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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 17 mai 2024, n° 22/03915

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Konecta Holding France (SAS)

Défendeur :

Econocom France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme L'Eleu de la Simone, Mme Guillemain

Avocats :

Me Moisand Florand, Me Perrier, Me Ingold

T. com. Paris, du 1 févr. 2022, n° 20200…

1 février 2022

Il sera succinctement rapporté que la société Business support services, aux droits de laquelle est ultérieurement venue la société Comdata holding France (la société "Comdata"), exploite des centres d'appels pour des services de télémarketing, et a souscrit auprès de la société Econocom France (la société 'Econocom') la location de matériels informatiques par deux contrats n°20103205 du 28 juin 2010 et n° 20134483-1 du 23 décembre 2013, ces contrats ayant fait l'objet de plusieurs avenants.

A l'issue de chacun des contrats, la société Comdata a retourné les matériels le 29 janvier 2018 par l'intermédiaire d'un transporteur mandaté par la société Econocom, laquelle, au terme d'un audit, a retenu qu'il manquait 1294 équipements loués puis a émis le 14 mars 2018 deux factures au titre d'une indemnisation forfaitaire de 46.384 euros HT au titre des matériels du premier contrat et de 53.832 euros HT au titre du second contrat.

La société Comdata s'étant opposée au paiement des deux factures, la société Econocom l'a assignée le 5 septembre 2019 devant le tribunal de commerce de Nanterre qui, par jugement du 20 novembre 2019, s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'affaire et les parties devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 1er février 2022, le tribunal de commerce de Paris a condamné la société Comdata à payer à la société Econocom la somme de 93.286 euros au titre de la restitution de matériels, condamné la société Econocom à restituer à la société Comdata la somme indûment acquittée de 1.524,72 euros, le tout avec intérêts à compter du 20 novembre 2018, condamné la société Comdata à payer à la société Econocom 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Comdata aux dépens et débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

La société Comdata a interjeté appel du jugement le 16 février 2022.

* *

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 24 octobre 2022 pour la société Comdata holding France afin d'entendre en application des articles 1134, 1147 et 1162 anciens du code civil, 1190 du nouveau du code civil, 1131 du code civil et L. 442-6 du code de commerce, 1152 du code civil :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Econocom à payer à la société Comdata, la somme de 1.524,72, outre les intérêts à compter du 20 novembre 2018,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Comdata à payer à la société Econocom la somme de 93.286 euros, condamné la société Comdata à payer à Econocom France la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté la société Comdata de ses demandes autres, plus amples ou contraires, condamné la société Comdata aux dépens de l'instance

- dire que la société Comdata a restitué l'intégralité des matériels mis à sa disposition par la société Econocom,

- dire que la société Comdata ne saurait être responsable des éventuelles pertes et disparition de matériels lors du transport,

- dire que l'audit prétendument réalisé non-contradictoirement par la société Econocom est inopposable à la société Comdata,

- dire que la société Econocom est manifestement défaillante à démontrer le quantum des condamnations qu'elle sollicite,

- dire que la société Econocom ne démontre l'existence d'aucun préjudice,

- déclarer que la société Econocom n'a pas, dans le dispositif de ses conclusions d'intimée, saisi la Cour d'appel de la demande subsidiaire qu'elle formulait en première instance,

- débouter la société Econocom de l'ensemble de ses demandes de condamnation dirigées contre la société Comdata ;

à titre subsidiaire,

- dire que les demandes formulées par la société Econocom sont fondées sur l'application d'une clause pénale et modérer la condamnation à hauteur de 1 euro TTC,

en tout état de cause,

- condamner la société Econocom à verser une somme correspondant aux éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en raison du déséquilibre significatif,

- ordonner la compensation entre toutes condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de l'une ou l'autre des parties à la présente procédure,

- condamner la société Econocom au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Econocom aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement pour ceux-là concernant sera directement poursuivi par Me Hélène Moisand-Florand conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

* *

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 26 juillet 2022 pour la société Econocom afin d'entendre :

- débouter la société Comdata de l'ensemble de ses prétentions et par suite de son appel,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner la société Comdata à payer à la somme complémentaire de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de l'instance d'appel,

- condamner la société Comdata aux entiers dépens d'appel.

SUR CE, LA COUR,

1. Sur l'opposabilité des conditions générales et le montant des dommages et intérêts

Pour la restitution des matériels et équipements, il est stipulé à l'article 16 des conditions générales des contrats relatives à la 'restitution des produits' que :

« Le locataire doit, en fin de période de location et pendant la période de restitution ou d'échange et aux conditions figurant à l'article 12 ci-avant, restituer les produits complets en bon état d'entretien et de fonctionnement, accompagnés de leurs accessoires, câbles et manuels, conformément au manuel de restitution d'équipement et à ses annexes remis au locataire au terme de la durée de la location lors des opérations de reprise, le locataire s'engageant à en prendre connaissance dès communication par le loueur.

Les produits restitués feront l'objet d'un audit effectué par le loueur à ses frais lors du retour dans ses locaux, pour vérifier la liste et l'état des produits restitués, faisant foi entre les parties, ce que ces dernières reconnaissent expressément accepter par la signature du présent contrat.

Tous les frais éventuels liés aux pannes, tel que défini dans le manuel de restitution d'équipements sont à la charge du locataire et lui seront facturés conformément au barème en vigueur figurant au tableau de reprise du manuel de restitution d'équipements, adressé au locataire par le loueur au terme de la location lors des opérations de reprise. »

Pour voir infirmer le jugement en ce qu'il a retenu le bien fondé du dénombrement des matériels manquants ainsi que leur valeur forfaitaire, la société Comdata affirme en premier lieu qu'elle a restitué l'intégralité des matériels à l'occasion du filmage des palettes et qu'après les avoir remis au transporteur, ces matériels n'étaient plus sous sa garde, de sorte qu'elle ne saurait être tenue responsable de leur éventuelle perte ou disparition lors de leur transport ou à l'occasion de leur entreposage dans les locaux de la société Econocom.

En deuxième lieu, la société Comdata conteste l'opposabilité des conditions générales des contrats en concluant, d'une part, qu'elles ne les a pas acceptées, d'autre part, que les conditions de l'audit non-contradictoire interdisent toute contestation et constituent par conséquent une clause potestative ou créent un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties et enfin, qu'en violation de ces propres conditions contractuelles, la société Econocom n'a pas exécuté l'audit dans ses locaux mais a directement expédié les matériels auprès d'un tiers, la société Ateliers sans frontières (société ASF) spécialisée dans le recyclage de matériels électroniques et informatiques en fin de vie.

Au demeurant, l'article 1369-1, devenu 1125 du code civil, dispose que « La voie électronique peut être utilisée pour mettre à disposition des conditions contractuelles ou des informations sur des biens ou services », et les contrats de location de la société Econocom auxquels la société Comdata a souscrits mentionnent le lien hypertexe permettant de prendre connaissance des conditions générales des contrats et dont il n'est pas soutenu que ce lien et les pages qui leur correspondent n'étaient pas disponibles au moment où les contrats ont été souscrits.

Par ailleurs, les conditions d'établissement de l'audit stipulées à l'article 16 précité des conditions générales des contrats n'ont pas pour effet de priver la locataire de la liberté, offerte par le droit de la preuve testimoniale et des présomptions, d'établir le détail des matériels qu'elle devait restituer avant de les remettre au transporteur de manière à ménager une preuve de leur restitution opposable à la bailleresse, de sorte que la clause de l'article 16 n'encourt ni le grief de potestativité, ni celui d'un déséquilibre dans les droits et obligation des parties.

Alors enfin que la circonstance que les matériels ont été acheminés dans les locaux de la société ASF que la société Econocom a désignée pour le dénombrement des manquants n'est pas de nature à entrer en infraction avec la finalité des conditions générales convenues pour la reprise des matériels, les premiers juges seront confirmés en ce qu'ils ont retenu l'opposabilité de l'audit.

La société Comdata conteste en troisième lieu le dénombrement des matériels manquants en soutenant que l'audit, matérialisé par les tableaux chiffrant le nombre de matériels manquants classés par types de matériels ne permettent pas de rattacher les matériels listés à ceux mis à disposition en vertu des deux contrats de location signés par les parties.

Toutefois, ces tableaux (pièces 19 et 20 de la société Econocom) décrivent précisément l'ensemble des matériels mis à disposition de la société Comdata et distinguent selon les contrats, ceux qui n'ont pas été restitués, de sorte que la société Comdata était en mesure de contester ce dénombrement et qu'à défaut, il convient de confirmer les premiers juges qui ont retenu les listes.

En revanche, sur les montants des indemnités forfaitaires des matériels manquants que la société Econocom a appliqués (pièces n° 21, 22 et 23), et que les premiers juges ont retenus, la cour relève que le manuel de restitution de la société Econocom, en particulier ses annexes (pièce n° 11 bis), ne vise aucune information utile à la détermination de la valeur des matériels manquants.

Alors que la société Econocom ne justifie pas des conditions dans lesquelles elle a recyclé ces matériels, la cour modérera le montant des dommages et intérêts propres à réparer le gain dont elle a été privée sur la base des millésimes des matériels ainsi que sur celle des indications de prix auxquels la société Econocom a pu facturer la cession de matériels d'un autre locataire (pièces 27, 28 et 29) pour retenir la somme de 20.000 euros.

2. Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Comdata triomphant pour partie en son recours il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et en cause d'appel, il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties, ses propres dépens ainsi que celle des frais exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions déférées, sauf sur le montant de l'indemnisation forfaitaire des manquants ;

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

CONDAMNE la société Comdata holding France à payer à la société Econocom France la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts ;

LAISSE à chacune des parties, la charge de ses propres dépens ainsi que celle des frais sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile exposés en appel.