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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 22 mai 2024, n° 21/18060

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Financière Arthenco (SAS)

Défendeur :

Asteren (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hébert-Pageot

Conseillers :

Mme Dubois-Stevant, Mme Lacheze

Avocats :

Me Bernabe, Me Gibon, Me Ingold, Me Chaumet

T. com. Paris, du 8 oct. 2021, n° 201904…

8 octobre 2021

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

La société par actions simplifiée Financière Arthenco est une société holding dirigée par

M. [L] [P]. Elle détenait la totalité du capital social de la société de blanchisserie [I] (" la société SEBP ") qui avait pour objet social l'exploitation d'un commerce de blanchisserie et de teinturerie industrielle.

La société Elyron est une société spécialisée dans l'enseignement de la conduite dirigée par M. [J] [N].

Le 7 août 2017, M. [N] a été nommé président de la société SEBP en remplacement de M. [P] et la société Financière Arthenco a cédé à la société Elyron la totalité de ses titres dans la société SEBP :

- le 10 août 2017 avec enregistrement auprès des services des impôts le 8 septembre 2017, selon la société Financière Arthenco,

- le 26 mars 2018, suivant protocole d'accord sous conditions suspensives signé le 2 octobre 2017, après réalisation des conditions suspensives du protocole d'accord, selon la société Elyron.

Le protocole d'accord du 2 octobre 2017 prévoyait la cession de l'intégralité des actions composant le capital social de la société SEBP pour un prix de cession conventionnellement fixé à la somme de 500 000 euros à ajuster en fonction du résultat d'exploitation constaté au jour de la cession et pouvant entraîner un remboursement au profit de l'une ou l'autre des parties équivalent à la différence entre le résultat bénéficiaire de 50 000 euros et le résultat d'exploitation (article 3 du protocole), une garantie de recouvrement du poste client concernant les créances client existantes au jour de la cession et qui n'auraient pas été encaissées 12 mois plus tard (article 5 du protocole) et une garantie de passif fiscal et social plafonnée à 30 000 euros consentie par le cédant (article 6 du protocole).

La société SEBP et sa holding la société Elyron ont par la suite rencontré de graves difficultés financières.

Sur déclaration de cessation des paiements, par jugement du 13 décembre 2018, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SEBP et fixé la date de cessation des paiements au 13 juin 2017 et par jugement du 7 mai 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Elyron et fixé la date de cessation des paiements au 1er janvier 2019. La Selarl Ascagne AJ, prise en la personne de Me [E] [S], a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire de ces sociétés.

Par jugement du 26 novembre 2021, le tribunal de commerce de Versailles a fixé au passif de la société SEBP la créance de la société Financière Arthenco à un montant de 184 056,30 euros au titre du solde de son compte courant d'associé.

Par plusieurs courriers dont le dernier courrier officiel du 23 mai 2019, la société Elyron a sollicité auprès de la société Financière Arthenco après réclamation de l'administration fiscale, le versement d'une somme de 30 000 euros au titre de la garantie de passif stipulée à l'article 6 du protocole d'accord du 2 octobre 2017 ou la remise de la caution bancaire de 30 000 euros à ce titre, le séquestre d'une somme de 15 000 euros pour non-respect des engagements de recouvrement du poste client pris lors de l'acquisition et le règlement de la somme de 340 667 euros au titre du dol subi lors du processus d'acquisition.

Par jugement du 13 juin 2019, le tribunal de commerce de Versailles a converti la procédure de redressement judiciaire de la société SEBP en liquidation judiciaire et par jugement du 3 juillet 2019, le tribunal de commerce de Paris a converti la procédure de redressement judiciaire de la société Elyron en liquidation judiciaire. La SELAFA MJA, prise en la personne de Me [F] [T], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de ces deux sociétés.

Confronté au refus de la société Financière Arthenco de faire droit aux demandes de la société Elyron, la SELAFA MJA agissant en qualité de mandataire liquidateur de cette dernière a assigné le 19 juillet 2019 la société Financière Arthenco en réduction du prix de cession de la société SEBP pour dol, en remboursement des créances clients impayées et en exécution de la garantie de passif, et subsidiairement en nullité de la cession.

Par un jugement du 8 octobre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la SAS Financière Arthenco à payer à la SELAFA MJA prise en la personne de Me [F] [T], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Elyron les sommes de 182 750 euros à titre de réduction de prix et de 30 000 euros en exécution de la garantie de passif,

- désigné M. [X] [Z], expert-comptable, en tant qu'expert avec pour mission de déterminer le montant des créances clients existant au 1er janvier 2018 non recouvrées au cours de l'exercice 2018, et, pour ce, se faire communiquer les comptes 2017 et 2018 de SEBP avec le détail des comptes clients au 31 décembre, ainsi que le grand-livre clients de l'exercice 2018 et tout document comptable ou de gestion qui lui apparaitrait utile,

- fixé à 3 000 euros le montant de la provision à consigner, par la Selafa MJA prise en la personne de Me [T], ès qualités, le 15 novembre 2021 au plus tard au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile,

- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera constaté que la désignation de l'expert est caduque (article 271 du code de procédure civile),

- dit que, lors de sa première réunion, qui devra se dérouler dans un délai maximum d'un mois à compter de la consignation de la provision, l'expert devra, après débat contradictoire entre les parties, soumettre au juge du contrôle des mesures d'instruction la méthode qu'il compte mettre en 'uvre, le calendrier de ses travaux, et le montant prévisible de ses honoraires, frais et débours,

- dit que l'expert devra mener de façon strictement contradictoire ses opérations d'expertise, en particulier en faisant connaitre aux parties, oralement ou par écrit, ses avis et en recueillant les réactions à chaque étape de sa mission,

- dit qu'il établira, dans les trois mois de la consignation de la provision fixée ci-dessus, un pré-rapport de synthèse en vue de recueillir les dernières observations des parties, qui devront les lui communiquer au plus tard quinze jours après la réception du pré-rapport, étant entendu que l'expert n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de cette date limite,

- dit que, si les parties ne viennent pas à composition entre elles, le rapport de l'expert devra être déposé au greffe dans un délai de 4 mois à compter de la consignation de la provision fixée ci-dessus,

- dit que le juge chargé du contrôle des mesures d'instruction suivra l'exécution de la présente expertise,

- déclaré irrecevable la demande de condamnation à une amende civile,

- débouté la société Financière Arthenco de ses demandes reconventionnelles,

- débouté la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [T], ès qualités, de sa demande d'exécution provisoire,

- réservé les frais irrépétibles et les dépens,

- rouvert les débats sur la demande relative aux créances clients et inscrit la cause au rôle des mesures d'instruction.

Par déclaration du 15 octobre 2021, la société Financière Arthenco a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions, précisant que ses demandes reconventionnelles rejetées étaient les suivantes : la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Elyron de la somme de 273 204,30 euros, la condamnation de la Selafa MJA ès qualités à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, à payer une amende civile de 10 000 euros pour procédure abusive, à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens (ou à défaut, la fixation de ces sommes au passif de la liquidation judiciaire) et en tout état de cause, la compensation entre les créances réciproques des parties et la fixation du surplus lui revenant au passif de la société Elyron.

Par dernières conclusions (n°3), remises au greffe et notifiées par RPVA le 09 octobre 2023, la société Financière Arthenco demande à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

- statuant à nouveau, de débouter la société Elyron, " ès qualités ", de sa demande principale en réduction du prix de cession et en remboursement de la somme de 182 750 euros ;

- de débouter la société Elyron, " ès qualités ", de sa demande de remboursement de la somme de 340 667 euros au titre du poste client non recouvré augmenté du taux légal à compter du 23 mai 2019 ;

- de débouter la société Elyron, " ès qualités ", de sa demande de remboursement de la somme de 30 000 euros au titre de la garantie de passif, augmenté du taux légal à compter du 23 mai 2019 ;

- de rejeter la demande de nullité de la cession ;

- de débouter la société Elyron, représentée par la Selarl Asteren, prise en la personne de Me [T], ès qualités, nommée en remplacement de la Selafa MJA par ordonnance rendue le 29 juin 2023 par le président du tribunal de commerce de Paris, de sa demande de versement de la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- sur ses demandes reconventionnelles, de condamner la Selarl Asteren, ès qualités, au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et à défaut, de fixer cette somme de 10 000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société Elyron ;

- en tout état de cause, d'ordonner la compensation entre les créances réciproques détenues par les parties ;

- de condamner la Selarl Asteren, ès qualités, à la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à défaut, de fixer cette somme de 10 000 euros au passif de la liquidation judiciaire Elyron ;

- de condamner la Selarl Asteren, ès qualités, aux entiers dépens et à défaut, de fixer les entiers dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société Elyron.

Par dernières conclusions (n°3) remises au greffe et notifiées par RPVA le 09 octobre 2023, la Selarl Asteren, prise en la personne de Me [T], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Elyron demande à la cour :

- de la recevoir en son intervention volontaire, ses conclusions et ses demandes,

- à titre principal, de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement ayant condamné la société Financière Arthenco à lui payer les sommes de 182 750 euros à titre de réduction du prix de cession et de 30 000 euros en exécution de la garantie de passif et désigné un expert avec pour mission de déterminer le montant des créances clients existant au 1er janvier 2018 et non encaissés sur l'exercice 2018, selon les conditions reprises dans les termes du jugement de première instance ;

- à titre subsidiaire, de prononcer la nullité pour dol du protocole de cession du 2 octobre 2018 et les actes subséquents, de condamner la société Financière Arthenco à lui restituer le prix de cession d'un montant de 500 000 euros et à lui payer la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice subi ;

- en tout état de cause, de débouter la société Financière Arthenco de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- de condamner la société Financière Arthenco au paiement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 janvier 2023.

SUR CE,

Conformément à la demande des parties en ce sens et pour permettre d'accueillir l'intervention volontaire de la Selarl Asteren nommée le 29 juin 2023 en remplacement de la Selafa MJA pour exercer les fonctions de mandataire liquidateur de la société Elyron, il convient de révoquer l'ordonnance de clôture du 10 janvier 2023, de déclarer recevables les dernières écritures notifiées le 9 octobre 2023 et de clôturer l'instruction à cette dernière date.

Par ailleurs, la société Financière Arthenco n'ayant pas maintenu sa demande reconventionnelle de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Elyron de la somme de 273 204,30 euros, la cour n'en est plus saisie et n'a pas à statuer de ce chef.

Sur la demande dite " de réduction du prix de cession " :

Le tribunal a considéré le dol constitué, estimé le préjudice réparable à la somme de 200 000 euros et alloué en conséquence la somme demandée de 182 750 euros au titre de la réduction du prix de cession. En ce sens il a retenu que la date de cessation des paiements fixée par le tribunal de commerce de Versailles au 13 juin 2018 est antérieure à la cession, que les comptes sociaux de la société SEBP n'avaient pas été déposés, qu'aucune provision n'avait été constituée pour faire face au litige [I] à l'occasion duquel la société SEBP a été condamnée à verser la somme de 300 000 euros, que de nombreuses créances irrecouvrables n'avaient pas été provisionnées au 3 décembre 2016, que la société Financière Arthenco n'a pas fourni dans les mois suivant la cession les éléments comptables qui auraient permis à la société Elyron de s'apercevoir qu'elle avait été trompée et que le cédant a tenté par le biais d'un enregistrement de la cession antérieur à celle-ci, de faire remonter la date de cession avant la cessation des paiements qu'il ne pouvait ignorer.

Au soutien de son appel, la société Financière Arthenco fait valoir que le tribunal ne pouvait valablement retenir qu'à la date de la cession, la société SEBP était en cessation des paiements fixée de manière erronée par le tribunal de commerce de Versailles, que

M. [N] et partant la société Elyron avaient une parfaite connaissance de la situation financière de la société SEBP, qu'elle a régulièrement transmis la comptabilité à la société Elyron, comme en témoignent 42 courriels qu'elle lui a adressés à ce sujet, que les comptes annuels 2016 en sa possession ont été annexés au protocole de cession et ont été audités par la société Elyron avant l'achat des titres, qu'à l'article 7-2 du protocole, la société Elyron a déclaré " avoir pris connaissance de tous les éléments comptables, administratifs, juridiques et d'ordre social de la société ", que le litige [R] relatif à la promesse de cession du fonds de commerce était postérieur à la cession du 10 août 2017 et n'a pas porté préjudice à la société Elyron, que le litige [I] était connu de M. [N] depuis le 7 août 2017 et mentionné dans le protocole de cession, que la société SEBP a perçu une indemnité d'assurance permettant un transfert de charges régulier, qu'au 10 août 2017, la SEBP n'avait aucune dette fiscale ou sociale à l'exception de la CVAE de 2 948 euros inscrite dans le Grand Livre et qu'elle a remboursée, qu'elle ne s'est rendue coupable d'aucune man'uvre dolosive à l'encontre de la société Elyron, que le consentement de la société Elyron n'a pas été vicié, que les difficultés financières de la société SEBP sont postérieures à la cession et sont dues à la perte de clientèle, à la résiliation d'un contrat d'affacturage par M. [N] et aux détournements commis par ce dernier par la facturation à la société Elyron de la location de véhicules, que l'action en réduction de prix n'est pas fondée en son principe ni en son montant et que le montant des prétendues créances irrecouvrables n'est pas déterminé, si bien que cet élément ne saurait être retenu comme constitutif du dol.

La Selarl Asteren ès qualités soutient que la société Financière Arthenco (i) s'est rendue auteur de man'uvres dolosives par rétention de la comptabilité (défaut de communication des trois derniers comptes annuels, bail commercial, rapport du CAC, grand livre client N et N-1, état des immobilisations, balances et journaux ['] des grands livres client hebdomadaires depuis le 7 août 2017 et postérieurement à la cession), que la désignation de M. [N] en tant que président de la société SEPB constitue une man'uvre frauduleuse en ce que M. [N] n'avait pas accès à la comptabilité de la société ni aux comptes bancaires qu'il n'a pu consulter qu'à compter du 2 mai 2018 (ii) qu'elle a fourni des informations mensongères (défaut de communication des comptes annuels 2016, dissimulation d'une instance prud'homale opposant la société SEBP et M. [I] ayant pour enjeu une somme de plus de 300 000 euros non provisionnée dans les comptes, dissimulation de l'état de cessation de paiements avéré dès le 13 juin 2017 sous la présidence de M. [P] en raison du défaut de paiement des cotisations foncières des entreprises de 2016 et 2017), (iii) la société Financière Arthenco a intentionnellement dissimulé les informations qu'elle savait déterminantes de son consentement (omission du contentieux avec M. [R], défaut de provisionnement de ce contentieux à l'exception d'une provision pour litiges de 44 000 euros, poste client " hors clients douteux " de 500 355 euros irrecouvrable à hauteur de 340 667 euros, utilisation personnelle d'une indemnité d'assurance par la société Arthenco à hauteur de 293 732 euros), que contrairement à ce qui était stipulé dans le protocole de cession, le résultat de la société SEBP n'était pas un résultat bénéficiaire de 126 272 euros, mais un résultat déficitaire de 167 460 euros après déduction d'un transfert de charges d'exploitation fictif de 293 732 euros, que les capitaux propres s'élevaient non pas à la somme de 486 060 euros mais à celle 317 271 euros, un report à nouveau ayant été pratiqué non en 2016 mais en 2017, de sorte que le prix de cession, tenant compte de la valeur réelle des capitaux propres de 126,9 euros l'action, aurait dû être de 317 250 euros et que la société Elyron a ainsi été lésée de la somme de 182 750 euros.

Sur ce,

Il sera relevé que la demande qualifiée par les parties de " demande de réduction du prix de cession " fondée sur le dol consiste en réalité en une demande tendant à voir réparer le préjudice consistant pour la société Elyron à avoir payé un prix de cession des titres de la société SEBP surévalué par rapport à leur valeur réelle, et ce compte tenu de prétendues man'uvres dolosives, mensonges et dissimulations de l'exacte situation de la société cédée de la part du cédant, ce qui constitue une demande indemnitaire. La nullité de la cession d'actions est demandée à titre subsidiaire.

La victime du dol peut en effet agir, d'une part, en nullité de la convention sur le fondement des articles 1137 et 1178, alinéa 1er, du code civil (auparavant de l'article 1116 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016), d'autre part, en réparation du préjudice sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil (auparavant des articles 1382 et 1383 du même code).

L'article 1137 du code civil définit le dol comme : " le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges ", de même que " la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie ", étant précisé que : " Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ".

En l'espèce, le protocole de cession du 2 octobre 2017 stipule que la vente est conclue pour un prix de 500 000 euros, soit 200 euros par actions, avec mention d'un résultat de 74 255 euros pour 2014, -42 203 euros pour 2015 et de 126 271 euros pour 2016, que le résultat comptable de 2015 a fait l'objet d'un report à nouveau sur l'exercice 2016, que la vente des titres interviendra au " jour de la cession " (défini à l'article 2 comme consécutif à la réalisation des conditions suspensives de cette dernière et devant intervenir le 15 décembre 2017 au plus tard), qu'il appartient au cabinet Daven-Partners d'établir un " bilan au jour de la cession " portant sur l'exercice 2017 dans un délai de trois mois à compter de celui-ci, ce bilan devant permettre, selon le résultat d'exploitation constaté, de réduire ou d'augmenter le prix de cession en fonction du résultat d'exploitation constaté au jour de la cession tel que ressortant du " bilan au jour de la cession " et pouvant entrainer un remboursement au profit de l'une ou l'autre des parties équivalent à la différence entre le résultat bénéficiaire de 50 000 euros et le résultat d'exploitation effectivement réalisé. Il est précisé que sont joints en annexe les comptes annuels de l'exercice clos au 31 décembre 2016 (bilan, comptes de résultat), qu'ils sont sincères et véritables et qu'ils ont été établis conformément aux principes comptables en vigueur et reflètent une image fidèle de la situation de la société SEBP.

En outre, le cessionnaire, la société Elyron, a déclaré à l'occasion de la signature de ce protocole avoir pris connaissance de tous éléments comptables, administratifs, juridiques et d'ordre social de la société SEBP, être pleinement renseigné concernant cette société et contracter l'engagement en toute connaissance de cause.

Il ressort des pièces du dossier que la vente des titres est intervenue le 26 mars 2018 par le constat de la réalisation des conditions suspensives, le versement du prix de cession et l'établissement de l'ordre de mouvement de titres portant la signature du représentant légal de la société Financière Arthenco.

- Sur les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2016

Au jour de la cession le 26 mars 2018, bien qu'elle soutienne ne pas avoir reçu les comptes annuels de l'exercice 2016, la société Elyron avait signé le protocole de cession du 2 octobre 2017 indiquant expressément qu'elle déclarait avoir reçu les dits comptes et avoir pris connaissance de manière exhaustive des documents comptables de la société SEBP. Il lui appartient donc de rapporter la preuve que les annexes à ce protocole ne lui ont pas été remises. Alors qu'elle a attendu le 30 juillet 2018 pour réclamer l'envoi de ces documents, et en l'absence de tout élément de preuve, elle manque à établir qu'elle n'a pas reçu en mains propres les annexes au protocole de cession.

Il s'ensuit qu'elle ne justifie pas de la rétention de documents comptables à l'origine du dol qu'elle allègue.

En outre, l'existence du litige prud'homal [I] était mentionnée dans le protocole d'accord du 2 octobre 2017 et n'était pas récent pour avoir été introduit le 9 juin 2016 par M. [I], ancien président de la société SEBP embauché en tant que directeur lors du rachat de cette dernière le 2 avril 2015 pour contester le licenciement qui lui avait été notifié le 11 janvier 2016 par M. [P]. La société Elyron ne saurait donc prétendre avoir ignoré son existence. S'il est établi que ce litige n'avait pas été provisionné dans les comptes sociaux de l'exercice 2016 et si par la suite ce litige a donné lieu à une condamnation de la société SEBP au paiement d'une indemnité de 300 000 euros au titre de la non-affiliation à un régime de prévoyance aux termes d'un jugement rendu le 16 juillet 2018 par le conseil de prud'hommes de Versailles, le fait que la société Elyron ait été informée de son existence exclut la qualification de dol, alors qu'il appartenait à cette dernière de s'informer quant aux enjeux notamment financiers qu'elle était en mesure de connaître dans la mesure où son dirigeant M. [N] avait été nommé président de la société SEBP le 7 août 2017.

L'omission du litige [R] relatif à la promesse de vente du fonds de commerce de la société SEBP signée en février 2017 par la société Financière Arthenco, d'une part, n'est pas dolosive en ce que le contentieux n'a été initié que postérieurement à la cession le 4 avril 2019, et d'autre part, a été sans incidence sur l'opinion qu'a pu se faire le cessionnaire de l'état de la société SEBP au vu des comptes de l'exercice 2016, alors que la somme de 44 000 euros a été provisionnée pour litige dans les comptes sociaux de 2017 et correspond à 1 000 euros près au montant de la créance de M. [R] fixée par la cour d'appel de Versailles dans son arrêt du 5 octobre 2021. Ce litige qui est postérieur n'est pas de nature à avoir une incidence sur le résultat d'exploitation et par conséquent à induire le cédant en erreur quant aux résultats obtenus et envisagés.

La société Elyron expose par ailleurs sans être contredite par la société Financière Arthenco, avoir appris à l'occasion du recouvrement de créances clients qu'un incendie s'était déclaré dans les entrepôts de la société SEBP en 2015 et avait détruit le linge qui y était stocké. Elle justifie par ailleurs du refus de certains clients de régler leurs factures au motif que leur linge avait été perdu. Elle soutient en outre que l'indemnité d'assurance qui a été perçue à la suite de ce sinistre a été conservée par la société Financière Arthenco.

La cour constate que le grand livre de la société SEBP confirme la perception d'une indemnité d'assurance de l'ordre de 300 000 euros en juillet 2016, alors que selon la société Financière Arthenco cette indemnité d'un montant de 293 732 euros ressort comme un produit d'exploitation dans les comptes annuels 2016 en raison d'un transfert de charges, seule une indemnité d'assurance à percevoir de 22 000 euros étant indiquée dans les comptes annuels.

Il s'en déduit que l'indemnité d'assurance est demeurée acquise à la société SEBP mais a été présentée dans les comptes annuels comme un produit d'exploitation.

Il n'est pas démontré que cette présentation comptable soit irrégulière, étant observé qu'elle est identique dans les comptes 2017, et il appartenait au cessionnaire de s'interroger sur cette mention non dissimulée dans les comptes.

S'agissant du poste client " hors clients douteux " de 500 355 euros, il relève de la garantie spécifique stipulée à l'article 5 du protocole de cession du 2 octobre 2017.

Dans ces conditions, il n'est pas justifié de l'existence de dissimulation, mensonges ou réticence dolosive susceptibles d'avoir vicié le consentement de la société Elyron préalablement à la signature du protocole d'accord du 2 octobre 2017.

- Sur les comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2017

Il résulte du protocole de cession du 2 octobre 2017, que le cessionnaire Elyron devait disposer, au jour de la vente intervenue le 28 mars 2018, d'un " bilan au jour de la cession" portant sur l'exercice 2017 établi par le cabinet d'expertise comptable Daven Partners.

Au jour de la cession le 26 mars 2018, la société Elyron ne disposait pas des comptes annuels de l'exercice 2017 ni de tout autre document susceptible d'être qualifié de " bilan au jour de la cession ", eu égard au fait notamment que la société Financière Arthenco et son expert-comptable le cabinet Daven Partners disposaient d'un délai de trois mois à compter du jour de la cession pour lui fournir le bilan au jour de la cession, soit jusqu'au 27 juin 2018.

Pour autant, les comptes annuels de l'exercice clos au 31 décembre 2017 devaient pouvoir lui être communiqués.

En effet, il n'est pas discuté qu'un premier document a été communiqué le 4 juin 2018, non pas les comptes annuels de l'exercice 2017 comme le prétend la société Financière Arthenco, mais le bilan simplifié de l'exercice 2017 versé aux débats par la société Elyron, puisque le courriel d'accompagnement précise qu'il s'agit d'un document provisoire dans l'attente du document plus complet à venir.

Par la suite, dès le 30 juillet 2018, la société SEBP a vainement mis en demeure la Financière Arthenco de lui communiquer le bilan " au jour de la cession " et l'ensemble des éléments comptables de la société SEBP et le commissaire aux comptes de certifier les comptes des exercices 2016 et 2017, puis l'administrateur judiciaire de cette dernière, la Selarl Ascagne AJ, a également mis en demeure les expert-comptable et commissaire aux comptes de la société Financière Arthenco.

Il apparaît finalement que les comptes annuels des années 2015, 2016 et 2017 ont été communiqués à l'administrateur judiciaire le 4 mars 2019 par le cabinet Daven Partners qui a précisé que la comptabilité de la société SEBP était tenue par le service comptable interne de l'entreprise.

Les communications régulières de comptabilité alléguées par la société Financière Arthenco, si elles résultent des 42 courriels échangés, n'ont porté que sur le grand livre mis à jour entre le 20 novembre 2017 et le 17 octobre 2018.

Ces communications qui relatent les mouvements comptables au jour le jour et correspondent à la tenue de la comptabilité ne portent pas sur les comptes annuels qui comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe et qui forment un tout indissociable selon l'article L. 123-12 du code de commerce, de sorte que ce moyen est inopérant à démontrer que l'information contractuellement convenue portant sur les comptes annuels a été fournie en temps utile.

De par la tardiveté de la transmission des comptes annuels, son caractère non spontané et la personne de son auteur qui n'est pas la société Financière Arthenco débitrice de l'obligation, et ce en violation des stipulations du protocole de cession faisant la loi des parties, il est suffisamment justifié, à compter de l'exercice 2017, de la rétention de documents comptables par la société cédante ainsi que le prétend la société Elyron.

Au vu des circonstances ci-dessus rappelées, cette dissimulation est nécessairement intentionnelle puisque résultant de la violation des dispositions contractuelles dépourvues d'équivoque et en dépit des multiples relances de la part de la société Elyron et de ses conseils.

Toutefois, ces évènements, en ce qu'ils sont postérieurs au protocole de cession comportant l'accord sur la chose et le prix et qui ne constituent pas des conditions suspensives au sens du protocole (information des salariés dans les conditions prévues par l'article L. 22-10-1 du code de commerce, capacité des parties et mainlevée de la caution personnelle de la société Financière Arthenco sur les prêts consentis par la Banque populaire Rives de Paris), n'ont pas été déterminants du consentement de la société Elyron de s'engager dans l'achat des titres de la société SEBP.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la société Elyron doit être déboutée de ses demandes fondée sur le dol, à savoir sa demande en paiement de la somme de 182 750 euros et ses demandes subsidiaires de nullité du protocole de cession du 2 octobre 2018 et des actes subséquents, de restitution du prix de cession et d'indemnisation du préjudice subi.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur la garantie du poste client

Le tribunal a retenu qu'étant constant que la totalité des créances clients n'avaient pas été recouvrées, il convenait d'avoir recours à une mesure d'expertise pour déterminer le montant des créances non recouvrées entre le 31 décembre 2017 et le 31 décembre 2018.

La Selarl Asteren ès qualités demande à ce titre le remboursement de la somme de 340 667 euros augmentée du taux légal à compter du 23 mai 2019 et la confirmation du jugement ayant ordonné une mesure d'expertise. Elle expose que la société Financière Arthenco s'est engagée à assister la société Elyron dans le recouvrement du poste client au cours des 12 mois suivant la date de cession et à rembourser toutes les créances non recouvrées, ce qui constitue une obligation de résultat, que la société Financière Arthenco devait justifier d'un séquestre de 15 000 euros à titre de garantie mais ne l'a jamais fait, qu'en l'absence de tout élément comptable et du bilan de cession que la société Financière Arthenco n'a jamais communiqués, elle a pu constater que le poste client arrêté au 31 mars 2018 s'élevait au mieux à la somme de 159 688,58 euros, soit une différence négative de 340 667 euros par rapport au poste client, que la synthèse du poste client établie par la société Financière Arthenco n'est pas probante, qu'elle n'a jamais encaissé les sommes y étant mentionnées, que compte tenu des difficultés liées à la rétention de la comptabilité par la société Financière Arthenco, elle sollicite la confirmation du jugement sur ce point.

Au soutien de son appel, la société Financière Arthenco réplique que la période de 12 mois à prendre en compte au titre du recouvrement des créances clients est celle comprise entre le 2 octobre 2017 et le 2 octobre 2018, et non celle allant de décembre 2017 à décembre 2018 comme l'a jugé le tribunal, qu'à ce titre, elle ne s'est rendue coupable d'aucune inexécution contractuelle, qu'elle a parfaitement respecté son obligation d'assistance dans le recouvrement du compte clients de la société SEBP (mise à disposition de documents, notamment la comptabilité 2017 sur un serveur informatique cloud, transmission des documents par une quarantaine de courriels, mise à disposition de l'expert-comptable), ce que M. [N] n'a jamais contesté, que la société Elyron ne détient pas à son encontre une créance à hauteur de 340 667 euros, que sur ce point, la Selarl Asteren est défaillante dans l'administration de la preuve, qu'en réalité, le solde débiteur du compte client s'élevait à la somme de 52 299,28 euros au 31 décembre 2017 et à celle de 63 896,09 euros au 31 octobre 2018, que le défaut de recouvrement de la totalité des créances clients à hauteur de la somme contractuelle 500 355 euros est uniquement imputable à la mauvaise gestion de

M. [N] et qu'une mesure d'expertise non demandée par les parties n'est pas nécessaire.

Sur ce,

L'article 5 du protocole de cession du 02 octobre 2017 intitulé " Recouvrement du compte client " est ainsi libellé :

" A la date du 30 juin 2017, le compte clients figurant à l'actif de la SOCIETE [SEBP] s'est élevé à la somme de 500 355 euros hors clients douteux.

Ce compte d'actif est entré en considération dans l'évaluation de la SOCIETE [SEBP] et donc dans la détermination du prix de cession des présents titres.

Les délais de paiement de certains clients de la SOCIETE [SEBP] sont supérieurs à 60 jours à compter de l'émission de la facture.

Monsieur [L] [P] s'engage à assister la société dans le recouvrement du compte clients arrêté à la date du JOUR DE LA CESSION [défini à l'article 2 comme consécutif à la réalisation des conditions suspensives de cette dernière et devant intervenir le 15 décembre 2017 au plus tard] au cours des 12 mois qui suivront. A l'expiration de ce délai de 12 mois, les créances clients arrêtées au JOUR DE LA CESSION non encaissées par la SOCIETE [SEBP] seront remboursées par le CEDANT [la Financière Arthenco] au cessionnaire [Elyron] et/ou à la SOCIETE [SEBP].

Ce remboursement interviendra sous réserve de ce qui suit :

- Monsieur [P] [L] devra avoir libre accès aux documents comptables de la société concernant ce compte clients y compris aux documents bancaires et devra être spécialement autorisé par la SOCIETE [SEBP] à intervenir auprès des clients comme étant mandaté par cette dernière pour agir en son nom et pour son compte.

- Les paiements d'un même client devront s'imputer de la facture la plus ancienne à la plus récente.

En garantie de ce remboursement, le CEDANT consent à séquestrer une somme de 15 000 euros, prélevée sur le prix de cession stipulé à l'article 3 ci-dessus.

Le CEDANT donne dès ce jour mandat à l'acquéreur d'avoir à prélever toute somme correspondant à un impayé du compte client dans les conditions ci-dessus arrêté au JOUR DE LA CESSION, ladite somme étant prélevée sur la somme de 15 000 euros séquestrée." (mis en gras par nos soins)

Il en résulte que la société Financière Arthenco s'est obligée, sur la base de 500 355 euros au 30 juin 2017, à rembourser à la société Elyron les créances clients hors clients douteux figurant dans le compte clients et arrêtées au jour de la cession et non recouvrées dans l'année qui suit, sous réserve que M. [P] ait eu accès aux documents comptables ce qui n'est pas discuté. Il s'agit d'une garantie contractuelle à laquelle s'est engagée la société Financière Arthenco au profit de la société Elyron, et non à proprement parler d'une obligation de résultat, et il convient pour chiffrer le montant de cette garantie de déterminer le montant des créances à recouvrer en vertu de cet engagement au jour de la cession et celles qui l'ont été dans le délai de 12 mois suivant le jour de la cession.

S'agissant de la période de recouvrement, elle court en principe à compter du 26 mars 2018, jour de la cession, au 26 mars 2019. Toutefois, alors que l'appelante a manqué à son obligation de fournir un bilan de la cession dans les trois mois suivant celle-ci et faute de bilan de cession au jour de la cession au 26 mars 2018, les seules données comptables à disposition sont les comptes annuels de l'exercice clôturé au 31 décembre 2017, date qui devait selon le protocole être celle du jour de la cession mais qui a été finalement décalée et qui devra faute de mieux tenir lieu de référence pour évaluer le montant de la garantie, étant précisé que les comptes annuels de l'exercice 2018 ne sont pas versés aux débats, si bien que la comparaison au 31 décembre n'est pas possible.

S'agissant du montant à recouvrer, il ressort de la commune intention des parties que la garantie portait sur la somme de 500 355 euros actualisée au jour de la cession, ce qui correspond à quelques euros près au montant du prix de cession.

Ainsi, au 31 décembre 2017, le montant des créances clients " hors clients douteux " s'élevait à 487 803,74 euros. En application du contrat, il appartenait à M. [P] de recouvrer l'ensemble des créances clients arrêtées au 31 décembre 2017, c'est-à-dire les créances ayant fait l'objet de factures avant cette date.

La société Elyron produit une liste des factures éditées depuis 2015 jusqu'au 31 mars 2018 demeurant en attente de règlement au 20 juin 2019, date de son établissement et de sa validation par le cabinet d'expertise-comptable Kerys. Il en ressort que le montant des factures antérieures au 31 décembre 2017 s'élève à la somme de 144 389,30 euros. Si ces sommes ne sauraient être prises en compte comme le fait la société Elyron pour chiffrer à 340 667 euros le montant de créances prétendument irrecouvrables, cette pièce permet d'établir qu'aux termes du délai imparti à M. [P] pour recouvrer le compte client, il restait une somme de 144 389,30 euros à recouvrer au titre des factures émise avant le 31 décembre 2017, étant précisé qu'il est constant que le séquestre de 15 000 euros n'a pas été perçu par le cessionnaire.

La société Financière Arthenco concède que le compte client à recouvrer était de 63 896,09 euros au 31 octobre 2018. En ce sens, elle produit une synthèse au 31 octobre 2018 du compte client SEBP, synthèse tirée du logiciel de comptabilité utilisé par SEBP (identique à celui utilisé pour le grand livre des tiers) portant sur la période comprise entre le 30 juin 2017 et le 31 octobre 2018. Ce document établit la comparaison, pour chaque compte client, entre le solde du compte client au 30 juin 2017, au 31 décembre 2017 et au 31 octobre 2018, dont il ressort des encaissements à concurrence de 444 003,68 euros au 31 décembre 2017 puis de 52 735,39 euros au 31 octobre 2018, si bien que le solde du compte client est passé de 560 636,08 euros au 30 juin 2017 (selon la balance des comptes) à 63 896,09 euros au 31 octobre 2018.

Cette synthèse ne saurait toutefois être considérée comme exhaustive, dans la mesure où elle affiche un solde de compte client au 31 décembre 2017 à 116 631,78 euros, alors que dans les comptes annuels, ce solde s'élève à 487 803,74 euros. Dans le même sens, il résulte du courrier adressé le 5 décembre 2018 au président du tribunal de commerce de Versailles par la Selarl Ascagne AJ, alors conseil non rémunéré de la société SEBP, que le bilan du compte client dressé le 31 octobre 2018 faisait apparaître un poste client s'élevant à 618 000 euros, étant observé qu'il inclut les créances nées après le 31 décembre 2017, si bien qu'il ne peut être utilisé comme référence de calcul. Par ailleurs, le grand livre des tiers pour la période comprise entre le 1er juillet 2017 et le 31 octobre 2018 est inopérant puisque, par définition, il ne relate pas les opérations antérieures à ces dates, alors que la société Elyron fait état de factures délivrées en 2015, 2016, 2017 et 2018.

La société Financière Arthenco doit donc être condamnée à payer la somme de 144 389,30 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2019, date de la mise en demeure, somme correspondant au montant des factures antérieures au 31 décembre 2017 et non recouvrées au terme de la période de garantie.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

Sur la garantie de passif

La société Financière Arthenco sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à régler la somme de 30 000 euros à la société Elyron au titre de la garantie de passif. En effet, elle expose que son compte courant d'associé dans la société SEBP, arrêté au 31 décembre 2017 et au 23 avril 2018 faisait apparaitre un solde de 273 204, 30 euros, composé d'un solde de 184 056, 30 euros qu'elle a apporté avant la cession et qui a été reconnu par jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du 26 novembre 2021, lequel a ordonné la fixation de cette somme au passif de la liquidation judiciaire de la société SEBP, et la somme de 89 148 euros, qu'elle a apportée après la cession. Elle précise que cette somme de 89 148 euros a été apportée à la société SEBP, au moyen de différents virements bancaires et de deux chèques, au titre des obligations découlant du contrat de cession, à savoir 30 000 euros au titre de la garantie de passif, 15 000 euros au titre de séquestre pour le compte clients, 41 200 euros au titre d'une indemnité forfaitaire sur les créances non recouvrées au 31 octobre 2018 et 2 948 euros au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises versées pour le compte de la société SEBP au titre de l'année 2017, mais que cet engagement n'a pas été formalisé par écrit du fait de l'amitié des dirigeants. Dès lors, elle soutient ne pas devoir être condamnée à verser cette somme une seconde fois, et sollicite l'infirmation du jugement sur ce point.

La Selarl Asteren ès qualités fait valoir que conformément à l'article 6 du protocole de cession du 2 octobre 2017, une garantie de passif fiscal et social d'un montant de 30 000 euros a été convenue entre les parties, la société Financière Arthenco s'engageant à justifier d'une caution bancaire du même montant, qu'il en résultait qu'en cas d'événement affectant le passif d'ordre fiscal ou social de la société SEBP ayant une origine antérieure à la cession, il appartenait à la société cessionnaire d'en informer le cédant dans un délai de 30 jours à compter de la survenance de cet événement, et que le cessionnaire disposait d'un délai identique pour constater la réclamation ou payer le montant de la garantie de passif, qu'en l'occurrence la réclamation fiscale du 14 février 2019 reçue par la société SEBP visant un redressement de TVA sur l'année 2017 a été adressée à la société Financière Arthenco le 13 mars 2019, et que la société Financière Arthenco a de son côté, le 11 avril 2019, affirmé qu'elle n'entendait pas verser le montant de la garantie de passif. Elle expose également que la société Financière Arthenco avait contesté la fourniture de la caution bancaire, et soutient que ces éléments confirment que les prétendues avances réalisées par la société Financière Arthenco ne visaient pas les garanties prévues au protocole de cession, mais bien des avances en compte courant d'associé dont elle sollicitait le remboursement. De plus, elle souligne que le protocole de cession précisait expressément qu'il appartenait à la société Financière Arthenco de " prendre la direction des litiges et/ou procès afférents à la réclamation et fera le nécessaire, à ses frais exclusifs, pour assurer la défense, négocier ou transiger ", mais que le rehaussement fiscal d'un montant de 62 507 euros a pourtant été répercuté sur la société SEBP. Elle sollicite donc la confirmation du jugement sur ce point.

Sur ce,

La société Financière Arthenco ne conteste ni le principe, ni le montant de la garantie de passif, mais prétend être libérée de son obligation par le versement de diverses sommes en compte courant d'associé totalisant 89 148 euros, dont 30 000 euros au titre de la garantie de passif.

Toutefois l'article 6 du protocole de cession stipule que le cédant, autrement appelé garant, à savoir la société Financière Arthenco s'engage à rembourser les sommes dues au titre de la garantie dans la limite de 30 000 euros, de sorte que la société Financière Arthenco est tenue d'une obligation de payer une somme de 30 000 euros à la société Elyron. Or en abondant son compte courant d'associé, elle n'a fait qu'avancer à la société SEBP des fonds dont elle demeurait propriétaire, raison pour laquelle le tribunal de commerce de Versailles, dans son jugement du 26 novembre 2021, a fixé la créance de la société Financière Arthenco au passif de la société SEBP.

N'ayant pas exécuté cette obligation non contestée dans son principe et son montant, la société Financière Arthenco doit être condamnée au paiement de la somme de 30 000 euros à la société Elyron et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes pour procédure abusive et pour compensation des créances réciproques

Les précédents développements démontrent que la société Elyron n'a pas fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, de sorte que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de fixation de ces sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société Elyron seront rejetées.

La créance de la société Financière Arthenco ayant été admise à la procédure collective de la société SEBP, elle n'est pas une créance réciproque de celle détenue par la société Elyron. De surcroît, en raison de la procédure collective dont bénéficie la société Elyron, un paiement par compensation ne saurait être admis car il porterait atteinte à l'égalité des créanciers. Cette demande doit donc être rejetée.

Le jugement qui a rejeté les demandes reconventionnelles sera donc confirmé de ces chefs.

Sur les demandes accessoires

La société Financière Arthenco qui demeure condamnée en cause d'appel sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Le jugement qui a réservé le sort des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile sera infirmé de ce chef.

Partie perdante, elle ne peut prétendre en cause d'appel à l'octroi d'une indemnité de procédure de sorte que sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

L'équité et la situation économique des parties commande par ailleurs de la condamner à verser à la société Elyron la somme de 10 000 euros de ce même chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Révoque l'ordonnance de clôture du 10 janvier 2023 ;

Prononce la clôture de l'instruction le 9 octobre 2023 ;

Déclare recevables les conclusions des parties notifiées le 9 octobre 2023 ;

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Financière Arthenco à payer à la société Elyron la somme de 30 000 euros au titre de la garantie de passif, en ce qu'il a débouté la société Financière Arthenco de ses demandes pour procédure abusive et en compensation des créances réciproques ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Financière Arthenco à payer à la société Elyron la somme de 144 389,30 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2019 au titre de la garantie du poste client ;

Déboute la société Elyron de sa demande en paiement de la somme de 182 750 euros au titre de l'indemnisation du dol qu'elle prétend avoir subi ;

Déboute la société Elyron de sa demande de nullité du protocole de cession du 2 octobre 2018 et des actes subséquents ;

Déboute la société Elyron de sa demande de restitution du prix de cession ;

Déboute la société Elyron de sa demande d'indemnisation du préjudice subi consécutivement à l'annulation du protocole de cession du 2 octobre 2018 ;

Condamne la société Financière Arthenco aux dépens de première instance et d'appel ;

Déboute la société Financière Arthenco de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Financière Arthenco à payer à la société Elyron la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.