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Décisions

CA Pau, ch. des etrangers-jld, 21 mai 2024, n° 24/01442

PAU

Ordonnance

Autre

CA Pau n° 24/01442

21 mai 2024

N° 24/01711

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE PAU

L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

ORDONNANCE DU vingt et un Mai deux mille vingt quatre

Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 24/01442 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I3GM

Décision déférée ordonnance rendue le 19 mai 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,

Nous, Joëlle GUIROY, Conseillère, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 18 décembre 2023, assistée de Sylvie HAUGUEL, Greffière,

APPELANT

M. [M] X SE DISANT [R]

né le 06 Novembre 1973 à [Localité 2] (GÉORGIE)

de nationalité Géorgienne

Retenu au centre de rétention d'[Localité 3]

Comparant et assisté de Maître Marie-Claude LABORDE-APELLE, avocat au barreau de Pau

INTIMES :

Le PRÉFET DE LA CHARENTE, avisé, absent

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire, après débats en audience publique,

*********

Vu les dispositions des articles L 614-1 à L 614-15, L 732-8, L 743-5, L 743-10 , L 743-20, L.741-1, 741-4-5-7-9, L 7441, L 751-9 et -10, L .743-14, -15 et L 743-17, L 743-19 et L 743-25, et R.743-1 à R 743-8 et R 743-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (ceseda),

Vu l'obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour pour une durée de 3 ans prise par le préfet de Dordogne le 29 août 2023 notifiée à M. [M] [R] le 1er septembre 2023,

Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 16/O5/2024 par le préfet de la Charente à l'encontre de M. [M] [R],

Vu la requête de M. [M] [R] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 18/05/2024 réceptionnée le 18 mai 2024 à 13h13 et enregistrée par le greffe du juge des libertés et de la détention le 18 mai 2024 à 14h50,

Vu la requête de l'autorité administrative en date du 17 mai 2024 reçue le 17 mai 2024 à 16h15 et enregistrée le 17 mai 2024 a 17h tendant à la prolongation de la rétention de M. [M] [R] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de vingt huit jours,

Vu l'extrait individualisé du registre prévu à l'article L,744-2 du CESEDA émargé par l'intéressé,

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Bayonne en date du 19 mai 2024 qui, par décision assortie de l'exécution provisoire, a :

- ordonné la jonction du dossier N° RG 24/00638 au dossier N° RG 24/00642 - N° Portalis DBZ7-W-B71-FPZJ, statuant en une seule et même ordonnance ;

- déclaré recevable la requête de M. [M] [R] en contestation de placement en rétention ;

- rejeté la requête de M. [M] [R] en contestation de placement en rétention ;

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le Préfet de la Charente ;

- Y faisant droit, ordonné la prolongation de la rétention de M. [M] [R] pour une durée de vingt-huit jours a l'issue du délai de 48 heures de la rétention ;

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions relatives aux dépens.

Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 19 mai 2024 à 13 h 21 ;

Vu la déclaration d'appel formée par M. M. [M] [R] reçue le 20 mai 2024 à 9h 27 :

Au soutien de son appel, M. [M] [R] expose que le retour dans son pays, la Géorgie, mettrait sa vie en danger en raison de l'existence d'un conflit personnel l'opposant à un groupe qui aurait tué son fils, groupe qui serait en relation avec le gouvernement de ce pays.

A l'audience, M. [M] [R] a repris les termes de son appel et a eu la parole en dernier.

Il explique qu'il a rencontré beaucoup de problèmes en Géorgie et est venu en France en 2019 pour y demander l'asile. Sa demande a été rejetée par l'OFPRA faute de preuve de ses dires. Son fils est alors retourné en Géorgie afin de rechercher des preuves qui permettraient à sa demande de prospérer. Il a été tué le 19 août 2020 par le groupe qui le poursuit.

Il affirme qu'il ne détient pas de justificatif de son décès car sa s'ur, qui est le seul membre de sa famille qui vit dans son pays, n'a pu obtenir le certificat de décès et précise que le groupe qui veut attenter à sa personne lui a dit qu'il doit aller chercher personnellement ce document, ce qui l'expose à un danger mortel.

Il ajoute qu'il est anéanti par la mort de son fils et celle de son père qui est intervenue ensuite.

Il ne produit aucun document au soutien de ses déclarations.

L'avocat de M. [M] [R] demande l'infirmation de l'ordonnance entreprise et sa remise en liberté. Il expose que si en première instance, sur les conseils de son avocat, il n'a pas fait état des risques pour sa vie en cas de retour en Géorgie ceux-ci sont réels et doivent être pris en considération.

Il ajoute aux termes de l'appel formulé le 20 mai 2024 que le recours à un interprète par téléphone en garde à vue comme lors de son placement en rétention n'est pas justifié par l'indisponibilité physique des trois autres interprètes inscrits sur le ressort de son interpellation.

Le préfet de la Charente, absent, n'a pas fait valoir d'observations.

SUR CE :

En la forme,

L'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur le fond,

En droit,

L'article L731-1 du CESEDA décide que :

"L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;

2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;

3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;

4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre État en application de l'article L. 621-1 ;
5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;

6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;

8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.
L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.

L'article L 741-1 du CESEDA dispose que : "L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3. "

L'article L 741-1 du CESEDA dispose que "Le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative".

Enfin l'article L741-4 du CESEDA précise que " La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.

Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention".

Par ailleurs l'article L.743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énonce que : "En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats".

- Sur la contestation par M. [M] [R] de son placement en rétention :

Par disposition non contestée, le premier juge a retenu la recevabilité de la requête de M. [M] [R] en application de l'article R.741-3, R 743-2 à R 743-4 et R743-7 et R 743-8 du CESEDA.

En première instance et par des motifs non soutenus au terme de son appel, M. [M] [R] affirme que la garde à vue qui a précédé son placement en rétention serait affectée d'une irrégularité en ce que la notification des droits qui lui a alors été faite est intervenue par le truchement d'un interprète par téléphone alors que son recours n'est pas justifié et motivé par un procès-verbal relatant les circonstances insurmontables s'opposant à la présence physique d'un interprète à ses côtés.

Toutefois, il résulte du procès-verbal 2024/4536 du 15 mai 2024 que constatant que Monsieur [R] ne parle pas bien français et demande un interprète en géorgien, les services de police ont pris attache avec deux interprètes sur leur circonscription et que chacun les a informés qu'il ne pouvait effectuer l'interprétariat. Le troisième interprète sollicité les a ensuite avisé qu'elle pouvait intervenir mais que, ne se trouvant pas dans la circonscription, elle ne pouvait se déplacer à [Localité 1] mais traduirait par téléphone.

Il s'en déduit que c'est à bon droit que le premier juge a constaté que les dispositions prévues à l'article 706-71 alinéa 7 du code de procédure civile avaient été respectées et qu'aucune irrégularité n'affecte la procédure de garde à vue de M. [R].

Par la suite, il s'est vu notifier la décision de placement en rétention administrative et ses droits par recours a la même interprète et par téléphone, procédé conforme aux dispositions des articles L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Or, devant le premier juge, M. [R], qui n'a opposé dans son appel de critique sur ce point à l'ordonnance déférée, n'a fait la démonstration ni même allégué d'aucun grief résultant de cette situation .

En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté le moyen soulevé de la requête de M. [M] [R] en contestation de son placement en rétention.

Sur la requête en prolongation de sa rétention :

A hauteur d'appel, M. [R] soulève pour la première fois le fait que son retour en Géorgie l'expose à un danger, ce qu'il n'avait pas invoqué en première instance et qu'il n'avait donc pas soumis au premier juge qui n'a pu statuer sur ce point.

Cependant au-delà de la recevabilité de ce moyen soulevé pour la première fois en appel, il ne peut qu'être constaté qu'il n'étaye ses dires par aucun document, ni témoignage.

En conséquence, et alors que la requête de l'administration est recevable, que son examen ne révèle aucune irrégularité et qu'il est établi que les autorités consulaires de son pays ont été sollicitées pour la délivrance d'un laissez-passer tandis qu'une demande de réservation de vol a été effectuée, il ne peut qu'être constaté que l'autorité administrative justifie de diligences utiles pour mettre en 'uvre la mesure d'éloignement dont la perspective demeure raisonnable.

Ceci alors que M. [M] [R] n'a pas préalablement remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie un passeport en cours de validité, qu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives n'ayant ni domicile, ni activité, ni attache avérés sur le territoire français, qu'il s'oppose à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français en date du 3 août 2019.

Ainsi, la prolongation de la rétention administrative dont fait l'objet M. [M] [R] reste l'unique moyen d'assurer la mise à exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet.

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons l'appel recevable en la forme.

Confirmons l'ordonnance entreprise.

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture de la Charente.

Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.

Fait au Palais de Justice de PAU, le vingt et un Mai deux mille vingt quatre à

LA GREFFIERE, LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUEL Joëlle GUIROY

Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 21 Mai 2024

Monsieur [M] X SE DISANT [R], par mail au centre de rétention d'[Localité 3]

Pris connaissance le : À

Signature

Maître Marie-claude LABORDE-APELLE, par mail,

Monsieur le Préfet de la Charente, par mail