou encore être à l'origine du message d'insulte adressé via le réseau social de messagerie « Messenger », alors que le compte Facebook utilisé pour l'envoi de ce message n'est pas le sien et que la photo de profil du compte ne correspond pas la sienne, et qu'elle n'a d'ailleurs pas de compte Facebook personnel mais uniquement professionnel.

En ce qui concerne les trois photographies de la cabine de soins qui aurait été retournée pour augmenter la charge de travail de la salariée et la mettre en difficulté, les différents objets qui se trouvent habituellement au sol ont été placés sur la table de massage à fin de procéder à la désinfection du sol, nettoyage qui s'effectue quotidiennement.

L'examen des SMS échangés démontrent que l'employeur pouvait faire preuve d'un manque de tact, se plaignant de la présentation de la salariée qui ne correspondait pas à l'image du salon qu'elle aurait souhaité renvoyer (« Lol, le maquillage je parle d'elle sur son visage pas sur une cliente »), invitant Mme [I] à « dire les choses en tant que responsable» (« (') c'est pitoyable (') c'est vous la responsable [H] donc ne lui dit pas les choses en tant que copine à l'extérieur mais en tant que responsable comme hier le maquillage des yeux j'ai oublié de lui dire pas de mascara rien du tout, c'était fade. »). La salariée précisera toutefois dans sa plainte que Mme [C] « lui a tout de même donné sa chance » en l'embauchant.

Par ailleurs, la preuve des remarques sur le physique de la salariée ou sur sa façon de se vêtir n'apparaît pas suffisamment établie par la production du seul témoignage de Mme [I], laquelle est également en litige avec l'employeur, ni par la plainte qu'elle a déposée postérieurement à la rupture de la relation de travail.

Il ressort en outre des messages produits que l'employeur se plaignait également de la prestation de travail de la salariée considérant qu'elle n'était pas correctement réalisée, alors qu'elle n'était plus une débutante, ce que la salariée concédait, alors qu'elle indique « en être consciente et qu'elle fera plus attention », que ces remarques apparaissaient cependant mesurées au regard du résultat attendu, l'employeur n'hésitant pas à complimenter sa salariée lorsque ses prestations étaient bien réalisées (« très jolie bonne soirée » « c'est très joli » (message du 20 mai 2020)) et après avoir croisé une ancienne cliente, qui lui a fait part de sa satisfaction « elle était très contente de vous c'est bien [A] »').

Les autres faits dénoncés ne se vérifient pas à l'examen des pièces du dossier. Les menaces aux fins de recadrage ne sont appuyées par aucune pièce probante. Les faits de dénigrement qui se traduiraient dans certains SMS, « Vous êtes nulles les filles », « Soyez ferme avec ces boulets» ne sont pas non plus établis, alors que l'employeur s'exprime à propos de la lumière que les deux salariées n'arrivaient pas à remettre, sans porter de jugement sur leur intelligence et que la seconde remarque concernait une stagiaire.

Quant aux commentaires de Mme [C] sur les réseaux sociaux, il est en réalité expliqué que les salariées se sont entendues après la rupture conventionnelle de leur contrat de travail et ont ouvert leur salon et qu'elle a été élevée dans la bienveillance et pas comme elle dans la fourberie et qu'elle ne sera pas touchée, la concurrence qui lui est faite important peu, les sentiments éprouvés par la gérante pouvant être compris et s'agissant du message d'insulte posté le 15 octobre 2020, les pièces produites ne permettent pas d'affirmer que Mme [C] en est l'auteur.

La cour observe en outre qu'à l'analyse des photographies produites de la cabine de soins, il ne peut qu'être constaté que le sol a été préparé pour faciliter son nettoyage, les chaises ayant été notamment retournées sur la table de massage. Ces éléments sont en tout état de cause insuffisants à établir un désordre organisé dans le but de nuire à la salariée, étant observé en arrière-plan des flacons de produits posés sur un plan de travail, bien rangés.

S'agissant de l'envoi de nombreux messages en dehors des heures de travail et même le dimanche. Il est produit plusieurs SMS adressés après 19 heures, pendant la période du confinement, dans lesquels l'employeur lui conseillait d'user de ce temps pour se perfectionner, et qui ne sont pas significatifs compte tenu du contexte de la crise sanitaire, quelques SMS sur l'organisation des soins et l'organisation du temps de travail, mais qui ne contiennent pas de véritables instructions et quant au SMS reçu le dimanche, qui débute ainsi « Bonjour [A] merci pour les photos je posterai que la trois si je peux me permettre' », il a été adressé en réponse à un précédent message de la salariée.

1- 3 ' 3 Sur la surcharge anormale de travail et la suppression des pauses

La salariée soutient qu'elle a été contrainte de travailler sans pouvoir prendre aucune pause, se restaurer ou même se rendre aux toilettes, qu'elle réalisait des soins en supplément en cas d'absences impromptues de la gérante,

que cette dernière ne respectait pas les temps de prestation en prenant les rendez-vous, lui reprochant dans le même temps d'être lente, tout en lui imposant de répondre au téléphone pendant ses prestations.

Elle sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 1 500 euros au titre de la privation de son droit au repos et aux pauses, rappelant qu'il incombe à l'employeur de démontrer le respect du temps de repos quotidien et hebdomadaire de travail et du temps de pause de 20 minutes applicable au travail quotidien d'au moins 6 heures.

Elle produit une photographie de l'agenda du 13 septembre et du 22 octobre 2020, une photographie de l'agenda sur des journées travaillées sans pause, des extraits de SMS échangés avec Mme [C] et une attestation établie par Mme [I]

L'employeur conteste la suppression des pauses ainsi que les remplacements réguliers de la gérante, et explique que la salariée ne respectait pas les délais moyens de réalisation de ses prestations d'onglerie, de sorte qu'elle accumulait un retard considérable, que son planning était cependant rarement complet, ce qui lui permettait de disposer régulièrement de temps de pause, que la salariée bénéficiait en outre de sa pause déjeuner quotidienne, ainsi que cela résulte de son carnet des heures travaillées.

Il est établi à l'examen des pièces produites une absence de pauses sur certains jours, induisant de fait une surcharge de travail très ponctuelle, l'employeur reconnaissant que la salariée ne prenait pas toutes ses pauses, mais indiquant qu'elle rattrapait son retard de son propre chef. Il conviendra de considérer les dépassements du temps moyen de réalisation des prestations, alors que la salariée avait une expérience de plus d'un an, le préjudice résiduel subi en raison du non-respect des temps de pause résultant de la surcharge de travail occasionnée par les remplacements au pied levé étant réparé par l'allocation d'une somme de 500 euros, le jugement étant infirmé sur ce point.

1- 3 - 4 Sur l'absence de matériel approprié et la mise en danger des salariés et des clients :

La salariée fait valoir qu'elle était contrainte d'exercer son activité dans un environnement de travail dangereux pour sa santé et sa sécurité ainsi que pour celle des clients, alors qu'elle était amenée à utiliser du matériel défectueux,

qu'ainsi, les roll-on utilisés pour l'épilation, rechargeables avec des cartouches de cire, étaient cassés et brûlés et le système de contrôle de la température ne fonctionnait plus, de sorte que la cire était trop chaude lors des applications et qu'elle se brûlait continuellement les mains,

qu'elle réalisait des blanchiments dentaires sans aucune formation et utilisait des pinceaux à usage unique mais qui servait en réalité pendant plusieurs mois et sans stérilisateur,

que de même, les spatules pour les épilations des lèvres et sourcils, prévues pour un usage unique, devaient également être nettoyées pour être réutilisées,

qu'il lui était demandé de mentir aux clients sur les doses inoculées d'acide hyaluronique,

qu'elle avait également pour consigne de nettoyer la cabine après les maquillages semi-permanents (tatouage) et de garder l'aiguille pour d'autres prestations,

que le stock d'ampoules n'était pas renouvelé, la même ampoule étant utilisée pour plusieurs clients.

Elle produit des photographies témoignant de la dangerosité du matériel,

des attestations émanant de

- M. [Z], conjoint de Mme [I], qui atteste : « avoir réparé une couverture chauffante pour le personnel et constaté que celle-ci était défectueuse avant les réparations et qu'elle présentait un danger pour la clientèle et les employés »,

- Mme [I] qui confirme avoir travaillé avec du matériel défectueux,

- des extraits de SMS de l'employeur les invitant à réduire les doses d'acide hyaluronique et demandant de trouver des solutions pour le blanchiment dentaire en l'absence de matériel.

L'employeur conteste les allégations de la salariée, observant qu'elle réalisait des prestations en onglerie et n'était pas amenée à utiliser ce matériel. Il indique à toutes fins que les rolls-on utilisés pour les épilations étaient récents, que leur défectuosité ne peut être liée qu'à leur mauvaise utilisation par les salariées, que celles-ci ne pouvaient se brûler, les pots contenant la cire disposant d'un bouton variateur de température, que Mme [I] qui était la seule à réaliser des soins amincissants et à utiliser la couverture chauffante, a reconnu l'avoir détériorée, la réparation ayant été effectuée par son conjoint sur sa proposition, que celui-ci exerce la fonction de déménageur et ne peut attester quant à la qualité du matériel, que la salariée n'avait pas à être formée pour la réalisation de prestations de blanchiment dentaire et en tout état de cause, les pinceaux utilisés sont changés après chaque utilisation (facture du 17 mai 2021 relative à l'achat de 125 bavoirs dentaires jetable), que les spatules pour les épilations des lèvres et sourcils ne sont pas à usage unique mais réutilisables après un nettoyage à l'alcool (factures des 3 juin, 1er juillet, 9 juillet, 31 août 2021 et 24 septembre 2021 relatives à l'achat de lots d' aiguilles), que le stock d'ampoules d'acide hyaluronique était également régulièrement renouvelé, et il n'a jamais été demandé à la salariée d'utiliser une même ampoule pour plusieurs clients.

Il précise ne pas être en capacité de produire des factures d'achat de fournitures au moment de la présence de la salariée, du fait de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de son cabinet d'expertise-comptable (jugement du 16 avril 2020), la société Audit et Conseil, mais verse aux débats plusieurs attestations de clientes faisant état d'une hygiène irréprochable au sein de l'établissement et déclarant que la gérante leur présentait le produit dans son emballage avant utilisation (Mmes [X], [D], [T]').

La salariée qui n'était pas amenée à utiliser le matériel en cause n'est pas fondée à se prévaloir d'un manquement à l'obligation de sécurité, au demeurant non démontrée par les pièces produites.

1- 3 -5 Sur le détournement de l'activité partielle

La salariée soutient qu'au mois de mai 2020, l'employeur l'a déclarée comme étant en activité partielle avec seulement 16 heures travaillées, alors qu'elle a travaillé en réalité 83 heures, en violation avec les dispositions de l'article L.5122-1 du code du travail réalisant ainsi une escroquerie au système de l'activité partielle,

que de même, en juin 2020, l'employeur l'a déclarée en activité partielle les 26 et 27 juin alors même qu'elle a travaillé ces journées,

que ces pratiques ont dégradé ses conditions de travail en la rendant complice.

Elle verse aux débats les bulletins de paie des mois de mai et juin 2020, son agenda récapitulant les heures de travail sur ces mois, le cahier du salon avec les heures de travail et les copies du planning de travail.

L'employeur fait valoir qu'il a rencontré des difficultés liées à la réouverture de l'institut à la levée des mesures de confinement et lors de la mise en place de l'activité partielle, ayant également été contrainte de rechercher un nouveau cabinet d'expertise comptable, ce qui a pu entraîner un décalage dans les déclarations sociales relatives à l'activité partielle, qu'après avoir procédé à l'analyse de la situation avec son nouvel expert-comptable, est apparu un écart de 0,65 euros en faveur de la salariée repris au solde de tout compte rectifié du 9 septembre 2020 ainsi qu'au bulletin de salaire rectificatif, que la salariée ne justifie d'aucun préjudice.

En application des dispositions de l'article L.5122-1 du code du travail, les salariés reçoivent une indemnité horaire, versée par leur employeur, correspondant à une part de leur rémunération antérieure dont le pourcentage est fixé par décret en Conseil d'Etat. L'employeur perçoit une allocation financée conjointement par l'Etat et l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage.

La salariée a été placée en activité partielle du 16 mars au 31 mai 2020. L'employeur ne conteste les prétentions de cette dernière, mais explique la discordance avec les bulletins de salaire par le contexte de la crise sanitaire et l'absence de cabinet d'expertise comptable et justifie des régularisations par suite opérées.

En tout état de cause, il n'est pas démontré une volonté de commettre un détournement des aides publiques, ni des man'uvres permettant de retenir une escroquerie au préjudice de l'État, de sorte que ce manquement n'est pas caractérisé.

1 ' 3 ' 6 Sur l'absence de mutuelle dans l'entreprise et la violation de l'engagement unilatéral de l'employeur :

La salariée invoque les dispositions de l'article L.911-1 et suivants du code de la sécurité sociale, qui prévoient que l'employeur doit faire bénéficier à tous ses salariés, quelle que soit leur ancienneté dans l'entreprise, d'un régime de remboursement complémentaire des frais de santé. Elle indique avoir été contrainte de souscrire à une mutuelle à hauteur de 38,15 euros par mois, que l'employeur qui s'était engagé à lui verser une somme de 375 euros, ( 25 euros X 15 mois), ainsi que cela résulte des SMS versés aux débats, est revenu sur son engagement et lui a réglé une somme de 255 euros (17 euros par mois X 15 mois) sur la base de la cotisation versée à sa salariée actuelle.

La salariée revendique une somme de 120 euros (375 euros - 255 euros). Elle indique toutefois avoir réglé 38,15 euros par mois, de sorte que la participation de l'employeur s'élève à 286,12 euros sur 15 mois (38,15 euros / 2 = 19,075 euros X 15). Il lui sera alloué la somme de 31,12 euros (286,12 euros - 255 euros) à titre de dommages et intérêts résultant de l'absence de mutuelle d'entreprise, dès lors qu'elle ne peut prétendre à un engagement unilatéral de l'employeur de lui verser une somme supérieure, le jugement étant infirmé de ce chef.

1-4 Sur la demande au titre du harcèlement moral

En application des dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.»

L'article L. 1154-1 du code précité prévoit qu'en cas de litige, le salarié présente des faits qui permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La deuxième partie de ce texte présuppose que les éléments de fait présentés par le salarié soient des faits établis puisqu'il n'est pas offert à l'employeur de les contester mais seulement de démontrer qu'ils étaient justifiés.

Au soutien de son allégation d'une situation de harcèlement moral, la salariée invoque les mêmes faits que ceux examinés précédemment. Elle fait valoir qu'il est manifeste qu'elle a été victime d'une dégradation de ses conditions de travail portant atteinte à sa dignité et au respect de ses droits et que sa santé psychique a été altérée suite au comportement toxique de Mme [C], ainsi que cela résulte du certificat médical établi le 17 octobre 2020 par docteur [P], lequel atteste des souffrances psychiques ayant provoqué « une incapacité totale de travail au sens pénal du terme de 5 jours sous réserve de complications ».

Elle demande que l'employeur soit condamné à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts et dire que la rupture du contrat de travail produise les effets d'un licenciement nul.

Dès lors que n'a pas été considérée comme rapportée la preuve du non-paiement des demi-journées des 9 et 16 mars 2019 qualifiées de journées d'essai, des heures complémentaires du 2 avril au 25 juin 2019 (action de formation préalable au recrutement), de remarques humiliantes sur le physique de la salariée ou la façon de se vêtir, des menaces de recadrage, de l'absence de matériel approprié, de la mise en danger des salariés et des clients, du détournement des aides publiques et du travail dissimulé, les faits en cause ne seront pas retenus.

La requalification du contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée du fait des journées travaillées les 19, 20, 23 et 30 mars 2019, le rappel de salaire résultant de la requalification du contrat de travail à temps partiel en temps complet sur la période du 1er juillet 2019 au 25 septembre 2020 et l'absence de mutuelle d'entreprise sont insusceptibles de caractériser une situation de harcèlement moral, étant sans eu d'incidence sur les conditions de travail de la salariée ou sur sa santé. Tel est également le cas du non-respect des temps de pause résultant de la surcharge de travail occasionnée par les remplacements ponctuels de la gérante.

Quant aux remarques sur la présentation et en particulier le maquillage, ainsi que sur l'exécution de la prestation de travail, les faits en cause ne constituent pas des agissements de harcèlement moral, alors que les propos tenus par l'employeur n'excédaient pas certaines limites et qu'il doit en outre veiller à la satisfaction de la clientèle.

S'agissant du système de vidéo-surveillance, s'il n'est pas discuté qu'il a été installé sans aucune autorisation et sans que l'employeur en ait informé les salariées qui ont pu légitimement penser qu'il avait été mis en place dans le but de les surveiller, l'employeur justifie toutefois que la caméra était dirigée vers l'entrée et la caisse enregistreuse et qu'il n'était pas possible d'observer les salariées à leur poste de travail, la preuve de présence de micro n'étant par ailleurs pas rapportée, et que de fait, son installation avait pour but de protéger le personnel et l'établissement.

L'employeur démontre ainsi que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, de sorte que la salariée sera déboutée de sa demande en reconnaissance et en indemnisation d'une situation de harcèlement moral, et si la salariée présente un certificat médical, il n'apparaît pas suffisant pour en caractériser l'existence, alors qu'aucun lien n'est établi avec ses conditions de travail.

1-5 Sur la demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité.

En application de l'article L. 4121-1 du code du travail l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Cette obligation, non seulement lui interdit de prendre, dans l'exercice de son pouvoir de direction, toutes mesures de nature à compromettre la santé physique et mentale des travailleurs mais lui impose de mener des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation, outre la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Aux termes de l'article L.1152- 4 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Manque à son obligation de sécurité, l'employeur qui, tenu d'en assurer l'effectivité, s'abstient de mettre en 'uvre les mesures nécessaires aux fins de prévenir de tels agissements et les faire cesser.

La salariée indique qu'il est manifeste que Mme [C] avait parfaitement connaissance des risques psycho-sociaux et de la souffrance au travail engendrés par ses agissements toxiques, que ce comportement témoigne du manquement de l'employeur à assurer son obligation de prévention. Elle s'estime en droit de solliciter une indemnité de 10.000 euros.

La preuve, tant des manquements de l'employeur à ses obligations découlant du contrat de travail, que des faits de harcèlement moral n'est pas rapportée. Par ailleurs, avant la rupture du contrat de travail, la salariée ne s'est jamais plainte, ni n'a attiré l'attention de l'employeur sur les conditions de travail qu'elle dénonce aujourd'hui.

Considérant ces éléments, il ne peut être reproché à l'employeur un manquement à son obligation de prévention, en l'absence de faute caractérisée.

1-6 - Sur les conséquences financières de la rupture de la relation de travail

Dès lors que la relation de travail a été requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée ayant débuté le 19 mars 2019 et pris fin le 25 septembre 2020, sans qu'une procédure de licenciement n'ait été mise en 'uvre, la salariée peut prétendre aux indemnités de rupture et à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* Sur l'indemnité compensatrice de préavis

En application des articles L 1234-1 et suivants du code du travail et compte tenu des circonstances de l'espèce, la salariée a droit à une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire soit 1 539,45 euros, outre une somme de 153,94 euros au titre des congés payés y afférents.

* Sur l'indemnité de licenciement,

En application de l'article L. 1234-9 du code du travail, tout salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte huit mois d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

La salariée peut prétendre au paiement d'un rappel d'indemnité légale de licenciement, tenant compte d'une requalification du contrat de travail à temps complet, soit la somme de 609,36 euros.

* Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l'article L 1235-3 du code du travail 'si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous'.

Au moment de la rupture de son contrat de travail, la salariée comptait une année d'ancienneté et l'employeur employait habituellement moins de onze salariés.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail précité, la salariée peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure à 0,5 mois, ni supérieure à 2 mois.

En raison de l'âge de la salariée, comme étant née en 1995, de son ancienneté dans l'entreprise, du montant de sa rémunération, 1 539,45 euros, de son aptitude à retrouver un emploi, il conviendra de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'elle a subi, la somme de 1 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

1 ' 7 Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

Aux termes de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait, notamment, pour tout employeur :

- soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

- soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'intention de mentionner un nombre d'heures de travail inférieur à celui qui a été réellement effectué ne peut résulter de la seule absence de mention de ces heures de travail sur le bulletin de paie.

Au cas d'espèce, si la salariée a travaillé les 19, 20, 23 et 30 mars 2019, il résulte toutefois du dossier que l'employeur avait fait travailler la salariée qui devait par suite être embauchée dans le cadre d'une convention AFPR, alors qu'elle avait prévue de s'absenter pendant sa formation, de sorte le délit de travail dissimulé n'apparaît pas caractérisé dans ses éléments matériel et intentionnel, la requalification opérée par la juridiction l'employeur en contrat à durée indéterminée résulte au surplus d'une fiction juridique.

Par ailleurs, le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie et en l'espèce, il n'est pas établi que l'employeur a sciemment fait travailler la salariée au-delà de la durée légale du travail sans la rémunérer de l'intégralité de ses heures.

La salariée sera en conséquence déboutée de sa demande.

2 -Sur les intérêts

Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.

Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

3 - Sur les frais du procès

L'employeur partie perdante, supportera les dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande d'allouer à la salariée une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a débouté Mme [A] [B] de ses demandes d'indemnité de requalification, au titre de la reconnaissance et de l'indemnisation d'un harcèlement moral, de dommages et intérêts pour licenciement nul, pour non-respect de l'obligation de sécurité et d'indemnité pour travail dissimulé,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Requalifie la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 19 mars 2019 et à temps complet à compter du 1er juillet 2019,

Condamne Mme [E] [C] à payer à Mme [A] [B] les sommes suivantes:

- 1 493,98 euros à titre de rappel de salaire pour la période de juillet 2019 jusqu'à la rupture du contrat de travail, outre les congés payés y afférents,

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la présence non autorisée d'un système de vidéo-surveillance,

- 500 euros du non-respect des temps de pause résultant de la surcharge de travail,

- 31,12 euros à titre de dommages et intérêts résultant de l'absence de mutuelle d'entreprise,

- 1 539,45 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents;

- 609,36 euros à titre de complément d'indemnité légale de licenciement,

- 1 000 euros net de CSG et de CRDS à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant,

Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

Condamne Mme [E] [C] à payer à Mme [A] [B] une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [E] [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE