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Décisions

Cass. 1re civ., 15 mai 2024, n° 23-11.012

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Champalaune

Rapporteur :

M. Hascher

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SAS Buk Lament-Robillot

Paris, du 28 juin 2022

28 juin 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 2022), la société éthiopienne Hydro Construction (Hydro) a obtenu l'exequatur d'une sentence rendue à Genève dans un arbitrage l'opposant à la société Vergnet, entrée en règlement judiciaire en cours d'instance arbitrale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. La société Hydro fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'exequatur, alors « que ne viole pas le principe d'ordre public international d'arrêt ou de suspension des poursuites individuelles en matière de faillite, l'ordonnance obtenue par un créancier – ayant préalablement déclaré sa créance, dont la vérification a fait apparaître une contestation à l'égard de laquelle le juge-commissaire s'est déclaré incompétent – qui accorde l'exequatur à une sentence arbitrale à seule fin de reconnaissance de la sentence pour permettre au créancier de faire reconnaître son droit de créance, sans conférer à la sentence la force exécutoire d'une décision de condamnation du débiteur à payer une créance antérieure ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la société Hydro avait déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire de la société Vergnet, que le juge commissaire avait ordonné un sursis à statuer sur cette déclaration de créance dans l'attente d'une décision d'un juge compétent et qu'après avoir obtenu une sentence arbitrale condamnant la société Vergnet à lui payer diverses sommes, la société Hydro avait sollicité un exequatur "limité à la reconnaissance de la créance résultant de la sentence arbitrale", de sorte que le premier juge avait conféré l'exequatur à cette sentence en la déclarant "exécutoire uniquement en ce qu'elle consacre la créance résultant de la sentence arbitrale" ; qu'en jugeant que l'insertion de la sentence arbitrale dans l'ordre juridique interne, fût-ce par la seule voie de sa reconnaissance, heurtait le principe d'arrêt ou de suspension des poursuites individuelles en matière de faillite, pour en déduire que l'ordonnance d'exequatur frappée d'appel méconnaissait de manière caractérisée l'ordre public international français, au motif inopérant que la sentence, portant condamnation de la société Vergnet à payer à la société Hydro des sommes dont l'origine était antérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, avait été rendue postérieurement à ce jugement, la cour d'appel a violé les articles 1520, 5° et 1525 du code de procédure civile, l'article L. 622-21 et L. 631-14 du code de commerce et l'ordre public international . »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 622-21 du code de commerce et l'article 1520-5° du code de procédure civile :

3. Il résulte de ces deux textes que le principe de l'arrêt ou de la suspension des poursuites individuelles, qui relève de l'ordre public international, interdit de conférer à la sentence la force exécutoire d'une décision de condamnation du débiteur.

4. Pour dire que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence méconnaît de manière caractérisée l'ordre public international français, l'arrêt retient que l'insertion, fut-ce par la seule voie de sa reconnaissance, dans notre ordre juridique de la sentence condamnant la société Vergnet au paiement de diverses sommes dont l'origine était antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, heurte le principe d'arrêt ou de suspension des poursuites individuelles visant à garantir le caractère collectif et égalitaire de cette procédure.

5. En statuant ainsi, alors que l'exequatur n'était demandé qu'en vue d'une reconnaissance du montant de la créance établie par la sentence pour permettre de faire reconnaître ce droit de créance dans la procédure collective, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

6. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

7. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

8. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance qui déclare la sentence exécutoire uniquement en ce qu'elle consacre la créance doit être confirmée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.