Décisions
CA Aix-en-Provence, retention administrative, 18 mai 2024, n° 24/00651
AIX-EN-PROVENCE
Ordonnance
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 18 MAI 2024
N° 2024/651
N° RG 24/00651
N° Portalis DBVB-V-B7I-BNBPP
Copie conforme
délivrée le 18 Mai 2024 par courriel à :
- l'avocat
- le préfet
- le CRA
- le JLD/TJ
- le retenu
- le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 16 Mai 2024 à 15h22.
APPELANT
Monsieur [L] [D]
né le 22 Octobre 1986 à [Localité 4] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne, demeurant Actuellement CRA de [Localité 6]
comparant en personne, assisté de Me Maeva LAURENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, M. [O] [I], Interprète en langue arabe muni d'un pouvoir général, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
INTIMÉ
Monsieur le Préfet des Alpes-Maritimes
Représenté par Monsieur [M] [P]
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé et non représenté
******
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 18 Mai 2024 devant Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Présidente à la cour d'appel délégué e par le premier président par ordonnance, assistée de Mme Cécilia AOUADI, greffière.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2024 à 17H45,
Signée par Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Présidente et Mme Cécilia AOUADI, greffière
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 2 mars 2024 par le préfet des Alpes-Maritimes , notifié le même jour à 10h55 ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 2 mars 2024 par le préfet des des Alpes-Maritimes notifiée le même jour à 10h55;
Vu l'ordonnance du 16 Mai 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE décidant le maintien de Monsieur [L] [D] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'appel interjeté le 17 Mai 2024 à 14h23 par Monsieur [L] [D] ;
Monsieur [L] [D] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare : 'Je m'en remet à mon avocate'.
Son avocat a été régulièrement entendu. Il demande à la cour de dire et juger que les conditions justifiant la prolongation de la rétention de Monsieur [L] [D] ne sont pas réunies et de rejeter la requête du Préfet des ALPES MARITIMES en date du 15 mai 2024.
Il expose que la procédure est entâchée d'une nullité emportant la mainlevée de la rétention administrative. Il fait valoir que l'ordonnance du 3 mai 2024 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence statuant sur l'appel de Monsieur [D] n'a pas été notifiée sur place au retenu mais par téléphone alors qu'il se trouvait au centre de rétention administrative. Il précise que cette notification ne comporte pas mention ni de la date ni de l'heure à laquelle l'ordonnance a été notifiée de sorte que le respect du délai de notification ne peut être contrôlé.
Il soulève l'irrecevabilité de la requête tendant à la prolongation de la rétention administrative présentée par le préfet en l'absence de mise à jour du registre du CRA et d'une copie complète du registre.
Il invoque également l'absence de conditions permettant une quatrième prolongation de la mesure et le défaut de diligence de l'autorité préfectorale.
Le représentant de la préfecture sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise. Il fait valoir, s'agissant de la notification de l'ordonnance du 3 mai 2014 de la cour d'appel, qu'elle comporte la signature et que celle-ci est du même jour ; que tous les recours ont pu être exercés.
S'agissant du registre du CRA et des alias et dates de naissances erronées invoquées, il précise que les éléments d'identité données ne reposent sur aucun document remis aux services de police ; que le nom connu de l'intéressé figure dans le jugement ; que l'intéressé ne justifie d'aucun grief. Il précise que la date d'audience mentionnée (15 mai 2024) est une erreur matérielle qui n'a aucune conséquences sur l'exercice des droits et de la rétention de Monsieur [L] [D].
Sur le défaut de diligences invoqué, il expose que la préfecture a agi en temps utiles ; que la reconnaissance a été faite le 02 mai et qu'un vol est prévu au départ le 31 mai pour l'Algérie.
Enfin, il souligne que le moyen relatif aux conditions de la 4e prolongation n'a pas été soumis à la préfecture ; il souligne que les raisons de la prolongation sont bien présentes ; que les autorités algériennes se sont engagés à transmette un laissez-passer consulaires.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel:
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
En effet, l'appel a été interjeté le 17 Mai 2024 à 14h23 soit dans les 48 heures de l'ordonnance du 17 mai 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de Nice.
Sur la nullité relative à la notification d'une ordonnance du 3 mai 2024 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence:
Aux termes de l'article R 743-19 du CESEDA, le premier président de la cour d'appel ou son délégué statue au fond dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine. Ce délai est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.
L'ordonnance est communiquée au ministère public. Elle est notifiée sur place à l'étranger et à son conseil, s'il en a un, ainsi qu'à l'autorité qui a prononcé le placement en rétention. Les parties présentes en accusent réception. Le greffier la notifie par tout moyen et dans les meilleurs délais aux autres parties qui en accusent réception.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la décision du 3 mai 2024 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a été notifiée à Monsieur [D]. Le moyen soulevé n'est donc pas l'absence de notification mais l'absence de mention de l'heure de la notification.
Or, l'appelant ne démontre pas l'existence d'un grief attaché à ce défaut de mention de l'heure sur la notification de l'ordonnance du 3 mai 2024 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence
Le moyen de nullité est en conséquence écarté.
Sur l'absence de production d'un registre du CRA actualisé et complet :
L'article L744-2 du CESEDA dispose qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention , un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention . Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil.
L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention , le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
L'article R743-2 du CESEDA rappelle qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention .
Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative , elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.
Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre .
Selon les dispositions de l'article 2 du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé 'logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative et de son annexe, le registre de rétention enregistrent les données à caractère personnel et informations suivantes:
I. - Concernant l'étranger faisant l'objet de la mesure de placement en rétention administrative :
1° Nom(s), prénom(s), alias éventuels ;
2° Date et lieu de naissance, nationalité ;
3° Sexe ;
4° Situation familiale, nom(s), prénom(s) et âge des enfants mineurs accompagnants;
5° Photographie d'identité ;
6° Type et validité du document d'identité éventuel ;
7° Numéro de l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France correspondant au dossier de l'étranger placé en rétention ;
8° Le cas échéant, qualité de sortant de prison ;
9° Signature.
II. - Concernant la procédure administrative de placement en rétention administrative :
1° Date et heure du prononcé et de la notification de l'arrêté préfectoral de placement en rétention et, le cas échéant, des décisions de prolongation ;
2° Lieu de placement en rétention , date et heure d'admission au centre de rétention administrative , date et heure d'un transfert d'un lieu de rétention administrative à un autre lieu de rétention et motif ;
3° Préfecture en charge de l'exécution de la mesure de placement en centre de rétention administrative ;
4° Service interpellateur ou réalisant le transfert : transfert éventuel depuis un autre centre de rétention administrative ou depuis un établissement pénitentiaire ;
5° Droits de la personne liés au placement en rétention (date et heure de la notification des droits, référence du procès-verbal de notification) ;
6° Agent chargé de la mesure d'admission en centre de rétention administrative : nom, prénom, grade, numéro d'identification, signature ;
7° Conditions particulières d'accueil, secteur d'hébergement, affectation d'une chambre et d'un lit ;
8° Origine, nature et date de la mesure d'éloignement, date de sa notification, interdiction de retour ;
9° Bagages placés en consigne : numéro de registre et de consigne, détail et état des bagages, date de restitution des bagages ;
10° Biens placés au coffre : numéro de registre et de coffre, liste des objets de valeur et des objets écartés, date de dépôt et de restitution ;
11° Objets laissés à la disposition du retenu ;
12° Mouvements d'argent : numéro de registre , détail du numéraire, date et heure de dépôt et de retrait des fonds ;
13° Compte rendu des incidents au centre de rétention (date, heure, circonstances) : mise à l'écart, dates de début et de fin de la mise à l'écart et avis de cette mesure aux autorités judiciaires et administratives compétentes, nom, prénom, grade et numéro d'identification de l'agent ayant décidé la mise à l'écart, date et heures d'une demande d'examen médical et, le cas échéant, date et heure de l'examen médical et des mesures prescrites nécessitant l'intervention d'un agent du centre de rétention administrative ;
14° Hospitalisation éventuelle : date et heure d'admission, coordonnées de l'établissement hospitalier, date et heure de sortie ;
15° Existence d'une procédure « étranger malade » : date de saisine de l'agence régionale de santé (ARS), avis de l'ARS, décision préfectorale ;
16° Nom, prénom et signature de l'interprète ;
17° Nom, prénom, grade et signature du personnel du centre de rétention administrative .
III. - Concernant les procédures juridictionnelles mises en oeuvre au cours de la rétention :
1° Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ;
2° Contentieux judiciaire : présentation devant le juge des libertés et de la détention (JLD) et saisine du JLD par le retenu, date de présentation, décision, appel, date d'audience de la cour d'appel, résultat, motif d'annulation ;
3° Demande d'asile : date et heure du dépôt de la demande, modalité d'instruction, décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et date de celle-ci, recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile.
IV. - Concernant la fin de la rétention et l'éloignement :
1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de l'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de l'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire ;
2° Réservation du moyen de transport national et international : date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte ;
3° Fin de la rétention : date et motif de la fin de rétention .
Aussi, il est constant que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre actualisé. L'absence de production avec la requête du préfet de cette copie est sanctionnée par l'irrecevabilité de la requête, Cette irrecevabilité pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief. La production d'une copie actualisée du registre a pour seul but de permettre au juge de contrôler l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à étranger au cours de la mesure de rétention . Elle a pour fondement la volonté de pallier la difficulté voire l'impossibilité pour l'étranger, de rapporter la double preuve, d'une part, de la réalité d'une demande portant sur l'exercice de l'un des droits lui étant reconnus et, d'autre part, du refus opposé à cette demande, qui constitue un fait négatif. Il se déduit de ces considérations que la sanction qu'est l'irrecevabilité ne doit s'apprécier qu'à l'aune de la fonction assignée au registre. A ce titre, il sera rappelé que si le juge, gardien de la liberté individuelle, doit s'assurer d'après les mentions figurant au registre que l'étranger a été, au moment de la notification de la décision de placement en rétention , pleinement informé de ses droits et placé en mesure de les faire valoir, ce contrôle s'opère également par tous moyens.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la demande de prolongation présentée par le préfet du Var, dans le cadre de la présente instance, comprend le registre du centre de rétention.
Tout d'abord, l'absence d'alias dans le registre est inopérant. Il est relevé que celui-ci reprend l'identité telle qu'elle découle de l'arrêté préfectoral lequel fait mention de 'M. [L] [D]'. Il n'est justifié dès lors d'aucune irrégularité résultant de l'absence de mention des alias dans le registre du centre de rétention.
Ensuite, il est observé ainsi que l'a relevé justement le premier juge, qu'il n'y a aucune certitude sur l'identité de l'intéressé ; que l'ordonnance de la cour d'appel du 7 mars 2024 mentionne également l'année 1985 comme année de naissance ; qu'en tout état de cause, s'il s'agit d'une erreur matérielle comme celle relevée concernant la date d'audience devant le juge des libertés et de la détention (15 mai 2024 au lieu du 16 mai 2024), ces erreurs matérielles ne peuvent avoir comme conséquence l'irrecevabilité de la requête de la préfecture.
Par contre, force est de constater que le registre est incomplet ; qu'il est précisé sur le registre : 'feuille 1à 8 copie greffe / feuille 9 à 11 CRA' ; que seules sont jointes à la requête les pages 1, 2, 3 et 6.
En l'absence de plusieurs pages du registre, la cour est dès lors dans l'impossibilité de contrôler pleinement l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention.
Dès lors, au vu des éléments rappelés ci-dessus, la requête en prolongation de la mesure doit être déclarée irrecevable et donc, l'ordonnance entreprise infirmée, sans avoir à statuer sur les autres moyens opposés par Monsieur [L] [D].
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Infirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 16 Mai 2024,
Déclarons irrecevable la requête émanant du préfet des Alpes Maritimes tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur [L] [D],
Ordonnons la mainlevée de la rétention de Monsieur [L] [D] et sa remise en liberté,
Rappelons que Monsieur [L] [D] a l'obligation de quitter le territoire français selon arrêté du préfet des Alpes Maritimes du 2 mars 2024,
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [L] [D]
né le 22 Octobre 1986 à [Localité 4] (ALGERIE) (99)
de nationalité Algérienne
Assisté d'un interprète
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
[Adresse 7]
Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 5]
Aix-en-Provence, le 18 Mai 2024
À
- Monsieur le préfet des Alpes-Maritimes
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de NICE
- Maître Maeva LAURENS
NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 18 Mai 2024, suite à l'appel interjeté par :
Monsieur [L] [D]
né le 22 Octobre 1986 à [Localité 4] (ALGERIE) (99)
de nationalité Algérienne
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 18 MAI 2024
N° 2024/651
N° RG 24/00651
N° Portalis DBVB-V-B7I-BNBPP
Copie conforme
délivrée le 18 Mai 2024 par courriel à :
- l'avocat
- le préfet
- le CRA
- le JLD/TJ
- le retenu
- le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 16 Mai 2024 à 15h22.
APPELANT
Monsieur [L] [D]
né le 22 Octobre 1986 à [Localité 4] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne, demeurant Actuellement CRA de [Localité 6]
comparant en personne, assisté de Me Maeva LAURENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, M. [O] [I], Interprète en langue arabe muni d'un pouvoir général, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
INTIMÉ
Monsieur le Préfet des Alpes-Maritimes
Représenté par Monsieur [M] [P]
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé et non représenté
******
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 18 Mai 2024 devant Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Présidente à la cour d'appel délégué e par le premier président par ordonnance, assistée de Mme Cécilia AOUADI, greffière.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2024 à 17H45,
Signée par Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Présidente et Mme Cécilia AOUADI, greffière
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 2 mars 2024 par le préfet des Alpes-Maritimes , notifié le même jour à 10h55 ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 2 mars 2024 par le préfet des des Alpes-Maritimes notifiée le même jour à 10h55;
Vu l'ordonnance du 16 Mai 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE décidant le maintien de Monsieur [L] [D] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
Vu l'appel interjeté le 17 Mai 2024 à 14h23 par Monsieur [L] [D] ;
Monsieur [L] [D] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare : 'Je m'en remet à mon avocate'.
Son avocat a été régulièrement entendu. Il demande à la cour de dire et juger que les conditions justifiant la prolongation de la rétention de Monsieur [L] [D] ne sont pas réunies et de rejeter la requête du Préfet des ALPES MARITIMES en date du 15 mai 2024.
Il expose que la procédure est entâchée d'une nullité emportant la mainlevée de la rétention administrative. Il fait valoir que l'ordonnance du 3 mai 2024 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence statuant sur l'appel de Monsieur [D] n'a pas été notifiée sur place au retenu mais par téléphone alors qu'il se trouvait au centre de rétention administrative. Il précise que cette notification ne comporte pas mention ni de la date ni de l'heure à laquelle l'ordonnance a été notifiée de sorte que le respect du délai de notification ne peut être contrôlé.
Il soulève l'irrecevabilité de la requête tendant à la prolongation de la rétention administrative présentée par le préfet en l'absence de mise à jour du registre du CRA et d'une copie complète du registre.
Il invoque également l'absence de conditions permettant une quatrième prolongation de la mesure et le défaut de diligence de l'autorité préfectorale.
Le représentant de la préfecture sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise. Il fait valoir, s'agissant de la notification de l'ordonnance du 3 mai 2014 de la cour d'appel, qu'elle comporte la signature et que celle-ci est du même jour ; que tous les recours ont pu être exercés.
S'agissant du registre du CRA et des alias et dates de naissances erronées invoquées, il précise que les éléments d'identité données ne reposent sur aucun document remis aux services de police ; que le nom connu de l'intéressé figure dans le jugement ; que l'intéressé ne justifie d'aucun grief. Il précise que la date d'audience mentionnée (15 mai 2024) est une erreur matérielle qui n'a aucune conséquences sur l'exercice des droits et de la rétention de Monsieur [L] [D].
Sur le défaut de diligences invoqué, il expose que la préfecture a agi en temps utiles ; que la reconnaissance a été faite le 02 mai et qu'un vol est prévu au départ le 31 mai pour l'Algérie.
Enfin, il souligne que le moyen relatif aux conditions de la 4e prolongation n'a pas été soumis à la préfecture ; il souligne que les raisons de la prolongation sont bien présentes ; que les autorités algériennes se sont engagés à transmette un laissez-passer consulaires.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel:
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
En effet, l'appel a été interjeté le 17 Mai 2024 à 14h23 soit dans les 48 heures de l'ordonnance du 17 mai 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de Nice.
Sur la nullité relative à la notification d'une ordonnance du 3 mai 2024 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence:
Aux termes de l'article R 743-19 du CESEDA, le premier président de la cour d'appel ou son délégué statue au fond dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine. Ce délai est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.
L'ordonnance est communiquée au ministère public. Elle est notifiée sur place à l'étranger et à son conseil, s'il en a un, ainsi qu'à l'autorité qui a prononcé le placement en rétention. Les parties présentes en accusent réception. Le greffier la notifie par tout moyen et dans les meilleurs délais aux autres parties qui en accusent réception.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la décision du 3 mai 2024 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a été notifiée à Monsieur [D]. Le moyen soulevé n'est donc pas l'absence de notification mais l'absence de mention de l'heure de la notification.
Or, l'appelant ne démontre pas l'existence d'un grief attaché à ce défaut de mention de l'heure sur la notification de l'ordonnance du 3 mai 2024 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence
Le moyen de nullité est en conséquence écarté.
Sur l'absence de production d'un registre du CRA actualisé et complet :
L'article L744-2 du CESEDA dispose qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention , un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention . Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil.
L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention , le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
L'article R743-2 du CESEDA rappelle qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention .
Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative , elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.
Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre .
Selon les dispositions de l'article 2 du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé 'logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative et de son annexe, le registre de rétention enregistrent les données à caractère personnel et informations suivantes:
I. - Concernant l'étranger faisant l'objet de la mesure de placement en rétention administrative :
1° Nom(s), prénom(s), alias éventuels ;
2° Date et lieu de naissance, nationalité ;
3° Sexe ;
4° Situation familiale, nom(s), prénom(s) et âge des enfants mineurs accompagnants;
5° Photographie d'identité ;
6° Type et validité du document d'identité éventuel ;
7° Numéro de l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France correspondant au dossier de l'étranger placé en rétention ;
8° Le cas échéant, qualité de sortant de prison ;
9° Signature.
II. - Concernant la procédure administrative de placement en rétention administrative :
1° Date et heure du prononcé et de la notification de l'arrêté préfectoral de placement en rétention et, le cas échéant, des décisions de prolongation ;
2° Lieu de placement en rétention , date et heure d'admission au centre de rétention administrative , date et heure d'un transfert d'un lieu de rétention administrative à un autre lieu de rétention et motif ;
3° Préfecture en charge de l'exécution de la mesure de placement en centre de rétention administrative ;
4° Service interpellateur ou réalisant le transfert : transfert éventuel depuis un autre centre de rétention administrative ou depuis un établissement pénitentiaire ;
5° Droits de la personne liés au placement en rétention (date et heure de la notification des droits, référence du procès-verbal de notification) ;
6° Agent chargé de la mesure d'admission en centre de rétention administrative : nom, prénom, grade, numéro d'identification, signature ;
7° Conditions particulières d'accueil, secteur d'hébergement, affectation d'une chambre et d'un lit ;
8° Origine, nature et date de la mesure d'éloignement, date de sa notification, interdiction de retour ;
9° Bagages placés en consigne : numéro de registre et de consigne, détail et état des bagages, date de restitution des bagages ;
10° Biens placés au coffre : numéro de registre et de coffre, liste des objets de valeur et des objets écartés, date de dépôt et de restitution ;
11° Objets laissés à la disposition du retenu ;
12° Mouvements d'argent : numéro de registre , détail du numéraire, date et heure de dépôt et de retrait des fonds ;
13° Compte rendu des incidents au centre de rétention (date, heure, circonstances) : mise à l'écart, dates de début et de fin de la mise à l'écart et avis de cette mesure aux autorités judiciaires et administratives compétentes, nom, prénom, grade et numéro d'identification de l'agent ayant décidé la mise à l'écart, date et heures d'une demande d'examen médical et, le cas échéant, date et heure de l'examen médical et des mesures prescrites nécessitant l'intervention d'un agent du centre de rétention administrative ;
14° Hospitalisation éventuelle : date et heure d'admission, coordonnées de l'établissement hospitalier, date et heure de sortie ;
15° Existence d'une procédure « étranger malade » : date de saisine de l'agence régionale de santé (ARS), avis de l'ARS, décision préfectorale ;
16° Nom, prénom et signature de l'interprète ;
17° Nom, prénom, grade et signature du personnel du centre de rétention administrative .
III. - Concernant les procédures juridictionnelles mises en oeuvre au cours de la rétention :
1° Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ;
2° Contentieux judiciaire : présentation devant le juge des libertés et de la détention (JLD) et saisine du JLD par le retenu, date de présentation, décision, appel, date d'audience de la cour d'appel, résultat, motif d'annulation ;
3° Demande d'asile : date et heure du dépôt de la demande, modalité d'instruction, décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et date de celle-ci, recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile.
IV. - Concernant la fin de la rétention et l'éloignement :
1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de l'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de l'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire ;
2° Réservation du moyen de transport national et international : date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte ;
3° Fin de la rétention : date et motif de la fin de rétention .
Aussi, il est constant que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre actualisé. L'absence de production avec la requête du préfet de cette copie est sanctionnée par l'irrecevabilité de la requête, Cette irrecevabilité pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief. La production d'une copie actualisée du registre a pour seul but de permettre au juge de contrôler l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à étranger au cours de la mesure de rétention . Elle a pour fondement la volonté de pallier la difficulté voire l'impossibilité pour l'étranger, de rapporter la double preuve, d'une part, de la réalité d'une demande portant sur l'exercice de l'un des droits lui étant reconnus et, d'autre part, du refus opposé à cette demande, qui constitue un fait négatif. Il se déduit de ces considérations que la sanction qu'est l'irrecevabilité ne doit s'apprécier qu'à l'aune de la fonction assignée au registre. A ce titre, il sera rappelé que si le juge, gardien de la liberté individuelle, doit s'assurer d'après les mentions figurant au registre que l'étranger a été, au moment de la notification de la décision de placement en rétention , pleinement informé de ses droits et placé en mesure de les faire valoir, ce contrôle s'opère également par tous moyens.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la demande de prolongation présentée par le préfet du Var, dans le cadre de la présente instance, comprend le registre du centre de rétention.
Tout d'abord, l'absence d'alias dans le registre est inopérant. Il est relevé que celui-ci reprend l'identité telle qu'elle découle de l'arrêté préfectoral lequel fait mention de 'M. [L] [D]'. Il n'est justifié dès lors d'aucune irrégularité résultant de l'absence de mention des alias dans le registre du centre de rétention.
Ensuite, il est observé ainsi que l'a relevé justement le premier juge, qu'il n'y a aucune certitude sur l'identité de l'intéressé ; que l'ordonnance de la cour d'appel du 7 mars 2024 mentionne également l'année 1985 comme année de naissance ; qu'en tout état de cause, s'il s'agit d'une erreur matérielle comme celle relevée concernant la date d'audience devant le juge des libertés et de la détention (15 mai 2024 au lieu du 16 mai 2024), ces erreurs matérielles ne peuvent avoir comme conséquence l'irrecevabilité de la requête de la préfecture.
Par contre, force est de constater que le registre est incomplet ; qu'il est précisé sur le registre : 'feuille 1à 8 copie greffe / feuille 9 à 11 CRA' ; que seules sont jointes à la requête les pages 1, 2, 3 et 6.
En l'absence de plusieurs pages du registre, la cour est dès lors dans l'impossibilité de contrôler pleinement l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention.
Dès lors, au vu des éléments rappelés ci-dessus, la requête en prolongation de la mesure doit être déclarée irrecevable et donc, l'ordonnance entreprise infirmée, sans avoir à statuer sur les autres moyens opposés par Monsieur [L] [D].
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Infirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 16 Mai 2024,
Déclarons irrecevable la requête émanant du préfet des Alpes Maritimes tendant à la prolongation de la rétention de Monsieur [L] [D],
Ordonnons la mainlevée de la rétention de Monsieur [L] [D] et sa remise en liberté,
Rappelons que Monsieur [L] [D] a l'obligation de quitter le territoire français selon arrêté du préfet des Alpes Maritimes du 2 mars 2024,
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
Monsieur [L] [D]
né le 22 Octobre 1986 à [Localité 4] (ALGERIE) (99)
de nationalité Algérienne
Assisté d'un interprète
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
[Adresse 7]
Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 5]
Aix-en-Provence, le 18 Mai 2024
À
- Monsieur le préfet des Alpes-Maritimes
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de NICE
- Maître Maeva LAURENS
NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 18 Mai 2024, suite à l'appel interjeté par :
Monsieur [L] [D]
né le 22 Octobre 1986 à [Localité 4] (ALGERIE) (99)
de nationalité Algérienne
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.