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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 23 mai 2024, n° 23/03024

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Lokama (SARL), Madinina Logistique (SARL), Karukera Logistique (SARL)

Défendeur :

Nestlé France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Ranoux-Julien

Avocats :

Me Guizard, Me Leclerc, Me Guerre, Me Vernet

T. com. Paris, 13e ch., du 16 oct. 2017,…

16 octobre 2017

EXPOSE DU LITIGE

La société Lokama est la société holding d'un groupe logistique dont les filiales, la société Madinina Logistique (la société Madinina) et la société Karukera Logistique (la société Karukera), exploitent chacune respectivement un entrepôt en Martinique et en Guadeloupe.

Les sociétés Madinina et Karukera ont conclu divers contrats à durée déterminée depuis l'année 2000 portant sur la logistique des produits de la société Nestlé France (la société Nestlé).

Le 20 juin 2014, a été conclu un "contrat de prestations logistiques" entre d'une part la société Nestlé France (la société Nestlé) et d'autre part la société Lokama "en collaboration avec ses filiales dont elle assure la responsabilité et le management", les sociétés Madinina et Karukera.

Ce contrat prévoyait une durée déterminée de 6 années, du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2019, avec tacite reconduction et la possibilité pour chacune des parties de le résilier "à la fin de la première période triennale sous réserve d'un préavis de 12 mois".

La société Nestlé a notifié le 17 décembre 2015 à la société Lokama la résiliation du contrat à l'échéance du 31 décembre 2016.

La société Nestlé a projeté de modifier l'organisation de sa logistique.

Les offres des sociétés Madinina et Karukera n'ont pas été retenues. La société Nestlé a conclu un contrat avec une société Logidom.

Soutenant que la société Nestlé avait rompu de manière brutale la relation commerciale qu'elle entretenait avec elles, la société Karukera, la société Madinina et la société Lokama, l'ont, par acte du 26 juillet 2016, assignée en réparation de leurs préjudices.

Par jugement du 16 octobre 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

- Dit que la société Nestlé ne s'était pas rendue coupable d'une rupture brutale de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ;

- Dit que la société Nestlé ne s'était pas rendue coupable d'une rupture abusive de ses relations commerciales ;

- Débouté la société Lokama, la société Madinina et la société Karukera de l'ensemble de leurs demandes ;

- Condamné la société Madinina à verser à la société Nestlé la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- Condamné in solidum la société Lokama, la société Madinina et la société Karukera à verser à la société Nestlé la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté des demandes plus amples et contraires ;

- Ordonné l'exécution provisoire ; 

- Condamné in solidum la société Lokama, la société Madinina et la société Karukera aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquides à la somme de 122,83 euros dont 20,26 euros de TVA.

Par arrêt du 19 mai 2021, la cour d'appel de Paris a :

Infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Dit que la société Nestlé ne s'était pas rendue coupable d'une rupture brutale de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et débouté les sociétés Madinina et Karukera de leurs demandes à ce titre ;

- Condamné la société Madinina à verser à la société Nestlé la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- Condamné in solidum les sociétés Lokama, Madinina et Karukera à verser à la société Nestlé la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ;

- Confirmé le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

- Condamné la société Nestlé à verser à la société Karukera la somme de 406 534 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie ;

- Condamné la société Nestlé à verser à la société Madinina la somme de 434 249 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie ;

- Débouté les sociétés Karukera et Madinina du surplus de leur demande au titre du préjudice économique et du préjudice moral liés à la rupture brutale de la relation commerciale établie ;

- Débouté la société Nestlé de ses demandes en réparation de préjudices formées contre la société Madinina ;

- Condamné la société Nestlé aux dépens d'appel ;

- Condamné la société Nestlé à payer aux sociétés Karukera et Madinina chacune la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté toute autre demande.

Par arrêt du 7 décembre 2022, la Cour de cassation (Com., n° 21-17.850) a :

- Cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a fixé à 406 534 euros et 434 249 euros le montant des dommages et intérêts respectivement dus par la société Nestlé aux sociétés Karukera et Madinina pour rupture de la relation commerciale établie et en ce qu'il a statué sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 19 mai 2021 ;

- Renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

- Condamné les sociétés Karukera, Madinina et Lokama aux dépens ;

- En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par les sociétés Karukera, Madinina et Lokama et les a condamnées in solidum à payer à la société Nestlé la somme de 3 000 euros.

Par déclaration du 2 février 2023, les sociétés Lokama, Madinina et Karukera ont saisi la cour d'appel de Paris.

Par leurs dernières conclusions notifiées régulièrement par RPVA le 27 juillet 2023, les sociétés Lokama, Madinina et Karukera demandent, au visa des articles 623, 624, 625 et 638 du code de procédure civile, 1355 du code civil, L. 442-6 I 5° du code de commerce, de :

- Recevoir les sociétés Lokama, Madinina et Karukera en leur saisine ;

- Recevoir les sociétés Lokama, Madinina et Karukera en leur appel dirigé à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 16 octobre 2017, ainsi qu'en leurs écritures présentées devant la cour d'appel de Paris au soutien de cet appel après renvoi ;

- Recevoir les sociétés Lokama, Madinina et Karukera en toutes leurs demandes, fins et conclusions et les déclarer bien fondées ;

- Juger irrecevables les demandes de la société Nestlé afférentes à l'engagement de sa responsabilité civile au titre de l'article L. 442-6,I,5° du code de commerce, et à la durée du préavis ;

- Infirmer le jugement en ce qu'il a refusé de faire droit aux demandes des sociétés Karukera, Madinina et Lokama contre la société Nestlé et fondées sur l'article L. 442-6,I,5°) du code de commerce ;

- Réformer en conséquence sur ce point ;

- Condamner la société Nestlé à payer à la société Madinina la somme de 203 000 euros au titre du préjudice matériel consécutif à la rupture brutale du contrat et afférent à la perte de son fonds de commerce ;

- Condamner la société Nestlé à payer à la société Karukera la somme de 430 000 euros au titre au titre du préjudice matériel consécutif à la rupture brutale du contrat et afférent à la perte de son fonds de commerce ;

- Condamner la société Nestlé à payer à la société Madinina la somme représentative du gain manqué consécutif à la rupture brutale du contrat ;

- Condamner la société Nestlé à payer à la société Karukera la somme représentative du gain manqué consécutif à la rupture brutale du contrat ;

- A titre principal, condamner la société Nestlé à payer,

* à la société Madinina la somme de 434 249 euros au titre au titre du préjudice matériel consécutif à la rupture brutale du contrat,

* à la société Karukera la somme de 406 534 euros au titre du préjudice matériel consécutif à la rupture brutale du contrat ;

- A titre subsidiaire, condamner la société Nestlé à payer,

* à la société Madinina la somme de 434 249 euros au titre au titre du préjudice matériel consécutif à la rupture brutale du contrat,

* à la société Karukera la somme de 406 534 euros au titre du préjudice matériel consécutif à la rupture brutale du contrat ;

- A titre très subsidiaire, condamner la société Nestlé à payer,,

* à la société Madinina la somme de 293 059 euros au titre du préjudice matériel consécutif à la rupture brutale du contrat,

* à la société Karukera la somme de 263 714 euros au titre du préjudice matériel consécutif à la rupture brutale du contrat ;

- En tout état de cause, condamner la société Nestlé à payer,

* à la société Madinina la somme de 400 000 euros au titre du préjudice moral consécutif à la rupture brutale du contrat,

* à la société Karukera la somme de 300 000 euros au titre du préjudice moral consécutif à la rupture brutale du contrat ;

- Condamner la société Nestlé à payer à chacune des sociétés Madinina et Karukera la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Nestlé aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions notifiées le 25 janvier 2024, la société Nestlé demande, au visa des articles 122, 789 et 907 du code de procédure civile, et 1355 du code civil, de :

- Juger que les demandes suivantes :

"Condamner en conséquence la société Nestlé France au paiement à la société Madinina de la somme de 203 000 euros au titre au titre du préjudice matériel consécutif à la rupture brutale du contrat et afférent à la perte de son fonds de commerce.

Condamner en conséquence la société Nestlé France au paiement à la société Karukera de la somme de 430 000 euros au titre au titre du préjudice matériel consécutif à la rupture brutale du contrat et afférent à la perte de son fonds de commerce.

Condamner en conséquence la société Nestlé France au paiement à la société Madinina de la somme de 400 000 euros au titre du préjudice moral consécutif à la rupture brutale du contrat.

Condamner en conséquence la société Nestlé France au paiement à la société Karukera de la somme de 300 000 euros au titre au titre du préjudice moral consécutif à la rupture brutale du contrat."

Se heurtent à la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, pour avoir été déjà présentées et rejetées par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 19 mai 2021, cette disposition n'ayant pas fait l'objet d'une cassation ;

- En conséquence, juger irrecevables lesdites demandes sur la recevabilité des demandes de la société Nestlé au titre du préavis ;

- Rejeter les fins de non-recevoir opposées par la société Lokama, la société Madinina et la société Karukera ;

- Juger recevables les demandes de la société Nestlé ;

- A titre principal, juger suffisant le préavis accordé par la société Nestlé pour mettre fin à ses relations commerciales avec les sociétés Karukera et Madinina ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Lokama, la société Madinina et la société Karukera de l'ensemble de leurs demandes et condamné in solidum la société Lokama, la société Madinina et la société Karukera à verser à la société Nestlé la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- A titre subsidiaire, juger mal fondées les demandes des sociétés Karukera et Madinina au titre du préjudice matériel afférent à la perte du fonds de commerce et au titre du préjudice moral ;

- Les en débouter ;

- Juger que toutes les charges d'exploitation et, en particulier, les frais salariaux, des sociétés Karukera et Madinina sont variables, et qu'elles ont totalement cessé lorsque la relation commerciale a pris fin ;

- Juger qu'il s'agit en conséquence de coûts directs, évités du fait de la rupture, qui doivent être retranchés pour le calcul de l'indemnité, conformément au principe de réparation intégrale ;

- Juger que, dès lors, l'éventuelle indemnisation des sociétés Karukera et Madinina ne pourrait se fonder que sur le résultat d'exploitation soit :

* 12 806 euros mensuels pour la société Karukera ;

* 5 303 euros mensuels pour la société Madinina ;

- Condamner solidairement les sociétés Lokama, Karukera et Madinina à payer à la société Nestlé la somme de 40 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner solidairement les sociétés Lokama, Karukera et Madinina aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2024.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur les limites de la saisine :

La Cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt du 19 mai 2021 de la cour d'appel de Paris et seulement en ce qu'il a fixé à 406 534 euros et 434 249 euros le montant des dommages et intérêts respectivement dus par la société Nestlé aux sociétés Karukera et Madinina pour rupture de la relation commerciale établie et en ce qu'il a statué sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour d'appel est dès lors saisie dans les limites de cette cassation.

Par son arrêt du 19 mai 2021, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement ayant dit que la société Nestlé ne s'était pas rendue coupable d'une rupture abusive de ses relations commerciales.

Ce chef de dispositif, qui n'est pas atteint par la cassation, est définitif.

Il est définitivement jugé que la société Nestlé s'est rendue coupable d'une rupture brutale de relations commerciales établies au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et engage sa responsabilité sur ce fondement.

En revanche, la cour d'appel de renvoi est saisie de l'évaluation des préjudices subis par les sociétés Karukera et Madinina pour rupture de la relation commerciale établie.

L'insuffisance du préavis caractérise la brutalité de la rupture.

Cependant, la durée d'insuffisance du préavis n'est pas définitivement jugée en ce qu'elle fait partie des éléments d'appréciation et d'évaluation de ces préjudices.

La cour d'appel a calculé le préjudice sur la période d'insuffisance de préavis.

La fixation de la durée du préavis ne fait pas l'objet d'un chef de dispositif distinct de celui de la fixation du préjudice.

En ce qui concerne les demandes indemnitaires des sociétés Karukera et Madinina, la cour d'appel de Paris a, par son arrêt du 19 mai 2021, condamné la société Nestlé à verser à la société Karukera la somme de 406 534 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie et à la société Madinina la somme de 434 249 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie, et rejeté le surplus des demandes des sociétés Karukera et Madinina au titre du préjudice économique et du préjudice moral liés à la rupture brutale de la relation commerciale établie.

La cassation n'a pas été étendue au chef de dispositif ayant rejeté les demandes des sociétés Karukera et Madinina au titre d'un préjudice moral.

Ce rejet est dès lors définitif.

- Sur l'indemnisation du préjudice économique résultant de la brutalité de la rupture :

Selon l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

La brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures.

Pour juger du caractère brutal de la rupture des relations commerciales établies, la cour d'appel a retenu que la société Nestlé n'a clairement notifié son intention de rompre le contrat que par lettre du 17 décembre 2015, qui constitue dès lors le point de départ du préavis.

Cette lettre résiliait le contrat à l'échéance du 31 décembre 2016.

La cour d'appel a retenu l'insuffisance du délai de préavis pour caractériser la brutalité de la rupture, qui est définitivement jugée.

A la date de notification de la rupture, la société Nestlé entretenait des relations commerciales établies avec la société Karukera depuis 15 ans, et avec la société Madinina depuis 12 ans.

Les contrats de prestations logistiques conclus avec la société Nestlé représentaient plus de 90 % des chiffres d'affaires des sociétés Karukera et Madinina.

Ces deux sociétés n'ont pas pu diversifier leur clientèle avant 2014 pour la société Madinina et 2015 pour la société Karukera.

La structure du marché de la logistique aux Antilles est spécifique en ce qu'il est étroit.

Il convient de prendre en considération ces éléments pour apprécier et évaluer le préjudice résultant de la brutalité de la rupture.

Ainsi, lors de la notification de la rupture par lettre du 17 décembre 2015, la société Nestlé aurait dû accorder un délai de préavis jusqu'au 30 juin 2017 et non pas seulement jusqu'au 31 décembre 2016.

Le préjudice indemnisable sera ainsi calculé en considération d'une insuffisance de préavis de six mois.

Il résulte de l'article L. 442-6, I, 5, du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, que seul doit être indemnisé le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture, évalué en considération de la marge escomptée durant la période d'insuffisance de préavis.

Cette marge est déterminée par la différence entre le chiffre d'affaires HT escompé et les coûts HT non supportés.

Par un jugement du 16 décembre 2016 du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, une société tierce, la société Logidom, a été condamnée à reprendre tout le personnel des sociétés Madinina et Karukera avec transfert des contrats au 1er janvier 2017, à la suite de la rupture de la relation commerciale entre les sociétés Madinina et Karukera et la société Nestlé et de la reprise du marché par cette société Logidom.

Il n'est pas contesté que les sociétés Karukera et Madinina ont, au cours des années 2013, 2014 et 2015, réalisé respectivement une marge annuelle de 94,37 %, soit 813 068 euros, et de 93,13 %, soit 868 498 euros, après déduction du chiffre d'affaires des coûts non supportés de consommables, de manutention et de sous-traitance.

Cependant, il convient de déduire de cette marge escomptée les charges de personnel que ces sociétés n'avaient pas à supporter à la suite de la reprise de leur personnel à compter du 1er janvier 2017 à l'occasion de la procédure d'appel de l'offre initiée par la société Nestlé au moment de la rupture.

La moyenne de ces charges durant les trois années 2013, 2014 et 2015 s'est élevée à 285 640 euros pour la société Karukera et à 282 381 euros pour la société Madinina.

La société Nestlé conclut à la déduction de toutes les charges d'exploitation qui auraient également cessé lorsque la relation commerciale a pris fin, soutenant que les entrepôts n'étaient pas la propriété des sociétés Karukera Logistique et Madinina Logistique, et qu'aucun loyer n'a été payé par ces sociétés postérieurement au 31 décembre 2016.

Cependant, il n'est pas établi par les pièces versées aux débats que la charge de loyers aurait cessé pendant la durée du préavis.

En conséquence, le préjudice économique de la société Karukera résultant de la brutalité de la rupture sera fixé à 263 714 euros ([813 068 - 285 640] x 6/12), et celui de la société Madinina à 293 058,50 euros ([868 498 - 282 381] x 6/12).

La cassation de l'arrêt du 19 mai 2021 porte sur la fixation à 406 534 euros et 434 249 euros du montant des dommages et intérêts respectivement dus par la société Nestlé aux sociétés Karukera et Madinina pour rupture brutale de la relation commerciale établie.

Les sociétés Karukera et Madinina réclamaient l'indemnisation de la perte de fonds de commerce, sollicitée à titre subsidiaire dans l'hypothèse où les frais postérieurs à la rupture auraient été déduits.

Il convient dès lors de statuer sur cette demande d'indemnisation.

Les sociétés Karukera et Madinina ne démontrent pas que la perte de valeur des fonds de commerce invoquée constituerait un préjudice résultant de la brutalité de la rupture, et non pas de la rupture elle-même.

Elles ne justifient pas que le litige sur la reprise de leur personnel survenu au cours de l'année 2016 avec la société tierce, ayant abouti au jugement du 16 décembre 2016 du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, serait imputable à l'insuffisance du préavis observé par la société Nestlé.

Il est rappelé qu'il est définitivement jugé que la société Nestlé ne s'est pas rendue coupable d'une rupture abusive des relations commerciales.

En conséquence, cette demande d'indemnisation sera rejetée.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ont été infirmées.

La société Nestlé, partie perdante, sera tenue aux dépens de première instance et d'appel.

Il apparaît équitable de la condamner à payer aux sociétés Karukera et Madinina la somme globale de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de sa saisine,

Condamne la société Nestlé France à verser à la société Karukera Logistique la somme de 263 714 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie ;

Condamné la société Nestlé France à verser à la société Madinina Logistique la somme de 293 058,50 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie ;

Rejette les demandes indemnitaires des sociétés Karukera Logistique et Madinina Logistique au titre d'une perte de fonds de commerce ;

Condamne la société Nestlé France à payer aux sociétés Karukera Logistique et Madinina Logistique la somme globale de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Nestlé au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Nestlé France aux dépens de première instance et d'appel.