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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 2-4, 22 mai 2024, n° 23/10006

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 23/10006

22 mai 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 22 MAI 2024

N° 2024/ 118

Rôle N° RG 23/10006 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLWH3

[X] [L]

C/

[P] [T] veuve [G]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sandra JUSTON

Me Ronit ANTEBI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire de GRASSE en date du 06 Juillet 2023 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 23/00883.

APPELANT

Monsieur [X] [L], demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Philippe MARIA de l'ASSOCIATION MARIA - RISTORI-MARIA, avocat au barreau de GRASSE (avocat plaidant) et par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant)

INTIMEE

Madame [P] [T] veuve [G]

née le [Date naissance 2] 1936 à [Localité 9], demeurant [Adresse 3] FRANCE

représentée par Me Ronit ANTEBI, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Avril 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Michèle JAILLET, Présidente

Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère

Mme Pascale BOYER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Fabienne NIETO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Mai 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Mai 2024,

Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Mme Fabienne NIETO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

[H] [G] est décédé le [Date décès 4] 2021 à [Localité 12] (06), laissant pour lui succéder son épouse, Mme [P] [T], avec laquelle il s'est marié le [Date mariage 1] 1993 en Polynésie française, sans contrat de mariage préalable, et M. [X] [L], qu'il a adopté en la forme de l'adoption simple aux termes d'un jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 06 décembre 2005.

L'interrogation du fichier central des dispositions a révélé l'existence d'une autre disposition en date du 27 décembre 1985, déposé en une étude notariale à [Localité 10] (05), consistant en un testament olographe aux termes duquel le défunt a institué Madame [P] [T] son épouse légataire universelle, révoquant toutes dispositions antérieures.

Par acte notarié reçu par Me [Z] [B], notaire à [Localité 14] le 10 novembre 2006, il a fait donation à son conjoint survivant, pour le cas de survie uniquement, de l'usufruit de l'universalité des biens et droits mobiliers dépendant de sa succession ou encore du quart en pleine propriété et des trois quarts en usufruit ou enfin de la quotité disponible ordinaire des mêmes biens, le tout au choix exclusif du conjoint.

Le conjoint survivant a opté pour la quotité disponible possible en présence d'un enfant, soit la moitié des meubles et immeubles en pleine propriété.

Me [Z] [B] a été chargée du règlement de la succession, composée d'avoirs bancaires de biens immobiliers, parmi lesquels figure une villa dénommée « Villa [11] », située [Adresse 3] à [Localité 8], domicile conjugal et dans laquelle réside la veuve.

Un projet d'état liquidatif a été adressé aux héritiers le 25 mars 2022, évaluant le bien immobilier cannois à 2 300 000 €.

Par acte extrajudiciaire en date du 07 février 2023, Mme [P] [T] a assigné devant le président du tribunal judiciaire de Grasse selon la procédure accélérée au fond M. [X] [L] aux fins de l'autoriser à conclure seule la vente du bien immobilier cannois au prix de 2 315 000 €.

Par jugement contradictoire rendu selon la procédure accélérée au fond le 06 juillet 2023, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la vice-présidente du tribunal judiciaire de Grasse a :

Vu les dispositions des articles 815-6, 813-1 du Code civil et 1380 du Code de Procédure Civile,

Autorisé Madame [P] [T] à conclure seule la vente de la villa « [11] » sise [Adresse 3] cadastrée AP [Cadastre 5] au prix de 2 315 000 euros hors Frais d'agence, par l'entremise de l'agence AMANDA PROPERTIES (mandat de vente, proposition d'achat, compromis de vente et acte authentique et tout autre acte subséquent accessoirement à ladite vente) en application de l'article 815-6 du Code civil,

L'a autorisé à conclure la vente immobilière dont s'agit avec M [N] [R] « [N] » comme avec tout autre acquéreur potentiel qui se manifesterait en ses lieu et place par l'entremise de l'agence AMANDA PROPERTIES et par l'entremise de toute tout autre mandataire, au prix minimum de 2 315 000 euros hors frais d'agence ,

Débouté Madame [P] [T] de sa demande de désignation d'un administrateur en qualité de mandataire successoral,

Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour procédure ou résistance abusive et rejeté les demandes formées par les parties de ce chef,

Condamné Monsieur [X] [L] à payer, à Madame [P] [T] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure,

Condamné Monsieur [X] [L] aux dépens,

Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du présent jugement, qui est de droit,

Condamné Monsieur [X] [L] aux dépens,

Rejeté toutes autres demandes.

Les parties n'ont pas justifié de la signification du jugement.

Par déclaration reçue le 26 juillet 2023, M. [X] [L] a interjeté appel de cette décision.

La procédure concernant un appel contre un jugement rendu selon la procédure accélérée au fond, l'affaire a été, par avis du 27 septembre 2023, fixée à bref délai à l'audience de plaidoiries du 03 avril 2024, selon les dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions récapitulatives déposées par voie électronique le 14 décembre 2023, l'appelant demande à la cour de :

DECLARER RECEVABLE ET FONDE l'appel interjeté par Monsieur [X] [L].

Y faisant droit,

INFIRMER la décision entreprise en ce qu'elle a :

- Autorisé Madame [P] [T] à conclure seule la vente de la villa « [11] '' sise [Adresse 3] cadastrée AP [Cadastre 5] au prix de 2 315 000 euros hors Frais d'agence, par l'entremise de l'agence AMANDA PROPERTIES (mandat de vente, proposition d'achat, compromis de vente et acte authentique et tout autre acte subséquent accessoirement à ladite vente) en application de l'article 815-6 du Code civil,

- Autorisé Madame [P] [T] à conclure la vente immobilière dont s'agit avec M [N] [R] [N] comme avec tout autre acquéreur potentiel qui se manifesterait en ses lieu et place par l'entremise de l'agence AMANDA PROPERTIES et par l'entremise de toute tout autre mandataire, au prix minimum de 2 315 000 euros hors frais d'agence,

- Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour procédure abusive et rejeté les demandes formées par Monsieur [X] [L] de ce chef,

- Condamné Monsieur [X] [L] à payer à Madame [P] [T] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Monsieur [X] [L] aux dépens,

Et, statuant à nouveau,

DEBOUTER Madame [P] [T] de ses demandes tendant à être autorisée à conclure la vente de la villa sise [Adresse 3] ;

Subsidiairement, si l'autorisation judiciaire de vendre était confirmée,

DIRE que Madame [T] ne pourra pas percevoir le prix de cette vente jusqu'à la clôture des opérations de partage et paiement des dettes, droits et honoraires liés à ces opérations,

En toute hypothèse,

CONDAMNER Madame [T] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

CONFIRMER la décision en ce qu'elIe a :

- Débouté Madame [P] [T] de sa demande de désignation d'un administrateur en qualité de mandataire successoral ;

- Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour résistance abusive et rejeté les demandes formées par Madame [T] de ce chef ;

DECLARER Madame [T] irrecevable et infondée en son appel incident ;

DEBOUTER Madame [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

DEBOUTER à titre principal Madame [P] [T] de sa demande tendant à la désignation d'un mandataire successoral ;

Subsidiairement, si un mandataire successoral devait être désigné :

- Limiter la mission du mandataire successoral aux actes d'administration de la succession à l'exclusion de tout acte de disposition ;

- Dire que le mandataire pourra se faire communiquer tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission en ce compris et spécialement les informations que Madame [T] se refuse à transmettre depuis l'ouverture de la succession. ;

- Dire que le mandataire pourra toucher le montant de toute somme revenant à quelque titre que ce soit à la succession.

- Dire que Madame [T] devra faire l'avance des frais et honoraires de l'administrateur.

DEBOUTER Madame [T] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive;

CONDAMNER Madame [P] [T] à payer à Monsieur [X] [L] la somme de 5000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

LA CONDAMNER en tous les dépens.

Dans ses conclusions d'intimée et d'appel incident transmises par voie électronique le 14 novembre 2023, l'intimée sollicite de la cour de :

Vu l'article 1380 du CPC,

Vu l'article 815-6 du Code civil,

Vu le motif urgent que requiert l'intérêt commun,

Vu l'article 813-1 du Code civil,

Vu le procès-verbal de carence de Me [B] du 17 novembre 2022,

Vu le jugement du TJ de Grasse du 6 juillet 2023 (minute 2023/674),

- DECLARER M [X] [L] irrecevable et mal fondé en ses demandes portées en cause d'appel,

A TITRE PRINCIPAL :

- CONFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il a autorisé Mme [P] [T] veuve [G] à conclure seule la vente de la villa « [11] » sise [Adresse 3] cadastrée AP [Cadastre 5] au prix de 2 315 000 euros hors frais d'agence, par l'entremise de l'agence AMANDA PROPERTIES (mandat de vente, proposition d'achat, compris de vente et acte authentique et tout autre acte subséquent accessoirement à ladite vente) en application de l'article 815-6 du Code civil,

- CONFIRMER le Jugement entrepris en ce qu'il l'autorise à conclure la vente immobilière dont s'agit avec M [N] [R] [N] comme avec tout autre acquéreur potentiel qui se manifesterait en ses lieu et place par l'entremise de l'agence AMANDA PROPERTIES et par l'entremise de tout autre mandataire, au prix minimum de 2 315 000 euros hors frais d'agence,

STATUANT DE NOUVEAU :

- DECLARER recevable et bien fondé le motif urgent invoqué, lié à la situation de l'indivision et de ses membres, en application de l'article 815-6 du Code civil,

- AUTORISER l'intimée à conclure seule la vente de la villa « [11] » sise [Adresse 3] cadastrée AP [Cadastre 5] au prix de 2 315 000 euros hors Frais d'agence, par l'entremise de l'agence AMANDA PROPERTIES (mandat de vente, proposition d'achat, compromis de vente et acte authentique et tout autre acte subséquent accessoirement à ladite vente) en application de l'article 815-6 du Code civil,

- L'AUTORISER à conclure seule la vente immobilière dont s'agit avec M [N] [R] [N] comme avec tout autre acquéreur potentiel qui se manifesterait en ses lieu et place par l'entremise de l'agence AMANDA PROPERTIES et tout autre mandataire, au prix minimum de 2 315 000 euros hors frais d'agence

A TITRE SUBSIDIAIRE ou INCIDENT :

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande tendant à la désignation d'un administrateur en qualité de mandataire successoral,

STATUANT DE NOUVEAU :

- ORDONNER la désignation d'un administrateur en qualité de mandataire successoral et l'habiliter à représenter le défendeur récalcitrant pour la signature de la vente immobilière de la villa « [11] » à [Localité 8], ainsi que pour celle des actes de succession et ce, jusqu'à la signature de l'acte de partage inclus, en application de l'article 813-1 du Code civil,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il rejeté la demande de condamnation à l'égard de M [X] [L] au titre des dommages et intérêts pour résistance abusive,

STATUANT DE NOUVEAU :

- DEBOUTER M [X] [L] de toutes ses prétentions en cause d'appel à toutes fins qu'elles procèdent,

- CONDAMNER M [X] [L] à allouer à Mme [P] [T] veuve [G] une indemnité de 7000 euros pour résistance abusive, sur le fondement quasi-délictuel,

- CONDAMNER M [X] [L] à allouer à Mme [T] veuve [G] une indemnité de 3 000 euros en première instance et 3000 euros en cause d'appel, en application de l'article 700 du CPC

- CONDAMNER le même à lui rembourser les entiers dépens de la première instance de la présente instance d'appel qui seront recouvrés en application de l'article 696 du Code de procédure civile, aux offres de Droit.

- Rappeler que l'exécution provisoire de l'arrêt à venir est de droit.

L'appelant, par conclusions transmises le 05 mars 2024 à 15h02, réitérait les demandes contenues dans ses conclusions du 14 décembre 2023 mais communiquait 7 nouvelles pièces.

Par message électronique en date du 06 mars 2024 à 16h34, le conseil de l'intimée a demandé d'écarter des débats les conclusions et pièces transmises par l'appelant le 05 mars 2024 à 15h03, soit quelques heures avant la clôture fixée au 06 mars 2024.

La procédure a été clôturée le 06 mars 2024 à 08h33.

Par conclusions d'intimée n°2 et d'appel incident avec demande de rabat de l'ordonnance de clôture du 06 mars 2024, l'intimée a réitéré ses précédentes prétentions et y a ajouté « d'ordonner le report de la clôture et subsidiairement ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture à telle date qu'il plaira à la cour de céans au vu des nouvelles pièces et écritures produites par l'appelant en toute veille de clôture soit le 5 mars 2024 au soir ».

Par soit-transmis du 06 mars 2024, la présidente de la chambre a répondu au conseil de l'intimée que l'avis de fixation était intervenu le 27 septembre 2023 prévoyant une clôture au 06 mars 2024 ; qu'en conséquence, il ne sera pas fait droit à la demande de report de clôture.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Il convient de rappeler que :

- en application de l'article 954 du code de procédure civile, la Cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif,

- l'article 9 du code de procédure civile dispose qu''il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention' et que l'article 954 du même code, dans son alinéa 1er, impose notamment aux parties de formuler expressément ses prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée 'avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et leur numérotation',

- ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte', de sorte que la cour n'a pas à statuer.

Il n'y a pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que' ou 'dire que ' telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.

Il en est ainsi de la demande de l'appelant de « dire que madame [T] ne pourra pas percevoir le prix de cette vente jusqu'à la clôture des opérations de partage et paiement des dettes, droits et honoraires liés à ces opérations ».

Les demandes de 'donner acte' sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Par ailleurs l'effet dévolutif de l'appel implique que la Cour connaisse des faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis la décision querellée et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s'ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu'en cours d'instance d'appel.

Toutes les dispositions de la décision entreprise qui ne sont pas contestées par les parties sont devenues définitives.

Le jugement est critiqué dans son intégralité.

Sur la recevabilité des pièces et conclusions et sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

En application des articles 14 à 16 du code de procédure civile, le juge doit en toutes circonstances respecter et faire respecter le principe du contradictoire, les parties devant se faire connaître en temps utile les moyens de fait, les éléments de preuve et les moyens de droit qu'elles invoquent.

Les parties ont été informées que l'ordonnance de clôture dès le 27 septembre 2023 que la clôture interviendrait le 06 mars 2024.

Les conclusions transmises la veille de la clôture par l'appelant permettent la communication de nouvelles pièces qui auraient pu être produites avec les précédentes conclusions, s'agissant de l'acte d'achat Eden Roc en date du 19 décembre 1985, de la revente d'Eden Roc le 30 mars 2000, de l'acte d'achat d'un bien situé [Adresse 7] le 29 décembre 1999 et de sa revente le 11 octobre 2006, d'un acte notarié du 13 juillet 2004 et d'un acte de licitation du 12 octobre 2006.

Ces conclusions et pièces tardives ne permettent pas à l'intimée d'en prendre connaissance et d'y répliquer utilement. Elles seront donc écartées des débats afin de respecter le principe du contradictoire et la loyauté des débats.

La cour statuera au vu des conclusions et pièces déposées par l'appelant le 14 décembre 2023.

De même, les conclusions et pièces déposées par l'intimée le 06 mars 2024, après l'ordonnance de clôture, doivent être déclarées irrecevables au regard des dispositions de l'article 802 du code de procédure civile.

En conséquence, il n'y a pas lieu à ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture, les conclusions et pièces transmises la veille ayant été écartées.

Sur l'autorisation de vendre le bien

L'article 815 du code civil pose le principe que nul ne peut être contraint à rester dans l'indivision.

L'article 815-5 du code civil permet à la justice d'autoriser un indivisaire à passer seul un acte pour lequel le consentement d'un coindivisaire serait nécessaire si le refus de celui-ci met en péril l'intérêt commun.

L'article 815-6 du code civil prévoit que « le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes mesures urgentes que requiert l'intérêt commun.

Il peut notamment autoriser un indivisaire à percevoir des débiteurs de l'indivision ou des dépositaires de fonds indivis une provision destinée à faire face aux besoins urgents, en prescrivant, au besoin, les conditions de l'emploi. Cette autorisation n'entraîne pas prise de qualité pour le conjoint survivant ou pour l'héritier.

Il peut également soit désigner un indivisaire comme administrateur en l'obligeant s'il y a lieu à donner caution, soit nommer un séquestre. Les articles 1873-5 à 1873-9 du présent code s'appliquent en tant que de raison aux pouvoirs et obligations de l'administrateur, s'ils ne sont autrement définis par le juge ».

L'article 1380 du code de procédure civile dispose que « les demandes formées en application des articles 772, 794, 810-5, 812-3, 813-1, 813-7, 813-9 et du deuxième alinéa de l'article 814, des articles 815-6, 815-7, 815-9 et 815-11 du code civil sont portées devant le président du tribunal judiciaire ou son délégué qui statue selon la procédure accélérée au fond ».

Il ressort de la combinaison des articles rappelés ci-dessus que le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond peut autoriser un indivisaire à vendre seul un bien indivis.

Le jugement attaqué a, après avoir relevé l'attitude de l'appelant favorable dans un premier temps à la vente de tous les biens en indivision mais l'utilisant comme objet de chantage concernant une assurance-vie, droit étranger à la succession, estimé que le bien indivis litigieux non seulement générait des dépenses obligatoires (taxes foncières, entretien du jardin paysager de 1 800 m² aux mille essences méditerranéennes, piscine, assurances) mais ne rapportait aucun fruit puisque non offert à la location.

En l'absence de souhait de rachat du bien par le fils du défunt et au regard de l'impossibilité de partager le bien en nature, ce dernier exposait sa belle-mère à une « situation de blocage, non justifiée, qui compte-tenu de l'âge de l'intéressée et des dépenses importantes que le bien indivis génère, menace en réalité l'intérêt commun et caractérise l'urgence ».

Concernant le prix, le fils du défunt n'a produit aucune pièce de nature à justifier que le prix de vente proposé ne serait pas conforme au prix du marché.

Au soutien de son appel, l'appelant fait essentiellement valoir que :

Le jugement s'est basé sur des éléments subjectifs, le comportement de l'appelant et l'âge de la demanderesse, sans référence à l'urgence et à l'intérêt commun,

L'intérêt commun n'est pas caractérisé dès lors que le bien est entretenu, ce qui est le cas,

L'urgence ne doit être que relative à la conservation du bien,

L'intimée ne présente aucune raison concernant l'intérêt commun mais ne vise que son intérêt personnel, souhaitant se rapprocher de son fils unique résidant à [Localité 13],

L'intimée dispose des moyens financiers pour entretenir le bien, ayant perçu une somme de 372 000 € au titre d'un contrat d'assurance-vie,

Le bien pourrait être mis en location,

Il participe activement au règlement de la succession, réfutant le chantage allégué,

L'intimée invoque essentiellement :

La difficulté de vivre seule dans le bien, peu aménagé pour une personne seule et âgée,

Les dépenses générées par ce bien d'exception (entretien, chauffage, électricité, jardinage),

L'absence de fruits qu'il génère,

L'accord de l'appelant pour vendre le bien mais son refus de signer le mandat de vente empêche la vente et a fait échec à l'acheteur allemand,

L'intérêt commun est de sortir de l'indivision et de procéder au partage, le désaccord sur le prix de vente étant artificiel et fictif.

Les articles ci-dessus visés imposent de démontrent d'une part l'urgence et d'autre part l'intérêt commun des indivisaires pour autoriser l'un d'eux à vendre seul un bien indivis.

Il n'est pas contestable que la configuration du bien indivis (villa de plain-pied, 225m², 4 chambres et salles de bain, jardin paysager de 1 800m², piscine et pool-house, double garage et parking) n'est pas partageable en nature.

Selon l'attestation notariale établie par la notaire chargée de la succession le 24 mars 2022, l'intimée est propriétaire de ¿ des droits sur le bien litigieux, étant un acquêt de communauté.

Ces deux conditions sont en l'espèce caractérisées.

Il ressort des éléments produits que, sous couvert d'affirmer son accord de principe sur la vente du bien, l'appelant soumet son engagement au règlement de la succession. Il l'écrit dans un courrier en date du 24 avril 2022.

Le 18 octobre 2022, la représentante de l'agence immobilière Amanda Properties soulignait dans un courriel que l'appelant ne répondait pas à ses courriers, n'avait toujours pas signé le mandat de vente ni l'offre d'achat du bien.

Le « 26/110/2022 », l'appelant a informé par courrier l'agence immobilière qu'il rejetait l'offre d'achat « la succession de mon père n'est pas encore réglée et aucun mandat n'a été donné pour négocier cette vente ».

La notaire chargée de la succession a, dans un acte établi le 17 novembre 2022, indiqué en septième observation « sommation à comparaître » que l'appelant, ne répondant pas à la proposition du notaire soussigné de venir les actes de la succession, a été sommé par l'intimée de comparaître à ce rendez-vous du 17 novembre 2022. La notaire a dressé un procès-verbal de carence.

Le simple versement le 19 avril 2022 par l'appelant d'une somme de 150 000 € versé aux services fiscaux à titre d'acompte sur la succession ne saurait, de surcroît au regard de son patrimoine global, suffire à caractériser la volonté de celui-ci de régler la succession au plus vite.

Le courriel du 02 décembre 2022 envoyé par l'appelant à son notaire confirme l'analyse du premier juge sur l'attitude de l'appelant, notamment au regard de sa position sur le contrat d'assurance-vie, hors cadre de la succession, souscrit par le défunt au bénéfice de son épouse, pour lequel il souhaite que cette dernière y renonce et « en contrepartie, je renoncerai à toute prétention supplémentaire et nous pourrons procéder en bonne entente à la vente de tous les biens en indivision ».

Concernant le prix du bien, un certificat d'expertise en évaluation immobilière réalisé le 14 mars 2022 fixe pour ledit bien une valeur vénale retenue entre 2 245 000 € et 2 360 000 €, arrondi à 2 300 000 €. L'intimé n'a produit aucun élément remettant en cause cette estimation.

Le prix proposé dans le cadre de l'offre ferme d'achat était supérieur au prix arrondi.

Si le bien a été, lors de l'expertise réalisée il y a plus de deux ans, reconnu en bon état, l'urgence de vendre et l'intérêt commun sont caractérisés au regard des éléments développés ci-dessus. Il est donc dans l'intérêt des parties de procéder à la vente de ce bien indivis, ce à quoi l'appelant n'est pas opposé en son principe, s'il n'en faisait un objet de pression pour la renonciation à un contrat d'assurance-vie, hors cadre de la succession.

C'est donc par de justes motifs que le premier juge a autorisé l'intimée à vendre seule le bien ; le jugement querellé doit donc être confirmé.

Sur la désignation d'un mandataire successoral

L'article 813-1 du code civil prévoir que « le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l'effet d'administrer provisoirement la succession en raison de l'inertie, de la carence ou de la faute d'un ou plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d'une opposition d'intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale ».

Pour rejeter la demande de l'intimée, le premier juge a relevé que dès lors que l'intimée était autorisée à passer seule l'acte de disposition sur le bien litigieux, « la démonstration que la mésentente des co indivisaires, leur inertie, leur opposition d'intérêts ou la complexité successorale, justifierait de faire administrer la succession par un tiers n'est pas rapportée ».

Au soutien de son appel incident, l'intimée souligne essentiellement le conflit l'opposant à l'appelant co-indivisaire et à ses man'uvres dilatoires pour ne pas procéder au partage. Il est donc nécessaire qu'un administrateur soit désigné pour le représenter à la signature de la vente du bien indivis dont s'agit.

L'appelant invoque l'impossibilité pour un mandataire successoral de signer un acte de partage ou de consentir à la place de l'indivisaire.

Le présent arrêt ayant confirmé l'autorisation donnée à l'intimée de vendre seule le bien source de conflit entre les parties, et en l'absence de toute justification d'autres blocages, il n'y a pas lieu de désigner un mandataire successoral et donc de confirmer le jugement entrepris qui a, par de justes motifs, rejeté cette demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance et procédure abusive

L'article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Au soutien de sa demande, l'appelant indique que l'intimée estime avoir subi son adoption par le défunt et fait preuve d'hostilité à son égard.

Au soutien de sa demande, l'intimée vise la carence, l'inertie et les blocages systématiques du fait de l'appelant.

Il résulte de la lecture des correspondances de l'appelant qu'il a soumis le sort du bien indivis litigieux au règlement global de la succession, et notamment au sort d'un contrat d'assurance-vie souscrit par le défunt au bénéfice de son épouse, alors même que les contrats d'assurance-vie sont hors cadre successoral. Cette position, exprimée depuis au moins 2022, a considérablement retardé la vente du bien, alors qu'une offre ferme d'achat était formulée à un prix supérieur à l'évaluation arrondie de l'expert et de la notaire, et par là même le règlement de la succession qu'il appelle de ses v'ux.

L'appelant invoque son état de santé ; toutefois, cet argument ne saurait être pertinent ni un obstacle au règlement de la succession, l'appelant ayant informé de son absence au rendez-vous fixé par la notaire « en raison d'un voyage à l'étranger » (pièce 10 en date du 02 décembre 2022).

Au regard de la situation de l'intimée, ce comportement de résistance a entraîné un préjudice à l'intimée qui n'a pu réaliser son souhait de se rapprocher de son fils, qu'il convient de réparer.

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de l'intimée de condamnation de l'appelant à des dommages et intérêts pour résistance et de le condamner à une somme de 5 000 € pour ce motif.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

L'appelant, qui succombe, doit être condamné aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par le mandataire de l'intimée, de sorte qu'il sera débouté de sa demande de remboursement de frais irrépétibles.

L'intimée a exposé des frais de défense complémentaires en cause d'appel ; il convient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à son profit à hauteur de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Ecarte des débats les conclusions et pièces transmises le 05 mars 2024 par M. [X] [L],

Déclare irrecevables les conclusions transmises par Mme [P] [T] le 06 mars 2024,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation pour procédure abusive formée par Mme [P] [T],

Statuant à nouveau sur ce chef infirmé,

Condamne M. [X] [L] à payer à Mme [P] [T] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne M. [X] [L] aux dépens d'appel qui seront recouvrés par le mandataire de Mme [P] [T], conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne M. [X] [L] à verser à Mme [P] [T] une indemnité complémentaire de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [X] [L] de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame Michèle JAILLET, présidente, et par Madame Fabienne NIETO, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

la greffière la présidente