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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 3, 21 mai 2024, n° 23/17600

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/17600

21 mai 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRÊT DU 21 MAI 2024

(n° 221 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17600 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIOH5

Décision déférée à la cour : ordonnance du 20 septembre 2023 - président du TJ de Meaux - RG n°23/00531

APPELANTS

M. [N] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

S.A.S. NEKOR AUTOMOTIVE, RCS de Pontoise n°893295956, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentés par Me Nabil FADLI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0904

INTIMEE

S.A.R.L. TRANSAC IMMO, RCS de Créteil n°321897340, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Nadia BENNICKS-GALDINI, avocat postulant et plaidant, avocat au barreau de PARIS, toque : B0775

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 avril 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre

Anne-Gaël BLANC, conseillère

Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

********

Par acte sous seing privé en date du 8 juillet 2022, la société Transac immo a donné à bail commercial à M. [K] et à la société Nekor automotive des locaux situé [Adresse 2] à [Localité 7] (77) moyennant un loyer annuel de 44 880 euros hors charges et hors taxes, payable trimestriellement et d'avance.

Par acte de commissaire de justice du 25 avril 2023, le bailleur a fait délivrer aux locataires un commandement de payer, visant la clause résolutoire insérée au bail, pour une somme principale de 21 719 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 15 février 2023.

Par acte extrajudiciaire des 2 et 5 juin 2023, la société Transac immo a fait assigner M. [K] et la société Nekor automotive devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux en lui demandant notamment de constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail, d'ordonner l'expulsion de la société Nekor automotive, de condamner solidairement M. [K] et la société Nekor automotive à lui payer une somme de 45 130,70 euros à titre de provision au titre de l'arriéré locatif au 24 mai 2023, outre une indemnité d'occupation provisionnelle mensuelle de 5 000 euros.

Par ordonnance du 20 septembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux a :

constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 20 février 2023 ;

ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Nekor automotive et de tous occupant de son chef des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 7] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de deux mois à l'expiration duquel il sera procédé à la mise en vente aux enchères publiques des biens paraissant avoir une valeur marchande, les autres biens étant réputés abandonnés, ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution sur ce point ;

fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Nekor automotive et M. [K], à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Transac immo de condamnation solidaire provisionnelle de la société Nekor automotive et de M. [K] au titre de l'arriéré locatif ;

laissé à la société Nekor automotive, à M. [K] et à la société Transac immo la charge de leurs propres dépens ;

débouté la société Nekor automotive, M. [K] et la société Transac immo de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 30 octobre 2023, M. [K] et la société Nekor automotive ont interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :

constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 20 février 2023 ;

ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Nekor automative et de tous occupant de son chef des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 7] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrit avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de deux mois à l'expiration duquel il sera procédé à la mise en vente aux enchères publiques des biens paraissant avoir une valeur marchande, les autres biens étant réputés abandonnés, ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution sur ce point ;

fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Nekor automotive et M. [K], à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Transac immo de condamnation solidaire provisionnelle de la société Nekor automotive et de M. [K] au titre de l'arriéré locatif ;

débouté la société Nekor automotive, M. [K] de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 27 mars 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, M. [K] et la société Nekor automotive demandent à la cour de :

confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté la société Transac immo de sa demande de paiement provisionnel d'arriéré de loyer au motif qu'elle se heurte à des contestations sérieuses et a débouté la société Transac immo de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire inséré au bail commercial à la date du 20 février 2023 et ordonne l'expulsion à défaut de restitution volontaire des locaux et la vente des meubles et fixée à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par eux, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires et les a déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau :

débouter la société Transac immo de l'ensemble de ses demandes ;

condamner la société Transac immo à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance outre les entiers dépens de l'instance ;

condamner la société Transac immo à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel outre les entiers dépens de l'instance.

La société Transac immo, aux termes de ses dernières conclusions en date du 5 avril 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :

rejeter les pièces n° 1 à n° 7 non communiquées par l'appelante ;

confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 20 février 2023 ;

ordonné à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société Nekor automotive et de tout occupant de son chef des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 7] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Nekor automotive et M. [K] à compter de la résiliation du bail jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clefs à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes charges et accessoires ;

infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

dit n'y avoir lieu à référé sur sa demande de condamnation solidaire provisionnelle la société Nekor automotive et M. [K] au titre de l'arriéré locatif ;

laissé à la charge de la société Nekor automotive et M. [K] et la société Transac immo de leurs propres dépens ;

statuant à nouveau :

condamner solidairement à titre provisionnel la société Nekor automotive et M. [K] à lui payer la somme de 26 562, 80 euros au titre de l'arriéré locatif ;

en tout état de cause :

débouter la société Nekor automotive et M. [K] de l'intégralité de leurs demandes ;

condamner solidairement la société Nekor automotive et M. [K] à lui payer 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer et la dénonciation ;

condamner solidairement la société Nekor automotive et M. [K] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris l'intégralité des frais d'huissier y compris les frais de commandement et d'expulsion.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024 avant l'ouverture des débats.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce,

La société Transac immo se borne à solliciter le rejet des pièces 1 à 7 au motif qu'elles n'auraient pas été communiquées aux débats. Ce moyen manque en fait, puisque la société Nekor automotive et M. [K] produisent les messages RPVA avec avis de réception démontrant la communication des pièces litigieuses, qui ont été communiquées à nouveau par précaution le 16 avril 2024. La demande sera rejetée.

En vertu de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Par ailleurs, en vertu du 2e alinéa de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

En application de ce texte, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en 'uvre régulièrement.

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux.

En l'espèce, la société Nekor automotive affirme qu'il existe une contestation sérieuse dès lors que le bailleur n'a pas rempli son obligation de délivrance. Il est constant que la société Nekor automotive n'est pas parvenue à obtenir de la mairie de [Localité 7] les autorisations nécessaires à son activité de garage de carrosserie, nécessitant l'installation de deux extracteurs sur le toit pour l'évacuation de la cabine de peinture : la déclaration préalable a en effet fait l'objet d'une opposition par arrêté du 18 novembre 2022 ; un projet modifié a également fait l'objet d'une opposition par arrêté du 28 mars 2023.

La société Transac immo soutient que le bail est stipulé destiné à l'activité « d'entretien et réparation de tous types de véhicules ni bruyant ni polluant ». Elle affirme que l'activité exercée par le précédent locataire était une activité de garagiste non carrossier qui n'était pas soumise à autorisation au titre de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement (IPCE).

Cependant, il y a lieu de constater que les refus de la mairie de [Localité 7] ne se fondent pas sur la nomenclature IPCE mais sur des violations du plan local d'urbanisme approuvé en mai 2019 qui répondait à l'évolution urbaine de la commune alors que l'activité de la société Nekor automotive posait un problème dans une « zone d'habitation à dominante pavillonnaire » (arrêté du 18 novembre 2022, pièce 4 Nekor). Les différents échanges avec la mairie de [Localité 7] démontrent que l'activité de la société Nekor automotive ne sera pas possible en ce qu'elle a pour objet une activité de carrossier considérée comme polluante, mais révèlent également une incertitude sérieuse concernant la simple activité de garagiste, puisque, d'une part, la mairie de [Localité 7] apparaît reprocher au prédécesseur de la société Nekor automotive d'avoir exercé sans autorisation (réponse au recours gracieux du 24 juillet 2023, pièce 13 Transac) et, d'autre part, l'opposition à la déclaration préalable de la société Nekor automotive mentionne expressément que l'article UC1 du plan local d'urbanisme interdit l'occupation et l'utilisation du sol dans la zone concernée, de nature résidentielle, pour le « dépôt de véhicules ». Au demeurant, dans cette réponse du 24 juillet 2023, la mairie de [Localité 7] évoquait cette activité comme « pouvant entraîner des nuisances et des incommodités pour le voisinage par le type d'activités avec notamment les aller-retours de véhicules, le stationnement que cela engendre ' ».

Il en résulte que le moyen des appelants tiré de la défaillance du bailleur dans son obligation de délivrance n'apparaît pas immédiatement vain, et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond, qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point, si les parties entendaient saisir le juge du fond.

Dans ces conditions, l'existence d'une contestation sérieuse fait obstacle tant à la demande de provisions notamment au titre de l'arriéré locatif, et à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, dès lors que l'exigibilité des loyers convenus est susceptible d'être remise en question et d'affecter la régularité du commandement de payer visant la clause résolutoire.

Il n'y a donc lieu à référé sur les demandes de la société Transac immo.

La société Transac immo sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle sera tenue d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance, et de la même somme en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Déboute la société Transac immo de sa demande de rejet des pièces 1 à 7 de l'appelant ;

Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la société Transac immo au titre de l'arriéré locatif ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à référé ;

Condamne la société Transac immo à payer à la société Nekor automotive et à M. [K] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Condamne la société Transac immo à payer à la société Nekor automotive et à M. [K] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en cause d'appel ;

Condamne la société Transac immo aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT