CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 17 mai 2024, n° 22/11472
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Web Deals Direct (LLC)
Défendeur :
Cie Europe (SAS), Maryland Web Builders (LLC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseillers :
Mme Lehmann, Mme Marcade
Avocats :
Me Carbuccia, Me Bizollon
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRÊT DU 17 MAI 2024
(n°56, 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : n° RG 22/11472 - n° Portalis 35L7-V-B7G-CF7T6
Décision déférée à la Cour : jugement du 03 mars 2022 - Tribunal judiciaire de PARIS - 3èmz chambre 1ère section - RG n°20/00001
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
Société WEB DEALS DIRECT LLC, société de droit américain, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 6]
ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
Représentée par Me Isabelle-Victoria CARBUCCIA, avocate au barreau de PARIS, toque E 1561
INTIMEE AU PRINCIPAL, APPELANTE PROVOQUEE et APPELANTE INCIDENTE
S.A.S. CIE EUROPE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 326 534 955
Représentée par Me Yves BIZOLLON de l'AARPI BIRD & BIRD, avocat au barreau de PARIS, toque R 255
INTIMEE PROVOQUEE
Société MARYLAND WEB BUILDERS LLC, société de droit américain, prise en la personne de son registered agent, [W] [Y], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
ETATS-UNIS D'AMERIQUE
Non assignée et n'ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, en présence de Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mmes Véronique RENARD et Agnès MARCADE ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 3 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris.
Vu l'appel interjeté le 16 juin 2022 par la société Web Deals Direct LLC (WDD).
Vu l'assignation du 22 février 2023 aux fins d'appel provoqué de la société Maryland Web Builders LLC, société de droit américain, par la société CIE Europe qui n'a pu être délivrée à l'intéressée.
Vu l'ordonnance sur incident du conseiller de la mise en état rendue le 6 juillet 2023 rejetant la demande d'irrecevabilité des conclusions de la société CIE Europe soulevée par la société Web Deals Direct LLC.
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 janvier 2024 confirmant l'ordonnance d'incident du conseiller de la mise en état.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 février 2024 par la société Web Deals Direct, appelante à titre principal et intimée à titre incident.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 22 février 2024 par la société CIE Europe, intimée à titre principal et appelante à titre incident.
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 29 février 2024.
SUR CE, LA COUR
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La société CIE Europe, immatriculée le 13 octobre 1997, est une société spécialisée dans la conception et la fabrication d'articles de rangement destinés au grand public.
Elle expose commercialiser depuis 2012, sous le signe 'COMPACTOR', une gamme de produits de rangement sous vide par le biais de la grande distribution et en ligne, notamment sur son site internet 'www.compactor.fr'.
Elle est titulaire des marques suivantes :
- la marque semi-figurative internationale désignant l'Union européenne n°1165827 :
enregistrée le 9 avril 2013 pour désigner notamment des produits suivants : « sacs, sachets, enveloppes et pochettes en matières plastiques pour l'emballage, housses pour vêtements (rangement), housses à vêtements (penderie), récipients d'emballage en matières plastiques (classes 16, 18 et 20),
- la marque figurative française n°4528864 :
déposée le 26 février 2019 et enregistrée pour désigner des produits comprenant les « sacs, sachets, enveloppes et pochettes en matières plastiques pour l'emballage » (classes 6, 16), « les housses pour vêtements (rangement), housses à vêtements (penderie), housse de rangement sous vide destinée à contenir des articles textiles » (classes 18, 20), et « les sacs à fermeture hermétique et en matières plastiques pour le stockage en vrac » ( classes 21 et 22).
Les sociétés Maryland Web Builders et Web Deals Direct, dont M. [C] [M] est le fondateur et 'resident agent' de la première et 'CEO' de la seconde, sont des sociétés de droit américain spécialisées dans la vente de produits en ligne, notamment la vente de produits de rangement.
La société CIE Europe fait valoir qu'elle a découvert, en décembre 2018, que les sociétés Maryland Web Builders et Web Deals Direct commercialisaient sur la plate-forme marchande de la société Amazon des produits de rangement sous le signe semi-figuratif 'Space Saver' à destination des consommateurs de l'ensemble des pays de l'Union Européenne et en particulier de la France, du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de l'Espagne et de l'Italie se présentant comme suit :
Par courrier de son conseil du 19 novembre 2019, la société CIE Europe a mis en demeure les sociétés Web Deals Direct et Maryland Web Builders de cesser l'utilisation du logo
seul ou en association avec le signe
ou le logo seul ou en association avec le signe
Par lettre du 10 décembre 2019, le conseil de la société Web Deals Direct a répondu que le signe litigieux n'était pas de nature à générer un risque de confusion avec les marques opposées en raison de leurs différences. Il a ajouté que cette société avait, en toute hypothèse, élaboré un nouveau logo qui ne présentait aucune similarité avec les marques, lequel sera diffusé sur les plates-formes marchandes Amazon et Wal-Mart dans un délai de 30 jours, les anciens produits étant reconditionnés sous ce nouveau signe.
Faisant valoir que les sociétés Web Deals Direct LLC et Maryland Web Builders continuaient à contrefaire ses marques, la société CIE Europe les a fait assigner ainsi que M. [C] [M] devant le tribunal judiciaire de Paris, par actes des 2 et 20 décembre 2019, en contrefaçon de marques et concurrence déloyale et parasitaire.
C'est dans ce contexte qu'a été rendu le jugement du 3 mars 2022 dont appel, qui a :
- dit que les sociétés Maryland Web Builders et Web Deals Direct ont commis des actes de contrefaçon de la marque française n°4528864 au préjudice de la société CIE Europe,
- rejeté les demandes formées au titre de la contrefaçon de la marque internationale désignant l'Union européenne n° 1165827,
- débouté la société CIE Europe de ses demandes d'interdiction, de rappel des produits et de destruction, la contrefaçon de la marque n° 4528864 ayant cessé,
- ordonné aux sociétés Maryland Web Builders et Web Deals Direct de communiquer à la société CIE Europe, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte prenant effet quinze jours à compter de la signification de la présente décision et courant pendant une période de quatre mois, un état des ventes des produits 'Space Saver' en France, ainsi que leur marge bénéficiaire, pour la période du 23 décembre 2015 au 23 décembre 2020,
- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,
- condamné in solidum les sociétés Maryland Web Builders et Web Deals Direct à payer à la société CIE Europe une provision de 30 000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice imputable à la contrefaçon de la marque n°4528864,
- rejeté les demandes formées contre M. [C] [M],
- débouté la société CIE Europe de sa demande de publication judiciaire,
- rejeté les demandes formées au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,
- condamné in solidum les sociétés Maryland Web Builders et Web Deals Direct aux dépens, lesquels pourront être recouvrés par le cabinet Hogan Lovells, avocats, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les sociétés Maryland Web Builders et Web Deals Direct à payer à la société CIE Europe 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Par jugement en date du 2 juin 2022, le tribunal judiciaire de Paris a rejeté la requête en rectification d'erreur matérielle de la société Web Deals Direct.
La société Web Deals Direct a interjeté appel du jugement du 3 mars 2022 par acte du 16 juin 2022.
Par acte du 22 février 2023 la société CIE Europe a relevé appel provoqué contre la société Maryland Web Builders LLC. Cet acte n'a pu être délivré à la société de droit américain qui a été dissoute.
La cour n'est donc pas valablement saisie de l'appel provoqué formé par la société CIE Europe contre la société Maryland Web Builders LLC. Aussi, les chefs du jugement concernant la société Maryland Web Builders LLC sont irrévocables.
Il sera également relevé que M. [M] mis en cause devant le tribunal n'a pas été attrait par la société CIE Europe devant la cour. Aussi, le chef du jugement qui rejette les demandes formées contre M. [M] est aussi irrévocable.
La demande de la société Web Deals Direct tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions d'intimée et d'appel incident de la société CIE Europe a été rejetée par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 6 juillet 2023 confirmée par arrêt de cette cour le 18 janvier 2024.
Par ses dernières conclusions, la société Web Deals Direct (WDD) demande à la cour au visa des articles L. 716-4-10, L. 716-6, L. 713-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, de :
- la juger recevable et bien fondée en son appel
- débouter la société CIE Europe de ses demandes et,
- confirmer le jugement du 3 mars 2022 en ce qu'il a :
- rejeté les demandes formées par CIE Europe au titre de la contrefaçon de la marque internationale désignant l'Union européenne n°1165827,
- débouté la société CIE Europe de ses demandes d'interdiction, de rappel des produits et de destruction, la contrefaçon de la marque n°4528864 ayant cessé,
- débouté la société CIE Europe de sa demande de publication judiciaire,
- rejeté les demandes formées au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,
- infirmer le jugement du 3 mars 2022 en ce qu'il a :
- dit que les sociétés Maryland Web Builders et Web Deals Direct ont commis des actes de contrefaçon de la marque française n°4528864 au préjudice de la société CIE Europe,
- ordonné aux sociétés Maryland Web Builders et Web Deals Direct de communiquer à la société CIE Europe, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte prenant effet quinze jours à compter de la signification de la présente décision et courant pendant une période de quatre mois, un état des ventes des produits 'Space Saver' en France, ainsi que leur marge bénéficiaire, pour la période du 23 décembre 2015 au 23 décembre 2020,
- condamné in solidum les sociétés Maryland Web Builders et Web Deals Direct à payer à la société CIE Europe une provision de 30 000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice imputable à la contrefaçon de la marque n°4528864,
- condamné in solidum les sociétés Maryland Web Builders et Web Deals Direct aux dépens, lesquels pourront être recouvrés par le cabinet Hogan Lovells, avocats, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les sociétés Maryland Web Builderset Web Deals Direct à payer à la société CIE Europe 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau
- débouter la société CIE Europe de ses demandes,
- condamner la société CIE Europe à lui rembourser les sommes réglées soit 45 000 euros,
- condamner la société CIE Europe à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société CIE Europe aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions la société CIE Europe demande à la cour au visa des articles 1240 et suivants du code civil, L. 713-1 et suivants, L. 716-4 et suivants et L. 717-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 9.1, 9.2, 17, 125 et 126 du règlement des marques de l'Union européenne n° 2017/1001, 546 et suivants ainsi que 901 et suivants du code de procédure civile, de :
- confirmer le jugement du 3 mars 2022, en ce qu'il a :
- dit que les sociétés Maryland Web Builders et Web Deals Direct ont commis des actes de contrefaçon de la marque française n°4528864 au préjudice de la société CIE Europe,
- ordonné aux sociétés Maryland Web Builders et Web Deals Direct de communiquer à la société CIE Europe, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte prenant effet quinze jours à compter de la signification de la décision et courant pendant une période de quatre mois, un état des ventes des produits 'Space Saver' en France, ainsi que leur marge bénéficiaire, pour la période du 23 décembre 2015 au 23 décembre 2020,
- condamné in solidum les sociétés Maryland Web Builders et Web Deals Direct à payer à la société CIE Europe une provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice imputable à la contrefaçon de la marque n°4528864 (dont le montant est à parfaire au vu de l'appel incident)
- condamné in solidum les sociétés Maryland Web Builders et Web Deals Direct à payer à la société CIE Europe 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, au titre de la procédure de première instance,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- infirmer le jugement du 3 mars 2022, en ce qu'il a :
- rejeté les demandes formées au titre de la contrefaçon de la marque internationale désignant l'Union Européenne n°1165827,
- rejeté les demandes formées au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,
- débouté la société CIE Europe de ses demandes d'interdiction, de rappel des produits et de destruction, et partiellement de ses demandes indemnitaires et de renseignements,
- débouté la société CIE Europe de sa demande de publication judiciaire,
Et statuant à nouveau :
- dire et juger que la société Web Deals Direct a commis des actes de contrefaçon de la désignation de l'Union européenne de sa marque internationale n°1165827,
- dire et juger, à titre subsidiaire, que la société Web Deals Direct a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à son encontre antérieurement 22 mars 2019 dans le cas où la contrefaçon de marque internationale désignant l'Union européenne n°1165827 ne serait pas retenue, et avant le 23 décembre 2020 dans le cas où la contrefaçon de la marque française n°4528864 et de la marque internationale désignant l'Union européenne n° 1165827 ne serait pas retenue,
- condamner la société Web Deals Direct à lui payer la somme provisionnelle de 2 292 419,97 euros, au titre de la réparation des actes de contrefaçon de la marque française n°4528864 et de la marque internationale désignant l'Union européenne n°1165827 et des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
- ordonner à la société Web Deals Direct la production de tout document et information comptable permettant de quantifier son préjudice subi dans chacun des pays de l'Union Européenne et, en particulier un état des ventes des produits « Space Saver » dans chaque pays de l'Union de l'Union Européenne antérieurement au 23 décembre 2020, dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard,
- interdire à la société Web Deals Direct de reproduire tout signe identique ou similaire à ses logos marques et en particulier à la marque française n°4 528 864 et à la désignation de l'Union européenne de sa marque internationale n°1165827 sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne à quelque titre que ce soit et sur quelque support que ce soit, et ce sous astreinte provisoire de 1 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, jusqu'à parfaite exécution de l'arrêt à intervenir,
- ordonner à la société Web Deals Direct de publier le dispositif du jugement à intervenir ou un extrait de celui-ci, dans trois journaux publiés au sein de l'Union européenne de son choix, dans la limite de 5 000 euros HT par insertion, aux frais avancés de Web Deals Direct, ainsi que sur le site internet https://www.spacesaverbrand.com/ pendant une durée de trois mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ou de carence,
- dire et juger que la cour d'appel de Paris sera compétente pour connaître de la liquidation des astreintes qu'elle aura ordonnées,
- condamner la société Web Deals Direct à lui payer la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire,
- condamner la société Web Deals Direct aux entiers dépens de l'instance.
- Sur la contrefaçon des marques française et internationale désignant l'Union européenne
Ainsi qu'il a été ci-avant rappelé, la société CIE Europe est titulaire deux marques.
Une marque semi-figurative internationale désignant l'Union européenne n°1165827 :
enregistrée le 9 avril 2013 pour désigner notamment des produits suivants : « sacs, sachets, enveloppes et pochettes en matières plastiques pour l'emballage, housses pour vêtements (rangement), housses à vêtements (penderie), récipients d'emballage en matières plastiques (classes 16, 18 et 20),
Une marque figurative française n°4528864 :
déposée le 26 février 2019 et enregistrée pour désigner des produits comprenant les « sacs, sachets, enveloppes et pochettes en matières plastiques pour l'emballage » (classes 6, 16), « les housses pour vêtements (rangement), housses à vêtements (penderie), housse de rangement sous vide destinée à contenir des articles textiles » (classes 18, 20), et « les sacs à fermeture hermétique et en matières plastiques pour le stockage en vrac » ( classes 21 et 22).
Il ressort des procès-verbaux de constat dressés par huissier de justice les 22 et 23 mai 2019, 9 et 24 juillet 2019 et 9 juillet 2020 sur le site internet amazon.fr, que sont vendus par la société Maryland Web Builders LLC des sacs de rangement sous-vide dont l'emballage comporte en haut et de manière visible le logo suivant :
et le sac de rangement sous-vide la signe
La marque SPACE SAVER est la propriété de la société WDD (pièce 1 appelante) qui a été destinataire de la lettre de mise en demeure de la société CIE Europe et qui indique avoir fait le nécessaire auprès du site internet amazon.fr pour modifier le logo après réception de cette mise en demeure. La société CIE Europe fournit en outre des éléments, qui ne sont pas valablement démentis par la société WDD, montrant que cette société commercialise ces produits sur les sites Internet amazon.com et spacesaverbrand.com.
Les sacs de rangement sous-vide commercialisés sous le logo SPACE SAVER sont identiques aux produits désignés dans les enregistrements des marques française et internationale désignant l'Union européenne dont est titulaire la société CIE Europe soit les « sacs en matières plastiques pour l'emballage, housses pour vêtements (rangement), housses à vêtements (penderie) », pour la marque internationale et les « sacs en matières plastiques pour l'emballage, housses pour vêtements (rangement), housses à vêtements (penderie), les sacs à fermeture hermétique et en matières plastiques pour le stockage en vrac » pour la marque française.
Les signes
constituant la marque française antérieure n°4528864
et
la marque internationale désignant l'Union européenne n°1165827, et les signes incriminés
et
n'étant pas identiques, il convient de rechercher s'il existe entre eux un risque de confusion,
incluant le risque d'association, qui doit être apprécié globalement à la lumière de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques en tenant compte notamment des éléments distinctifs de celles-ci.
S'agissant de la comparaison du signe figuratif constituant la marque française n°4528864 avec les signes critiqués, ceux-ci ont visuellement en commun le signe figuratif constituant la marque antérieure, représenté dans les signes contestés en noir et blanc ou en couleurs quasi-identiques avec le même dégradé. Dans les signes argués de contrefaçon, l'élément verbal SPACE SAVER est adjoint, le terme SPACE étant représenté en grand format et souligné d'un trait, ce terme étant de couleur bleue et le trait rouge pour le signe représenté en couleur, le mot « saver » figurant en plus petits caractères sous le logo et de couleur rouge pour le signe coloré.
Phonétiquement, les signes contestés comportent trois syllabes alors que la marque antérieure ne comporte aucun élément verbal.
Conceptuellement, les signes exploités par l'appelante renvoient au gain de place, comme le logo constituant la marque antérieure qui évoque l'empilement, le rangement voire la compression ainsi que le reconnaît la société WDD en page 10 de ses écritures.
Néanmoins, les adjonctions de termes en langue anglaise SPACE SAVER évocateurs voir descriptifs de la destination des produits de stockage en cause qu'est le gain de place par la compression des articles, ce même pour le public français qui dispose de connaissances basiques en anglais, ne font pas perdre au logo reproduit son caractère distinctif et dominant qui sera particulièrement retenu par le consommateur.
Au vu de ce qui précède, l'identité des produits et les grandes similitudes visuelles et conceptuelles existant entre les éléments dominants des signes en présence, font qu'il existe un risque de confusion, incluant le risque d'association, pour le public entre les marques en cause prises dans leur ensemble.
S'agissant de la comparaison du signe complexe constituant la marque internationale désignant l'Union européenne n°1165827 avec les signes critiqués, ceux-ci ont visuellement en commun le signe figuratif
représenté pour les signes contestés en noir et blanc ou en couleurs quasi-identiques avec le même dégradé. La marque antérieure est en outre constituée d'un élément verbal de 9 lettres, C, O, M, P, A, C, T, O, R inscrit en-dessous du signe figuratif en gros caractères de couleur blanche, le tout étant représenté dans un cartouche noir de forme rectangulaire. Les signes critiqués sont quant à eux également constitués de deux termes de 10 lettres en tout, S, P, A, C, E et S, A, V, E, R ; le terme SPACE étant représenté en grand format et souligné d'un trait, ce terme étant de couleur bleue et le trait rouge pour le signe représenté en couleur, le mot « saver » figurant en plus petits caractère sous le logo et de couleur rouge pour le signe coloré.
Phonétiquement, la marque antérieure et les signes contestés sont composés de trois syllabes, dont aucune n'est commune, seul le son final R est identique.
Conceptuellement, les signes exploités par l'appelante renvoient au gain de place, comme le logo et le terme COMPACTOR constituant la marque antérieure qui évoquent l'empilement, le rangement et la compression.
Néanmoins, le mot COMPACTOR comme les termes SPACE SAVER sont évocateurs voir descriptifs de la destination des produits en cause qu'est le gain de place et font que l'élément dominant qui sera particulièrement retenu par le consommateur est le logo ci-avant représenté, le public pouvant croire que les signes contestés où figure un logo quasi-identique est une déclinaison de la marque antérieure.
Au vu de ce qui précède, l'identité des produits et les grandes similitudes visuelles et conceptuelles existant entre les éléments dominants des signes en présence, font qu'il existe un risque de confusion, incluant le risque d'association, pour le public entre les marques en cause prises dans leur ensemble, celui-ci pouvant légitimement penser que les produits commercialisés sous les signes contestés le sont par la société CIE Europe ou avec son consentement.
La contrefaçon des marques française n°4528864 et internationale désignant l'Union européenne n°1165827 est ainsi caractérisée.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé mais seulement en ce qu'il a rejeté la contrefaçon de la marque internationale désignant l'Union européenne n°1165827.
Les actes de concurrence déloyale et parasitaire étant invoqués à titre subsidiaire, il n'y a pas lieu de statuer à ce titre.
Sur les mesures réparatrices
S'agissant du préjudice subi au titre de la contrefaçon de marque, l'article L. 716-14 devenu L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle prévoit que :
« Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte.
Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».
Il ressort de l'ensemble des éléments versés au débat par la société CIE Europe que l'utilisation des signes litigieux pour distinguer les produits en cause est établie entre mai 2016 et juillet 2020. En effet, si le procès-verbal de constat dressé le 9 juillet 2020 montre que certains produits ne comportent plus l'élément figuratif
en cause, il n'en demeure pas moins que subsiste sur le site amazon.fr une vidéo de démonstration où les emballages des produits et les produits eux-mêmes comportent cet élément.
Le procès-verbal de constat établi par huissier de justice le 23 décembre 2020 à la demande de la société WDD sur le site amazon.fr montre toutefois que les produits commercialisés sous le signe SPACE SAVER ne reprennent plus l'élément figuratif ci-dessus y compris dans la vidéo de démonstration.
La période comprise entre mai 2016 et juillet 2020 sera en conséquence retenue par la cour s'agissant de la contrefaçon des marques française et internationale désignant l'Union européenne.
En exécution du jugement dont appel, la société Maryland Web Builders a communiqué par courriel officiel un état de ses ventes en date du 14 novembre 2022 (pièce 41 intimée). Cet état montre la vente en France de 72 000 produits pour un chiffre d'affaires de 1 479 616,84 euros et un excédent brut d'exploitation de 147 936,24 euros.
L'usage sur internet des marques en cause par la société WDD a fait perdre à la société CIE Europe des ventes qui ont été réalisées à moindre frais par la société WDD. Cet usage a également porté atteinte à la valeur de ces marques en les avilissant causant ainsi un préjudice moral à la société CIE Europe.
La société WDD n'a en revanche pas fourni l'état des ventes des produits Space Saver en France malgré l'injonction du tribunal. En outre, la contrefaçon de la marque internationale désignant l'Union européenne a également été retenue par la cour qui est alors compétente pour connaître des faits de contrefaçon commis sur le territoire de tout Etat membre.
Aussi, afin de permettre à la société CIE Europe d'évaluer son entier préjudice, il sera enjoint à la société WDD, selon les modalités prévues au dispositif, de lui communiquer un état des ventes des produits 'Space Saver' dans chaque pays de l'Union européenne, pour la période comprise entre mai 2016 et juillet 2020.
Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, la société WDD sera condamnée à verser à la société CIE Europe la somme provisionnelle de 250 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice matériel et moral lié aux actes de contrefaçon des marques française et internationale désignant l'Union européenne.
Les faits de contrefaçon ayant cessé, la société CIE Europe sera déboutée de ses demandes d'interdiction, de rappel des produits et de destruction. Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
De même, l'allocation de dommages et intérêts apparaît suffisante à réparer le préjudice tel qu'il résulte des éléments fournis, les faits de contrefaçon ayant par ailleurs cessés depuis près de quatre ans. La demande de publication judiciaire ne sera pas accueillie et le jugement également confirmé de ce chef.
- Sur les autres demandes
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles.
La société WDD qui succombe en son appel sera déboutée de sa demande de remboursement de la somme de 45 000 euros versée en exécution du jugement,
L'équité commande de condamner la société WDD qui succombe à payer une indemnité complémentaire de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dans les limites de l'appel,
Dit que la cour n'est pas valablement saisie de l'appel provoqué formé par la société CIE EUROPE contre la société Maryland Web Builders,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté les demandes formées au titre de la contrefaçon de la marque internationale désignant l'Union européenne n°1165827 et condamné la société Web Deals Direct à payer in solidum avec la société Maryland Web Builders, à la société CIE Europe, une provision de 30 000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice imputable à la contrefaçon de la marque n°4528864,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que la société Web Deals Direct a commis des actes de contrefaçon de la marque internationale désignant l'Union européenne n°1165827,
Condamne la société Web Deals Direct à payer à la société CIE Europe une provision de 250 000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice imputable à la contrefaçon des marques n°4528864 et n°1165827,
Ordonne à la société Web Deals Direct de communiquer à la société CIE Europe, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte prenant effet un mois à compter de la signification de la présente décision et courant pendant une période de quatre mois, un état des ventes des produits 'Space Saver' dans chaque pays de l'Union européenne, pour la période comprise entre mai 2016 et juillet 2020,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société Web Deals Direct à payer à la société CIE Europe la somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamne la société Web Deals Direct aux dépens d'appel.
La Greffière La Présidente