CA Pau, 1re ch., 21 mai 2024, n° 23/02616
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Locam (SAS)
Défendeur :
2FCI (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Faure
Conseillers :
Mme de Framond, Mme Blanchard
Avocats :
Me Camescasse-Abdi, Me Petit, Me Jacquot, Me Delfly
EXPOSE DU LITIGE :
Le 8 juillet 2014, Monsieur [W] [O], médecin pédiatre, a signé auprès de la S.A.R.L. 2FCI, agence de conseil en communication spécialisée dans la création et la maintenance de sites Internet, un bon de commande de site Internet professionnel, et un contrat de licence d'exploitation de ce site, moyennant un prix de 240 euros TTC par mois pendant 48 mois, et un forfait de mise en ligne de 420 euros TTC.
Ce contrat a par la suite été cédé par la S.A.R.L. 2FCI à la SAS LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIEL (SAS LOCAM), conformément à la clause de cession, non contestée, prévues aux conditions générales du contrat.
Le 25 juillet 2014, M. [O] a signé un procès-verbal de réception du site Internet, sans réserve.
M. [O] a cessé de payer les mensualités contractuelles à compter du 30 novembre 2015.
Par courrier recommandé du 26 février 2016, la SAS LOCAM a prononcé la résolution du contrat et mis en demeure M. [O] de régler les mensualités impayées ainsi que le solde des loyers à venir.
Par acte d'huissier de justice du 29 mars 2016, la SAS LOCAM a fait assigner M. [O] devant le tribunal d'instance de Bayonne en paiement des sommes dues.
Par acte d'huissier de justice du 13 juin 2016, M. [O] a fait assigner la société 2FCI en intervention forcée, aux fins de voir prononcer la nullité du contrat.
Par jugement du 28 février 2018, le tribunal d'instance de Bayonne a :
- prononcé la nullité du contrat passé entre la S.A.R.L. 2FCI et M. [O],
- condamné in solidum la SA LOCAM et la S.A.R.L. 2FCI à payer à M. [O] les sommes de :
- 3 840 euros au titre de la restitution des mensualités versées,
- 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la SA LOCAM et la S.A.R.L. 2FCI aux dépens.
Le premier juge a retenu, sur le fondement de l'article L. 121-16-1 III créé par la loi du 17 mars 2014 et devenu L. 221-3 du code de la consommation, l'applicabilité des dispositions protectrices du même code au contrat conclu entre la S.A.R.L. 2FCI et M. [O], dès lors que ledit contrat a été conclu hors les établissements de la S.A.R.L. 2FCI, qu'il ne porte pas sur un service financier, que son objet est sans rapport avec l'activité principale de M. [O], la pédiatrie, et que ce dernier n'emploie qu'un salarié.
La S.A.R.L. 2FCI était donc tenue vis-à-vis de son client à un devoir d'information relatif au droit de rétractation, auquel elle n'a pas satisfait, ce qui entraîne la nullité du contrat.
La S.A.R.L. 2FCI a en outre manqué à ses obligations contractuelles en ne respectant pas le cahier des charges concernant la prise de rendez-vous en ligne.
Par déclaration du 30 mars 2018, la S.A.R.L. 2FCI a relevé appel du jugement, critiquant l'ensemble de ses dispositions.
Par arrêt du 23 mars 2021, la cour d'appel de Pau a infirmé le jugement, et statuant à nouveau, a notamment :
- débouté M. [O] de toutes ses demandes à l'encontre de la S.A.R.L. 2FCI,
- déclaré irrecevable la demande sur le fondement de l'article 442-6-I du code de commerce,
- condamné M. [O] à payer à la SAS LOCAM la somme de 8 448 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 février 2016,
- condamné M. [O] à payer aux SAS LOCAM et S.A.R.L. 2FCI une somme de 3 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [O] aux dépens.
La cour a retenu :
- que les dispositions protectrices du code de la consommation ne sont pas applicables dès lors que le contrat conclu entre la S.A.R.L. 2FCI et M. [O] est en rapport direct avec l'activité professionnelle de ce dernier et a été souscrit pour les seuls besoins de cette activité,
- que le manquement à l'obligation de délivrance de la S.A.R.L. 2FCI n'est pas établi dès lors que M. [O] n'a pas sollicité la S.A.R.L. 2FCI tant pour la mise à jour de son adresse professionnelle, que pour compléter la page 'mon expérience' que pour le suivi de la prestation des prises de rendez-vous en ligne,
- que le contrat n'est pas dépourvu de contrepartie réelle dès lors que M. [O] ne rapporte pas la preuve que la prise de rendez-vous sur son site dysfonctionnait et qu'il aurait sollicité la S.A.R.L. 2FCI afin d'y remédier, ni que ce volet était la cause déterminante de son engagement,
- que la demande fondée sur l'article 442-6 I du code de commerce relève de la compétence exclusive de la cour d'appel de Paris,
- que M. [O] ne rapporte pas la preuve des conséquences manifestement excessives qu'aurait l'application de la clause pénale à son encontre.
Selon pourvoi n° Q 21-24.086, M. [O] s'est pourvu en cassation contre cette décision, faisant grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté l'application à son profit des dispositions du code de la consommation.
Par arrêt du 17 mai 2023, la première chambre civile de la Cour de Cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Pau pour défaut de base légale et sur le fondement de l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, et renvoyé l'affaire devant la même cour, autrement composée.
Pour motiver sa décision, la Cour de Cassation a retenu que la cour d'appel, pour écarter l'applicabilité des dispositions du code de la consommation, n'a pas recherché si le contrat entrait dans le champ de l'activité principale de M. [O], alors que ces dispositions s'appliquent aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels si l'objet de ces contrats n'entrent pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité.
Par déclaration du 28 septembre 2023, la SAS LOCAM a saisi la cour d'appel de Pau autrement composée, désignée cour de renvoi.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 février 2024, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS LOCAM sollicite de la cour qu'elle infirme le jugement du 28 février 2018 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, qu'elle :
- déboute M. [O] de toutes ses demandes,
- le condamne à lui régler la somme de 8 448 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 février 2016,
- le condamne à lui payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'instance et d'appel.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir, au visa des articles 1134 et suivants, 1149 anciens du code civil, L. 221-28 III du code de la consommation, 1er du code civile, L. 121-17 et suivant anciens du code de la consommation, et du décret n° 2014-1061 du 17 septembre 2014, que :
- la conclusion d'un contrat de licence pour l'exploitation d'un site Internet destiné à promouvoir l'activité professionnelle de M. [O] entre nécessairement dans le champ de son activité professionnelle de médecin, et d'ailleurs le nom de domaine Internet s'intitule « www.pediatre-[O].com,
- la jurisprudence est constante dans ce domaine, en première instance, en cour d'appel comme devant la Cour de Cassation (Civ.1ère, 29 mars 2017, 16-11207),
- en réalité, la Cour de Cassation laisse désormais aux juges du fond l'appréciation de l'existence d'un lien entre l'objet du contrat et le champ d'activité principale, et ce n'est que pour défaut de base légale que la cour d'appel de Pau a été sanctionnée car elle n'a pas évoqué cette 'activité principale' mais simplement examiné si le contrat entrait dans le champ de l'activité professionnelle,
- en tout état de cause, à supposer les dispositions du code de la consommation applicable, le contrat litigieux n'encourt pas la nullité pour absence de bordereau de rétractation car l'article 121-21-8 3° ancien du code de la consommation (L. 221-28 3° nouveau) écarte cette rétractation pour la fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés, ce qui est le cas en l'espèce,
- enfin, les dispositions relatives au droit de rétractation invoquées par M. [O] étaient inapplicables à la date de conclusion du contrat, le 8 juillet 2014, car le modèle type et le contenu du bordereau de rétractation n'ont été définis que par le décret du 17 septembre 2014 entré en vigueur le 20 septembre 2014.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, auxquelles il est expressément fait référence, la S.A.R.L. 2FCI demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :
- rejeter les demandes de M. [O],
- le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux dépens.
Elle soutient, sur le fondement des articles 1134 et suivants anciens du code civil, et L. 121-16-1 III ancien du code de la consommation :
- que le contrat litigieux entrait bien dans le champ de l'activité principale de M. [O], car l'objet du contrat répondait aux besoins professionnels de M. [O],
- que la jurisprudence retient précisément que le contrat ayant pour objet de promouvoir l'activité professionnelle du client relève du champ de l'activité principale de celui-ci et est donc exclu des dispositions protectrices du code de la consommation sur le droit de rétractation,
- qu'en tout état de cause, le droit de rétractation n'est pas applicable aux prestations de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés, tel un site Internet professionnel,
- que la S.A.R.L. 2FCI a livré un site Internet conforme au cahier des charges, et M. [O] a réceptionné sans réserve ce site Internet,
- que M. [O] ne s'est jamais plaint d'un dysfonctionnement du site avant la mise en demeure pour défait de paiement, et les attestations de clients produites doivent être écartées en raison du lien économique les liant à M. [O],
- que M. [O] n'a pas communiqué à la S.A.R.L. 2FCI sa nouvelle adresse de sorte que le site Internet ne pouvait pas la mentionner, sauf si celui-ci se connectait à son espace personnel pour faire la modification, ce qu'il n'a pas fait,
- que le module de prise en ligne de rendez-vous correspondait au cahier des charges, et M. [O] pouvait en demander la modification si cela ne lui convenait pas,
- que M. [O] ne peut demander la résiliation du contrat sur le fondement de l'article L442-6 ancien du code de commerce, car seule la cour d'appel de Paris est compétente pour connaître des litiges fondés sur ce texte, à savoir les pratiques restrictives de concurrence.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2024, auxquelles il est expressément fait référence, M. [O], demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu le 28 février 2018 par le Tribunal d'instance de Bayonne en ce qu'il a retenu l'applicabilité des dispositions consuméristes au contrat conclu entre Monsieur [O] et la société 2FCI, avec toutes les conséquences de droit pour ce dernier,
- déclarer l'obligation précontractuelle d'information relative à l'existence du droit de rétractation non accomplie par le prestataire 2FCI à l'égard de Monsieur [W] [O],
- prononcer la nullité du contrat conclu le 8 juillet 2014 avec la S.A.R.L. 2FCI,
- déclarer caduc le contrat consécutivement conclu avec la SAS LOCAM, en raison de l'interdépendance des contrats,
- ordonner les restitutions de droit au bénéfice de M. [O],
- condamner la S.A.R.L. 2FCI et la SAS LOCAM in solidum à lui rembourser l'intégralité de ses mensualités versées depuis le 08 juillet 2014 jusqu'à l'arrêt de ses paiements le 30 novembre 2015, soit 16 mensualités de 240 € /mois pour un total de 3 840 €,
- Assortir cette condamnation des intérêts au taux légal depuis le jugement du 28 février 2018,
A titre subsidiaire,
- déclarer la cessation des versements de loyers par Monsieur [W] [O] auprès de la SAS LOCAM à compter du 30 novembre 2015 légitime en tant qu'exception d'inexécution de paiement, du fait des manquements graves commis par le prestataire 2FCI à ses obligations de délivrance, de suivi, et de maintenance d'un site fonctionnel,
- prononcer la résolution judiciaire du contrat conclu avec la S.A.R.L. 2FCI,
- déclarer caduc le contrat successif conclu avec la SAS LOCAM,
- ordonner les restitutions de droit au bénéfice de Monsieur [O],
- condamner la S.A.R.L. 2FCI et la SAS LOCAM in solidum à lui rembourser l'intégralité de ses mensualités versées depuis le 08 juillet 2014 jusqu'à l'arrêt de ses paiements le 30 novembre 2015, soit 16 mensualités de 240 € /mois pour un total de 3 840 €,
- assortir cette condamnation des intérêts au taux légal depuis le jugement du 28 février 2018,
A titre plus subsidiaire, en cas de condamnation,
- déclarer manifestement excessive la clause pénale du contrat le liant à la SAS LOCAM,
- réduire la clause pénale due par M. [O] à la somme symbolique de 1 euro, soit le total des sommes dues à 961 euros comprenant les loyers impayés de novembre 2015 à février 2016 et la clause pénale à 1 euro,
En toutes hypothèses,
- condamner in solidum la S.A.R.L. 2FCI et la SAS LOCAM à lui payer une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
- les débouter de leurs demandes à son encontre.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir, au visa des articles L. 121-16-1 III, L. 121-17, L. 121-20-12 anciens du code de la consommation, 1186 et 1187, 1152 alinéa 2 ancien, 1184 et 1131 anciens du code civil :
- qu'il a été démarché à son cabinet pour la réalisation d'un site Internet destiné à promouvoir son activité et permettre à ses patients de prendre rendez-vous en ligne, ce qui était déterminant de son consentement car il souhaitait faire l'économie d'un poste de secrétaire, avant de prendre sa retraite,
- qu'il était âgé de 63 ans et n'avait aucune connaissance en informatique,
- que le contrat lui a été proposé sans droit de rétractation et il a signé le procès-verbal de réception sans pouvoir s'assurer de la fonctionnalité des onglets, et sans phase de test,
- que l'engagement était disproportionné par rapport aux prestations fournies, le coût total étant de 11 940 € sur 4 ans alors que de telles prestations justifient en principe un montant de 1 000 à 2 000 € TTC,
- qu'il s'agit d'un système bien rodé dans lequel un prestataire vend un contrat de prestations et fait signer précipitamment un PV de réception au client, et cède ensuite sa créance sans être tenu à une quelconque maintenance du site alors que les loyers sont exorbitants,
- qu'il a cessé de verser les loyers car le site n'est pas fonctionnel, ne répond pas à ses attentes, et M. [O] n'a pas obtenu de solution à ses problèmes malgré ses multiples appels téléphoniques auprès de la S.A.R.L. 2FCI,
- que le contrat initial doit être annulé, et par voie de conséquence le second contrat dont il est interdépendant, à défaut de respect des dispositions de l'article L. 121-6-1 III du code de la consommation relatives au droit de rétractation, ce texte étant applicable à compter du 13 juin 2014,
- que les conditions d'application de ce texte sont réunies, en particulier car le contrat conclu n'entre pas dans le champ d'activité principale de M. [O], l'activité de pédiatre, même s'il a été conclu pour les besoins de son activité professionnelle,
- qu'il devait bénéficier d'un droit de rétractation de 14 jours, par tout moyen ; l'existence du formulaire-type n'a jamais été une condition d'exercice du droit de rétractation,
- que le site Internet fourni n'était nullement personnalisé, il s'agissait au contraire d'un 'site-vitrine' standardisé, et M. [O] n'en a pas choisi la présentation visuelle ni le formalisme, il en a simplement choisi les options sur un formulaire type,
- que, subsidiairement, il convient de résilier le contrat pour manquement grave de la S.A.R.L. 2FCI qui n'a pas délivré un site fonctionnel et n'en a pas assuré la maintenance,
- que le site ne permettait pas la réservation en ligne, contrairement aux souhaits exprimés par M. [O], comme en attestent ses patients, et le démontre le procès-verbal de constat d'huissier,
- qu'en tout état de cause les sommes réclamées sont excessives et constituent une clause pénale qu'il convient de réviser.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 février 2024, et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 5 mars 2024 pour y être plaidée.
Dans ses conclusions transmises le 16 février 2024, Monsieur le Procureur Général sollicite de la cour qu'elle :
- constate que M. [O] ne pouvait bénéficier des dispositions protectrices du consommateur de l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation si le contrat litigieux entrait dans le champ de son activité principale,
- dans le cas contraire, annule ledit contrat.
MOTIFS :
Sur l'applicabilité des dispositions protectrices du droit de la consommation :
L'article L. 121-16-1, III, issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 applicable au contrat en cause (devenu ensuite l'article L. 221-3 du code de la consommation, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016), dispose que :
« Les dispositions des sections II, III, VI du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ».
Antérieurement à cette loi, sous l'empire de l'ancien article L. 121-22-4 du code de la consommation, étaient exclues de la législation sur le démarchage à domicile les ventes, locations, ou locations ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles avaient un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession, de sorte que les professionnels pouvaient être concernés par les dispositions relatives au démarchage en l'absence d'un tel lien direct.
La loi n° 2014-344 dite Hamon du 17 mars 2014, applicable en l'espèce, destinée à transposer la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011, a supprimé la notion de «rapport direct »avec l'activité professionnelle.
Elle a créé l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation, devenu ensuite L. 221-3 du même code, précité, qui vise désormais les contrats conclus hors du 'champ de l'activité principale' du professionnel.
Il s'agit ainsi de tenir compte de la compétence professionnelle du souscripteur et d'admettre l'application des dispositions du code de la consommation lorsqu'il se trouve dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur, mais sous un angle davantage protecteur que l'ancien texte.
En l'espèce, la Cour de Cassation a ainsi reproché à l'arrêt objet du pourvoi d'avoir statué en considération du critère relatif au rapport direct du contrat litigieux avec l'activité exercée par le professionnel démarché, tel que prévu par l'ancien article L. 121-22-4 du code de la consommation, et non en considération du champ de l'activité principale de ce professionnel tel que prévu par les dispositions de l'article L. 121-16-1, III, issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, applicable aux contrats conclus après le 13 juin 2014 tel le contrat en litige.
La présente cour de renvoi doit donc déterminer si le contrat litigieux conclu le 8 juillet 2014, consistant à fournir à M. [O] une prestation de création de site Internet avec contrat de licence d'exploitation, entre dans le champ de l'activité principale de M. [O], étant précisé que les autres critères d'application du texte précité, que sont la conclusion d'un contrat hors établissement, et un effectif d'employés inférieur ou égal à 5 par le professionnel sollicité, ne sont pas en débat.
Il est constant que M. [O] exerçait à la date des faits l'activité libérale de médecin pédiatre. Si son activité englobe nécessairement une partie administrative pouvant éventuellement impliquer l'utilisation de l'informatique, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une activité résiduelle et accessoire à son activité principale relevant de l'exercice de la médecine, cette activité administrative étant au demeurant déléguée à une secrétaire salariée avant la conclusion du contrat litigieux.
Ainsi, la cour considère, comme le premier juge, que le contrat souscrit auprès de la S.A.R.L. 2FCI, et ensuite cédé à la SAS LOCAM, ayant pour objet la conception et l'exploitation d'un site Internet, n'entrait pas dans le champ de l'activité principale de M. [O], pédiatre, de sorte que ce dernier doit être considéré à l'égard des sociétés 2FCI et LOCAM comme un consommateur bénéficiant des dispositions protectrices du code de la consommation.
Sur la validité du contrat au regard de la faculté de rétractation :
L'article L. 121-16-1 III ancien du code de la consommation, dont il a été retenu l'application, vise les dispositions des sections 2, 3, 6 du chapitre dans lequel figure cet article, pour les rendre applicables aux contrats tels que celui conclu par M. [O].
Parmi ces sections, se trouve l'ancien article L. 121-17 (applicable aux contrats conclus entre le 14 juin 2014 et le 1er juillet 2016) selon lequel :
« I.-Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;
(') »
III.-La charge de la preuve concernant le respect des obligations d'information mentionnées à la présente sous-section pèse sur le professionnel. »
Ce droit de rétractation est précisé à l'ancien article L. 121-21 du code de la consommation dans sa version applicable au litige selon lequel :
« Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5.
Toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle. »
Le droit de rétractation pouvait s'exercer par tout moyen à la date de conclusion du contrat litigieux, et son exercice a été facilité par la suite par l'instauration du formulaire-type visé à l'ancien article L. 121-17 par décret du 17 septembre 2014 publié le 20 septembre 2014.
L'absence d'information précontractuelle du consommateur sur son droit de rétractation tel que prévu par les dispositions d'ordre public du code de la consommation entraîne la nullité du contrat.
En l'espèce, la S.A.R.L. 2FCI et la SAS LOCAM ne disconviennent pas de l'absence de toute information délivrée à M. [O] sur son droit de rétractation à l'occasion de la conclusion du contrat litigieux.
Cependant, elles se prévalent de dispositions dérogatoires du code de la consommation, prévoyant l'absence de tout droit de rétractation pour les biens dits nettement personnalisés, en soutenant que tel est le cas de la prestation en litige.
En effet, l'article L. 121-21-8, devenu L. 221-28, de ce code dispose que :
«le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats :
(...) 3° de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés (...)».
Or, il résulte des pièces produites aux débats que :
- la S.A.R.L. 2FCI fournissait à ses clients, dont M. [O], des sites vitrines standardisés, au formalisme et à la présentation visuelle prédéterminés,
- M. [O] n'a fourni aucune instruction précise sur la présentation et la conception du site Internet destiné à promouvoir son activité de pédiatre, et surtout, à permettre la prise de rendez-vous en ligne,
- il a été soumis à M. [O] par la S.A.R.L. 2FCI un simple 'bon de commande', aux rubriques très génériques et prédéfinies, sur lequel il convenait simplement de cocher des cases pour choisir ses options, un formulaire identique étant présenté à M. [O] pour le contrat d'exploitation du site ; ainsi par exemple, il y figure une case 'conception, création, réalisation d'un site Internet vitrine' en face de laquelle M. [O] se contente de noter '1" à la rubrique 'quantité' sans autre spécification sur ses souhaits ;
- ces documents sont accompagnés d'un "cahier des charges" censé personnaliser le site fourni, or là encore les rubriques sont très sommaires et génériques, elles ne mentionnent que l'identité du client, son adresse, son numéro de téléphone, son activité de pédiatre ; une rubrique "objectifs du site Internet" mentionne "partager ses idées", une rubrique "public visé" mentionne "parent avec enfant", une rubrique "image véhiculée" mentionne "compétence" et une rubrique "charte graphique souhaitée" mentionne "sérieux".
Il est constant que M. [O] n'a fourni aucune photo, et que les images figurant sur le site (mère avec enfant par exemple) ont été choisies par le concepteur et peuvent illustrer n'importe quel site de médecine pédiatrique ou même de profession para médicale en rapport avec l'enfance.
Tous ces éléments sont impersonnels, et laissent toute latitude au concepteur pour fournir un site Internet totalement standardisé, le seul élément personnalisé étant en réalité l'identité du médecin ce qui est insuffisant à considérer que la prestation fournie par la S.A.R.L. 2FCI relève des 'biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés' de l'ancien article L. 121-21-8 du code de la consommation.
Dans ces conditions, la cour estime que le droit de rétractation était applicable au contrat conclu ; à défaut d'avoir été porté à la connaissance de M. [O] pour lui en laisser la possibilité d'exercice, le contrat de conception du site Internet conclu avec la S.A.R.L. 2FCI est nul.
Le contrat d'exploitation de licence Internet cédé à la SAS LOCAM est un contrat interdépendant avec le contrat de conception du site, ces deux contrats s'inscrivant dans le cadre d'une opération de location financière unique ; ainsi la nullité du contrat de création du site Internet entraîne la nullité du contrat d'exploitation de licence Internet, conformément à la jurisprudence applicable à la cause (Ch. Mixte 17 mai 2013, n°11- 22768 et 11-22927), antérieure à l'article 1186 du code civil ayant entériné celle-ci.
Cette nullité conduit à ordonner la restitution de toutes les mensualités payées par M. [O] depuis le 8 juillet 2014 au 30 novembre 2015, soit la somme totale de 3 840€.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la S.A.R.L. 2FCI et la SAS LOCAM au paiement de cette somme à M. [O] ; celle-ci sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 février 2018 comme le demande M. [O].
Sur le surplus des demandes :
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.
La S.A.R.L. 2FCI et la SAS LOCAM, succombantes, seront condamnées in solidum aux dépens exposés devant les juridictions du fond y compris ceux afférents à la décision cassée conformément aux dispositions de l'article 639 du code de procédure civile, et à payer à M. [O] la somme de 3 800 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d'appel initialement saisie et la cour d'appel de renvoi.
Les demandes formulées par la S.A.R.L. 2FCI et la SAS LOCAM au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Rejette les demandes de la S.A.R.L. 2FCI et de la SAS LOCAM au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la S.A.R.L. 2FCI et la SAS LOCAM à payer à M. [W] [O] la somme de 3 800 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour initialement saisie et la présente cour de renvoi,
Condamne in solidum la S.A.R.L. 2FCI et la SAS LOCAM aux dépens exposés devant les juridictions du fond y compris ceux afférents à la décision cassée.