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Décisions

CA Nancy, 2e ch., 16 mai 2024, n° 23/00390

NANCY

Arrêt

Autre

CA Nancy n° 23/00390

16 mai 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /24 DU 16 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/00390 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FEBX

Décision déférée à la cour :

Jugement du tribunal judiciaire de VAL DE BRIEY, R.G. n° 20/00599, en date du 12 janvier 2023

APPELANT :

Monsieur [L] [C],

domicilié [Adresse 1]

Représenté par Me Stéphanie GERARD, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Redouane SAOUDI, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.A.S. CONFLANS DISTRIBUTION

Société par Actions Simplifiée immatriculée sous le n° B 320 204 209 au RCS de BRIEY, dont le siège social est [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Bertrand FOLTZ de la SELARL FILOR AVOCATS, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2024, en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Nathalie ABEL, conseillère, chargée du rapport

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;

A l'issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 16 Mai 2024, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 16 Mai 2024, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

M. [L] [C] a été engagé en qualité de directeur salarié de la société Conflans distribution E. Leclerc suivant contrat de travail du 12 mars 2007. Cette mission lui a été confiée sous l'autorité et le contrôle de M. [U] [G], puis à compter du 11 décembre 2010 de M. [Z] [G].

À la suite d'un contrôle effectué en mars 2011 par l'inspection du travail, M. [C], M. [G] et la société Conflans distribution ont été poursuivis devant le tribunal de police de Briey qui les a, par jugement du 12 novembre 2014, déclaré coupables et condamné chacun à une amende d'un montant de 99 200 euros, pour des faits de :

- 12 dépassements de la durée légale hebdomadaire du travail effectif,

- 60 dépassements de la durée maximale quotidienne de travail effectif,

- 120 dépassement d'au moins 1 heure et 20 minutes de la durée de conduite ininterrompue de 4 heures et 30 minutes au titre du transport routier communautaire,

- 49 dépassements de moins de 1 heure et 30 minutes de la durée de conduite ininterrompue de 4 heures et 30 minutes au titre du transport routier communautaire.

Par arrêt du 15 mars 2016, la cour d'appel de Nancy a confirmé ce jugement. Par arrêt du 28 novembre 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté les pourvois formés contre cet arrêt.

En parallèle, la société Conflans distribution a notifié à M. [C] son licenciement pour faute lourde par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 octobre 2017.

Une transaction est intervenue entre les parties le 30 octobre 2017.

Par acte du 10 juin 2020, M. [C] a fait assigner la société Conflans distribution en dédommagement de ses préjudices devant le tribunal judiciaire de Val de Briey.

Par ordonnance sur incident du 31 mai 2021, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Conflans distribution. Par jugement du 12 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Val de Briey a :

- débouté M. [C] de sa demande en paiement contre la SAS Conflans distribution E. Leclerc au titre de son préjudice matériel,

- débouté M. [C] de sa demande en paiement contre la SAS Conflans distribution E. Leclerc au titre de son préjudice moral,

- condamné M. [C] à payer à la SAS Conflans distribution E. Leclerc la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [C] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [C] aux dépens.

Par déclaration enregistrée le 20 février 2023, M. [C] a interjeté appel du jugement précité, en toutes ses dispositions.

Par conclusions déposées le 26 janvier 2024, M. [C] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action diligentée par M. [C] à l'encontre de la SAS Conflans distribution,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté M. [C] de sa demande en paiement contre la SAS Conflans distribution E. Leclerc au titre de son préjudice matériel,

- débouté M. [C] de sa demande en paiement contre la SAS Conflans distribution E. Leclerc au titre de son préjudice moral,

- condamné M. [C] à lui payer la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [C] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [C] aux dépens,

Statuant à nouveau,

- déclarer que la SAS Conflans distribution a commis une faute dans la rédaction de la délégation de pouvoirs au profit de Mme [E] et au profit de M. [C],

- déclarer que la SAS Conflans distribution a commis une faute en ce qu'elle n'a pas mis à disposition de Mme [E] les moyens nécessaires pour accomplir sa délégation de pouvoirs,

- déclarer que les fautes commises par la SAS Conflans distribution ont causé un préjudice matériel direct à M. [C] en ce qu'il a été pénalement condamné à payer des amendes contraventionnelles d'un montant de 99 580 euros,

- débouter la SAS Conflans distribution de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

- condamner la SAS Conflans distribution à payer à M. [C] une somme de 99 580 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel subi,

- condamner la SAS Conflans distribution à payer à M. [C] une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi,

- condamner la SAS Conflans distribution à payer à M. [C] une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS Conflans distribution aux entiers frais et dépens de la procédure.

Par conclusions déposées le 5 février 2024, la société Conflans distribution demande à la cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la demande de M. [C] recevable,

Et statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable la demande de M. [C],

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Et, en tout état de cause, y ajoutant,

- condamner M. [C] à verser à la SAS Conflans distribution la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laisser les dépens d'appel à la charge de M. [C].

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessus, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'action

Le premier juge a déclaré recevable l'action de M. [C] en retenant qu'elle était formée sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle et qu'elle apparaissait ainsi exclue du champ couvert par la transaction tendant à prévenir tout contentieux judiciaire dans le cadre de la relation contractuelle liant M. [C] à la société Conflans distribution.

Aux termes de l'article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, termine une contestation née ou préviennent une contestation à naître.

L'article 1103 du même code dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Aux termes de l'article 2048 du même code, les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu.

L'article 2052 du même code prévoit que la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.

En l'espèce, M.[C] sollicite la condamnation de son ancien employeur à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi en ayant été condamné pénalement pour n'avoir pas respecté, en sa qualité de directeur de la société Conflans distribution, la législation du travail. Il invoque des fautes commises par la société Conflans distribution quant à une délégation de pouvoirs d'une autre salariée de la société.

Il est constant que M. [C] et la société Conflans distribution ont conclu le 30 octobre 2017 une transaction aux termes de laquelle :

- M. [C] s'est vu allouer par la société Conflans distribution une indemnité d'un montant net de 82 018 euros,

- en contrepartie de quoi, il a déclaré renoncer à toutes prétentions de quelque nature qu'elles soient et à toutes actions éventuelles portant sur ses activités professionnelles au service de la société Conflans distribution et qui auraient leur origine dans le contrat de travail liant les parties et dans les modalités de sa résiliation à l'initiative de l'employeur, les parties se donnant 'réciproquement quitus entier et définitif sous la seule réserve du paiement des sommes prévues en vertu du présent accord dans le cadre des dispositions des articles 2044 et suivants du code civil et plus particulièrement de l'article 2052".

Contrairement à ce que soutient M. [C], force est de constater que l'objet de la transaction n'est pas limité à la résiliation du contrat travail mais vise également de manière explicite « toutes prétentions de quelque nature qu'elles soient » et «toutes actions éventuelles portant sur ses activités professionnelles au service de la société Conflans distribution », les parties se donnant «réciproquement quitus entier et définitif ».

La transaction conclue entre les parties fait ainsi obstacle à ce que M. [C] puisse introduire une action en responsabilité, tant contractuelle qu'extracontractuelle, à l'encontre de son ancien employeur notamment en raison d'un préjudice ayant pu résulter pour lui de l'exercice de ses activités professionnelles.

Il convient dès lors de déclarer irrecevable la présente action introduite par M. [C] à l'encontre de la société Conflans distribution.

Le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [C] qui succombe sera condamné aux entiers dépens. Concernant l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une somme de 1 200 euros et de dire n'y avoir pas lieu à application de cet article à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de M. [C] et l'en a débouté et, statuant à nouveau :

Déclare irrecevable l'action de M. [C] contre la société Conflans distribution ;

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné M. [C] aux dépens et à payer à la société Conflans distribution une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Rejette les demandes formées tant par M. [C] que par la société Conflans distribution sur le fondement de l'article 700 au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne M. [C] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la cour d'appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en six pages.