Cass. crim., 23 mai 2024, n° 23-81.920
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bonnal
Rapporteur :
M. Ascensi
Avocat général :
Mme Chauvelot
Avocats :
Me Galy, SARL Le Prado - Gilbert
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [K] [U] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour association de malfaiteurs et abus de biens sociaux.
3. M. [B] [W] a quant à lui été poursuivi pour blanchiment habituel et association de malfaiteurs.
4. Par jugement du 10 décembre 2020, le tribunal a relaxé M. [U] du chef d'association de malfaiteurs et est entré en voie de condamnation pour le surplus de la prévention à l'encontre des deux prévenus.
5. M. [U] a notamment été condamné à dix ans d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, et de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société.
6. MM. [U] et [W], et le ministère public ont interjeté appel de la décision.
Examen de la recevabilité du pourvoi formé par M. [U] le 27 février 2023
7. M. [U] ayant épuisé son droit de se pourvoir en cassation contre l'arrêt attaqué par la déclaration, faite par son avocat, le 24 février 2023, la déclaration de pourvoi, formée en son nom, par un autre avocat, le 27 février 2023, n'est pas recevable.
Examen des moyens
Sur le second moyen proposé pour M. [U] et le moyen unique proposé pour M. [W]
8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen proposé pour M. [U]
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [U] à l'interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de trois ans, alors « que nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; que M. [U] a été déclaré coupable d'avoir fait, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'il savait contraire à l'intérêt de la société [3], à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement ; qu'en le condamnant à l'interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de trois ans quand les articles L. 242-6 et L. 249-1 du code de commerce limitent pour le délit reproché une telle interdiction aux entreprises commerciales ou industrielles et aux sociétés commerciales, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 111-3 du code pénal :
10. Nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi.
11. Après avoir constaté que M. [U] a été définitivement déclaré coupable d'abus de biens sociaux et relaxé du chef d'association de malfaiteurs, et que le prévenu a interjeté appel de la peine complémentaire de dix ans d'interdiction de gérer, l'arrêt attaqué le condamne à trois ans d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société, en précisant que cette peine est fondée sur l'article 450-3 du code pénal.
12. En prononçant ainsi une peine complémentaire non prévue par l'article L. 242-6 du code de commerce réprimant le délit d'abus de biens sociaux d'une peine d'interdiction de gérer qui ne s'étend qu'aux entreprises et sociétés commerciales, et alors que l'article 450-3 du code pénal réprime le délit d'association de malfaiteurs dont le demandeur n'a pas été déclaré coupable, la cour d'appel a méconnu les texte et principe ci-dessus rappelés.
13. Dès lors la cassation est encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
14. La cassation, qui sera limitée aux dispositions relatives à la peine complémentaire d'interdiction de gérer prononcée à l'encontre de M. [U] aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
15. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. Par suite de la décision de non-admission des moyens dirigés à l'encontre des dispositions civiles de l'arrêt attaqué, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur le pourvoi formé par M. [U] le 27 février 2023 :
Le DÉCLARE IRRECEVABLE ;
Sur les autres pourvois :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 22 février 2023, mais en ses seules dispositions ayant condamné M. [U] à trois ans d'interdiction de gérer, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT que l'interdiction de gérer d'une durée de trois ans prononcée à titre de peine complémentaire contre M. [U] est limitée à la direction ou à la gestion, directe ou indirecte, d'une entreprise commerciale ou industrielle ou d'une société commerciale ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
FIXE à 1 250 euros la somme que M. [U] devra payer à la société [1], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [2], en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 1 250 euros la somme que M. [W] devra payer à la société [1], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [2], en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille vingt-quatre.