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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 22 mai 2024, n° 22/00451

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Villas 3D (SAS), Les Professionnels du Plateau Briard (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bodard-Hermant

Conseillers :

Mme Depelley, Mme Dallery

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Allerit

T. com. Bordeaux, du 15 oct. 2021, n° 20…

15 octobre 2021

FAITS ET PROCEDURE

M. [I] est un entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne "Arabesque Couleurs", spécialisé dans les travaux de peinture.

La société Villas 3 D a pour activité la promotion immobilière, l'achat et la revente en état ou après travaux de rénovation ou de construction de tous terrains et immeubles, l'assistance à maître d'ouvrage, contractant général en projets immobiliers neufs et anciens.

La société Les Professionnels du Plateau Briard a pour activité la peinture, le ravalement, la plomberie, l'entretien des toitures et tout entretien courant.

Le 6 mars 2017, M. [I], en sa qualité d'entrepreneur individuel, a conclu avec la société Villas 3 D, maître d'ouvrage, un contrat de marché de travaux privés portant sur des travaux de peinture d'une résidence de douze villas sur la commune de [Localité 7], pour un montant total de 51 498 euros HT.

Dans ce cadre, M. [I] a conclu avec la société Les Professionnels du Plateau Briard, un contrat de sous-traitance daté du 12 décembre 2017 portant sur les peintures intérieures de six des villas du marché [Localité 7], moyennant un prix de 25 200 euros.

Le 31 décembre 2017, la société Les Professionnels du Plateau Briard a adressé à M. [I] une facture de 16 648,48 euros correspondant au solde du contrat de sous-traitance après déduction de l'acompte de 2 000 euros versé par M. [I] et de la somme de 6 851,52 euros réglée par le maître d'ouvrage.

Par courrier du 12 janvier 2018, la société Villas 3 D a fait part à M. [I] de sa décision de résilier le contrat de travaux.

Par la suite, la société Villas 3 D a contracté avec la société Les Professionnels du Plateau Briard pour la réalisation des travaux de peinture des six autres villas du marché [Localité 7].

Le 15 juin 2018, M. [I] a reçu une sommation de payer, délivrée dans l'intérêt de la société Les Professionnels du Plateau Briard, portant sur le solde de la facture de sous-traitance à hauteur de 18 551,98 euros.

Estimant avoir été victime d'une rupture brutale de la relation commerciale, Monsieur [I] a, par acte du 18 novembre 2019, assigné la société Villas 3 D et la société Les professionnels du Plateau Briard devant le tribunal de commerce de Bordeaux en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 15 octobre 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- Débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamné M. [I] à régler la somme de 16 348,48 euros (seize mille trois cent quarante-huit et quarante-huit centimes) à la société Les Professionnels du Plateau Briard, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2018 ;

- Condamné M. [I] à régler à la société Villas 3 D ainsi qu'à la société Les Professionnels du Plateau Briard la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [I] aux entiers dépens de l'instance dont frais de greffe liquidés à la somme de 95,66 euros, dont TVA de 15,94 euros.

M. [I] a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 29 décembre 2021.

Vu les dernières conclusions de M. [I], déposées et notifiées le 23 novembre 2023 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu l'ancien article L442-6 du code de commerce,

Vu les articles 1103, 1104, 1231-1 et suivants du code civil,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu l'article 1347 du code civil

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions dont appel et dès lors en ce qu'il :

- déboute M. [O] [I] de l'ensemble de ses demandes,

- condamne M. [O] [I] à régler la somme de 16.348,48 euros (seize mille trois cent quarante-huit et quarante-huit centimes) à la société les professionnels du plateau briard SARL, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2018,

- condamne M. [O] [I] à régler à la société Villas 3D sas ainsi qu'à la société les professionnels du plateau briard SARL la somme de 2 500,00 euros (deux mille cinq cents euros) chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne M. [O] [I] aux entiers dépens de l'instance.

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- Condamner la société Villas 3 D à payer à M. [O] [I] la somme de 36 306,80 euros au titre de l'indemnisation du préjudice né de la rupture brutale de la relation commerciale établie,

- Donner acte à M. [O] [I] de ce qu'il se reconnaît redevable envers la société les professionnels du plateau briard de la somme de 12 773, 97 euros TTC.

- Condamner la société les professionnels du plateau briard à payer à M. [O] [I] la somme de 15 000 euros TTC au titre de la réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale qui lui sont directement imputables,

- Ordonner la compensation de la créance de la société les professionnels du plateau briard avec celle de M. [O] [I], sur le fondement de l'article 1347 du code civil ;

A titre subsidiaire,

- Condamner la société Villas 3 D à payer à M. [O] [I] la somme de 36 306,80 euros au titre de l'indemnisation du préjudice lié à la résolution abusive du contrat de marché de travaux du 6 mars 2017

En tout état de cause et y ajoutant,

- Débouter les sociétés Les Professionnels du Plateau Briard et Villas 3 D de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamner les sociétés Les Professionnels du Plateau Briard et Villas 3 D in solidum au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- sCondamner les sociétés Les Professionnels du Plateau Briard et villas 3D in solidum aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lex avoues Paris Versailles en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions des sociétés Villas 3D et Les Professionnels du Plateau Briard, déposées et notifiées le 19 janvier 2024 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

- Déclarer mal fondé en ses demandes M. [I] [O] [I].

En conséquence,

- Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

- Débouter, dès lors, M. [O] [I] de l'intégralité de ses demandes tant à l'égard de la société Villas 3 D que de la société Les Professionnels du Plateau Briard - les pros VDP.

Y ajoutant,

- Condamner M. [O] [I] à payer à la société Villas 3 D et à la société Les Professionnels du Plateau Briard - les pros VDP à chacune la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile.

- Condamner le même aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SELARL Taze-Bernard en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcé le 13 février 2024.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1. Sur la rupture brutale

M. [I] soutient que la société Villas 3D a commis une rupture brutale de la relation commerciale établie en mettant un terme, sans préavis, à leur relation d'affaires. S'agissant du caractère établi de la relation commerciale, il fait valoir que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce permettent d'apprécier les conditions de la rupture de toute relation commerciale établie qu'elle soit précontractuelle, contractuelle ou post-contractuelle. Il ajoute que le caractère établi de la relation n'est pas incompatible avec des relations seulement ponctuelles, car une relation établie n'est conditionnée ni par l'existence d'un échange permanent et continu entre les parties, ni par la conclusion d'un accord-cadre, une succession de contrats ponctuels étant suffisante. Selon M. [I], la relation précontractuelle s'est échelonnée sur près d'une année et la relation commerciale qui devait en découler aurait dû se prolonger durant une année. Il fait valoir, en ce sens, qu'il a établi le devis pour les peintures des douze logements situés dans la commune de [Localité 7] le 2 mai 2016 et que le marché a été signé près d'un an plus tard, le 6 mars 2017 pour une durée prévisionnelle des travaux d'un an. Il conclut que sa relation commerciale avec la société Villas 3D a duré au total deux ans.

En réplique, la société Villas 3D affirme que le caractère établi de la relation commerciale ne peut s'entendre de simples relations ponctuelles. Elle affirme que sa relation commerciale avec M. [I] n'a duré que quelques mois et s'est limitée à une unique opération relative à des travaux de peinture intérieure d'une résidence de douze villas.

Réponse de la Cour

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

La relation commerciale, pour être établie, doit être suffisamment prolongée, significative et stable de sorte que la victime de la rupture brutale pouvait raisonnablement anticiper, pour l'avenir, une certaine continuité du flux d'affaires.

En l'espèce, la relation commerciale entretenue entre les parties a duré 11 mois. Elle a débuté le 6 mars 2017 par la conclusion d'un contrat de marché de travaux privés et s'est achevée le 12 janvier 2018 par la résiliation anticipée du contrat à l'initiative de la société Villas 3D.

M. [I] ne peut utilement soutenir que leur relation commerciale a débuté le 2 mai 2016, par la proposition d'un devis pour la réalisation des peintures intérieures de douze logements au prix de 61 797, 60 euros.

En effet, si la notion de relation commerciale, propre au droit des pratiques restrictives de concurrence peut être caractérisée par une relation précontractuelle (en ce sens, Cass. Com., 5 mai 2009, n° 08-11.916), il demeure nécessaire de démontrer le caractère établi de la relation durant la période précontractuelle.

Or, au cas présent, M. [I] ne démontre pas avoir réalisé des prestations pour la société Villas 3D entre le 2 mai 2016, date d'établissement du devis et le 6 mars 2017, date de conclusion du contrat de marché de travaux privés.

En outre, M. [I] ne démontre ni des échanges significatifs avec lui et la société Villas 3D ni la réalisation d'investissements particuliers dans le cadre de leur relation d'affaires entre le mois de mars 2017 et le mois de janvier 2018, période d'exécution du marché de travaux privés.

Dans ces conditions, le tribunal a justement retenu que la relation d'affaires entre M. [I] et la société Villas 3D ne constitue pas une relation suffisamment établie au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce.

2. Sur la résolution du contrat par la société Villas 3D

M. [I] soutient que la société Villas 3D a engagé sa responsabilité contractuelle en résiliant de manière anticipée et sans motif légitime leur contrat. Il fait valoir que l'article 22.1.2.1 du cahier des clauses générales NF P03-001 de décembre 2000 auquel renvoie le marché privé de travaux signé entre les parties le 6 mars 2017 limite les possibilités pour le maître de l'ouvrage de résilier le contrat aux torts de l'entrepreneur en ces termes :

"Le marché pourra être résilié de plein droit, sans accomplissement d'aucune formalité judiciaire, aux torts de l'entrepreneur :

- Après mise en demeure en cas d'abandon de chantier ou en cas de sous-traitance en infraction avec les dispositions du paragraphe 4.4 et 20.6 ;

- Sans mise en demeure, dans le cas de tromperie grave et dûment constatée sur la qualité des matériaux ou sur la qualité d'exécution des travaux."

Il affirme n'avoir commis aucun manquement pouvant justifier la résiliation anticipée de leur contrat et fait valoir, en ce sens, que la partie 2 du document technique unifié 59.1 "travaux de peinture - revêtements de peinture en feuil mince, semi-épais ou épais" (ci-après "NF DTU 59.1") visé dans le contrat conclu par les parties, n'autorise le peintre à intervenir que si les locaux sont hors d'eau et si leur température est comprise entre + 8 °C et + 35 °C avec une hygrométrie (mesure du degré d'humidité de l'atmosphère) inférieure à 70 % HR. Or, le taux d'humidité présent sur ce chantier dépassait ce seuil et pouvait atteindre jusqu'à 512 % HR. Il produit, en ce sens, un constat d'huissiers dressé à sa requête et non contesté par le maître d'ouvrage. Il souligne que la société Actiom agissant en qualité de maître d''uvre, a demandé à la société Les Professionnels du Plateau Briard, sollicitée pour terminer les travaux de peinture des six villas n°7 à 12, de surseoir à la réalisation de ses prestations en raison du taux d'humidité trop important. Il précise que la société Les Professionnels du Plateau Briard a terminé son intervention au mois d'avril alors que le planning prévisionnel prévoyait que le lot peinture des maisons n°7 à 12 devait être livré le 6 février 2018. M. [I] affirme avoir ainsi respecté ses obligations contractuelles en avertissant la société Villas 3D de la présence d'un taux d'humidité trop important dans les lots devant faire l'objet de travaux de peinture et en sollicitant, de ce fait, le report de son intervention.

M. [I] fait, en outre, valoir que la société Villas 3D ne pouvait résilier unilatéralement leur contrat en se fondant sur l'article 1794 du code civil, celui-ci s'appliquant exclusivement aux contrats de marché à forfait, soit tous travaux affectant le gros 'uvre d'un édifice et faisant subir à celui-ci une importante transformation. Or, le contrat litigieux portait sur des travaux de peinture qui sont des travaux d'aménagements intérieurs ne relevant pas de la construction de bâtiment au sens des articles 1793 et 1794 du code civil.

M. [I] soutient avoir subi un préjudice qu'il évalue à hauteur de la somme de 36 306,80 euros correspondant au solde du marché. Il affirme que la résiliation fautive du contrat lui a causé une perte sèche de son chiffre d'affaires et qu'il n'a pas disposé du temps nécessaire pour se retourner et signer de nouveaux contrats qui lui auraient permis de limiter ses pertes.

En réplique la société Villas 3D, allègue, d'une part que la résiliation anticipée du marché de travaux était justifiée par le manquement contractuel commis par M. [I] et d'autre part, qu'elle disposait d'une faculté de résiliation unilatérale en vertu de l'article 1794 du code civil.

S'agissant du manquement contractuel, la société Villas 3D affirme que M. [I] a refusé d'exécuter sa prestation dans les délais impartis alors qu'elle était elle-même tenue par des délais de livraison et n'a donc pas eu d'autre choix que de faire appel à une autre entreprise pour réaliser les travaux de peinture. Elle conteste les arguments avancés par l'appelant pour justifier son refus de s'exécuter relatifs au taux d'humidité trop important et fait valoir qu'elle avait accepté de faire son affaire personnelle des malfaçons. Elle ajoute que les parties avaient décidé d'un commun accord de résilier le marché de travaux conclu entre elles et qu'en tout état de cause malgré le taux d'humidité trop important allégué par M. [I] pour ne pas exécuter sa prestation, la société Les Professionnels du Plateau Briard a pu s'exécuter dans les délais impartis.

S'agissant de sa faculté de résiliation unilatérale, la société Villas 3D allègue que le contrat conclu avec M. [I] est un marché à forfait faisant référence à la norme AFNOR NF P03-001 dont l'article 22.1.3.2 prévoit que le maître de l'ouvrage dispose de la faculté de résiliation prévue dans les conditions de l'article 1794 du code civil c'est-à-dire par simple volonté, quoique l'ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l'entrepreneur des dépenses exposées et du gain attendu. Elle conclut qu'elle ne saurait être condamnée au versement du solde du marché à titre de dommages et intérêts.

Réponse de la Cour

En vertu des articles 1103 et 1104 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Les règles du marché à forfait, prévues aux articles 1793 et 1794 du code civil constituent des dérogations au droit commun des contrats. Si ces dispositions ne visent, en principe, que les marchés relatifs à un bâtiment conclu sur un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, les parties peuvent, néanmoins, se placer volontairement sous le régime du forfait pour des travaux autres que la construction d'un bâtiment.

L'article 1794 du code civil donne au maître de l'ouvrage, en dehors de toute idée de faute de la part de l'entrepreneur, la faculté de mettre fin unilatéralement au contrat quoique l'ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l'entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux et de tout ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise. Il doit, ainsi, réparer le préjudice subi par l'entrepreneur résultant de la perte de marge sur les travaux qu'il n'a pas pu réaliser (en ce sens : Cass. 3e civ., 14 mars 2012, n°11-13.266).

La résiliation du marché ne prive pas le maître de l'ouvrage de la possibilité de se prévaloir des manquements de l'entrepreneur à ses obligations contractuelles (en ce sens : Cass. civ., 3 mars 1988, n°86-18.464).

En l'espèce, la société Villas 3D a résilié le marché de travaux privés par une lettre du 12 janvier 2018 au motif que M. [I] avait refusé de débuter les travaux de peintures intérieures des lots n°7 à 12, le 3 janvier 2018 conformément au planning arrêté par les parties dans le contrat.

Il ressort, néanmoins, des pièces versées aux débats, que le refus de M. [I] de s'exécuter était justifié par les taux d'humidité trop importants présents dans les lots litigieux.

En effet, l'article 4 du marché de travaux privés renvoie aux "règles de calcul et D.T.U et les recommandations des fournisseurs de matériaux" qui n'autorisent le peintre à intervenir que si le taux d'humidité est inférieur à 70 % HR (pièces n°2 et n°16, M. [I]). Or, au cas présent, le constat d'huissier non contredit pas la société Villas 3D a relevé des taux d'humidité compris entre 293 % et 940 % dans les lots n°7 à 12 (pièce n°9, M. [I]). En outre, il ressort du rapport de chantier daté du 17 janvier 2018 et réalisé par la société Actiom, maître d''uvre, que des dégâts des eaux avaient été constatés le 16 janvier 2018 en particulier dans le lot n°12 (pièce n°14, M. [I]).

Dès lors, en se conformant à ses obligations telles que prévues par les "règles de calcul et D.T.U" auxquelles renvoi le contrat de marché de travaux privés, M. [I] n'a pu commettre un manquement contractuel susceptible d'en justifier la résiliation anticipée à ses torts.

La société Villas 3D était, toutefois, en droit de se prévaloir de sa faculté de résiliation unilatérale en vertu du contrat de marché de travaux conclu avec M. [I] qui fait spécifiquement référence, dans son entête, à la norme "NFP 03001 édition déc 2000", laquelle prévoit en son article 22.1.3.2 que "dans le cas où le maître de l'ouvrage résilierait le marché dans les conditions prévues à l'article 1794 du code civil, l'indemnité à verser à l'entrepreneur sera calculée conformément aux dispositions de cet article" (pièce n°2, société Villas 3D). L'acte d'huissier daté du 16 janvier 2018 fait, en outre, apparaître un accord entre les parties aux termes duquel la société Villas 3D s'est engagée à régler le solde des travaux des six premières maisons qui ont été réalisées, déduction faite de l'acompte qui a été versé et des prestations non réalisées ainsi qu'à ne pas engager la responsabilité de M. [I] en cas de malfaçons (pièce n°9, M. [I]).

Les parties se sont ainsi volontairement placées sous le régime du forfait dont la résiliation unilatérale est régie par l'article 1794 du code civil.

La société Villas 3D, sans rompre abusivement son contrat avec M. [I], a, dès lors, usé de sa faculté de résiliation unilatérale.

De ce fait et puisqu'aucune faute contractuelle n'est établie, la société Villas 3D est tenue, en vertu de l'article 1794 du code civil, de régler à M. [I] le montant des travaux accomplis par lui à la date de rupture du marché ainsi que de le dédommager du préjudice subi résultant de la perte de marge sur les travaux qu'il n'a pas pu réaliser.

La société Villas 3D n'est, néanmoins, pas tenue d'indemniser M. [I] à hauteur de l'intégralité du solde restant dû au titre du marché de travaux.

Il convient dès lors, de déterminer le montant de l'indemnité due par la société Villas 3D à M. [I] en vertu de l'article 1794 du code civil.

S'agissant du dédommagement de M. [I] pour ses dépenses et ses travaux, il résulte des pièces versées aux débats que :

- le marché de travaux privés passé entre M. [I] et la société Villas 3D a été conclu pour un prix de 51 498 euros HT (pièce n°2, M. [I]) ;

- la société Villas 3D a versé à M. [I] un acompte de 15 449,40 euros à M. [I] pour débuter les travaux (pièce n° 22, M. [I]) ;

- M. [I] a sous-traité les travaux de peinture des lots n°1 à 6 à la société Les Professionnels du Plateau Briard moyennant un prix de 25 200 euros (pièce n°3, M. [I]) ;

- ainsi qu'elle s'y était engagée auprès de M. [I] dans sa lettre de rupture, la société Villas 3D a payé à la société Les Professionnels du Plateau Briard la somme de 6 851,52 euros pour les travaux réalisés au sein des lots n°1 à 6 (pièces n°6 et 11, M. [I]).

Le marché conclu entre M. [I] et la société Villas 3D portait ainsi sur des travaux de peintures au sein de douze lots pour un montant total de 51 498 euros, soit 25 749 euros HT pour les six premiers lots (51 498 / 2) pour lesquels la société Villas 3D a payé à M. [I] un acompte de 15 449,40 euros et la somme de 6 851,52 euros à la société Les Professionnels du Plateau Briard au titre des prestations de peinture effectuées en sa qualité de sous-traitant.

Dès lors, en désintéressant directement la société Les Professionnels du Plateau Briard, sous-traitant de M. [I], à hauteur de 6 851,52 euros des travaux réalisés dans les six premiers lots et en versant à ce dernier un acompte de 15 449,40 euros, la société Villas 3D a dédommagé M. [I] à hauteur de 22 300,92 euros sur ses dépenses effectuées pour la réalisation des peintures des six premiers lots et reste à lui devoir, en vertu de l'article 1794 du code civil, une somme de 3 448,08 à ce titre (25 749 - 15 449,40 - 6 851,52 = 3 448,08).

S'agissant du dédommagement de l'entrepreneur au titre de ce qu'il aurait pu gagner dans l'entreprise, il ressort des écritures de M. [I] que ce dernier se prévaut d'une marge brute globale de 82,91 % qui n'est, pour autant, pas justifiée par l'appelant.

En effet, si les soldes intermédiaires de gestion produits font apparaître une marge brute globale de 82.91 %, celle-ci ne prend pas en compte les impôts, salaires, charges sociales du personnel et charges de l'exploitant (pièce n°18, M. [I]).

La Cour dispose d'éléments suffisants pour retenir un taux de marge de 65 %, qui est au demeurant la tranche haute de la marge moyenne habituellement réalisée dans le secteur de la construction.

Il ressort également du contrat de marché de travaux privés que M. [I] aurait pu gagner la somme de 25 749 euros s'il avait procédé aux travaux de peinture des six derniers lots (pièce n°2, M. [I]).

Aussi, le dédommagement dû par la société Villas 3D à M. [I], au titre de ce qu'il aurait pu gagner dans l'entreprise, s'élève à 65 % de la somme de 25 749 euros, soit la somme de 16 736,85 euros.

En conséquence, la société Villas 3D sera condamnée au paiement de la somme totale de 20 184,93 euros à M. [I] au titre du dédommagement de ses dépenses, travaux et de ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise (3 448,08 euros au titre des travaux accomplis à la date de rupture du marché et 16 736,85 euros au titre de la perte de marge sur les travaux qui n'ont pu être réalisés).

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

3. Sur le paiement de la facture de la société Les Professionnels du Plateau Briard

M. [I] soutient qu'il n'était pas tenu au paiement de la somme de 16 348,48 euros au titre de la facture du 31 décembre 2017 émise par la société Les Professionnels du Plateau Briard pour la réalisation des travaux de peinture dans les six premiers lots, aux motifs que le coût de la mise à disposition de ses salariés pour un montant total de 1 846,54 euros et les malfaçons reprochées par la société Villas 3D à hauteur de la somme de 1 728 euros n'ont pas été déduits de la facture litigieuse. Il allègue que la facture ne saurait donc excéder la somme de 12 773,94 euros (16 348,48 - 1 846,54 - 1 728).

En réplique, la société Les Professionnels du Plateau Briard allègue que M. [I] reste à lui devoir la somme de 16 348,48 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2018, date de la sommation de payer, au titre du solde des travaux de peintures réalisés dans les six premières villas. Elle fait valoir que M. [I] ne rapporte pas la preuve d'un accord entre les parties sur une déduction de la main d''uvre de la facture et que M. [I] n'a aucunement contesté la qualité de la prestation réalisée.

Réponse de la Cour

En vertu des articles 1103 et 1104 du code civil, pris ensemble, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

Il est constant qu'une partie à un contrat ne peut modifier unilatéralement les conditions contractuelles initiales.

En l'espèce, M. [I] a conclu avec la société Les Professionnels du Plateau Briard un contrat de sous-traitance daté du 12 décembre 2017 portant sur la réalisation de travaux de peinture de six maisons pour un prix unitaire de 4 200 euros soit au total 25 200 euros (pièce n°3, M. [I]).

Le courriel versé aux débats par M. [I], daté du 26 février 2018, qui lui a été adressé par M. [P] se contente d'indiquer le coût de deux salariés pour les périodes respectivement du 15 décembre 2017 au 22 décembre 2017 et du 12 décembre 2017 au 20 décembre 2017 (pièce n°5). Ce courriel, qui n'est pas circonstancié, ne mentionne pas la société Les Professionnels du Plateau Briard, ou à quel titre ces salariés ont été rémunérés.

Dès lors, ni le contrat de sous-traitance du 12 décembre 2017, ni le courriel du 26 février 2018 ne font apparaître un accord des parties sur la mise à disposition de salariés par M. [I] ou sur la prise en charge de leurs salaires.

S'agissant des travaux non réalisés, M. [I] ne démontre pas davantage la réalité et la consistance de l'inexécution reprochée à la société Les Professionnels du Plateau Briard. En particulier, les pièces produites ne permettent pas d'établir que la société Villas 3D a déduit la somme de 1 728 euros du paiement direct réalisé au profit du sous-traitant.

Dans ces conditions le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [I] à régler la somme de 16 348,48 euros à la société Les Professionnels du Plateau Briard, outre les intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2018, date de la sommation de payer.

4. Sur la concurrence déloyale

M. [I] reproche à la société Les Professionnels du Plateau Briard d'avoir commis divers actes de concurrence déloyale. Il lui reproche d'avoir commis des actes de parasitisme en profitant de ses effort antérieurs (prospection du maître d'ouvrage, candidature à la procédure d'attribution du marché), pour récupérer le marché de travaux, des actes de dénigrement en affirmant à la société Villas 3D qu'il était possible de peindre les supports malgré le taux d'humidité trop important ainsi que d'avoir débauché l'un de ses salariés. Il soutient avoir subi un préjudice qu'il évalue à hauteur de 15 000 euros eu égard à sa perte mais également aux économies réalisées par la société Les Professionnels du Plateau Briard.

En réplique, la société Les Professionnels du Plateau Briard affirme que lorsqu'elle a accepté de terminer le chantier des six dernières villas, elle n'avait plus de lien contractuel avec M. [I] et pouvait donc librement contracter avec la société Villas 3D qui elle-même n'était plus liée à M. [I] de sorte qu'il ne saurait lui être reproché une quelconque concurrence déloyale. Elle ajoute que M. [I] s'est refusé à accepter d'effectuer les travaux de peinture nonobstant la demande de la société Villas 3D en ce sens.

Réponse de la Cour

L'action en concurrence déloyale trouve son fondement dans les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil relatifs à l'engagement de la responsabilité délictuelle qui supposent la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.

La personne qui entend obtenir réparation des conséquences dommageables d'un acte de déloyauté doit, ainsi, prouver l'existence d'une faute ; preuve qui peut être rapportée par tous moyens.

En l'espèce, M. [I] ne produit, au soutien de ses allégations, aucune pièce de nature à démontrer un quelconque acte de concurrence déloyale commis par la société Les Professionnels du Plateau Briard.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande indemnitaire fondée sur la concurrence déloyale.

5. Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera infirmé sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cause d'appel, chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens et les demandes formées au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement dans ses dispositions soumises à la Cour sauf en ce qu'il a condamné M. [I] à régler la somme de 16 348,48 euros à la société Les Professionnels du Plateau Briard, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2018.

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute M. [I] de sa demande indemnitaire à hauteur de 36 306,80 euros au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie,

Condamne la société Villas 3D à régler à M. [I] la somme de 20 184,93 euros au titre de l'article 1794 du code civil,

Déboute M. [I] de sa demande indemnitaire au titre de la réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens exposés en première instance et en cause d'appel,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.