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Décisions

CA Metz, 6e ch., 16 mai 2024, n° 22/00381

METZ

Arrêt

Autre

CA Metz n° 22/00381

16 mai 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 22/00381 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FVSU

Minute n° 24/00094

S.A.S. TA GROUPE

C/

[W]

Jugement Au fond, origine TJ à compétence commerciale de THIONVILLE, décision attaquée en date du 31 Août 2021, enregistrée sous le n° 19/00312

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 16 MAI 2024

APPELANTE :

S.A.S. TA GROUPE , représentée par son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Laure-anne BAI-MATHIS, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Stéphan RENAUD, avocat plaidant du barreau de PARIS

INTIMÉ ET APPELANT INCIDENT :

Monsieur [L] [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 16 Janvier 2024 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 16 Mai 2024, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La SAS TA Groupe et M. [L] [W] étaient associés de la SAS Taxi [L] et détenaient respectivement 20 % (20 actions) et 80 % (80 actions) du capital social. M. [W] était en outre le président de la SAS Taxi [L].

Par acte de cession du 30 avril 2019, la SAS TA Groupe a acquis les 80 actions de M. [W] moyennant 12 000 euros. Un premier paiement de 3 000 euros a été effectué le 30 avril 2019 et le solde du prix devait être réglé en plusieurs échéances ultérieures.

Invoquant une réticence dolosive, la SAS TA Groupe a, par acte d'huissier en date du 25 juillet 2019, fait assigner M. [W] devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Thionville aux fins d'obtenir l'annulation de l'acte de cession du 30 avril 2019 sur le fondement de l'article 1137 du code civil, la restitution de la somme de 3 000 euros et la condamnation de M. [W] au paiement de 15 000 euros de dommages et intérêts.

M. [W] a constitué avocat et s'est opposé à cette prétention, sollicitant à titre reconventionnel le paiement du solde du prix de cession et la condamnation de la SAS TA Groupe au paiement de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 31 août 2021, signifié le 7 janvier 2022, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Thionville a :

débouté la SAS TA Groupe de ses demandes ;

condamné la SAS TA Groupe à payer à M. [W] une somme de 9 000 euros au titre du solde du prix de cession des actions en exécution de l'acte de cession signé le 30 avril 2019 entre les parties, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

débouté M. [W] de sa demande de dommages et intérêts ;

condamné la SAS TA Groupe à payer à M. [W] une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SAS TA Groupe aux entiers dépens ;

rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz en date du 7 février 2022, la SAS TA Groupe a interjeté appel aux fins d'annulation, et/ou d'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à : la nullité de la cession des 80 actions de la SAS Taxi [L] intervenue le 30 avril 2019, aux restitutions réciproques et la condamnation de M. [W] à lui restituer la somme de 3 000 euros perçue, la condamnation M. [W] à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, la condamnation de M. [W] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [W] la somme de 9 000 euros au titre du solde du prix de cession des actions en exécution de l'acte de cession signé le 30 avril 2019 entre les parties, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ; l'a condamnée à payer à M. [W] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; l'a condamnée aux entiers dépens.

M. [W] a formé appel incident par voie de conclusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions du 4 novembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SAS TA Groupe demande à la cour de :

la recevoir en ses écritures et l'en dire bien fondée ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

débouté la SAS TA Groupe de ses demandes,

condamné la SAS TA Groupe à payer à M. [W] une somme de 9 000 euros au titre du solde du prix de cession des actions en exécution de l'acte de cession signé le 30 avril 2019 entre les parties, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

condamné la SAS TA Groupe à payer à M. [W] une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la SAS TA Groupe aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

constater le dol commis par M. [W] à son préjudice ;

annuler l'acte de cession des 80 actions de la SAS Taxi [L] intervenue suivant acte sous seing privé le 30 avril 2019 ;

annuler le protocole transactionnel conclu le 25 avril 2019 entre les parties ;

ordonner les restitutions réciproques et condamner en tant que de besoin M. [W] à lui restituer la somme de 3 000 euros perçue ;

condamner M. [W] à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes ;

Subsidiairement,

condamner M. [W] à lui payer la somme de 1 373 euros au titre de la garantie souscrite dans l'acte de cession d'actions ;

ordonner la compensation de la somme de 1 373 euros avec toutes sommes qu'elle serait condamnée à payer à M. [W] ;

ordonner la consignation de toutes sommes qu'elle serait condamnée à payer à M. [W] auprès de la Caisse des dépôts et consignations jusqu'à la justification du paiement intégral de la somme de 12 863,47 euros par M. [W] à la SAS Taxi [L] ou à son unique associée ;

condamner M. [W] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [W] aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, la SAS TA Groupe, face aux fins de non-recevoir soulevées par M. [W], oppose les articles 1199 et suivants du code civil pour justifier qu'il n'était pas nécessaire d'attraire la SAS Taxi [L] à la procédure et qu'en tout état de cause cela ne serait pas de nature à entrainer l'irrecevabilité de la demande.

La SAS TA Groupe, à l'appui de l'article 2052 du code civil, expose ensuite que l'objet du présent litige issu de l'acte de cession n'est pas identique à l'objet du protocole d'accord transactionnel signé avec M. [W] en présence de la SAS Taxi [L] et que l'exception de transaction ne peut donc lui être opposée. Evoquant néanmoins un risque de contrariété juridique entre le protocole d'accord et l'acte de cession, la SAS TA Groupe dit reconnaitre expressément l'indivisibilité de ses deux actes justifiant leur annulation.

La SAS TA Groupe se prévaut également des articles 564 et 566 du code de procédure civile et allègue que ses demandes ne sont que le complément nécessaire et les conséquences de sa demande d'annulation de l'acte de cession et sont donc recevables.

Sur le fond, la SAS TA Groupe rappelle qu'il ressort de l'article 1137 que les éléments constitutifs du dol sont les man'uvres, l'intention de tromper et l'atteinte corrélative au consentement. Elle ajoute que le dol peut résulter d'une simple réticence.

Sur le compte courant d'associé, la SAS TA Groupe soutient que malgré les interdictions posées par les articles L. 227-112 et L. 225-43 du code de commerce, M. [W] a confondu son patrimoine avec celui de la société en ayant un compte courant d'associé débiteur et qu'il lui a délibérément caché son existence.

La SAS TA Groupe expose ensuite que la qualité d'associé à 20% et l'existence de relations d'affaire avec M. [W] n'impliquent pas qu'il connaissait la situation financière de la société et s'appuie pour le démontrer sur les articles L. 225-115 à L. 225-117 du code de commerce. La SAS TA Groupe précise en outre que M. [W] n'apporte pas la preuve de l'avoir averti de la situation débitrice d'un compte courant d'associé. La SAS TA Groupe allègue encore que M. [W] n'était pas salarié de la SAS TA Groupe et que l'autorisation de stationnement n'était pas conventionnée.

Sur la dette URSSAF, la SAS TA Groupe affirme que l'acte de cession fait mention du paiement de toutes les dettes de la société alors que, selon elle, il est démontré que la SAS Taxi était débitrice à l'égard des URSSAF d'une dette de 1 306 euros à la date de l'acte de cession. D'après la SAS TA Groupe, M. [W] ne pouvait ignorer l'existence de cette dette d'autant qu'elle a trait à sa propre rémunération du mois de janvier 2019. La SAS TA Groupe ajoute que le fait d'avoir stipulé que les dettes sociales étaient garanties par le cédant ne remet pas en cause le caractère mensonger de la déclaration de ce dernier.

La SAS TA Groupe soutient que ces mensonges et réticences ont été déterminants de son consentement et qu'elle n'aurait pas conclu à ce prix en connaissance de cause.

Sur les dommages et intérêts, la SAS TA Groupe soutient que M. [W] l'a trompé et a profité des relations de confiance qu'il avait avec M. [C] [H], dirigeant de la SAS TA Groupe, a proféré des menaces et exercé du chantage à son encontre. La SAS TA Groupe affirme que cela a causé du tort à la SAS TA Groupe et notamment un préjudice d'image.

Subsidiairement, la SAS TA Groupe soutient que, dans l'hypothèse où ses demandes devaient être rejetées, M. [W] est débiteur à son égard au titre de la garantie des dettes souscrite dans le contrat de cession et qu'il devra donc être condamné à lui payer la somme de 1 373 euros. La SAS TA Groupe demande à ce que cette somme soit compensée avec les éventuels sommes qu'elle serait condamnée à payer à M. [W].

Dans la même hypothèse, la SAS TA Groupe expose qu'il serait justifié que la somme qu'elle serait amenée à payer à M. [W] au titre du solde du prix de cession soit consignée dans l'attente que ce dernier rembourse à la SAS Taxi [L] son compte courant débiteur.

Par ses dernières conclusions du 6 mars 2023, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [W] demande à la cour de :

rejeter l'appel de la SAS TA Groupe et accueillir son seul appel incident ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS TA Groupe et ainsi statuer au fond et en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

Et statuant à nouveau,

juger que la SAS TA Groupe a expressément reconnu en page 6 de ses conclusions notifiées le 4 novembre 2022, par lequel « l'intimée reconnaît expressément l'indivisibilité entre le protocole d'accord et l'acte de cession d'actions » ;

déclarer la SAS TA Groupe irrecevable, au besoin d'office notamment en ce qui concerne les demandes nouvelles, en l'ensemble de ses demandes, fins, conclusions, moyens et prétentions ;

subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAS TA Groupe de l'intégralité de ses demandes, au besoin par adjonction de motifs ;

confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS TA Groupe à lui payer la somme de 9 000 euros au titre du solde du prix de cession des actions en exécution de l'acte de cession signé le 30 avril 2019 entre les parties, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

condamner la SAS TA Groupe à lui payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et en compensation de son préjudice moral lié au caractère abusif de la procédure ;

condamner la SAS TA Groupe à une amende civile à fixer par la cour ;

En tout état de cause,

ordonner la capitalisation des intérêts qui auront couru pour une année entière ;

confirmer le jugement sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance ;

Y ajoutant,

condamner la SAS TA Groupe à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

condamner la SAS TA Groupe aux entiers dépens.

Au soutien des fins de non-recevoir qu'il soulève, M. [W] affirme que la SA Taxi [L] n'a pas été attraite à la procédure alors que l'acte de cession dont la nullité est sollicitée porte sur la propriété de son capital et que sa présence est indispensable pour que l'éventuelle nullité prononcée lui soit opposable. Il soutient en outre que son absence est contraire au principe du contradictoire prescrit à l'article 16 du code de procédure civile.

Ensuite, M. [W] expose que l'acte de cession constituait une modalité d'exécution du protocole d'accord transactionnel qui d'ailleurs vaut vente puisqu'il comprend un accord sur la chose et le prix. M. [W] soutient ainsi qu'il y a identité d'objet et de cause dans les deux actes, indivisibles, de sorte que l'accord, dont il précise qu'il n'a pas été remis en cause, a autorité de la chose jugée rendant l'action irrecevable.

Sur la demande d'annulation du protocole transactionnel, M. [W] oppose la nouveauté de la demande sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile. Il affirme que le protocole transactionnel n'est pas le complément ni l'accessoire mais le contrat préalable voire principal de la vente. M. [W] se prévaut également de l'article 910-4 du code de procédure civile estimant que cette demande ne figurait pas dans les premières conclusions d'appelant et qu'il n'y pas d'évolution du litige justifiant cet ajout. Il rappelle en outre que l'irrecevabilité est encourue du fait de l'absence de la SAS Taxi [L] dans la cause ou encore parce que la cour n'est pas saisie puisque la déclaration d'appel ne contient aucune demande en ce sens ni référence à l'indivisibilité du contrat.

M. [W] exposera les mêmes moyens au soutien de sa demande d'irrecevabilité de la demande subsidiaire d'exécution du protocole transactionnel et de consignation du solde du prix de cession.

M. [W] soutient encore que la SAS TA Groupe n'a pas qualité ni intérêt à agir en réparation d'un éventuel dommage et que nul ne plaide par procureur, soulevant que le cessionnaire lui reproche d'avoir vidé les caisses de la SAS Taxi [L] et d'avoir exercer du chantage sur M. [H]. L'intimé expose en outre que les dommages et intérêts sollicités ne peuvent reposer que sur une perte de chance qui n'est en l'occurrence ni démontrée, ni sollicitée.

Sur le fond, s'agissant des demandes d'annulation de l'acte de cession et du protocole d'accord, M. [W] reprend les conditions du dol posées à l'article 1137 du code civil, soit une erreur provoquée devant revêtir un caractère déterminant de celui qu'il s'en prévaut et une intention dolosive. Il ajoute que le manquement à l'obligation précontractuelle d'information ne constitue pas un dol en l'absence d'intention ou de vice du consentement.

M. [W] affirme que la SAS TA Groupe dispose du même expert-comptable que la SAS Taxi [L] et était actionnaire de la SAS Taxi [L] et ne pouvait donc ignorer la situation financière de cette dernière. Il ajoute que M. [H], dirigeant de la SAS TA Groupe, est rompu aux affaires et ne peut donc se prévaloir de sa propre turpitude.

Sur le compte courant d'associé débiteur, M. [W] expose encore avoir fait supporter par la SAS Taxi [L] ses frais d'hôtel, survenus suite à sa séparation conjugale, et que M. [H] en était informé. Il soutient qu'en tout état de cause cela ne constitue pas un dol mais une créance de la société à son égard.

Sur la dette URSSAF, M. [W] affirme qu'il ignorait l'existence de cette dette à la date de la cession, qu'il n'a pas eu l'intention de tromper la SAS TA Groupe et que les conditions de la cession ont été fixée sur la base de la comptabilité arrêtée au 31 mars 2018. Il ajoute que le contrat comporte une clause de garantie du passif excluant le caractère déterminant de l'élément hypothétiquement dissimulé.

Sur la demande subsidiaire d'exécution du protocole transactionnel, M. [W] expose que la SAS TA Groupe ne démontre pas que ses affirmations sont inexactes.

Sur la demande subsidiaire en consignation du solde du prix de cession, M. [W] soutient que les propos tenus par la SAS TA Groupe sont diffamatoires et que le montage fiscal de cette dernière a été réalisé à son détriment.

M. [W] se prévaut en outre des articles 1240 et suivant du code civil pour justifier sa demande de dommages et intérêts, soutenant que la procédure initiée par la SAS TA Groupe est abusive et que son seul but est de se soustraire au paiement de la somme qu'elle lui doit.

Subsidiairement, M. [W] soutient que, s'agissant de l'annulation d'une cession de parts sociales, l'acquéreur ne peut exiger la restitution du prix qu'il a payé que s'il est en mesure de rendre des parts d'une valeur réelle au moins équivalente au prix qu'il a payé et que si les parts sont devenues sans valeur, il ne peut obtenir remboursement des sommes versées au cédant. M. [W] affirme que la SAS TA Groupe ne justifie pas de la valeur des parts.

Enfin, M. [W] se prévaut de l'article 1343-2 du code civil pour justifier sa demande en capitalisation des intérêts et précise qu'il s'agit d'une demande reconventionnelle, accessoire et complémentaire à sa demande en paiement.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est observé que M. [W] sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, l'irrecevabilité de toutes les demandes de la SAS TA Groupe sans distinction. Pourtant, contrairement aux exigences de l'article 954 du code de procédure civile, il n'invoque de moyens au soutien de cette demande qu'à l'encontre des demandes adverses d'annulation de la cession, d'annulation du protocole d'accord transactionnel, d'ordonner la consignation de toutes sommes que la SAS TA Groupe serait condamnée à payer à M. [W] auprès de la Caisse des dépôts et consignations, et de condamnation de M. [W] à payer à la SAS TA Groupe 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Dès lors, les demandes de la SAS TA Groupe autres que celles précitées sont déclarées recevables et l'irrecevabilité soulevée par M. [W] à leur égard est rejetée.

Il est encore observé que M. [W] développe des moyens au soutien d'une hypothétique prétention adverse d'ordonner l'exécution du protocole transactionnel, or cette prétention n'est pas formulée par la SAS Ta Groupe et il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point.

I- Sur la procédure

Sur la recevabilité de la demande d'annulation de l'acte de cession présentée par la SAS TA Groupe

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Il est constant que l'article précité ne procède pas à une énumération exhaustive des fins de non-recevoir.

L'article 2052 du code civil dispose que la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.

En l'espèce, d'une part, le protocole transactionnel signé le 25 avril 2019 indique à l'endroit des parties qu'il intervient entre la SAS TA Groupe et M. [W] « en présence de » la SAS Taxi [L].

Ce protocole comporte un article 1 intitulé « Objet du présent protocole d'accord transactionnel » lequel stipule : « Le présent protocole a pour finalité de mettre un terme au différend opposant la société Taxi [L] à la société TA Groupe au titre de la conclusions l'exécution et la résiliation du contrat de location-gérance conclu entre elles le 1er décembre 2018. Le présent protocole a également pour finalité d'interdire aux parties de saisir une juridiction, quelle qu'elle soit au titre du litige auquel il est mis un terme ».

L'article 2 de cet accord, intitulé « Concessions » stipule ceci : « En vue de terminer le litige, il est convenu que :

M. [L] [W] démissionne ce jour de ses fonctions de président de la société Taxi [L] ;

M. [L] [W] s'engage à céder au plus tard le 30 avril 2019 à la société TA Groupe les 80 actions de la société Taxi [L] qu'il possède moyennant le prix de 12 000 euros ;

La société TA Groupe s'engage à acquérir de M. [L] [W] au plus tard le 30 avril 2019, les 80 actions de la société Taxi [L] que celui-ci possède.

Il est expressément convenu qu'en contrepartie de l'exécution des engagements réciproques, chacune des parties s'estime être intégralement remplie de ses droits au regard des faits visés en préambule des présentes ».

Il en résulte que l'objet de la transaction est un différend né antérieurement entre la SAS TA Groupe et M. [W] relatif à l'exécution d'un contrat de location gérance et que la cession de parts sociales est l'une des obligations convenues en résolution de ce conflit.

D'autre part, l'objet de l'action en justice exercée par la SAS TA Groupe est le contrat de cession de parts sociales conclu entre elle et M. [W] dont elle souhaite obtenir la nullité.

Dès lors, l'objet du litige actuel étant l'annulation de l'acte de cession, il est donc différent de l'objet de la transaction datée du 25 avril 2019 qui, lui, porte sur la résolution d'un litige antérieur.

Il n'y a pas d'identité d'objet et l'accord transactionnel ne fait donc pas obstacle à la recevabilité de l'action exercée par la SAS TA Groupe.

De plus, les moyens soulevés par M. [W] tirés du principe du contradictoire au visa de l'article 16 du code de procédure civile ou de l'effet relatif des contrats au visa de l'article 1199 du code civil, ne sont pas de nature à entraîner l'irrecevabilité des demandes.

La demande d'annulation de l'acte de cession est donc recevable.

La fin de non-recevoir est rejetée.

Sur la demande d'annulation du protocole d'accord et sur la demande de consignation

L'article 910-4 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, par ses premières conclusions d'appelant signifiées le 5 mai 2022, la SAS TA Groupe a formulé les prétentions suivantes :

« Recevoir la société TA Groupe en ses écritures et l'en dire bien fondée ;

Infirmer le jugement rendu par la Chambre commerciale du Tribunal judiciaire de Thionville le 30 août 2021 en ce qu'il a :

Débouté la SAS TA Groupe de ses demandes ;

Condamné la SAS TA Groupe à payer à M. [L] [W] la somme de 9 000 euros au titre du solde du prix de cession des actions en exécution de l'acte de cession signé le 30 avril 2019 entre les parties avec intérêt au taux légal à compter du jugement ;

Condamné la SAS TA Groupe à payer à M. [L] [W] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné la SAS TA Groupe aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

Constater le dol commis par M. [L] [W] au préjudice de la société TA Groupe ;

Annuler la cession des 80 actions de la société Taxi [L] intervenue suivant acte sous seing privé le 30 avril 2019 ;

Ordonner les restitutions réciproques et condamner, en tant que de besoin, M. [L] [W] à restituer à la société TA Groupe la somme de 3 000 euros perçue ;

Condamner M. [L] [W] à payer à la société TA Groupe la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Débouler M. [L] [W] de ses demandes reconventionnelles ;

Condamner M. [L] [W] à payer à la société TA Groupe la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner M. [L] [W] aux dépens »

Il en ressort que les demandes présentées dans les dernières conclusions de la SAS TA Groupe datées du 4 novembre 2022 tendant à l'annulation du protocole d'accord ne figuraient pas dans les premières conclusions. Il en est de même pour la demande de consignation de toute somme qu'elle serait amenée à payer à M. [W] jusqu'à la justification, par M. [W] du paiement intégral de la somme de 12 863,47 euros. Elles ne sont donc pas recevables.

S'il est répondu par la SAS TA Groupe au moyen tiré de l'application de l'article 564 du code de procédure civile, il n'est pas répondu sur le moyen fondé sur les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Dès lors, les demandes formées par la SAS TA Groupe tendant à obtenir l'annulation du protocole d'accord et à ordonner la consignation de toutes sommes qu'elle serait condamnée à payer à M. [W] auprès de la Caisse des dépôts et consignations jusqu'à la justification du paiement intégral de la somme de 12 863,47 euros par M. [W] à la SAS Taxi [L] ou à son unique associée sont irrecevable.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les autres moyens soulevés par M. [W] qui tendent également à l'irrecevabilité de ces demandes.

Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la SAS TA Groupe

En application de l'article 122 du code de procédure civile, les défauts d'intérêt et de qualité à agir sont des fins de non-recevoir.

L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En l'espèce, la SAS TA Groupe reproche à M. [W], au soutien de sa demande de dommages et intérêts, de l'avoir trompée sur la valeur de la SAS Taxi [L] dont elle était cessionnaire de 80 parts, d'avoir usé de menaces et de chantage ou encore de lui avoir causé un préjudice d'image.

Il en ressort que le préjudice dont la réparation est demandée est propre à la SAS TA Groupe de sorte qu'elle justifie d'un intérêt légitime à agir à cette fin contre M. [W].

Dès lors, la SAS TA Groupe est donc recevable à demander des dommages et intérêt en réparation des préjudices allégués.

La fin de non-recevoir est donc rejetée.

II-Sur le fond

Sur la nullité de l'acte de cession pour dol

En application de l'article 1130 du code civil, le dol vicie le consentement lorsqu'il est de nature que, sans lui, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Son caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Aux termes de l'article 1131 du code civil, les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

L'article 1137 du même code dispose que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

Enfin, l'article 1138 du code civil énonce que l'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité alors même qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat.

Il est constant que le dol ne se présume pas et doit être prouvé. La charge de la preuve repose sur celui qui s'en prévaut.

Sur le compte courant d'associé débiteur

En l'espèce, la SAS TA Groupe reproche à M. [W], cédant, d'avoir intentionnellement gardé le silence sur l'existence d'un compte courant d'associé débiteur à son nom et d'une dette URSSAF. Il est précisé qu'aucun document comptable de la SAS Taxi [L] n'est produit.

Il ressort d'une attestation du 29 mai 2019 émanant de M. [F], expert-comptable, qu'au 30 avril 2019, il ressortait de la comptabilité de la SAS Taxi [L] un compte courant d'associé débiteur au nom de M. [W] d'un montant de -12 863,47 euros ainsi qu'une dette URSSAF de 1 306 euros relatives aux charges sur salaire de M. [W] de janvier 2019. Il est précisé que M. [W] ne conteste pas l'existence de ces dettes. Elles sont donc établies.

En application des articles L. 225-115, L. 225-117 et L. 227-1 du code de commerce, il n'est pas légalement reconnu à l'associé de SAS un droit d'accès aux comptes annuels ni aux comptes consolidés de la société.

Selon le Titre IV des statuts de la SAS Taxi [L] produits par la SAS TA Groupe, le bilan et le compte de résultats sont soumis chaque année à l'approbation des associés dans les six mois de la clôture de l'exercice, laquelle a été fixée au 31 mars.

Il s'en déduit que la SAS TA Groupe, en tant qu'associée non dirigeant, n'avait pas de droit à l'information ou de droit d'accès illimité aux documents comptables de la SAS Taxi [L]. Le fait, même supposé, que l'expert-comptable de la SAS Taxi [L] soit le même que la SAS TA Groupe, ne confère pas à cette dernière davantage de droit de regard sur les comptes de la première.

Ensuite, le contrat de cession comprend un article 4 intitulé « Remise au cessionnaire » et stipulant ceci : « A la date du transfert de propriété des actions, le Cédant remet au Cessionnaire :

['] ' L'intégralité des documents juridiques, fiscaux, sociaux, commerciaux, comptables, les registres légaux cotés et paraphés et d'une manière générale l'intégralité des documents, pièces et archives de la Société. » Il est stipulé plus avant dans le contrat un article 1.2, selon lequel le transfert de propriété des actions se fait à la date de l'acte de cession, soit le 30 avril 2019.

Ce même contrat stipule également en son article 3 que les derniers comptes annuels sont arrêtés au 31 mars 2018. Il y a lieu de préciser que M. [W], dans ses dernières conclusions, reconnait expressément que la cession s'est réalisée sur la base de la comptabilité arrêtée au 31 mars 2018.

Il est donc établi que la SAS TA Groupe a reçu, au jour de la cession soit le 30 avril 2019, communication de documents comptables arrêtés au 31 mars 2018.

En outre, par mail du 31 janvier 2019 envoyé à M. [W], l'expert-comptable stagiaire informe ce dernier que :

« Suite à un entretien avec M. [F], nous ne pouvons pas comptabiliser dans les charges de la société les dépenses de logements à savoir :

- La part du loyer de votre appartement

- Les nuits d'hôtel d'avril et mai 2018

[']

Suit à ces corrections comptables, votre compte courant est débiteur au 31/12/2018 de la somme de 11 732,31 euros.

Ce montant n'inclus pas les chèques suivants dont je n'ai pas la correspondance, merci de me dire de quoi il s'agit ['] » suivi d'une liste de chèques.

Les documents comptables communiqués à la SAS TA Groupe, arrêté au 31 mars 2018, ne contenaient donc pas les mouvements comptables constatés par l'expert dont l'existence, la révélation et la rectification sont postérieurs. Si l'attestation ne permet pas de déduire l'inexistence d'un compte courant d'associé débiteur dans les documents comptables arrêtés au 31 mars 2018, elle démontre néanmoins que ces derniers ne reflétaient pas fidèlement la situation réelle de la société, à tout le moins pas dans cette ampleur.

Les seules allégations de M. [W] selon lesquelles la SAS TA Groupe était informée de frais mis à la charge de son compte courant d'associé sont insuffisantes à démontrer que cette dernière en avait effectivement connaissance et ainsi de contredire les éléments apportés par la SAS TA Groupe permettant de constater qu'aucune information à ce sujet n'a été transmise. De plus, la qualité d'associé rompu aux affaires de la SAS TA Groupe ne lui confère pas pour autant un savoir omniscient sur l'état financier d'une société dont il n'est pas établi que les documents comptables actualisés lui ont été communiqués.

Il est ainsi établi que M. [W], au jour de la cession, n'a pas communiqué les informations exactes sur la santé financière, notamment sur le montant du compte courant d'associé débiteur à son nom et que la SAS TA Groupe ignorait cette information.

En application des articles L. 227-12 et L. 225-43 du code de commerce, il est notamment interdit au dirigeant des SAS d'avoir un compte courant débiteur et il est constant que cette situation peut représenter un abus de bien social réprimé, pour le dirigeant de SAS, par les articles L. 242-6 et L. 244-1 du code de commerce.

M. [W], en tant que dirigeant de la SAS Taxi [L], ne pouvait ignorer le caractère infractionnel de son compte courant d'associé au regard des règles suscitées ni, par voie conséquence, l'importance de cette information pour le cessionnaire de sorte que sa réticence ne peut être qu'intentionnelle et dépasse le simple manquement à l'obligation précontractuelle d'information.

Le caractère débiteur du compte courant, bien qu'il ne confère pas à la SAS Taxi [L] une dette mais une créance à l'encontre de M. [W], n'enlève rien au fait qu'elle était à la date de la cession ignorée du cessionnaire, hors cadre légal.

Le respect de la législation en vigueur par les gérants précédents, entrainant par conséquent le respect de la législation par la société elle-même, est une information importante susceptible d'impacter le consentement du cessionnaire qui souhaite s'engager ou à tout le moins, les conditions de son consentement. Il en ressort que l'information dissimulée comporte bien les caractères d'une information déterminante.

En outre, s'il est reproché à la SAS TA Groupe d'avoir contracté un acte d'acquisition sur la base de données financières anciennes, il reste que l'erreur sur les conditions de gestion et la réalité financière de la société qui l'a conduite à contracter a été provoquée par le dol et la rend ainsi excusable.

Enfin, la clause contractuelle par laquelle le cédant garantit l'exactitude de ses propres affirmations et notamment celle exposant qu'il n'existe aucun contrat entre lui et la SAS Taxi [L] ne fait pas obstacle à la SAS TA Groupe d'exercer une action en nullité, ni n'annihile le caractère déterminant de l'information dissimulée.

Dès lors, il y a bien eu réticence intentionnelle d'une information par l'une des parties au contrat dont elle savait le caractère déterminant pour son cocontractant.

Sur la créance URSSAF

En l'espèce, M. [W] reconnait l'existence d'une dette URSSAF de 1 306 euros pour la SAS Taxi [L] relative à une période de cotisation de janvier 2019 et dont il apparait de la mise en demeure envoyée par l'URSSAF le 22 mai 2019 que le titre de paiement a été rejeté par la banque. M. [W] affirme par ailleurs avoir eu connaissance de cette dette qu'à compter de la mise en demeure envoyée par l'URSSAF, soit postérieurement à l'acte de cession.

Pourtant, il est mentionné dans l'acte de cession, en son article 3 : « Le cédant déclare : [']

Que tous les impôts, droits, taxes, contributions, cotisations, charges légales ou conventionnelles ainsi que les intérêts de retard, pénalités et amendes dont la société était débitrice à un moment quelconque et où que ce soit, ont été payés dans les délais prescrits ;

Que la société a dûment et en temps utile effectué toutes les déclarations fiscales et sociales, effectué toutes provisions et toutes autres formalités nécessaires concernant le paiement de tous les impôts, taxes, droits et charges, cotisations ou autres relatifs à son revenu, à ses ventes, à des transferts, à son patrimoine, toute taxe sur la valeur ajoutée, toute cotisation de sécurité sociale, taxe fonctière ou autre, resquis aux termes de la législation applicable. ['] »

Les comptes communiqués au moment de l'acte de cession étant arrêtés au 31 mars 2018, il est évident que cette dette URSSAF n'apparaissait pas sur ces documents. L'information quant à l'existence de cette dette n'a donc pas été communiquée à la SAS TA Groupe.

L'affirmation contenue dans l'acte de cession et selon laquelle la société aurait effectué les formalités nécessaires concernant le paiement des cotisations de sécurité sociale est donc totalement mensongère puisqu'elle se trouve désormais endettée d'une dette sociale de 1 306 euros en raison du rejet du paiement de ses cotisations pour le mois de janvier 2019.

Cette dette URSSAF, pour laquelle M. [W] semble vouloir reporter la faute sur son comptable, dévoile encore davantage une gestion confuse des comptes de la société, voire de la société elle-même. M. [W], gérant de la société jusqu'à la cession, ne pouvait, voire ne devait ignorer, que la situation financière de la société ne lui permettait pas d'honorer ses engagements de paiements.

Ici encore, la connaissance des dettes de la société dont l'acquisition est envisagée est une information nécessairement déterminante du consentement.

En définitive, M. [W] a, d'une part, dissimulé de manière intentionnelle sa méthode de gestion le conduisant au non-respect des prescriptions légales en matière de compte courant d'associé. D'autre part, il a communiqué à son cocontractant des informations mensongères quant à l'état de la société vis-à-vis de ses créanciers sociaux.

Il s'en suit que le dol est doublement constitué.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point et, statuant à nouveau, la nullité du contrat de cession conclu le 30 avril 2019 sera prononcée.

Sur les effets de la nullité

L'article 1178 du code civil dispose qu'un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord. Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé. Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9. Indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.

L'article 1352 du code civil dispose que la restitution d'une chose autre que d'une somme d'argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.

En l'espèce, il est constant que la SAS TA Groupe n'a versé à la SAS Taxi [L] que la somme de 3 000 euros en paiement de la première échéance convenue à titre de contrepartie de l'acquisition des 80 parts sociales.

M. [W] n'apporte aucun élément permettant de constater la diminution alléguée de la valeur des parts sociales. Quoi qu'il en soit, l'effet principal de la nullité étant l'anéantissement rétroactif de l'acte, M. [W] est supposé avoir toujours eu la pleine propriété de ses parts sociales et supporte donc la variation de leur valeur.

En application des textes précités, il est ordonné à la SAS TA Groupe de restituer à M. [W] les 80 parts sociales et, inversement, à M. [W] de restituer à la SAS TA Groupe la somme de 3 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, conformément à l'article 1231-7 du code civil.

La nullité de l'acte de cession et les restitutions ainsi prononcées et ordonnées, les demandes en compensation, en capitalisation des intérêts et en garantie des dettes formées par la SAS TA Groupe sont sans objet et sont par conséquent rejetées.

Il y sera ajouté au jugement déféré.

Sur la demande de dommages et intérêts de la SAS TA Groupe

En application des articles 1240 et 1241 du code civil, la responsabilité civile délictuelle suppose la réunion d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.

Il est désormais établi que M. [W] a été auteur d'un dol et donc d'une faute.

En revanche, la SAS TA Groupe, si elle réclame la réparation d'un préjudice d'image, n'apporte aucun élément pour le démontrer. Le tort supposément causé par M. [W] à la SAS TA Groupe, tel qu'il est allégué, ne suffit pas à établir l'existence d'un préjudice résultant du dol qui ne serait pas anéanti par la résolution de l'acte de cession et les restitutions consécutives.

La demande est donc rejetée.

Le jugement entreprise sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. [W] pour procédure abusive

Par application de l'article 1240 du code civil, une partie ne peut être condamnée au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive que s'il est établi l'existence d'une faute de nature à faire dégénérer en abus son droit d'agir en justice.

En l'espèce, il est établi que l'action en justice de la SAS TA Groupe est justifiée et il n'en ressort donc aucune faute.

M. [W] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Le caractère abusif de la procédure étant exclu, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 31-2 du code de procédure civile. M. [W] sera donc débouté de sa demande de voir condamner la SAS TA Groupe à une amende civile et il y sera ajouté au jugement.

III-Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La cour infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thionville le 7 janvier 2022 en ce qu'il a condamné la SAS TA Groupe aux dépens ainsi qu'à payer à M. [W] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau, M. [W], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance ainsi qu'à payer à la SAS TA Groupe la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant, M. [W], sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables la demande de nullité du protocole transactionnel et la demande subsidiaire d'ordonner la consignation des sommes qu'elle serait condamnée à payer à M. [L] [W], formée par la société par actions simplifiée TA Groupe ;

Rejette pour le surplus les fins de non-recevoir soulevées par M. [L] [W] ;

Confirme le jugement rendu le 31 aout 2021 par le tribunal judiciaire de Thionville mais seulement en ce qu'il a débouté M. [L] [W] de sa demande de dommages et intérêts et en ce qu'il a débouté la société par actions simplifiée TA Groupe de sa demande de dommages et intérêts ;

L'infirme pour le surplus des dispositions dévolues à la cour ;

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité de l'acte de cession conclu le 30 avril 2019 entre la société par actions simplifiée TA Groupe et M. [L] [W] pour dol ;

Ordonne à la société par actions simplifiée TA Groupe de restituer à M. [L] [W] la propriété des 80 parts sociales de la société par actions simplifiée Taxi [L] ;

Ordonne à M. [L] [W] de restituer à la société par actions simplifiée TA Groupe la somme de 3 000 euros avec intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne M. [L] [W] aux dépens d'instance ;

Y ajoutant,

Déboute M. [L] [W] de sa demande de capitalisation des intérêts ;

Dit que la demande de compensation formée par la société par actions simplifiée TA Groupe est sans objet ;

Déboute M. [L] [W] de sa demande de voir condamner la société par actions simplifiée TA Groupe à une amende civile ;

Déboute M. [L] [W] de sa demande au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [L] [W] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [L] [W] à payer à la société par actions simplifiée TA Groupe la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente de chambre