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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 21 mai 2024, n° 19/05180

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

BNP Paribas (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseillers :

Mme Martin de la Moutte, Mme Norguet

Avocats :

Me Dalmayrac, Me Cantaloup, Me Panepinto

TGI Toulouse, du 5 nov. 2019, n° 16/0351…

5 novembre 2019

Exposé des faits et procédure :

Par acte sous seing privé en date du 28 février 2007 portant conditions suspensives, [U] [E] a donné à bail à la Sa Bnp Paribas un local à usage commercial comprenant les lots de copropriété N° 30, 31, 37 et 39 d'une surface de 270 mètres et situé [Adresse 1] à [Localité 9] (31), pour une durée de 9 ans moyennant un loyer annuel hors charges et hors taxes de 60.000 euros.

Par avenant en date du 29 juin et du 1er août 2007, les parties ont constaté la réalisation des conditions suspensives et ont convenu d'une prise d'effet du bail au 15 juin 2007 devant s'achever le 14 juin 2016.

Par exploit d'huissier en date du 10 décembre 2015, [U] [E] a donné congé à la société Bnp Paribas pour le 15 juin 2016, ledit congé comportant offre de renouvellement à compter de cette même date moyennant un loyer de 120.000 euros charges et taxes en sus.

Aucun accord n'ayant pu être trouvé entre les parties, la société Bnp Paribas a notifié son mémoire préalable au bailleur le 9 août 2016.

Par exploit d'huissier en date du 11 octobre 2016, la société Bnp Paribas a saisi le juge des loyers commerciaux aux fins de :

à titre principal, dire et juger que le loyer de renouvellement à effet du 15 juin 2016 doit être fixé à la valeur locative de 29.325 euros hors taxes et hors charges,

à titre subsidiaire, désigner un expert avec notamment pour mission de donner son avis sur la valeur locative de renouvellement au 15 juin 2016.

Aux termes de son mémoire notifié le 23 décembre 2016, Monsieur [E] a demandé au juge des loyers commerciaux de :

constater l'accord des parties pour la fixation du loyer du bail renouvelé à effet du 15 juin 2016 à la valeur locative,

dire et juger que la Sa Bnp Paribas ne justifiait pas du montant du loyer proposé du bail renouvelé,

constater qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire, homologué par le juge des loyers commerciaux en date du 15 avril 2013, que le prix du loyer du m2 pondéré a pu être fixé à 440 euros hors taxes et hors charges par an pour un local limitrophe.

désigner aux frais avancés de la Sa Bnp Paribas un expert afin d'éclairer la juridiction sur la valeur locative

Par jugement avant dire droit en date du 7 mars 2017, le juge des loyers commerciaux a :

constaté l'accord des parties pour fixer le montant du loyer renouvelé à la valeur locative des locaux loués à compter du renouvellement intervenu le 15 juin 2016,

fixé pour la durée de l'instance le montant du loyer provisionnel au montant du dernier loyer indexé,

ordonné avant dire droit une expertise sur le prix du bail renouvelé et commis Monsieur [H] [J] pour y procéder,

réservé les dépens en fin d'instance,

ordonné l'exécution provisoire de la décision.

L'expert a déposé son rapport le 30 mars 2018.

Par mémoire en réplique notifié le 31 mai 2019, Monsieur [E] a demandé au juge des loyers commerciaux de dire que le bail commercial entre les parties s'est renouvelé à compter de la date d'effet du congé avec offre de renouvellement en date du 10 décembre 2015 à effet du 15 juin 2016, que le prix du bail soit fixé au 15 juin 2016 à la somme de 54 762, 48 euros et que la Sa Bnp Paribas soit condamnée au paiement de la somme de .

6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (cpc) et aux dépens de l'instance.

Par son dernier mémoire notifié le 21 août 2019, la Sa Bnp Paribas a demandé au juge des loyers commerciaux de fixer le loyer de renouvellement à effet du 15 juin 2016 à la valeur locative soit un montant de 34 000 euros en principal hors taxes et hors charges, de dire et juger que les sommes trop perçues porteront intérêts à compter de chaque échéance et que soit ordonné la capitalisation desdits intérêts ainsi que condamner Monsieur [E] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du cpc et aux dépens de l'instance.

Par jugement du 5 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

rappelé que le bail unissant les parties a une durée de 9 ans à compter du 15 juin 2016,

fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 45.196.60 euros par an hors taxes et hors charges

dit que Monsieur [U] [E] doit les intérêts de retard au taux légal sur les sommes trop perçues à compter de chaque échéance avec capitalisation annuelle de ces intérêts dès lors qu'ils sont dus pour une année entière

laissé les dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire à la charge de la Sa Bnp Paribas

ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration en date du 2 décembre 2019, [U] [E] a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est la réformation des chefs du jugement qui ont :

fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de : 45.196,60 euros ht hors charges annuels

dit que Monsieur [U] [E] devait les intérêts de retard au taux légal sur les sommes trop perçues à compter de chaque échéance avec capitalisation annuelle de ces intérêts dès lors qu'ils sont dus pour une année entière,

débouté Monsieur [U] [E] de sa demande présentée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de jonction en date du 27 décembre 2019, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures n°RG 19/05180 et n°RG 19/05181. Ces instances sont désormais appelées sous le seul numéro : 19/05180.

Par des conclusions aux fins d'irrecevabilité en date du 4 décembre 2021, la société Bnp Paribas a demandé au conseiller de la mise en état, au visa des articles 910 alinéa 1er et 906 du code de procédure civile, de :

déclarer irrecevables les conclusions de Monsieur [E] signifiées le 3 décembre 2021 et la pièce n°24 communiquée au soutien desdites conclusions,

en conséquence, écarter lesdites conclusions et pièce,

condamner Monsieur [E] à la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

le condamner aux dépens.

Par soit transmis à Maître Cantaloup, avocate de la société Bnp Paribas, le magistrat chargé de la mise en état a informé l'intimée qu'il n'y a pas lieu à incident puisque les dernières conclusions de l'appelant ont été déposées au greffe le 2 mars 2020 et que la clôture au 6 décembre 2021 était maintenue.

Par courrier transmis au greffe le 6 décembre 2021, Maître Cantaloup, avocate de la société Bnp Paribas, a informé la Cour qu'il était indispensable que l'incident soit tranché préalablement à l'examen de cette affaire au fond.

Par courrier transmis au greffe le 16 octobre 2023, Maître Cantaloup, avocate de la société Bnp Paribas a informé la Cour que le timbre fiscal avait bien été adressé à la Cour avec sa constitution le 6 décembre 2019. Dans ce courrier, elle informe également la Cour qu'il y a eu une décision de jonction le 27 décembre 2019 entre le dossier RG 19/05181 et le dossier RG 19/05180.

La clôture est intervenue le 6 décembre 2021.

L'affaire a été défixée et refixée à plusieurs reprises puis finalement fixée à l'audience du 7 novembre 2023.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 3 décembre 2021 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Monsieur [U] [E] demandant, au visa des articles L145-33, L145-36 et R145-7 et suivants du code de commerce, de :

réformer le jugement rendu par le juge des loyers commerciaux près le tribunal de grande instance de Toulouse en date du 5 novembre 2019 en ce qu'il avait fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de : 45.196,60 euros ht hors charges annuels, dit que Monsieur [E] devait les intérêts de retard au taux légal sur les sommes trop perçues et débouté Monsieur [U] [E] de sa demande présentée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

et, statuant à nouveau,

fixer le loyer du bail renouvelé à effet du 1er janvier 2016 à hauteur de : 60.535,18 euros ht hors charges annuels,

condamner la société Bnp Paribas à régler à Monsieur [E] une somme de : 5.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés par ce dernier en première instance, ainsi qu'une somme de même montant et du même chef au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

condamner la société Bnp Paribas à supporter les entiers dépens de la présente procédure d'appel,

la condamner à prendre à charge les sommes découlant de l'application de l'article A444-32 du code de commerce, dans l'hypothèse d'un recours à l'exécution forcée de la décision à intervenir.

Vu les conclusions d'intimé comportant appel incident notifiées le 20 mai 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sa Bnp Paribas demandant de :

recevoir la Bnp Paribas en son appel incident, et l'y déclarer bien fondée,

infirmer le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

dire et juger que par application des articles L.145-36 et R.145-11 du code de commerce, ainsi que de l'article L.145-33 du même code, le loyer de renouvellement dont s'agit, à effet du 15 juin 2016, doit être fixé à la valeur locative,

fixer en conséquence le loyer de renouvellement au 15 juin 2016 à un montant de 28.300,00 euros (vingt-huit mille trois cents euros), en principal, hors taxes et hors charges.

dire et juger que les sommes trop perçues porteront intérêts à compter de chaque échéance, conformément aux dispositions de l'article 1155 du code civil, et ordonner la capitalisation desdits intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil.

débouter Monsieur [E], de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

le condamner aux dépens de première instance, incluant les frais d'expertise.

subsidiairement, partager les frais d'expertise par moitié.

en toute hypothèse, condamner Monsieur [E] à payer à la Bnp Paribas une somme de 3.000 euros au titre de la procédure de première instance, et de 5.000 euros au titre de la procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de l'avocat soussigné sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Motifs de la décision :

après défixation à de multiples reprises, l'affaire a été fixée en définitive au 7 novembre 2023, la question de l'irrecevabilité des conclusions de l'appelant déposées le 3 décembre 2021 ayant été abandonnée par l'intimée et l'affaire étant prête à être plaidée en l'état des dernières conclusions déposées au 3 décembre 2021 au plus tard avant clôture du 6 décembre suivant.

En application de l'article 954 du cpc, la cour ne statue que sur les demandes formulées au dispositif des dernières conclusions des parties.

Les débats ne portent en appel que sur le montant du loyer du bail renouvelé au 15 juin 2016 et sur la charge des frais d'expertise judiciaire.

Les parties s'entendent pour dire que le loyer doit être fixé à la valeur locative ; en revanche, elles ne tirent pas les mêmes conséquences de l'évolution des facteurs locaux de commercialité notamment sur les caractéristiques des locaux et la pondération des surfaces retenue par l'expert judiciaire, sur les références de loyers proches et sur les coefficients de majoration et de minoration.

La cour adopte les motifs précis et pertinents du premier juge concernant la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative que les parties ne contestent pas.

- sur la pondération des surfaces :

le bailleur critique le jugement et le rapport d'expertise judiciaire pour avoir retenu comme surface utile brute 143,80m2 avant travaux d'aménagement réalisés par le preneur, et en mettant en exergue, particulièrement s'agissant de la superficie de la mezzanine, les différences de surface retenues en pages 10 et 19 du rapport d'expertise. Il produit en pièce 24 les plans des locaux avant la prise de possession par la SA BNP Paribas et retient une surface de mezzanine de 80,30 m2 qu'il entend pondérer au coefficient 0,4 et non 0,35 comme l'expert.

Il demande de retenir en définitive une surface pondérée totale de 151,90 m2.

Le preneur conteste le calcul de la surface pondérée par le bailleur dès lors que ce dernier n'a pas produit les plans annoncés et que la pièce 23 porte sur les locaux mitoyens. Enfin, sur la pondération à 0,35, il sollicite la confirmation des motifs de l'expert judiciaire et du tribunal en rappelant que les locaux en mezzanine ont une faible hauteur sous plafond (2,25m) et la luminosité est faible, coté place saint Cyprien, en raison des fenêtres en arcades.

A l'examen des pièces produites et notamment de la pièce 24 du bailleur qui a bien été produite avant la clôture des débats et que le preneur n'a pas entendu commenter avant l'audience, les plans avant la prise de possession des locaux par la BNP Paribas attestent en effet d'une superficie en mezzanine de 80,30m2 et d'un vide qui a été comblé ensuite par les travaux de la SA BNP Paribas de 22,54 m2, agencement correspondant aux photographies figurant en annexe du rapport d'expertise judiciaire à la date de prise de possession des locaux par la SA BNP Paribas.

De plus, les mentions de l'expert judiciaire dans son rapport sont en effet contradictoires en page 10 qui indiquent une surface utile en étage de 98,70 m2 et en page 19 qui, pour la mezzanine, ne retiennent que 68,65 m2 en surface utile « vente : divers » avant pondération et sans autre élément de précision pour indiquer l'origine de cette dernière surface retenue.

Ce débat n'a pas été tranché par le premier juge à défaut de disposer de la surface des locaux en étage à la date de la prise de possession des locaux par le preneur.

Le bailleur justifie par la pièce 24 qu'à la date de possession des locaux par le preneur la surface en étage était de 80,30m2.

Il convient de pondérer cette surface par un coefficient compris entre 0,3 et 0,4, comme cela ressort du rapport d'expertise. Les parties s'opposent pour appliquer un coefficient de 0;35 retenu par l'expert judiciaire et 0,4 sollicité par le bailleur.

Eu égard à la faible hauteur de locaux en étage et surtout au manque de luminosité avec des fenêtres en arcade, coté place Saint Cyprien, la cour confirme le coefficient de 0, 35 retenu par l'expert judiciaire et le tribunal.

La surface utile pondérée en étage était donc de 80,30x 0,35 =28,10m2

La surface utile pondérée du rez de chaussée n'est pas contestée et a été fixée par l'expert judiciaire à 119,78 m2.

La surface utile pondérée totale des locaux litigieux est donc de 147,88m2 (=28,10+119,78). arrondi à 148m2

Le jugement sera rectifié de ce chef.

- sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage :

Les parties s'opposent sur les références à retenir.

L'expert judiciaire a analysé 5 références et en a écarté deux comme étant peu significatives en termes de surfaces portant sur des surfaces de 34m2 et 50m2 et il est parvenu à un prix moyen de 291 euros HTHC /m2.

Le tribunal a retenu la valeur de l'expert judiciaire à défaut de disposer d'autres éléments de comparaison et dès lors que le preneur avait admis le prix au m2 déterminé par l'expert judiciaire avant l'application des coefficients correcteurs.

Le bailleur demande de retenir des locaux de même nature conformément à la jurisprudence sur le critère de « locaux équivalents » pour des locaux de bureaux et notamment le prix du bail commercial de la Banque Populaire Occitane qui jouxte les locaux litigieux ainsi que d'autres références sur la place (restaurant [7], la pharmacie et le [6]) quelle que soit la surface utile de ces références soit un loyer moyen sur les 6 références de 369 euros/m2.

La preneuse demande de retenir un prix moyen de 250 euros /m2 après avoir indiqué les références de [7], du Crédit Mutuel avec un abattement de 10% pour un bail tous commerces, de la Pharmacie et du [6].

La cour retiendra que selon l'article R145-11 du code de commerce, pour des locaux à usage exclusif de bureaux, le prix du bail est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

Il convient d'en déduire que la fixation du prix dépend des références pour des locaux de même nature en terme d'activité, de tailles et de conditions contractuelles proches outre les dates de souscription ou de renouvellement des baux commerciaux.

Parmi les références citées, il convient d'examiner les références bancaires Crédit Mutuel et BPO et de vérifier si elles sont pertinentes.

Pour la BPO, [U] [E] n'a pas transmis à l'expert judiciaire les informations concernant le bail dont son frère est pourtant le bailleur. En cause d'appel il produit en pièce 23 un renouvellement de bail commercial entre Foncia et la Banque Populaire de 3 pages daté du 29 avril 2009 et un renouvellement de bail commercial entre Foncia et la BPO du 21 août 2018 qui ne comprend que les pages impaires. Eu égard à la date du renouvellement du bail et à l'incomplétude de la pièce, cette référence sera écartée.

Pour le Crédit Mutuel, le tribunal avait analysé la référence qui a été transmise en appel par le preneur en pièce 4 s'agissant d'une expertise amiable de [X] [P] intitulée « recherche de la valeur locative commerciale » en 2016 pour la SA BNP Paribas qui mentionne en référence le Crédit Mutuel situé [Adresse 4] pour un bail renouvelé en 2014 avec une surface pondérée de 221m2 pour un prix moyen de 163 euros le m2 avec un abattement de 10% s'agissant d'un local avec destination tous commerces soit 147 euros le m2. Cette référence sera retenue.

Toutefois, cette seule référence de bureaux ne peut suffire à fixer le loyer commercial ; il faut donc en rechercher dans d'autres secteurs d'activités comme l'a fait l'expert judiciaire.

S'agissant des autres références analysées par ce dernier, c'est à bon droit qu'il a écarté les références n°3 et n°4 ([Adresse 8] « fourreur » 34m2 et [Adresse 8] « resto rapide » 50m2) trop petites en surfaces pour être des locaux équivalents.

Seront donc retenues les autres références analysées :

- La référence n°1 sise [Adresse 8] « [7] » correspondant à un bail d'octobre 2010, pour un restaurant brasserie café concert, de surface pondérée de 169,60m2 au prix de 190,14 euros HT/HC

- la référence n°2 sise [Adresse 8] « Pharmacie » correspondant à un bail renouvelé d'avril 2009, pour une surface pondérée de 112,45 m2 au prix de 293,48 euros HTHC

- la référence n° 5 sise [Adresse 8] « [6] » correspondant au bail en cours de 2014 pour une surface pondérée de 86,38m2 au prix de 380,31 euros HT/HC.

Le prix médian sur 4 prix de référence est à moitié entre le 2eme et le 3eme prix de référence par ordre croissant soit de 240 euros HC/HT/m2.

Le prix moyen est de 252,50 euros HC/HT = (147+190,14+293,48+380,31) / 4.

La moyenne du prix médian et de la moyenne arithmétique est donc de 246 euros HCHT/m2.

Comme le preneur a proposé, au regard des références proposées et analysées, un prix de 250 euros HTHC/m2 (cf page 12 des conclusions), il convient de retenir ce prix et le loyer est donc, avant coefficient de minoration ou de majoration, de 250 X 148= 37.000 euros par an HCHT/m2.

- sur les coefficients à retenir :

Le preneur demande de déduire intégralement la charge de la taxe foncière.

Cette minoration n'a pas fait l'objet de débats en première instance.

Par ailleurs, l'expert judiciaire en réponse aux dire de ce chef, a précisé que la détermination du prix ne résulte pas d'un calcul arithmétique et que la négociation est globale et il n'y a pas de réduction en considération de l'impôt foncier.

Aucun texte ne prévoit en effet que la taxe foncière est nécessairement déduite du loyer commercial. Si tel était le cas, l'interdiction de laisser la charge de la taxe foncière au preneur serait posée, ce qui ne l'est pas.

Il est d'usage que cette charge incombe en principe au bailleur qui peut, toutefois, la mettre à la charge du preneur ; il en est tenu compte dans la fixation du prix du loyer.

En l'espèce, l'expert judiciaire n'a pas précisé si les références indiquées correspondaient à des loyers de baux commerciaux avec charge de la taxe foncière au preneur ou pas.

L'impôt foncier représentait en 2015 la somme de 5721 euros (pièce 8) sur 35.950 euros de loyer annuel ce qui équivaut à 16% du loyer.

Or, il a été jugé d'une part qu'il n'y a pas lieu de procéder à un abattement si les baux pris à titre d'éléments de référence mettent en eux-mêmes à la charge du preneur la taxe foncière (cf. 3eme chambre civile 20 décembre 2018, pourvoi n° 17-27.654) mais d'autre part, au visa des articles L. 145-33 et R. 145-8 du code de commerce, que « 6. Selon ce premier texte, le prix du bail commercial renouvelé doit correspondre à la valeur locative. Selon le second, les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de minoration de la valeur locative » (cf : 3e Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n° 18-25.967 ).

En effet, l'article R145-8 du code de commerce dispose que « du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

Les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie depuis la dernière fixation du prix peuvent être invoquées par celui qui est tenu de les assumer.

Il est aussi tenu compte des modalités selon lesquelles le prix antérieurement applicable a été originairement fixé ».

La cour fixe par conséquent le coefficient de minoration liée à la charge des taxes foncières concernant le bail renouvelé en 2016 à 8% .

Par ailleurs, il est sollicité l'application d'un coefficient de majoration pour le droit de sous location du preneur et le droit de cession du bail prévus au contrat à d'autres sociétés ou organisme du groupe BNP Paribas. L'expert judiciaire a donné pour avis de majorer de 5% le prix du bail comme n'étant pas une clause d'usage .

Le tribunal a retenu deux majorations de 4% s'agissant d'un avantage consenti au locataire.

Eu égard aux avantages ainsi consentis au preneur en dehors de toute clause d'usage, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a retenu la majoration de 8%.

Enfin, le preneur demande de déduire les travaux effectués à sa charge ou de prévoir un abattement de 10% du loyer alors que le bail stipulait que « les travaux et aménagements quelconques initiaux ou en cours de jouissance que le preneur réaliserait dans les lieux loués ne pourront être pris en considération dans le cadre de la fixation du loyer de renouvellement ou de la révision triennale du loyer ».

Les parties ont convenu d'emblée que les travaux étaient autorisés et qu'ils n'auraient aucune conséquence sur la fixation du prix renouvelé ou du prix révisé sur le plan triennal alors que la surface de vente augmentait nécessairement.

Il ne peut donc être pris en considération de minoration du prix du loyer du chef des travaux autorisés d'emblée par le bailleur sans autre contrepartie.

La SA BNP Paribas est déboutée de sa demande de minoration du loyer du chef des travaux réalisés.

- sur le montant du loyer retenu par la cour d'appel :

les coefficients de minoration et de majoration s'annulant réciproquement, le loyer du bail renouvelé au 15 juin 2016 est donc fixé à 37.000 euros par an HCHT/m2.

- sur les intérêts dus :

le preneur demande de juger que les sommes trop perçues porteront intérêts à compter de chaque échéance conformément aux dispositions de l'article 1155 du code civil et demande la capitalisation des dits intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

L'article 1155 ancien du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose que « Néanmoins, les revenus échus, tels que fermages, loyers, arrérages de rentes perpétuelles ou viagères, produisent intérêt du jour de la demande ou de la convention.

La même règle s'applique aux restitutions de fruits, et aux intérêts payés par un tiers aux créanciers en acquit du débiteur ».

L'article 1154 précisait que « Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ».

Il convient de faire droit aux demandes du preneur et de confirmer le jugement de ces chefs.

- sur les demandes accessoires :

Les deux parties succombent en partie. Elles se partageront les dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Eu égard aux circonstances particulières du litige, chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Enfin la demande du bailleur concernant les dispositions de l'article A444- 32 du code de commerce pour l'exécution forcée sera rejetée s'agissant de frais éventuels.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

- Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il a :

fixé le loyer du bail renouvelé à la somme de 45.196.60 euros par an hors taxes et hors charges

- Laissé les dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire à la charge de la Sa Bnp Paribas.

Et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

- Dit que la surface pondérée utile pour calculer le montant du loyer du bail renouvelé au 15 juin 2016 est de 148m2

- Fixe le loyer du bail renouvelé au 15 juin 2016 à la somme de 37.000 euros par an HCHT/m2

- Fait masse des dépens de première instance et d'appel y compris les frais d'expertise judiciaire

- Condamne chaque partie à prendre en charge la moitié de la masse des dépens ainsi calculée

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel.

- Déboute [U] [E] de sa demande en application de l'article A444-32 du code de commerce.