CA Nîmes, 2e ch. C, 16 mai 2024, n° 22/02246
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Hôtel du Poète (SAS)
Défendeur :
Les Vergers du Riotord (SCEA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dodivers
Conseillers :
Mme Mallet, Mme Izou
Avocats :
Me Marcel, Me Emmanuel, Me Co, Me Roussel
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 11 décembre 2018, la société Investour, représentée par son gérant, M. [X] [G] a cédé l'intégralité des titres qu'elle détenait dans la SAS Hôtel du poète à la Sarl 4LM représentée par son associé unique et gérant, Monsieur [L] [S] ainsi que les droits immobiliers correspondant.
Par acte sous seing privé du 11 décembre 2018, la société l'Hôtel du Poète, représentée par M. [L] [S], a signé avec les sociétés Café fleurs et le Domaine Tourbillon un contrat de prestation de service de laverie en vertu duquel était prévu la réalisation d'une prestation de laverie pour leur compte, auquel est annexée une convention de mise à disposition d'un local (CMDL) signée le 31 juillet 2018 entre la société Hôtel du Poète et le SCEA Les Vergers du Riotord représentée par M. [O] [G].
Faisant valoir son impossibilité d'exploiter normalement le local et, notamment, remplir ses obligations d'employeur à l'égard de sa salariée, privée de sanitaire, la société l'Hôtel du Poète a, par exploit d'huissier délivré le 26 février 2020, fait assigner devant le tribunal judiciaire d'Avignon la SCEA Les Vergers du Riotord et le GFA [G] aux fins de :
- Condamner solidairement les Vergers du Riotord et le GFA [G] à réaliser tous travaux nécessaires aux fins de rendre au local loué sa destination à usage de laverie, conformément aux dispositions des articles 1719 et 1721 du Code civil et notamment la construction d'installations sanitaires permettant aux salariés de la société l'Hôtel du Poète affectés au service de laverie de disposer des équipements définis à l'article R.4228-1 du Code du travail, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
- Ordonner Ia suspension de l'obligation de règlement de l'indemnité d'occupation mensuelle définie par l'article 3 du CMDL, tant que les travaux précités ne seront pas réalisés et réceptionnés à la satisfaction d'Hôtel du Poète, aux fins de rétablissement de l'équilibre économique à raison du préjudice subi par Hôtel du Poète ;
- Condamner solidairement les défendeurs au paiement de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dire qu'il n'y a pas lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
- Condamner solidairement les défendeurs aux entiers dépens.
En cours de procédure, la société Les Vergers du Riotord et le GFA [G] ont notifié le congé du contrat de mise à disposition du local à la société Hôtel du Poète le 22 juin 2020 à effet au 30 janvier 2021, date à laquelle le locataire a quitté les lieux.
La SAS Hôtel du poète a alors sollicité l'indemnisation de de divers préjudices.
Par jugement contradictoire du 28 avril 2022, le tribunal judiciaire d'Avignon a :
- débouté la société Hôtel du Poète de ses demandes de dommages et intérêts formées à l'encontre de la société Les Vergers du Riotord et le GFA [G] au titre de la suppression du droit à jouir du local et de la rupture du contrat de mise à disposition,
- débouté la société les Vergers du Riotord et le GFA [G] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné la société Hôtel du Poète à payer à la société les Vergers du Riotord et le GFA [G] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Hôtel du Poète de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Hôtel du Poète aux dépens.
Par déclaration du 30 juin 2022, la SAS Hôtel du Poète a relevé appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 26 septembre 2022, auxquelles il est expressément référé, la SAS Hôtel du poète demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par la SAS Hôtel du poète,
En conséquence,
- infirmer partiellement le jugement du tribunal judiciaire d'Avignon RG 20/00804 en date du 28 avril 2022 et statuant à nouveau,
Vu les articles L145-1 et suivants du code de commerce,
Vu les articles 1719 et suivants du code civil,
Vu les articles R 4217-1 et suivants du code du travail,
Vu l'article R 4228-1 du code du travail,
Vu l'article 1104 du code civil,
Vu les articles 1231 et suivants du code civil,
- déclarer la SAS Hôtel du poète parfaitement fondé dans ses demandes et prétentions,
- déclarer les intimés infondés dans toutes leurs demandes et prétentions, et les en débouter,
- dire et juger que depuis le 1er février 2018, le CMDL est régi par les dispositions des articles L 145-1 et suivants du code de commerce, lequel devait se poursuivre jusqu'au 1er février 2027,
- dire et juger qu'en notifiant le congé en date du 22 juin 2020, la SCEA Les Vergers du Riotord et le GFA [G] ont violé les dispositions de l'article L. 145-14 du code de commerce,
- dire et juger que le congé délivré le 22 juin 2020 en violation des dispositions précitées, caractérise la mauvaise foi des intimés, tout autant que l'abus du droit issu de l'exercice d'une prérogative contractuelle,
- dire et juger que la suppression par la SCEA Les Vergers du Riotord et le GFA [G] du droit d'accès aux installations sanitaires au profit de la salariée de la SAS Hôtel du poète constitue une modification unilatérale des conditions d'exécution du bail,
- dire et juger que cette modification unilatérale, contraire aux dispositions de l'article 1104 du code civil engage la responsabilité solidaire de la SCEA Les Vergers du Riotord et le GFA [G],
- dire et juger que les agissements fautifs de la SCEA Les Vergers du Riotord et le GFA [G] ont causé un préjudice à la SAS Hôtel du poète, dès lors valablement fondé à en demander réparation.
- dire et juger que compte tenu des circonstances de l'espèce, la SAS Hôtel du poète est fondée dans sa demande de réparation de chacune des conséquences de la privation abusive du droit à exploiter le service de laverie, telle que cette privation a été mise en 'uvre de mauvaise foi par la SCEA Les Vergers du Riotord et le GFA [G],
En conséquence,
- condamner solidairement, la SCEA Les Vergers du Riotord et le GFA [G] à payer à la SAS Hôtel du poète la somme de 51.820,61 euros à titre de dédommagement du préjudice subi par la SAS Hôtel du poète du fait de la suppression du droit à jouir paisiblement du local du 4 juin 2019 au 5 novembre 2020, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
- condamner solidairement la SCEA Les Vergers du Riotord et le GFA [G] à payer à la SAS Hôtel du poète la somme de 59.631,96 euros à titre de dédommagement des préjudices subis à raison de la rupture brutale du contrat de mise à disposition du local de laverie engendrant des surcoûts d'exploitation du service de laverie, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
- condamner solidairement, la SCEA Les Vergers du Riotord et le GFA [G] à payer à la SAS Hôtel du poète la somme de 91 154,26 euros à titre de dédommagement des préjudices subis à raison de la rupture brutale du contrat de mise à disposition du local de laverie engendrant les frais d'aménagement du nouveau local de laverie, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- condamner solidairement la SCEA Les Vergers du Riotord et le GFA [G] à payer la SAS Hôtel du poète la somme de 32 505,03 euros à titre de dédommagement des préjudices subis à raison de la rupture brutale du contrat de mise à disposition du local de laverie engendrant des coûts de service de laverie externe, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
- condamner solidairement les défendeurs au paiement de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dire qu'il n'y a pas lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir en raison de l'urgence à permettre à la SAS Hôtel du poète de recouvrer sans délai les montants engagés pour rétablir le fonctionnement normal du service de laverie ;
- condamner solidairement les intimés aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 2 décembre 2022, auxquelles il est expressément référé, la SCEA Les Vergers du Riotord et le GFA [G] demandent à la cour, au visa des articles 4,9, 32-1, 122 et 700 du code de procédure civile, des articles 1719 et 1721 du code civil, des articles 1101 et 1104 du code civil, de l'article 544 du code civil, des articles 1353 et 1381 du code civil, des articles L.145-1 et suivants du code de commerce et de l'article R.4228-1 du code du travail, de :
Sur la confirmation du jugement de première instance :
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire d'Avignon du 28 avril 2022 en ce qu'il a jugé :
« - débouté la société Hôtel du Poète de ses demandes dc dommages et intérêts formées à l'encontre dc la société Les Vergers du Riotord et le GPA [G] au titre de la suppression du droit a jouir du local et de la rupture du contrat de mise à disposition ;
- condamné la société Hôtel du Poète à payer à la Société Les Vergers du Riotord et le GPA [G] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société Hôtel du Poète de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Hôtel du Poète aux dépens. »
En conséquence,
- juger que le statut des baux commerciaux ne saurait s'appliquer au bail liant les parties,
- débouter la société Hôtel du Poète de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions
Sur l'infirmation partielle du jugement de première instance (appel incident),
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Avignon du 28 avril 2022 en ce qu'il a jugé :
« - débouté la société Les Vergers du Riotord et le GPA [G] de leur demande dommages et intérêts pour procédure abusive. »
Et statuant à nouveau :
- condamner la société Hôtel du Poète à payer à la société Les Vergers du Riotord et le GPA [G] la somme dc 5 000 € chacun au titre de la procédure abusive,
En tout état de cause :
- juger la demande dc la société Hôtel du Poète de requalification du contrat de mise à disposition du local de laverie en bail commercial prescrite et donc irrecevable.
- condamner la société Hôtel du Poète à payer à la société Les Vergers du Riotord et au GFA [G] à la somme de 5 000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la société Hôtel du Poète aux entiers dépens.
A l'appui de leurs écritures, les intimés soutiennent que la demande de qualification du contrat de mise à disposition d'un local en bail commercial est prescrite en application de l'article L.145-60 du code de commerce, les demandes de requalification d'un contrat en bail commercial étant soumises à une prescription biennale, alors qu'en l'espèce, le contrat de bail dérogatoire a été conclu le 31 juillet 2018 et qu'une telle demande a été présentée pour la première fois par voie de conclusions le 15 mars 2021.
Ils soulèvent au fond l'absence de bail commercial étant donné que les parties se sont entendues afin de profiter de la dérogation du statut des baux commerciaux instauré par l'article L.145-5 du code de commerce, étant précisé que la rédaction de ce contrat s'est faite contradictoirement entre les parties, et en présence du conseil de M. [S].
Ils soutiennent en outre que le statut des baux commerciaux ne saurait s'appliquer au bail liant les parties puisque l'application du statut des baux commerciaux implique l'exploitation dans les lieux d'un véritable fonds de commerce dont l'élément essentiel est la clientèle et que tel n'est pas le cas en l'espèce. Ils expliquent que ce local de laverie est situé à l'intérieur d'un domaine agricole et qu'il est évident que le demandeur n'a jamais souhaité développer une clientèle et des prestations de laverie à une clientèle propre.
Ils font valoir par ailleurs l'absence de manquement du bailleur à son obligation de délivrance conforme du local puisque l'article 1er du contrat, relatif à la désignation du bien loué, ne mentionne nullement de lieux d'aisance et que l'absence de sanitaire ne peut rendre le local impropre à son usage de laverie, qu'il appartient au seul employeur de respecter ses obligations envers sa salariée.
Ils réfutent tout comportement déloyal et de mauvaise foi expliquant que le contrat mis en cause dans la présente procédure est arrivé à son terme depuis février 2021, comme prévu initialement, ne souhaitant pas le renouveler compte tenu de la dégradation de leurs relations et l'ayant dénonçé dans le respect du délai de préavis précontractuel.
Ils concluent enfin à l'absence de préjudices dont se prévaut l'Hôtel du Poète, lesquels ne sont pas caractérisés et dont les montants ne reposent sur aucun élément objectif concret permettant d'en vérifier la véracité. Quant au séchoir litigieux, ils indiquent que l'un des séchoirs présents dans la laverie appartient à M. [G], la facture datée du 11 février 2018 démontrant que l'Hôtel n'a acquis qu'un seul séchoir.
Elles forment cependant un appel incident en ce que le premier juge les a déboutées de leur demande de dommages et intérêts alors que l'Hôtel du Poète a diligenté la présente procédure de manière dilatoire et abusive justifiant donc que soit fait application de l'article 32-1 du code de procédure civile.
Par ordonnance d'incident du 16 mars 2023, le conseiller de la mise en état a, avant dire-droit, ordonné la réouverture des débats aux fins de recueillir les observations des parties sur la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la SCEA les Vergers du Riotord et le GFA [G] et les demandes de la SAS Hôtel du Poète, et dit que les parties devront déposer leurs observations avant le 2 mai 2023, a réservé les dépens de l'incident et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience d'incident de la mise en état du 15 mai 2023.
Les parties ont satisfait à cette demande par leurs messages transmis par RPVA des 25 et 27 avril 2023.
Par ordonnance d'incident du 15 juin 2023, le conseiller de la mise en état a notamment déclaré irrecevables les écritures de la SAS Hôtel du Poète et pièces notifiées par la voie électronique le 4 mai 2023 considérant qu'elles allaient au-delà du motif sur lequel le conseiller avait demandé des observations, s'est déclaré incompétent pour connaître de la fin de non-recevoir soulevée par le SCEA les Vergers du Riotord et le GFA [G] ainsi que pour connaître des demandes de la Sas L'Hôtel du poète qui relèvent du fond et de la cour.
La clôture de l'instruction de la procédure est intervenue le 1er février 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.
Sur la prescription de la demande de la SAS Hôtel du poète,
Les intimés soutiennent que la demande en requalification du contrat de mise à disposition du local de laverie signé le 31 juillet 2018 en bail commercial est prescrite dès lors qu'elle est engagée plus de deux ans après la conclusion du contrat en application de l'article L.145-60 du code de commerce.
Selon l'article L 145-60 du code de commerce « Toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans. »
Cependant, en l'espèce, il ne s'agit pas d'une demande de requalification en bail commercial mais d'une demande tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut né du fait du maintien en possession du preneur à l'issue d'un bail dérogatoire qui résulté du seul effet de l'article L 145-5 du code de commerce qui n'est pas soumise à la prescription biennale.
En conséquence, la demande de la SAS Hôtel du poète sera déclarée recevable.
Sur l'application du statut des baux commerciaux,
Selon l'article L 145-5 du code de commerce « les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.
Il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.
Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier.
Lorsque le bail est conclu conformément au premier alinéa, un état des lieux est établi lors de la prise de possession des locaux par un locataire et lors de leur restitution, contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles, et joint au contrat de location. Si l'état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa, il est établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire. »
Si à l'expiration d'un bail commercial conclu pour une durée au plus égale à trois ans, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du statut des baux commerciaux à la condition que le preneur exploite un fonds de commerce dans les lieux loués caractérisé par l'existence d'une clientèle propre.
Les intimés soutiennent d'une part qu'aucun fonds de commerce n'est exploité dans le local de la laverie qui ne dispose pas d'une clientèle propre et d'autre part que les parties ont expressément exclu aux termes de leur convention l'application du statut des baux commerciaux pour se soumettre à un bail dérogatoire.
L'analyse du contrat de prestation de service de laverie en date du 11 décembre 2018 signé entre la SAS HDP, prestataire, la SAS Café Fleurs, client, le domaine de [G], client, en présence de la SCEA les Vergers du Riotord, révèle que la SAS HDP a effectivement deux clients et que la convention a précisément pour objet (article 1.1) d'organiser les conditions et les modalités dans lesquelles les dits clients confieront au Prestataire l'entretien du linge lui appartenant.
Contrairement à ce que soutiennent les intimés, la laverie possède donc bien une clientèle.
Il existe donc bien une clientèle propre à la laverie caractérisant l'exploitation d'un fonds de commerce susceptible d'entraîner l'application de l'article L 145-5 du code de commerce.
En revanche, il ressort sans aucune ambiguïté et en termes clairs que les parties lorsqu'elles ont signé le contrat de mise à disposition en date du 31 juillet 2018 qui sera annexé postérieurement au contrat de prestation de service du 11 décembre 2018 ont résilié toutes les conventions intervenues antérieurement et ont entendu se soustraire aux dispositions de l'article 145-1 et suivants du code de commerce.
Ainsi la convention stipule :
« Les conventions verbales et antérieures par lesquelles le locataire principal a mis à disposition le local à l'Hôtel du Poète, objet de la présente ont été résiliées d'un commun accord au 31 janvier 2018.
En conséquence, le locataire principal donne à bail de droit commun par la présente ledit local, et à l'exclusion des dispositions des article 145-1 et suivants du code de commerce, ce dont l'Hôtel du Poète lui donne acte et garantit.
Il est rappelé que le présent contrat n'a été consenti que pour permettre l'exécution d'un
« Contrat de prestation de service de laverie » conclu concomitamment aux présentes liant Hôtel du Poète et les société Café fleurs et le Domaine Tourbillon, ces deux dernières faisant partie du groupe Investour dont le Verger du Riotord est économiquement lié via leur dirigeant commun.
Le présent contrat étant lié juridiquement au sort du contrat de prestation de laverie susvisée, il ne saurait être concédé un quelconque droit à propriété commerciale à l'Hôtel du Poète qui le reconnaît fermement et définitivement.
Le présent contrat annule et remplace tout contrat ou accord écrit ou verbal précédent. »
En conséquence, lorsque la SAS Hôtel du poète signe le 11 décembre 2018 le contrat de vente et le contrat de prestation de service, elle avait renoncé dès le 31 juillet 2018 et en toute connaissance de cause au statut des baux commerciaux dans le contrat de mise à disposition annexé au contrat de prestation de service.
Dès lors, en présence d'un bail dérogatoire, le statut des baux commerciaux ne peut trouver application en l'espèce.
Par suite, le congé délivré le 22 juin 2020 par la SCEA Les Vergers du Riotord et le GFA [G] n'avaient pas à respecter les dispositions de l'article L. 145-14 du code de commerce.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur le manquement à l'obligation de délivrance,
Selon l'article 1719 du code civil « Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée [...]
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ; »
En l'espèce, l'article 1 « désignation du local mis à disposition de l'Hôtel du poète » mentionne : « le présent contrat concerne le local situé [Adresse 1], d'une superficie totale de 30 m2.
L'Hôtel du poète déclare qu'il a visité le local et qu'il reconnaît que celui-ci convient tout à fait pour son activité annexe de laverie. »
Dès lors, le local de laverie n'a jamais été équipé d'une installation sanitaire et l'absence de sanitaire ne rend pas le local impropre à son usage de laverie.
La SAS HDP invoque l'existence d'un arrangement familial consistant à laisser la salariée affectée à la laverie la possibilité de se rendre aux sanitaires présents dans les locaux du GFA [G], arrangement dont il a été mis fin brutalement par les intimés par la demande de restitutions des clés.
Les intimés contestent l'existence de cet arrangement, expliquant que la salariée louait une habitation dans le périmètre de la laverie lui permettant d'utiliser son logement personnel mais pour lequel elle a donné congé en mai 2019 la privant donc tout simplement de cette possibilité. Ils affirment qu'auparavant, les salariés de la lingerie accédaient aux toilettes de l'Hôtel situé à quelques kilomètres du local à l'occasion des dépôts et retraits de linges effectués plusieurs fois par jour sans que cela ne soulève de difficultés.
Le premier juge a très justement indiqué que chacune des parties produit des déclarations contradictoires d'anciennes salariées de la lingerie (Mme [W] déclarant des éléments contraires pour leur compte respectif, et Mme [T]), ces attestations ne pouvant être admises eu égard au lien de subordination les unissant à la fois à l'égard de l'Hôtel du Poète et à la famille [G].
Par ailleurs, il n'appartient pas au bailleur mais au seul employeur de respecter l'obligation de l'article R 4228-1 du code du travail.
En conséquence, aucun manquement du bailleur à son obligation de délivrance n'est rapporté par l'appelante.
Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.
Sur la rupture du contrat de mise à disposition,
L'appelante fait valoir que les intimés ont rompu brutalement les relations contractuelles avec une volonté de nuire l'obligeant à engager des frais pour relocaliser le service de lingerie.
Comme exposé ci-avant, les dispositions de l'article L. 145-14 du code de commerce ne trouvent pas application en l'espèce.
Les intimés ont dénoncé le contrat le 22 juin 2020 conformément à l'article 4 du contrat de mise à disposition, la lettre de congé ayant même été délivrée dans un délai supérieur au préavis contractuel (7 mois au lieu de 6 mois). Il n'est pas prévu de justification ou autres conditions particulières pour opérer ce congé.
Le bailleur précise dans sa lettre « compte tenu des difficultés qui ont émaillé l'exécution de ce contrat et votre insatisfaction manifeste s'agissant des contions de location il nous a semblé raisonnable de ne pas renouveler ce bail qui manifestement ne répond pas à vos besoins ».
Le premier juge a pertinemment noté que la rupture intervient tandis qu'une mésentente manifeste existe entre les cocontractants et que la procédure est déjà engagée. En tout état de cause, il n'est pas établi de comportement abusif de la part de bailleur par cette notification de congé.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté, en l'absence de faute commise par le bailleur, l'appelante de l'ensemble de ses demandes.
Sur la demande des intimés au titre des dommages et intérêt pour procédure abusive,
L'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à des dommages et intérêts qu'en cas de légèreté blâmable non démontrée en l'espèce.
En effet, le premier juge a pertinemment indiqué qu'il résulte des éléments produits de part et d'autre, et arguments développés que le climat de tension réel existant entre les parties ne peut être imputable davantage à l'une ou l'autre des parties, le conflit les opposant étant manifestement le fruit de différents facteurs, le comportement des dirigeants des sociétés en cause étant respectivement inapproprié.
L'appelante a développé des moyens juridiques et des griefs, qui s'ils se révèlent infondés, ne peuvent être qualifiés d'abusifs.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté les intimés de ce chef de demande.
Sur les demandes accessoires,
Les dispositions du jugement déféré au titre des dépens et des frais irrépétibles de première instance seront confirmées.
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la SAS Hôtel du poète, qui succombe, supportera les dépens d'appel.
Il n'est pas équitable de laisser supporter aux intimés leurs frais irrépétibles d'appel. Il leur sera alloué la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile, et en dernier ressort,
Déclare recevable la demande de la SAS Hôtel du poète tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut des baux commerciaux,
Déboute la SAS Hôtel du poète de sa demande tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut des baux commerciaux,
Confirme le jugement déféré en l'ensemble de ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SAS hôtel du poète aux dépens d'appel,
Condamne la SAS hôtel du poète à payer à la SCEA Les Vergers du Riotord et le GFA [G] la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.