Livv
Décisions

Cass. 2e civ., 23 mai 2024, n° 22-12.517

COUR DE CASSATION

Arrêt

Annulation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martinel

Rapporteur :

Mme Latreille

Avocat général :

M. Adida-Canac

Avocats :

SARL Le Prado - Gilbert, SAS Buk Lament-Robillot

Saint-Denis de La Réunion, du 15 févr. 2…

15 février 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 15 février 2022), sur des poursuites aux fins de saisie immobilière diligentées par la société Caisse d'épargne Cepac (la banque) à l'encontre de Mme [S], un jugement d'orientation a mentionné la créance de la banque et ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi.

2. Par déclaration du 16 septembre 2021, Mme [S] a interjeté appel de cette décision, et, sur autorisation du premier président donnée par ordonnance du 27 septembre 2021, assigné la banque à jour fixe.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. Mme [S] fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable, alors « que tout formalisme inutile ou excessif porte une atteinte abusive au droit d'accès au juge ; qu'en l'espèce, en exigeant que les conclusions au fond soient jointes et pas seulement contenues dans la requête, ce qui était pourtant inutile au regard du rôle du premier président saisi d'une demande d'autorisation d'assignation à jour fixe, la cour d'appel, qui n'a relevé aucune conséquence préjudiciable du manquement sanctionné, ni pour la procédure ni pour l'intimée, a porté une atteinte excessive au droit d'accès de l'exposante au juge d'appel et a violé l'article 6, §1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 918, alinéa 1er, du code de procédure civile et R. 322-19, alinéa 1er, du code des procédures civiles d'exécution :

4. Selon le premier de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.

5. Il résulte du troisième, que l'appel contre le jugement d'orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe sans que l'appelant ait à se prévaloir dans sa requête d'un péril.

6. Selon le deuxième, la requête tendant à voir fixer le jour auquel l'affaire sera appelée par priorité doit contenir les conclusions sur le fond et viser les pièces justificatives.

7. La Cour de cassation a jugé irrecevable l'appel dirigé contre un jugement d'orientation alors que la requête de l'appelant tendant à être autorisé à assigner ses adversaires à jour fixe ne contenait pas les conclusions sur le fond et ne visait pas les pièces justificatives (2e Civ., 7 avril 2016, pourvoi n° 15-11.042, Bull. 2016, II, n° 104).

8. Il y a toutefois lieu de reconsidérer cette interprétation à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'accès au juge.

9. D'une part, il résulte de l'article R. 322-19 précité que l'appel du jugement d'orientation suit de plein droit la procédure à jour fixe sans que le premier président ait à apprécier l'existence d'un péril pour la fixation prioritaire d'une date d'audience.

10. D'autre part, en application de l'article 922 du code de procédure civile, la cour d'appel est saisie par la remise au greffe d'une copie de l'assignation délivrée à la partie adverse.

11. Il en résulte que constitue une sanction disproportionnée l'irrecevabilité de l'appel d'un jugement d'orientation, prononcée du seul fait que la requête adressée au premier président ne contient pas les conclusions au fond.

12. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que les conclusions sur le fond n'ont pas été jointes et ne font pas partie des six pièces communiquées au soutien de la requête adressée au premier président par Mme [S] le 23 septembre 2021, et en déduit que les conclusions au fond au soutien de la requête n'ont pas été déposées.

13. Si c'est conformément à la jurisprudence rappelée au paragraphe 7 que la cour d'appel en a déduit que l'appel était irrecevable, le présent arrêt qui opère revirement de jurisprudence, immédiatement applicable en ce qu'il assouplit les conditions de l'accès au juge, conduit à l'annulation de l'arrêt attaqué.

14. L'arrêt doit, dès lors, être annulé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée.