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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 21 mai 2024, n° 23/00767

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cocktail Style (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pascot

Conseillers :

M. Vetu, M. Lecler

Avocats :

Me Midy, Me Michot, Me Gatin

CA Poitiers n° 23/00767

20 mai 2024

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Le 25 janvier 1993, [U] [Z] a donné à bail à la société par actions simplifiées Cocktail Style un ensemble de locaux à usage commercial situé à [Localité 2].

Le 23 avril 2002, le renouvellement du bail est intervenu pour une nouvelle durée de neuf années ayant commencé le 1er janvier 2002.

Le bail s'est poursuivi au delà de son terme à défaut de renouvellement sollicité par le preneur et de congé donné par le bailleur.

Le 19 octobre 2016, les parties ont signé deux documents :

- le premier intitulé ' protocole d'accord ',

- le second intitulé ' résiliation du bail commercial et bail à usage commercial'.

Le 18 novembre 2019, la société Cocktail Style a attrait Madame [C] [R] veuve [Z], Madame [M] [Z] et Monsieur [L] [Z] (les consorts [Z]) devant le tribunal de grande instance de Saintes.

Dans le dernier état de ses demandes, la société Cocktail Style a demandé de :

- débouter les défendeurs de l'ensemble de leurs demandes ;

- déclarer nuls le protocole d'accord et le bail commercial subséquent en date du 16 octobre 2016 ;

- condamner in solidum les consorts [Z] à lui payer la somme de 3500 € au titre des frais irrépétibles.

Dans le dernier état de leurs demandes, les bailleurs ont demandé de :

- déclarer parfait le protocole d'accord régularisé entre les parties à l'instance ;

- déclarer valide le bail commercial régularisé entre elles le 19 octobre 2016 ;

- débouter la société Cocktail Style de l'ensemble de ses demandes ;

Et reconventionnellement de :

- condamner la société Cocktail Style à leur payer les sommes de 2.336 euros, 2.365 euros et 2.470 euros, respectivement au titre des taxes foncières de 2019, 2020 et 2021;

- condamner la société Cocktail Style à leur payer les sommes de 478,75 euros, 1088,49 euros 1253,56 euros et 718,16 euros au titre des rappels d'indexation des années 2017 à 2020 incluses ;

- condamner la société Cocktail Style à leur payer la somme de 3.645,76 euros au titre du dépôt de garantie non versé ;

- condamner la société Cocktail Style à lui payer la somme de 3500 € au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire en date du 16 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Saintes a :

- condamné la société Cocktail Style à payer aux consorts [Z] la somme de 9991,80 € au titre des taxes foncières et rappels d'indexation dues pour les années 2017 à 2019 inclus ;

- condamné la société Cocktail Style à payer aux consorts [Z] la somme de 3645,76 € correspondant au montant du dépôt de garantie non versé;

- condamné la société Cocktail Style à payer aux consorts [Z] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles;

- rejeté toutes autres demandes.

Par jugement rectificatif en date du 24 février 2023, le tribunal judiciaire de Saintes a statué ainsi :

- ordonne la rectification du jugement rendu le 16 décembre 2022 en ce qu'il a :

- ' condamné la SAS Cocktail Style à payer à [C] [R] veuve [Z], [M] [Z] et [L] [Z] la somme de 9991,80 € au titre des taxes foncières et rappels d'indexation dues pour les années 2017 à 2019 inclus',

- ordonne que le dispositif du jugement soit rectifié comme suit :

' condamné la SAS Cocktail Style à payer à [C] [R] veuve [Z], [M] [Z] et [L] [Z] la somme de 10.709,96 euros au titre des taxes foncières et rappels d'indexation dues pour les années 2017 à 2019 inclus' .

Le 29 mars 2023, la société Cocktail Style a relevé appel du jugement du 16 décembre 2022, en intimant les consorts [Z].

Ce dossier a été ouvert sous le numéro de RG 23/0767.

Le 29 mars 2023, la société Cocktail Style a relevé appel du jugement rectificatif du 24 février 2023, en intimant les consorts [Z].

Ce dossier a été ouvert sous le numéro de RG n° 23/0769.

Par ordonnance du 04 avril 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures n° RG 23/0767 et 23/0769 et dit que la présente procédure serait poursuivie sous le n° RG 23/0767.

Le 08 mars 2024, la société Cocktail Style a demandé de :

- réformer les jugements déférés en toutes leurs dispositions ;

Et statuant à nouveau, de :

- dire et juger nuls le protocole d'accord et le bail commercial subséquent tous deux en date du 16 octobre 2016 ;

- condamner in solidum les consorts [Z] à lui restituer les sommes suivantes :

- 10.709,96 € au titre des taxes foncières et rappels d'indexation dues pour les années 2017 à 2019 inclus ;

- 3.645,76 € correspondant au montant du dépôt de garantie ;

- condamner in solidum les consorts [Z] à lui restituer l'intégralité des sommes perçues en application du protocole d'accord et du bail commercial datés du 16 octobre 2016 ;

- débouter les consorts [Z] de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner in solidum les consorts [Z] à lui verser la somme de 4.500 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Le 29 février 2024, les consorts [Z] ont demandé de :

- confirmer le jugement déféré du 16 décembre 2022, rectifié par jugement du 24 février 2023 en toutes ses dispositions;

Y ajoutant,

- débouter la société Cocktail Style de l'ensemble de ses demandes dirigées à leur encontre ;

- condamner la société Cocktail Style au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures précitées des parties déposées aux dates susdites.

Le 2 avril 2024 a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.

MOTIVATION :

Sur l'appréciation globale ou séparée des deux conventions:

C'est à celui qui se prévaut d'un contrat qu'il appartient d'en rapporter la preuve.

Pour solliciter la nullité des deux conventions, la société Cocktail Style soutient que le nouveau bail n'est que la suite nécessaire du protocole d'accord signé le même jour, et qu'ils constituent le même acte.

Elle entend en voir déduire que l'ensemble des obligations mises à sa charge par ces deux actes doivent être analysées ensemble pour déterminer s'il existe ou non des concessions réciproques entre les parties.

Car il veut voir déduire de l'économie globale de ces deux actes que :

- les bailleurs renoncent à solliciter la réalisation de travaux lui incombant sans aucune précision ;

- le nouveau bail commercial est consenti à des conditions financières plus avantageuses pour le bailleur ;

tandis que lui-même consent aux concessions suivantes :

- le déplacement d'unités extérieures de climatisation pour un coût total de 2498,23 € ;

- la réfection de l'électricité afférente à cette climatisation ;

- le remplacement d'une imposte ;

- le règlement d'une indemnité de 5679 € sans précision ;

- l'augmentation de loyer, passant de 2140 € hors taxes à 3400 € hors taxes par mois, soit une hausse de 50 % ;

- la charge de l'impôt foncier et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, représentant annuellement une somme de plus de 2000 € ;

- la charge d'une provision mensuelle de 200 € au titre des charges communes.

En substance, la société Cocktail Style réclame ainsi à voir dire que le nouveau bail serait aussi un protocole transactionnel, ne faisant qu'un avec l'accord portant formellement cette qualification.

Il est constant entre parties qu'à l'issue du bail commercial renouvelé en dernier lieu par acte notarié du 23 avril 2002, avec effet au 1er janvier 2002, pour se finir le 31 décembre 2010, aucun congé n'a été délivré par les bailleurs ni aucune demande de renouvellement de renouvellement n'a été formée par le preneur.

Et il résulte de leurs écritures respectives que ce bail renouvelé s'est poursuivi aux mêmes conditions après son terme fixé au 31 décembre 2010.

Mais de la seule concomitance de ces deux conventions, la première portant formellement sur la résolution du différend lié de l'exécution d'un actuel contrat de bail, et la seconde sur la conclusion d'un nouveau bail, il ne peut pas se déduire que la seconde revêtirait le même caractère que la première, et en serait indissociable, de telle sorte qu'il n'existerait qu'une seule convention devant en son entier recevoir la qualification de transaction.

Ces deux conventions sont donc distinctes l'une de l'autre.

Il y aura donc lieu d'examiner séparément la demande d'annulation visant chacune d'elle.

Sur la nullité du protocole transactionnel:

Selon l'article 2044 du Code civil,

La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent contestation née, préviennent contestation à naître.

Ce contrat doit être rédigé par écrit.

Constitue une transaction au sens de ce texte un accord ayant pour objet de mettre fin à un différend né entre les parties, et qui comporte des concessions réciproques, quelle que soit leur importance relative.

Mais il n'y a pas de transaction lorsqu'une partie abandonne ses droits pour une contrepartie si faible qu'elle est pratiquement inexistante.

Il ressort de l'exposé préliminaire du protocole d'accord du 18 octobre 2016 que :

- les consorts [Z] et la société Cocktail Style avaient convenu de résilier purement et simplement le bail commercial du 25 janvier 1993 et son renouvellement du 23 avril 2002 et de conclure un nouveau bail commercial aux charges et conditions directement arrêtées entre, avec effet au 1er août 2016 ;

- au moment de l'établissement des comptes, il s'était avéré que la société cocktail Style était défaillante s'agissant de l'entretien des travaux prévus à sa charge dans le bail ci-dessus évoqué ;

- qu'en effet, alors que le bail en cours en date du 23 avril 2002 prévoyait dans sa rubrique 'charge et conditions' que « par dérogation droit commun, le preneur serait exécuté à ses frais exclusifs tous les travaux de réparation suivant savoir :

D) entretien et toutes les grosses réparations de la terrasse se trouvant entre l'immeuble principal immeuble rue des bains numéro 4;

entretien, réparation de remplacement le cas échéant de la couverture en dalle plastique Cintroref ;

nettoyage entretien de la terrasse et notamment l'écoulement des eaux de pluie, cet écoulement se faisant par l'intérieur des locaux loués ;

il s'est avéré que le preneur n'avait pas réalisé les travaux qui s'imposaient contractuellement à lui.

En outre il ressort de son article 3 (concessions réciproques) que :

3-1: les propriétaires bailleurs renoncent à réclamer au preneur l'accomplissement des travaux relatifs à ses obligations contractuelles sur l'entretien et toutes les grosses réparations de la terrasse se trouvant entre l'immeuble principal rue des bains numéro 4 ainsi que l'entretien, la réparation de remplacement le cas échéant de la couverture en dalle plastique Cintronef; il en va de même du nettoyage et de l'entretien de la terrasse et notamment l'écoulement des eaux de pluie, cet écoulement se faisant par l'intérieur des locaux loués;

3-2: en contrepartie, le preneur s'engage :

- à déplacer et replacer l'unité extérieure de climatisation relative aux locaux loués pour la fixer en hauteur, sur des supports muraux, à gauche de l'escalier d'accès aux locaux exploités par Scolaris, entre les deux grands impostes existants ;

- À refaire conformément aux normes en vigueur l'alimentation électrique et tous autres éventuelles alimentations relatives à cette climatisation, les éventuelles évacuations devant être dirigées sur les locaux loués par Cocktail Style au plus près du bloc climatisation, de sorte d'éviter au maximum les gaines extérieures ;

- à remplacer l'imposte actuellement en très mauvais état située le plus à gauche (en regardant du toit terrasse dans le bâtiment) et ce dans les délais ci-après fixés compte tenu des travaux de couverture devant être réalisés par les bailleurs début novembre.

Il est convenu que pour l'ensemble des travaux susvisés,

ceux-ci devront être réalisés et achevés en totalité au plus tard le 4 novembre 2016

- à régler à titre indemnitaire, la somme de 5679 €, et ce au plus tard le 4 novembre 2016.

A l'appui de sa demande d'annulation de ce protocole, l'appelante fait valoir l'absence de concessions réciproques.

Pour la société Cocktail Style, dans la mesure où aucun manquement contractuel ne peut lui être imputable, il n'existe aucun différend né ou à naître entre les parties.

Elle soutient en particulier que les soit-disants manquements contractuels ne sont nullement établis, étayés, ou bien encore chiffrés, et ce d'autant plus que les bailleurs ne justifient pas de l'avoir mise en demeure de respecter ses obligations.

Elle allègue que ni les photographies ni les factures, s'étendant sur une période longue du 29 décembre 2016 au 17 février 2018 produites par les intimés, ne peuvent se rapporter aux termes de ce protocole d'accord.

Mais alors que le nouveau contrat de bail commercial à effet au 1er août 2016 mettait à la charge de la preneuse l'intégralité des travaux incombant au bailleur, notamment ceux afférents à la terrasse et à son entretien et son nettoyage, les multiples photographies et les factures de remise en état produites par les bailleurs pour un total de 12 014,65 euros, mettent suffisamment en évidence que la preneuse a manqué à ses obligations de ces chefs.

Plus spécialement, il ressort de l'attestation de la société Scolaris, débitrice d'un droit de passage sur le toit terrasse dont l'entretien était à la charge de la société Cocktail Style, que depuis sa propre entrée dans les lieux le 1er octobre 2003, ce droit de passage n'a pas été exercé.

En outre, il ressort du constat d'huissier du 15 septembre 2016 que si certains travaux de nettoyage avaient été réalisés, il n'en demeurait pas moins que certaines structures avaient été largement altérées.

En particulier, l'accumulation de salissures sur les gouttières et leur affaissement, la rouille présente en plusieurs endroit de la structure métallique de la toiture, la présence de mousse, d'un trou, un carreau cassé, un carreau fissuré procèdent à l'évidence a minima d'un défaut d'entretien, alors que la preneuse devait en répondre.

Enfin, il ressort de l'examen du bureau d'étude en architecte en septembre 2023, que les fissures au droit d'une poutre en béton en liaison avec les murs ont révélé la présence de corrosion expansive sur l'acier mis à nu, vraisemblement due à l'ancienneté de l'ouvrage, et ayant pu être favorisée par des infiltrations, l'extrémité de la poutre étant appuyée sur le mur extérieur.

Et il importe peu que ces manquements aient préalablement fait l'objet de mise en demeure, ou aient été chiffrés en numéraire.

Il en résulte ainsi l'existence de concessions réciproques entre les parties.

La société Cocktail Style soutient encore que l'indemnité de 5679 euros, stipulée au protocole, correspondant soit disant à une partie des travaux réglés par les consorts [Z], ne serait pas justifiée.

Mais en l'état de l'existence des concessions réciproques entre parties, il n'y a pas lieu de s'interroger sur l'importance relative de la concession ainsi consentie par la société Cocktail Style.

Et surabondamment, il sera renvoyé au montant des travaux supportés par les bailleurs, de plus de 12 000 euros, pour en conclure à la substance de la concession consentie par la preneuse.

Il y aura donc lieu de rejeter la demande de la société Cocktail Style, tendant à l'annulation du protocole d'accord du 19 octobre 2016, et le jugement sera complété de ce chef.

Sur la nullité du contrat de bail :

Selon l'article 1130 du code civil, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont déterminants de celui-ci.

Selon l'article L. 145-40-2 du code de commerce, résultant de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014,

Tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liées à ce bail, comportant l'indication de la répartition entre le bailleur et locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts taxes redevances nouveaux.

.....

Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d'information des preneurs.

Selon l'article L. 145-15 du même code, dans la même version,

Sont réputées non écrits, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit du renouvellement institué par le présent chapitre aux dispositions des articles L. 145-4, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa de l'article L. 145-42 des articles L. 145-47 à L. 145-54.

Selon l'article R. 145-35 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de l'article 6 du décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014,

Ne peuvent être imputés au locataire :

1° les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du Code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;

2° les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel ils se trouvent, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent.

Les dispositions de ce texte codifié sont, selon les dispositions transitoires du décret susdit, en son article 8 alinéa 2, applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter de sa publication, soit le 5 novembre 2014.

Un contrat est renouvelé à la date d'effet du bail renouvelé (Cass. 3e civ., 17 juin 2021, n°20-12.844, publié).

Selon l'article L. 145-34 alinéa 4 du code de commerce,

En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles du plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

La société Cocktail Style observe que le nouveau bail avait prévu une augmentation substantielle du loyer, ainsi que la mise à sa charge de l'impôt foncier et de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.

La preneuse observe que les stipulations du bail conclu le 19 octobre 2016 font porter exclusivement sur elle l'intégralité des travaux, modifications, et aménagement, de quelle nature qu'ils soient pouvant être exigés en matière de conformité, de sécurité, et ce sans recours contre le bailleur, et ce en contrariété avec l'article R. 145-35 du code de commerce.

Elle entend en voir déduire que l'alourdissement des charges de son chef ne traduit pas une convention équilibrée, et ce d'autant plus au regard des autres frais qui lui ont été imputés, afférents à la rédaction du protocole d'accord, de l'acte de résiliation du bail et du bail commercial, et le procès-verbal d'état des lieux d'entrée.

Mais d'une part, la circonstance qu'une clause du contrat de bail mette à la charge du preneur des charges prohibées par les textes d'ordre public afférents aux baux commerciaux ne peut que conduire au prononcé de ce que la clause y afférente est non écrite, et non pas à l'annulation de l'entier contrat de bail au sein duquel cette clause a été insérée.

Or, la société Cocktail Style ne réclame pas que cette clause soit déclarée non écrite.

Et d'autre part, si le bail renouvelé traduit effectivement une augmentation sensible des charges imputées à la preneuse, celle-ci défaille à démontrer l'existence d'un quelconque vice du consentement à cet égard.

Il sera en particulier observé que la preneuse ne démontre en l'espèce aucune exploitation abusive de sa situation de dépendance économique, qui ne peut pas résulter de la seule circonstance qu'elle se livre à une activité dans le cadre de laquelle l'accueil de la clientèle est essentiel.

L'appelante défaille ainsi à démontrer tout vice du consentement grevant le contrat de bail.

Selon l'appelante, la signature du nouveau bail, sur la base d'un loyer déplafonné, a pour objet et pour effet de faire échapper les parties à la règle du déplafonnement limité, ainsi que l'instaurent les dispositions de l'article L. 145-34 alinéa 4 du code de commerce.

Les intimés lui répliquent qu'eu égard à la prolongation tacite du bail ayant duré plus trois ans après son terme, le principe du déplafonnement et la fixation du loyer à la valeur locative étaient acquis.

Ils ajoutent encore que la règle posée par ce texte interdit uniquement l'augmentation du loyer de plus de 10 % par an, mais en aucun cas, n'empêche la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative.

Sans qu'il y ait lieu d'apprécier, au regard de ce dernier texte, l'exactitude du moyen soulevé par la preneuse, il en sera simplement constaté le caractère inopérant, en ce qu'il n'est pas de nature à conduire à l'annulation du contrat de bail litigieux.

Surabondamment, il sera relevé, avec les preneurs, qu'en l'absence d'indexation du loyer depuis 2002, le prix tel que fixé au nouveau contrat de bail correspond en pratique à une évaluation actualisée et à l'indexation sur l'indice, ainsi qu'il en résulte notamment de l'attestation de l'agent immobilier intervenu en ce sens.

Il y aura donc de rejeter la demande de la preneuse tendant à prononcer l'annulation du bail commercial du 19 octobre 2016, et le jugement sera complété de ce chef.

La société Cocktail Style sera déboutée de toutes ses prétentions, et le jugement sera confirmé de ce chef, la cour y ajoutant au besoin.

Sur les demandes reconventionnelles des consorts [Z]:

Pour le surplus, l'appelante n'apporte aucune critique aux jugements, qui, en exécution du contrat de bail, ont mis à la charge de la preneuse diverses sommes au titre de la taxe foncière pour les années 2019 à 2020, au titre de rappel d'indexations pour les années 2017 à 2020, et au titre du dépôt de garantie non versé.

Il y aura donc lieu de confirmer le jugement initial, dont rectification, en ce qu'il a condamné la société Cocktail Style à payer aux consorts [Z] les sommes de :

- 10 709,96 euros au titre des taxes foncières et rappel d'indexation pour les années 2017 à 2019 inclus ;

- 3645,76 euros au titre du dépôt de garantie non versé.

* * * * *

Le jugement sera confirmé pour avoir débouté la preneuse de sa demande au titre des frais irrépétibles, et pour l'avoir condamnée aux dépens de première instance et à payer au titre des frais irrépétibles de première instance la somme de 1500 euros aux bailleurs.

La preneuse sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel.

Succombante, la preneuse sera condamnée aux dépens d'appel et à payer aux bailleurs la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Rejette les demandes de la société par actions simplifiées Cocktail Style tendant à prononcer l'annulation du protocole d'accord et du contrat de bail commercial en date du 19 octobre 2016 ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Déboute la société par actions simplifiées Cocktail Style de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société par actions simplifiées Cocktail Style aux entiers dépens d'appel et à payer à Madame [C] [R] veuve [Z], Madame [M] [Z] et Monsieur [L] [Z] la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.