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Décisions

Cass. com., 23 mai 2024, n° 22-24.564

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Riffaud

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocats :

SARL Gury & Maitre, SCP Foussard et Froger

Toulouse, du 26 oct. 2022, n° 20/03077

26 octobre 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 26 octobre 2022, RG n° 20/03077), le 5 juillet 2010, la direction générale des douanes et droits indirects (la DGDDI) a attribué un marché public à un groupement composé de trois sociétés, dont la société Atlantic Air, aux droits de laquelle est venue la société ASI maintenance, aux fins de mise en oeuvre et d'installation sur ses aéronefs d'un système de surveillance maritime. Un marché public complémentaire a été passé le 4 octobre 2012.

2. Un aréonef Hawker Beechkraft King Air 350 ER, immatriculé [Immatriculation 3], inscrit le 13 février 2014 sur le registre étatique de la direction de la sécurité aéronautique d'Etat, a été confié à la société ASI maintenance aux fins d'installation d'un système de mission de surveillance sur l'appareil.

3. Par un jugement du 4 mai 2017, publié le 14 mai 2017 au BODACC, un tribunal a ouvert le redressement judiciaire de la société ASI maintenance, la société Egide étant désignée en qualité de mandataire judiciaire et M. [N] en qualité d'administrateur.

4. Le 20 juillet 2017, la DGDDI a adressé à l'administrateur une demande de revendication concernant l'aéronef et le matériel d'équipement.

5. Par un jugement du 31 juillet 2017, le tribunal a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire, la société Egide étant désignée liquidateur.

6. Le 3 août 2017, la société ASI maintenance a rendu l'aéronef, entreposé dans ses hangars, à la DGDDI.

7. Soutenant que la reprise de possession de l'aéronef était fautive, faute d'acquiescement de sa part, le liquidateur a assigné l'Agent judiciaire de l'Etat en restitution.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. La société Egide, ès qualités, fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de restitution, alors :

« 1°/ que ne font partie du domaine public mobilier d'une personne publique que les biens meubles présentant un intérêt public du point de vue de l'histoire, de l'art, de l'archéologie, de la science ou de la technique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que l'aéronef Hawker Beechcraft King Air 350 ER immatriculé [Immatriculation 3], appartenant à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), faisait partie du domaine public, pour en déduire qu'il était insaisissable et ne pouvait pas faire l'objet d'une réintégration à l'actif de la procédure collective, indépendamment même des conditions dans lesquelles la DGDDI avait repris possession de l'aéronef ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que ce bien meuble ne présentait pas d'intérêt public du point de vue de l'histoire, de l'art, de l'archéologie, de la science ou de la technique, de sorte qu'il dépendait du domaine privé de l'État et n'était donc pas inaliénable, peu important qu'il soit affecté à des opérations de surveillance maritime et une "mission d'ordre public" ou de sécurité nationale, la cour d'appel a violé les articles L. 2111-1 et L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;

2°/ que le propriétaire d'un bien détenu par le débiteur placé en procédure collective ne peut en obtenir le retour qu'après avoir exercé, selon le cas, une action en revendication ou en restitution ; que lorsqu'un administrateur judiciaire ou un liquidateur judiciaire a été désigné, ce propriétaire ne peut obtenir le retour du bien dans son patrimoine qu'avec l'acquiescement de cet organe de la procédure ou, à défaut, sur décision du juge-commissaire ; qu'en dehors de ces deux hypothèses, il n'est pas autorisé à obtenir la restitution du bien et, s'il obtient malgré tout une telle restitution, il s'expose alors à une action du mandataire judiciaire ou du liquidateur judiciaire tendant à la restitution en nature ou en valeur de ce bien ; que le caractère éventuellement insaisissable de ce bien ne constitue pas un obstacle à une telle action, car l'inopposabilité à la procédure collective du droit de propriété d'une personne publique sur un bien meuble n'est pas constitutive d'une voie d'exécution forcée ; qu'en déboutant toutefois le liquidateur judiciaire de la société Asi maintenance de sa demande de restitution de l'aéronef Hawker Beechcraft King Air 350 ER immatriculé [Immatriculation 3], qui avait été récupéré à son insu et sans acquiescement des organes de la procédure par la Direction générale des douanes et droits indirects après l'ouverture de la procédure collective, aux motifs impropres que cette récupération était intervenue sans violence et volontairement de la part de la société Asi maintenance et que l'aéronef était insaisissable, car il s'agissait d'un bien public, la cour d'appel a violé les articles L. 624-9 et L. 624-10 du code de commerce et L. 2311-1 du code général de la propriété des personnes publiques. »

Réponse de la Cour

9. Selon l'article L. 2311-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les biens appartenant à l'Etat sont insaisissables.

10. Selon l'article L. 2111-1 du même code, sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public de l'Etat est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public.

11. Selon l'article L. 3111-1 du même code, les biens qui appartiennent à l'Etat et relèvent du domaine public sont inaliénables et imprescriptibles.

12. Il résulte de la combinaison de ces textes que les biens du domaine public de l'Etat échappent à l'effet réel de la procédure collective et ne constituent pas le gage commun des créanciers.

13. Après avoir relevé que l'aéronef litigieux, inscrit sur le registre étatique de la direction de sécurité aéronautique d'Etat, avait été confié à la société ASI maintenance aux fins d'installation de dispositif de surveillance destiné à permettre aux services des douanes d'exercer des missions de protection de l'environnement, la lutte contre le trafic d'armes et de munitions, et le contrôle de la circulation des produits stratégiques et des produits radioactifs, l'arrêt retient exactement, sans qu'il soit besoin de recourir à une question préjudicielle, que, constituant un instrument indispensable à une mission d'ordre public, cet aéronef appartient au domaine public de l'Etat, de sorte qu'indépendamment des conditions dans lesquelles la DGDDI en a repris possession, le liquidateur ne pouvait l'appréhender.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.