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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 22 mai 2024, n° 22/03504

AMIENS

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

La Baguette Dorée (SAS), BMA Administrateurs Judiciaires (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Berthe

Avocats :

Me Aldama, Me Mangel, Me Porte, Me Delavenne

TJ Laon, du 14 juin 2022, n° 22/03504

14 juin 2022

DECISION

Par jugement du 14 juin 2022, le tribunal judiciaire de Laon a notamment':

prononcé la résiliation du contrat de bail commercial portant sur les biens immobiliers sis [Adresse 3] à [Localité 7] en date du 1er juillet 2017 intervenu entre, d'une part, la SAS La baguette dorée et, d'autre part, M. [Z] [V] et Mme [T] [C], épouse [V], aux droits desquels vient la SCI RIP ;

ordonné l'expulsion de la SAS La baguette dorée, et de tout occupant de son chef, dans les formes légales, et avec l'assistance de la force publique si besoin, faute pour elle d'avoir volontairement libéré les locaux dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision ;

condamné la SAS La baguette dorée à payer à la SCI RIP une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer en cours à compter du jugement et jusqu'à complète libération des lieux ;

débouté la SAS La baguette dorée et la SELARL BMA administrateurs judiciaires de leurs demandes ;

condamné la SAS La baguette dorée à payer à la SCI RIP la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SAS La baguette dorée aux dépens ;

ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 13 juillet 2022, la SAS la baguette dorée a interjeté appel de cette décision et a notifié ses conclusions d'appelants le 13 octobre 2022.

Suivant dernières conclusions d'incident notifiées le 14 mars 2023, sa demande initiale ayant été formée le 13 janvier 2023, la SCI RIP demande au conseiller de la mise de :

constater l'absence d'exécution du jugement en date 14 juin 2022 à la charge de la SAS La baguette dorée ;

déclarer irrecevable la demande de la SAS La baguette dorée et la SELAS BMA administrateurs judiciaires tendant à remettre en cause la résolution du bail litigieux et à suspendre l'exécution provisoire du jugement du 14 juin 2022 ;

constater que la SCI RIP n'a pas exprimé sa volonté de poursuivre le bail ;

En conséquence,

débouter la SAS La baguette dorée et la SELAS BMA administrateurs judiciaires de l'ensemble de leurs demandes ;

ordonner la radiation de l'appel interjeté par la SAS La baguette dorée par déclaration d'appel en date du 13 juillet 2022 ;

condamner la SAS La baguette dorée à payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la SAS La baguette dorée aux entiers dépens.

La SCI RIP fait valoir que la SAS la baguette dorée n'a pas exécuté le jugement et qu'elle ne démontre pas l'existence de conséquences manifestement excessives faisant obstacle à l'exécution de la décision. Elle ajoute que l'appelante se maintient toujours dans les lieux et exerce une activité commerciale qui n'est pas prévue par le bail.

Elle soutient que la SAS la baguette dorée n'a pas saisi Mme la Première présidente afin de suspendre l'exécution provisoire du jugement.

Elle conteste vouloir poursuivre le contrat de bail.

Dans ses conclusions en réponse sur incident notifiées par RPVA le 18 mars 2024, la SAS La baguette dorée et la SELAS BMA administrateurs judiciaires demandent au conseiller de la mise en état de :

déclarer irrecevable la demande de la SCI RIP tendant à voir ordonner la radiation de l'appel contre le jugement du 14 juin 2022 en raison de sa volonté clairement exprimée de poursuivre le bail,

débouter la SCI RIP de sa demande de radiation de l'appel en raison des conséquences manifestement excessives qu'engendrerait l'exécution provisoire de la décision,

Débouter la SCI RIP de l'intégralité de ses demandes fins et prétentions,

débouter la SCI RIP de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la SCI RIP à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

La SAS La baguette dorée a fait valoir que l'exécution provisoire du jugement entraînerait des conséquences manifestement excessives sur sa situation financière alors qu'elle fait déjà l'objet d'un plan de redressement judiciaire. Elle indique avoir reçu un courrier de sa bailleresse postérieur au jugement manifestant la volonté de cette dernière de poursuivre le bail.

Après plusieurs renvois, l'audience a été fixée sur incident à l'audience du 20 mars 2024.

Sur ce :

Conformément au II de l'article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 et compte tenu de la date de l'introduction de l'instance devant la juridiction du premier degré, en l'espèce le 6 janvier 2022, le litige est soumis aux dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue de ce décret, et non à celle de l'article 526 dans sa rédaction antérieure à ce décret.

L'article 524 du code de procédure civile dispose :

« Lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

La demande de l'intimé doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être présentée avant l'expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911.

La décision de radiation est notifiée par le greffe aux parties ainsi qu'à leurs représentants par lettre simple. Elle est une mesure d'administration judiciaire.

La demande de radiation suspend les délais impartis à l'intimé par les articles 905-2, 909, 910 et 911.

Ces délais recommencent à courir à compter de la notification de la décision autorisant la réinscription de l'affaire au rôle de la cour ou de la décision rejetant la demande de radiation.

La décision de radiation n'emporte pas suspension des délais impartis à l'appelant par les articles 905-2, 908 et 911. Elle interdit l'examen des appels principaux et incidents ou provoqués.

Le délai de péremption court à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation. Il est interrompu par un acte manifestant sans équivoque la volonté d'exécuter. Le premier président ou le conseiller de la mise en état peut, soit à la demande des parties, soit d'office, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, constater la péremption.

Le premier président ou le conseiller de la mise en état autorise, sauf s'il constate la péremption, la réinscription de l'affaire au rôle de la cour sur justification de l'exécution de la décision attaquée. ».

Aux termes de l'article 9 code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

À titre liminaire, il convient de constater que la SAS la baguette dorée et la SELAS BMA administrateurs judiciaires n'adressent au conseiller de la mise en état aucune demande tendant à suspendre l'exécution provisoire du jugement du 14 juin 2022 ou à remettre en cause la résolution du bail litigieux. Dès lors les fins de non-recevoir invoquées par la SCI RIP de ces prétendues demandes s'avèrent sans objet.

En outre, la recevabilité de la demande de radiation formée par l'intimée ne saurait être subordonnée à la démonstration préalable de son bien-fondé, les moyens invoqués par l'intimée n'étant pas une condition de recevabilité de son incident mais de son succès.

Dès lors, il n'y a pas lieu à déclarer irrecevable la demande de radiation formée par la SCI RIP.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'appelante n'a pas justifié avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521.

Elle produit cependant un document daté du 28 avril 2023 intitulé « renouvellement du bail - application de la révision triennal et autre » au terme duquel le bailleur sollicite l'augmentation du loyer au vu de la variation de l'indice des loyers commerciaux.

Le jugement du tribunal judiciaire de Laon du 14 juin 2022 est exécutoire par provision mais n'est pas définitif et se trouve d'ailleurs frappé d'appel de sorte que le sort du bail commercial du 1er juillet 2017, judiciairement résilié à raison des infractions au bail commises par le preneur retenus par le premier juge, n'est pas définitivement fixé.

Selon l'article L145-8 et L145-10 du code de commerce, le droit au renouvellement du bail à l'expiration de ce dernier ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds qui est exploité dans les lieux et la demande de renouvellemen t ne peut donc être valablement formée que par le preneur aux termes, ce qui fait défaut en l'espèce.

Le courrier du bailleur produit s'analyse donc clairement et exclusivement en une demande de révision du loyer.

Le bail ne prévoit aucune clause d'indexation.

Ainsi, la révision du prix du loyer est soumise aux dispositions de droit commun de l'article L. 145-38 du code de commerce prévoyant notamment que la demande en révision du loyer ne peut être formée que trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire ; la majoration de loyer consécutive à une révision triennale ne pouvant excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires.

Toutefois, l'article R 145-20 du code de commerce impose que la demande de révision du loyer soit formée par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La cour de cassation a rappelé le caractère impératif du formalisme de la demande de révision triennale [cour de cassation, chambre civile 3, 1er juillet 2015, 14-13.056].

En l'espèce, cette demande n'a pas été formée par acte extra-judiciaire et aucune partie n'invoque ni se justifie qu'elle ait été formée par lettre recommandée avec accusé de réception.

Cette demande de révision qui n'obéit donc nullement aux prescriptions impératives fixées par le code de commerce ne saurait avoir de portée utile.

Elle ne constitue ainsi ni un accord exprès et non-équivoque en réponse à une demande de renouvellement du bail, qui en l'espèce n'a pas été formée par le preneur, ni en un demande de révision triennal du prix du bail.

En ce qui concerne les conséquences manifestement excessives que l'exécution serait de nature à entraîner ou l'impossibilité d'exécuter la décision, il appartient au preneur, dans le cadre de l'incident, d'en apporter la preuve.

En l'espèce, aucun élément de nature à établir que le preneur aurait cherché à étendre ou poursuivre son activité dans des locaux équivalents n'est produit alors que la procédure en résiliation du bail a été initiée depuis le 6 janvier 2022.

Par ailleurs, la preuve du caractère non transférable du fonds de commerce, à savoir la perte du fonds par l'impossibilité de poursuivre l'exploitation dans un autre local n'est pas rapportée, notamment un avis expertal.

Enfin et alors que le preneur allègue lui-même être solvable, il convient d'observer qu'aucune des causes financières du jugement entrepris n'a été réglée.

Ainsi, l'appelante manque à démontrer que l'exécution de la décision entreprise serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou qu'elle se trouve dans l'impossibilité de l'exécuter.

La demande de radiation a été présentée dans les délais prescrits.

Il y a donc lieu de faire droit à la demande de radiation présentée par l'intimée.

L'équité commande de condamner la SAS la baguette dorée à payer à la SCI RIP la somme de 1 000 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS la baguette dorée qui succombe doit être condamnée aux dépens de l'incident.

PAR CES MOTIFS

Le conseiller de la mise en état statuant par mise à disposition au greffe par ordonnance contradictoire susceptible de déféré dans les conditions de l'article 916 du code de procédure civile,

Déclare la demande de radiation recevable et bien fondée,

Ordonne la radiation de l'affaire RG 22/03504 du rôle des affaires en cours à la première chambre civile,

Dit que l'affaire pourra être remise au rôle sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut a entraîné la radiation,

Condamne la SAS la baguette dorée à payer la SCI RIP la somme de 1 000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles d'instance d'incident,

Condamne la SAS la baguette dorée aux dépens de l'incident,

Rejette toutes autres fins et demandes.