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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 21 mai 2024, n° 22/04665

AMIENS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Société Immobilière Lacroix (SAS)

Défendeur :

Isa Aura (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fallénot

Conseillers :

M. Adrian, Mme Segond

Avocats :

Me Chatelain, Me Derbise, Me Ali, Me Berne, Me Tavernari, Me Berthelot

CA Amiens n° 22/04665

20 mai 2024

DECISION :

Par acte sous seing privé du 25 février 2002, la société Immobilière Lacroix a consenti à la société Isa aura un bail à usage commercial portant sur des locaux situés à [Adresse 5], pour une durée de neuf années à compter du 1er mars 2002. Le montant annuel du loyer était fixé à 23 204,88 euros HT.

Le bail a été renouvelé par un avenant du 9 octobre 2014, rétroagissant au 1er mars 2011, pour neuf années supplémentaires.

Par acte du 25 août 2017, la bailleresse a fait délivrer à sa locataire un commandement de payer son arriéré de loyers pour un montant de 25 700,28 euros arrêté à la date du 21 août 2017, outre les intérêts et pénalités contractuelles. Elle a ensuite accepté le règlement de la dette par mensualités de 654 euros pendant 60 mois.

Le 27 août 2019, la locataire a délivré congé par voie d'huissier avec effet au 28 février 2020.

Par lettre du 29 octobre 2020, elle a mis en demeure la bailleresse de lui restituer son dépôt de garantie, ainsi que de la somme de 2 804,83 euros, correspondant au loyer de février 2020, réglé deux fois par erreur.

Les parties ne sont pas parvenues à s'entendre.

Par acte du 16 avril 2021, la société Isa aura a en conséquence assigné la société Immobilière Lacroix.

Par jugement rendu le 19 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Saint Quentin a :

- condamné la société Immobilière Lacroix à payer à la société Isa aura la somme de 6 453,86 euros en restitution du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter de sa décision,

- condamné la société Immobilière Lacroix à payer à la société Isa aura la somme de 2 804,83 euros en répétition de l'indu, avec intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2020, date de présentation de la lettre recommandée de mise en demeure,

- condamné reconventionnellement la société Isa aura à payer à la société Immobilière Lacroix la somme de totale de 1 254 euros TTC au titre des frais de remise en état,

- ordonné la compensation,

- condamné la société Immobilière Lacroix aux dépens ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 13 octobre 2022, la société Immobilière Lacroix a relevé appel de l'ensemble des chefs de cette décision.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par le RPVA le 25 mai 2023, la société Immobilière Lacroix demande à la cour de :

- Infirmer le jugement ;

Statuant à nouveau,

- Débouter la société Isa aura de toutes ses demandes ;

- Condamner la société Isa aura à lui verser les sommes suivantes :

' 3 223,45 euros au titre des soldes de loyers et frais de procédure ;

' 1 908,00 euros au titre des frais de peinture ;

' 1 584,00 euros au titre des travaux d'entretien de la couverture ;

' 20 531,38 euros au titre des indemnités journalières d'occupation ;

- Constater la compensation légale entre la dette de la société Isa aura, telle que liquidée par l'arrêt à intervenir, et les sommes dont la société Immobilière Lacroix pourrait être reconnue débitrice au titre du dépôt de garantie ou d'un trop-perçu de loyer ;

- A défaut, ordonner ladite compensation ;

- Condamner la société Isa aura à verser à la société Immobilière Lacroix la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Isa aura aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés directement par Maître [D] [L] pour ceux de première instance, et par la SCP Lebegue Derbise pour ceux d'appel.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 11 septembre 2023, la société Isa Aura demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint Quentin le 19 septembre 2022 en ce qu'il a :

- Condamné la société Immobilière Lacroix à payer à la société Isa aura la somme de 6 453,86 euros en restitution du dépôt de garantie,

- Condamné la société Immobilière Lacroix à payer à la société Isa aura la somme de 2 804,83 euros en répétition de l'indu, avec intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2020, date de présentation de la lettre recommandée de mise en demeure,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Dit que la somme de 6 453,86 euros en restitution du dépôt de garantie porte intérêts au taux légal à compter de la décision,

- Condamné reconventionnellement la société Isa aura à payer à la société Immobilière Lacroix la somme totale de 1 254 euros TTC au titre des frais de remise en état,

- Ordonné la compensation,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Et statuant à nouveau :

- Dire que la somme de 6 453,86 euros en restitution du dépôt de garantie portera intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2020, date de réception de la mise en demeure datée du 29 octobre 2020,

- Condamner la société Immobilière Lacroix à payer à la société Isa aura la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Débouter la société Immobilière Lacroix de toutes demandes plus amples ou contraires,

Y ajoutant,

- Condamner la société Immobilière Lacroix à payer à la société Isa aura la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Immobilière Lacroix aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2023.

SUR CE

1. Sur la demande au titre des frais de remise en état des locaux donnés à bail

La bailleresse rappelle le caractère commercial du bail litigieux, conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi Pinel. Elle souligne que la totalité des travaux d'entretien et les réparations sont à la charge du preneur.

Même si les locaux n'étaient pas en parfait état lors de l'entrée dans les lieux de la société Isa aura, celle-ci s'était engagée, d'une part à prendre les locaux en l'état, d'autre part à effectuer toutes les réparations et les travaux d'entretien, le nettoyage, les réfections et les remplacements qui s'avéreraient nécessaires.

La bailleresse indique que les manquements de la locataire à ses obligations sont établis par le procès-verbal de constat dressé par Me [T] [F], huissier de justice à [Localité 1], le 4 mars 2020.

Après le départ de la société Isa aura, la bailleresse a fait réaliser des travaux de remise en état des peintures, de la toiture et de nettoyage des chéneaux correspondant aux principales réparations non réalisées par la locataire pour 3 492 euros.

Les devis ont bien été communiqués à la société Isa aura par le biais de son conseil, par lettre recommandée du 7 janvier 2021, et par la transmission du procès-verbal d'état des lieux de sortie. Or la société Isa aura n'a ni proposé d'exécuter elle-même les travaux au jour de l'état des lieux de sortie, ni même contesté ultérieurement le montant des devis communiqués. En toute hypothèse, l'insuffisance de communication préalable au preneur des devis de remise en état ne prive pas la bailleresse de sa créance de réparation. Tout au plus autoriserait-elle le preneur à en discuter le prix si celui-ci s'avérait excessif, ce qui n'est ni allégué ni démontré.

La société Isa Aura répond qu'il résulte de l'état des lieux d'entrée du 25 février 2002 que toutes les peintures étaient déjà largement dégradées et défraîchies. Si le bail commercial met effectivement à sa charge aussi bien les réparations locatives que les grosses réparations, il n'appartient pas au preneur de remettre à neuf les locaux loués, que la bailleresse aurait dû délivrer en bon état. Il est de jurisprudence constante que les réparations occasionnées par la vétusté ne peuvent être mises à la charge du preneur que si une clause expresse du bail le prévoit, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Le bail litigieux procède, en son article 6, à un simple renvoi aux articles du code civil, de sorte qu'il n'est pas permis de considérer qu'il met les travaux de vétusté à la charge du preneur de manière expresse. En tout état de cause, le terme « réparation » ne se confond pas avec une rénovation intégrale des lieux, que le bail ne met en aucun cas à la charge du preneur.

De plus, si le bail met à la charge du preneur toutes les réparations, grosses et menues, il ne peut s'agir que des réparations rendues nécessaires au cours du bail et non de celles qui préexistaient à la location. Le fait de repeindre des menuiseries extérieures déjà vétustes lors de la prise à bail ne s'analyse pas en une réparation nécessaire mais en une rénovation, une amélioration, qui n'incombe donc pas au preneur.

Les chéneaux n'ont pas fait l'objet de constatations contradictoires lors de l'état des lieux de sortie. L'absence d'entretien des chéneaux par le preneur ne saurait se déduire de l'humidité d'une poutre. L'état des lieux d'entrée démontre sans équivoque que des traces d'humidité étaient préexistantes à l'arrivée de la locataire.

En outre, la société Immobilière Lacroix ne lui a jamais communiqué le moindre devis, alors que lorsque des travaux ou réparations sont nécessaires, ce qui au demeurant n'est pas établi, l'article 14 du bail commercial précité impose au bailleur de notifier des devis au preneur, lequel dispose d'un délai 8 jours à compter de la réception pour donner son accord ou manifester son intention d'exécuter lui-même les travaux. Après plusieurs demandes infructueuses, elle a réussi à obtenir la copie de l'état des lieux de sortie plus de 10 mois après la restitution des lieux, suite à une mise en demeure adressée par son conseil au bailleur. N'ayant pas eu communication de l'état des lieux par la bailleresse dès qu'il a été établi, elle ne pouvait évidemment pas avoir connaissance du devis prétendument annexé.

Sur ce,

Le statut des baux commerciaux ne comporte aucune disposition sur la répartition des obligations de réparation et d'entretien des immeubles loués. Le droit commun a donc vocation à s'appliquer, notamment les dispositions des articles 1719, 1720, 1754 et 1755 du code civil. Il est cependant loisible aux parties de modifier la répartition prévue par ces articles.

Aux termes de l'article 1755 du code civil, aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure.

Aux termes de l'article 606 du code civil, les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien.

Même si une clause générale met toutes les réparations à la charge du preneur, y compris celles de l'article 606 du code civil, un bailleur n'est jamais dispensé des réparations dues à la vétusté, sauf clause expresse contraire.

Le contrat litigieux n'est pas soumis aux dispositions de l'article R 645-35 du code de commerce, applicables aux baux conclus ou renouvelés à compter de la publication du décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014.

La bailleresse peut ainsi parfaitement s'exonérer de l'ensemble des obligations de réparer et d'entretenir, cette situation devant seulement se concilier avec son obligation de délivrer une chose de nature à permettre l'exercice paisible de l'activité du preneur.

En l'espèce, le bail stipule :

- en son article 6, que « le preneur prendra les lieux, objets du présent bail, dans l'état où ils se trouvent au moment de l'entrée en jouissance, sans pouvoir exiger du bailleur, pendant toute la durée, aucune mise en état ni aucune réparation de quelque nature ou de quelque importance que ce soit. Le preneur entretiendra les lieux en bon état et fera à ses frais toutes les réparations de toute nature, grosses et menues, qui pourraient devenir nécessaires, y compris celles qui incombent d'ordinaire et légalement au propriétaire en dérogation des articles 1754 et 1755 du code civil » ;

- en son article 7 du bail, que « le preneur sera tenu d'effectuer dans les lieux loués, pendant toute la durée du bail et à ses frais, toutes les réparations et les travaux d'entretien, le nettoyage et en général toutes réfections et tous remplacements dès qu'ils s'avéreront nécessaires et pour quelque cause que ce soit » ;

- en son article 8, que « le preneur devra entretenir à ses frais tous équipements spécifiques tels que climatisation, ventilation, installation électriques et téléphoniques conformément aux normes en vigueur et les rendre en parfait état d'utilisation. A cette fin, il souscrira tous contrats d'entretien. Le preneur devra maintenir les fermetures, volets, rideaux de fermeture en parfait état de propreté, d'entretien et de fonctionnement. Il devra de la même façon procéder à la réfection de toutes les peintures au moins tous les cinq ans. Enfin, il devra maintenir les revêtements de sols en parfait état et notamment remédier à l'apparition de tâches, brûlures, déchirures, trous ou décollements » ;

- en son article 14, qu'à « la restitution des locaux, si des réparations ou travaux s'avéraient nécessaires, le preneur devra dans les huit jours calendaires de la notification des devis établis par un bureau d'études techniques ou des entreprises agréés par la bailleresse, donner son accord sur lesdits devis. Si le preneur ne manifeste pas son intention dans le délai ci-dessus, les devis seront réputées agréés et la bailleresse pourra les faire exécuter par des entreprises de son choix en réclamant le montant au preneur ».

Il en résulte que le bail contient une clause expresse dérogeant aux dispositions de l'article 1755 du code civil et que la locataire était tenue de tous les travaux, même dus à la vétusté, qui ont pu devenir nécessaires pour maintenir les lieux « en bon état », et d'entretenir les peintures au moins tous les cinq ans.

Or le procès-verbal de constat du 4 mars 2020 met en évidence qu'à sa sortie des lieux, les peintures étaient, selon les endroits, mal appliquées, défraîchies, écaillées, tachées, fissurées, cloquées et sales, et ce notamment au niveau des fenêtres.

La société Isa aura ne saurait se réfugier derrière l'état desdites peintures à son entrée dans les lieux, compte tenu des stipulations contractuelles précédemment rappelées, lesquelles lui font obligation de procéder à la réfection de toutes les peintures au moins tous les cinq ans. Elle ne verse aucune pièce pour démontrer s'être acquittée de son obligation contractuelle.

Par ailleurs, ledit constat fait également état, dans la partie à usage de grenier, de coulures sur le mur en briques derrière le vase d'expansion, le mur étant humide au toucher et la poutre située à proximité humide à la base.

La société Isa aura ne saurait se dédouaner de son obligation de réparation, au seul motif que les devis ne lui ont pas été préalablement transmis, en l'absence de sanction contractuellement prévue. Outre que le devis de la société IRD lui a en réalité été transmis le 8 janvier 2021, elle ne démontre aucunement qu'elle aurait voulu procéder, ou pu faire procéder, à la réfection des peintures des fenêtres à moindre coût. Elle ne démontre donc ni l'existence d'une faute concernant le nettoyage des chéneaux, ni subir un préjudice du fait de la carence du bailleur concernant la réfection des peintures des fenêtres.

Il en résulte que les demandes du bailleur sont justifiées :

- au titre de la réfection des peintures de neuf fenêtres, pour la somme de 1 908 euros TTC selon facture établie le 10 décembre 2020 par la société SF décors ;

- au titre du nettoyage des chéneaux, pour la somme de 1 452 euros TTC selon devis établi le 15 mars 2020 par la société IRD, les rectifications effectuées par une main inconnue majorant le taux de TVA de 10 à 20% ne pouvant être prises en considération.

La société Isa aura est donc redevable, au titre des réparations locatives, de la somme de 3 360 euros TTC.

2. Sur l'indemnité d'immobilisation

La bailleresse reproche à sa locataire de ne pas avoir retiré son enseigne à son départ. Elle plaide que le maintien d'une enseigne commerciale sur la façade de l'immeuble est la marque évidente et incontournable d'un défaut de libération complète des lieux. C'est de surcroît un obstacle à la relocation. Il s'agit en toute hypothèse de travaux de remise en état qui justifient une indemnité d'immobilisation telle qu'elle a été convenue au bail. Quelle que soit la date exacte où l'enlèvement de l'enseigne est intervenu, la société Isa aura, en ne prévenant pas la bailleresse, lui a causé un préjudice, en retardant la remise en location du bien.

La locataire répond qu'il résulte de la facture de l'entreprise SF Décors en date du 8 mars 2020 et de l'attestation de son gérant que l'enseigne « Jeff De Bruges » a été ôtée dès le mois de mars 2020, soit immédiatement après que le preneur a quitté les lieux, étant rappelé que l'état des lieux de sortie a été dressé le 4 mars 2020. En tout état de cause, l'absence d'enlèvement de l'enseigne ne saurait constituer un défaut de libération des lieux.

Sur ce,

Le bail prévoit, en page 6, une clause ainsi libellée : « Le preneur, pendant la durée de cette remise en état et à compter de la date d'expiration du bail, versera au bailleur une indemnité journalière fixée d'ores et déjà à 2 % TTC du montant du dernier loyer trimestriel révisé, accessoires compris ».

Le procès-verbal de constat du 4 mars 2020 met en évidence que la société Isa aura n'avait pas retiré son enseigne à sa sortie des lieux, rendant impossible la remise en location.

Cependant, la locataire verse aux débats une facture de la société SF décors datée du 8 mars 2020 indiquant la dépose de cette enseigne, l'argumentaire déployé par la société Immobilière Lacroix pour en contester la véracité étant d'autant moins convaincant que cette facture est corroborée par l'attestation du gérant de l'entrepreneur en date du 16 novembre 2021.

Il en résulte que l'indemnité d'immobilisation stipulée au bail ne peut être réclamée au locataire que du 5 au 8 mars 2020, ce qui représente la somme de 476,22 euros (3 x 158,74 euros).

3. Sur la demande en restitution du dépôt de garantie et du loyer indu

La bailleresse indique que le montant du dépôt de garantie et celui du loyer de février 2020 payé deux fois ont été intégrés dans le décompte des sommes restant dues par la locataire, cette dernière lui étant redevable d'une dette de loyer et d'un solde de frais et de clause pénale.

La locataire répond que la bailleresse est mal fondée à retenir le dépôt de garantie et le loyer payé deux fois par erreur, alors qu'elle n'est redevable d'aucune somme. La bailleresse ne produit aucun élément précis et objectif pour justifier des sommes réclamées au titre des loyers impayés et des frais de procédure. L'intégralité de la dette a été soldée suite à la mise en place d'un échéancier amiable. Hormis un décompte incompréhensible, qui n'est pas daté et ne mentionne pas qu'il concernerait la société Isa Aura, aucune facture d'huissier de justice n'est versée aux débats. Le dépôt de garantie et le loyer indu doivent donc lui être restitués et porter intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2020, date de réception de la mise en demeure.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Le bail stipule :

- en son article 19, que le dépôt de garantie « sera remboursable après le départ du preneur, sous réserve d'exécution par lui de toutes les clauses et conditions du bail » ;

- en son article 23, que « le preneur ou ses ayants droit devra rembourser au bailleur les frais des actes judiciaires et autres frais de justice motivés par ses infractions aux clauses et conditions des présentes » ;

- en son article 18, une majoration de 10% en cas de retard de loyer.

La mise en demeure du débiteur résulte du commandement qui lui a été délivré le 25 août 2017.

Il est constant qu'afin de garantir l'exécution de ses obligations, la société Isa aura a versé un dépôt de garantie de 6 453,86 euros, et qu'elle s'est acquittée deux fois de son loyer du mois de février 2020 pour un montant de 2 804,83 euros.

Il a été précédemment jugé que la locataire était redevable, au titre des frais de remise en état des locaux donnés à bail, de la somme de 3 360 euros, et au titre de l'indemnité d'immobilisation, de 476,22 euros.

La société Immobilière Lacroix lui réclame en outre un reliquat d'impayés de loyers de 8 710,17 euros ainsi que des frais de procédure de 3 223,45 euros, et produit, afin d'en justifier :

- un courrier du 10 mars 2020 adressant à la locataire une facture n°200174 de 3 223,45 euros, TVA incluse, précisant que cette somme venait en sus d'un décompte adressé le 21 février s'élevant à 8 710,17 euros ;

- un état de compte au 31 octobre 2017 faisant état d'un solde débiteur du locataire de 25 207,22 euros ;

- le commandement de payer visant la clause résolutoire qu'elle a fait délivrer à la locataire le 25 août 2017, et sa dénonciation à la caution du 6 septembre 2017 ;

- son grand-livre auxiliaire du 15 février 2002 au 27 avril 2021.

Ces pièces établissent, en l'absence de toute preuve de paiement de la part de la société Isa aura, le bien-fondé de la réclamation du bailleur à hauteur de :

- 172,64 euros au titre des frais de poursuite (frais de commandement de payer et de dénonciation à la caution) ;

- 2 328,50 euros au titre de la clause pénale sur les loyers impayés au 21 août 2017 ;

- 418,62 euros au titre du solde de loyers et charges dus au 25 mars 2020, ce solde prenant en compte le double versement du loyer du mois de février 2020.

En conséquence, la société Isa aura reste redevable, envers la société Immobilière Lacroix, de la somme de 302,12 euros, en application de l'article 1347 du code civil, selon le calcul suivant :

6 453,86 euros ' (3 360 euros + 476,22 euros + 172,64 euros +2 328,50 euros + 418,62 euros).

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt en application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil.

La décision entreprise sera réformée en ce sens.

4. Sur la demande de dommages et intérêts

La société Isa Aura demande des dommages et intérêts en arguant que la société Immobilière Lacroix n'a pas hésité à apposer des panneaux sur la vitrine du local commercial, à la vue de tous, sur lesquels était inscrit « fermeture définitive », laissant ainsi penser qu'elle rencontrait des difficultés financières et devait cesser son activité. Elle demande réparation de son préjudice moral sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Sur ce,

Aux termes des articles 1240 et 1241du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

En l'espèce, la société Isa aura échoue à démontrer en quoi l'apposition dans la vitrine, par la bailleresse, de pancartes « fermeture définitive » constituerait une faute qui aurait porté atteinte à sa réputation, se contentant de supputations pures et simples, sans aucune offre de preuve.

Le jugement querellé ne peut qu'être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

5. Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel et de première instance, l'appelante ne pouvant qu'être déboutée de sa demande de distraction. La décision entreprise sera réformée en ce sens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, les demandes des parties au titre de leurs frais irrépétibles sont rejetées, la décision querellée étant confirmée du chef des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 19 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Saint Quentin en ce qu'il a :

- débouté la société Isa Aura de sa demande de dommages et intérêts ;

- rejeté les demandes des parties au titre de leurs frais irrépétibles de première instance ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Condamne la société Isa aura à payer à la société Immobilière Lacroix la somme de 302,12 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;

Déboute la société Isa aura de sa demande de distraction ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.