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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 23 mai 2024, n° 20/06648

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lafon (SARL)

Défendeur :

Garage Azur (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Vignon, Mme Martin

Avocats :

Me Paris, Me Montrichard

T. com. Frejus, du 22 juin 2020, n° 2018…

22 juin 2020

EXPOSE DU LITIGE

La SARL Lafon, gérée par M. [E] [D], a exploité un fonds de commerce de réparation automobile sis [Adresse 1]) dans un local pris en location à la SCI LPO à compter du 1er décembre 2006 et moyennant un loyer mensuel de 2.426,40 €.

M. [D], souhaitant prendre sa retraite, a trouvé en la personne de M. [X] [B], un repreneur.

Suivant document écrit du 11 août 2017, les parties se sont engagées sur la cession du bail commercial pour un montant de 40.000 €.

Dans un autre document signé par M. [E] [D], le matériel et l'outillage ont été évalués à 29.920 €.

Le 4 janvier 2018, un contrat de bail commercial, avec effet au 7 décembre 2017, a été conclu entre la SCI LPO et la SAS Garage [B] Azur, ayant pour président M. [X] [B].

Par lettre recommandée du 7 juin 2018, la société Lafon a mis en demeure la société Garage [B] Azur de lui régler la somme de 40.000 € au titre de la cession du bail.

Par assignation en date du 17 septembre 2018, la SARL Lafon a fait assigner SAS Garage [B] Azur devant le tribunal de commerce de Fréjus aux fins notamment d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme principale de 40.000 € en exécution du contrat signé le 11 août 2017, outre 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire en date du 22 juin 2020, le tribunal de commerce de Fréjus a:

- constaté que SAS Garage [B] Azur n'est aucunement liée à la SARL Lafon en ce qui concerne une cession de bail commercial,

- débouté la SARL Lafon de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondée, les en déboute,

- condamne la SARL Lafon au paiement de la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 94,37 € TTC dont 15,83 € de TVA.

Ce tribunal a retenu que :

- le bail commercial en date du 4 janvier 2018 entre la SCI LPO ( bailleur) et la SAS Garage [B] Azur (preneur) précise un début de location à compter du 7 décembre 2017, date d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de la SAS Garage [B] Azur,

- l'acte établi le 11 août 2017 intervient entre M. [D], gérant de la SARL Lafon et, M. [X] [B],

- cet acte ne prévoit pas, pour M. [X] [B], la faculté de substitution au profit d'une personne morale,

- la société Garage [B] Azur, en tant que personne morale, est distincte de M. [X] [B], en tant que personne physique, de sorte qu'elle n'est aucunement liée à la SARL Lafon en ce qui concerne une cession de bail commercial.

Par déclaration en date du 20 juillet 2020, la SARL Lafon a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions signifiées par RPVA le 14 octobre 2020, la société Lafon demande à la cour de:

Vu les articles 1217 et suivants du code civil,

Vu l'article 1231-1 du code civil,

- infirmer le jugement rendu le 22 juin 2020 par le tribunal de commerce de Fréjus en totalité,

Et statuant à nouveau,

- condamner la SAS Garage [B] Azur à payer à la SARL Lafon la somme de 4.000 € avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 7 juin 2018, en exécution du contrat signé le 11 août 2017,

- condamner la SAS Garage [B] Azur à payer à la SARL Lafon la somme 10.000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner la SAS Garage [B] Azur à payer à la SARL Lafon la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La SAS Garage [B] Azur, suivant ses conclusions notifiées le 12 janvier 2021, demande à la cour de :

- dire et juger la SARL Lafon mal fondée en son appel,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter la SARL Lafon de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SARL Lafon à payer à la la SAS Garage [B] Azur la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SARL Lafon aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me [R] [G] sur ses offre et affirmations de droit.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 14 novembre 2023.

MOTIFS

En vertu de l'article 963 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité de l'appel ou des défenses selon les cas, dans le cadre d'une procédure avec représentation obligatoire, les parties sont tenues de s'acquitter du droit de 225 euros prévue à l'article 1635 bis P alinéa 1er du code général des impôts.

Sauf en cas de demande d'aide juridictionnelle, l'auteur de l'appel principal en justifie lors de la remise de sa déclaration d'appel et les autres parties lors de la remise de leur acte de constitution par l'apposition de timbres mobiles ou par la remise d'un justificatif lorsque le droit pour l'indemnisation de la profession d'avoué a été acquitté.

La fin de non recevoir tirée du défaut d'acquittement de la contribution prévue à l'article 963 du code de procédure civile est, en application de l'article 126 du même code, susceptible d'être régularisée jusqu'à ce que le juge statue.

En l'espèce, la société intimée, bien que destinataire, lors de l'avis de fixation à la première audience des plaidoiries en date du 1er juin 2023, d'un rappel adressé en ce sens par le magistrat de la mise en état, ne s'est pas acquittée du paiement dudit timbre. Elle a, de surcroît , reçu suite à l'avis de déplacement d'audience en date du 3 octobre 2023, un nouveau rappel l'invitant à régulariser cette situation.

La défense de la SAS Garage [B] Azur est donc irrecevable.

Conformément à l'article 954 du code de procédure civile, elle est néanmoins réputée s'approprier les motifs du jugement frappé d'appel.

Sur le fond, la société Lafon soutient que l'acte du 11 août 2017 est un contrat synallagmatique, qui doit être exécuté de bonne foi, que M. [D] a parfaitement rempli sa prestation consistant en la cession du droit au bail et du matériel, alors qu'à l'inverse M. [B] n'a pas payé le prix convenu, qu'elle justifie que Me [O], notaire, avait été mandaté par les parties sur les conseils de M. [B] pour régulariser un tel acte de cession, ayant d'ailleurs rédigé un projet en ce sens mais que M. [B] n'a jamais donné suite, ni adressé les pièces réclamées par le notaire. Elle fait valoir que dès le mois août 2017, M. [B] a pris possession des lieux et de son outillage, M. [B] exploitant son activité depuis cette date et précise que l'engagement d'acquérir le fonds de commerce par M. [B] a bien été repris par la société intimée ainsi qu'il en résulte de ses statuts.

Il est constant, en l'espèce, que la SARL Lafon sollicite la condamnation de la SAS Garage [B] Azur au paiement de la somme principale de 40.000 € en exécution du contrat signé le 11 août 2017.

L'acte litigieux est ainsi rédigé :

' Je soussigné, [E] [D], gérant de la SARL Lafon, [Adresse 1] déclare accepter la cession du bail commercial sus-nommé. Le montant est de 40.000 € net vendeur. A M. [B] [X].

Le 11 août 2017 '

Cet acte est suivi de la mention des noms de M. [B] [X] et ce M. [D] [E], avec à chaque fois une signature en dessous.

Si aucune règle spécifique du code de commerce n'encadre l'établissement d'un contrat de cession d'un bail commercial, lequel peut prendre la forme d'un acte sous seing privé, il n'en demeure pas moins qu'à la lecture de ce document, il apparaît qu'il a été conclu entre M. [D], en sa qualité de gérant la SARL Lafon et M. [X] [B], personne physique et aucune faculté de substitution n'est prévue, pour ce dernier, au profit d'une personne morale, immatriculée ou en formation. Il n'est en effet, à aucun moment, mentionné que M. [X] [B] intervient, de quelle que manière que ce soit, pour le compte de la SAS Garage [B] Azur dont il est établi qu'elle n'a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Fréjus sous le n° 833 867 732 que le 7 décembre 2017, soit près de quatre mois plus tard.

La SARL Lafon soutient que Me [O], notaire à [Localité 2], avait été mandaté par les parties dès l'été 2017 afin de rédiger l'acte de cession mais que M. [X] [B] n'a jamais adressé les pièces réclamées par le notaire, refusant toute régularisation de l'acte auquel il s'était pourtant engagé.

Toutefois la lecture des échanges entre l'appelante et le notaire met en évidence que ce dernier avait été missionné par les parties aux fins de régulariser un acte de cession de fonds de commerce et pour un prix de 30.000 €. Il s'agit ainsi d'un projet différent de celui résultant du document du 11 août 2007 qui fait état d'une cession de bail commercial, ce qui est différent d'une cession de fonds de commerce et curieusement pour un prix moindre.

Enfin, il ne peut être tiré aucune conséquence de la clause 37 de statuts de la SAS Garage [B] Azur établis le 23 novembre 2017, laquelle stipule que la société ' donne mandat à M. [B] [X] à l'effet de prendre les engagements suivants au nom et pour le compte de la société:

- généralement tout acte utile ou nécessaire à l'intérêt social,

- acquisition d'un fonds de commerce de garagiste sis [Adresse 1], appartenant à la société Lafon.'

En effet cette clause donne uniquement mandat à M. [X] [B] pour faire l'acquisition du fonds de commerce alors que le document litigieux sur lequel s'appuie la SARL Lafon concerne la cession d'un bail commercial mais nullement la cession d'un fonds de commerce.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la SAS Garage [B] Azur n'est aucunement liée à la SARL Lafon s'agissant d'une cession de bail commercial. En effet, si la SAS Garage [B] Azur est bien représentée par son président, M. [X] [B], elle dispose d'une personnalité juridique propre et distincte de son président, personne physique.

La SARL Lafon sera, en conséquence, déboutée des fins de son recours et le jugement entrepris, confirmé.

Vu l'article 696 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Déclare la défense de la SAS Garage [B] Azur est donc irrecevable,

Déboute la SARL Lafon des fins de son recours et confirme le jugement du tribunal de commerce déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SARL Lafon aux dépens de la procédure d'appel.