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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 23 mai 2024, n° 21/20377

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Hôtel Américain (SAS)

Défendeur :

Charlot 72 (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Girousse

Avocats :

Me Viollet, Me Brault, Me Allerit, Me Morel, Me Marcet

TJ Paris, du 21 oct. 2021, n° 18/08061

21 octobre 2021

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 18 mars 2009, la SCI CHARLOT 72 a consenti à la société HÔTEL AMÉRICAIN un renouvellement de bail commercial portant sur des locaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 2], pour une durée de neuf ans à compter du 1er avril 2009, afin d'y exploiter un fonds de commerce d' " hôtel de catégorie tourisme, à l'exclusion de toute: catégorie inférieure ", moyennant un loyer de 102.000 € par an HT et HC.

Par acte extrajudiciaire du 21 juillet 2017, la SCI CHARLOT 72 a donné congé à la société HÔTEL AMÉRICAIN avec offre de renouvellement à compter du 1er avril 2018 moyennant un loyer annuel en principal de 165.000 € HT et HC par an.

Le 25 juin 2018, la SCI Charlot 72 a fait assigner sa locataire devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris lequel par jugement du 22 février 2019, a constaté le principe du renouvellement du bail par l'effet du congé avec offre de renouvellement du 21 juillet 2017, dit que les locaux sont monovalents et que le prix du bail renouvelé doit être fixé en application des critères posés par l'article R. 145-10 du code de commerce, désigné M. [W] [K] avec mission de rechercher la valeur locative au 1er avril 2018.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 7 décembre 2020. Il conclut à une valeur locative au 1er avril 2018 de 143.600 € par an HT et HC.

Par un jugement du 21 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- fixé a la somme de 159.600 € HT et HC par an le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2018 portant sur les locaux à usage d'hôtel en cause ;

- dit que les intérêts au taux légal sur la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel seront dus par la société HÔTEL AMÉRICAIN à compter du 25 juin 2018 pour les loyers échus avant cette date et à compter de chaque échéance pour les loyers échus postérieurement à cette date ;

- partagé les dépens par moitié entre les parties, en ce inclus les coûts de l'expertise judiciaire ;

- débouté la société HÔTEL AMÉRICAIN de sa demande de condamnation de la SCI CHARLOT 72 au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- rejeté toute autre demande.

Par déclaration du 23 novembre 2021, la société Hôtel américain a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance du 9 mars 2022, le conseiller de la mise en état a désigné un médiateur judiciaire mais les parties ne sont pas parvenues à un accord.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions déposées le 21 février 2022, la société HÔTEL AMÉRICAIN, appelante, demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé à la somme annuelle en principal de cent cinquante neuf mille six cents euros (159.600 €) et condamné la société locataire au paiement des intérêts produits par le différentiel de loyer, condamné la même au partage des dépens et de l'avoir débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau, de:

- fixer à la somme annuelle en principal de cent trente mille huit cent quatre vingt cinq euros (130.885 €) HT/HC le loyer dû à effet du 1er avril 2018 ;

- condamner la SCI Charlot 72 aux entiers dépens de la première instance et de la présente, en ce compris les frais d'expertise,

- condamner la SCI CHARLOT 72 au paiement de la somme de huit mille euros (8.000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant au titre de la première instance que de la présente.

Par conclusions déposées le 10 octobre 2022 la SCI Charlot 72, intimée, demande à la cour de:

- dire et juger la société Hôtel américain mal fondée en son appel ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le montant du loyer du bail renouvelé prenant effet au 1er avril 2018 à la somme annuelle en principal de 159.600 € (cent cinquante neuf mille six cents euros), ce en conformité avec les dispositions des articles L. 145-36 et R. 145-10 du code de commerce ;

Subsidiairement :

Si la cour devait retenir l'opportunité d'un abattement au titre d'un transfert partiel des travaux de conformité sur le locataire,

- fixer le montant du loyer du bail renouvelé prenant effet au 1er avril 2018 à la somme annuelle en principal de 151.620 € ;

En tout état de cause,

- débouter la société HÔTEL AMÉRICAIN de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- débouter la société locataire de sa demande de condamnation du bailleur à des sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société locataire au paiement au profit du bailleur de la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a partagé les dépens par moitié entre les parties, selon l'usage, en ce compris les frais d'expertise.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Selon l'article R. 145-10 du code de commerce, le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux articles L. 145-33 et R. 145-3 et suivants, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.

Ces dispositions excluent la possibilité de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire survenue après le renouvellement comme le demande la locataire.

Elles s'appliquent aux locaux loués par la SCI CHARLOT 72 exploités à usage d'hôtel qui présentent un caractère monovalent ainsi que l'a déjà jugé le jugement rendu le 22 février 2019 par le juge des loyers désignant l'expert judiciaire.

S'agissant d'un fonds de commerce d'hôtel, l'usage consiste à appliquer la méthode dite 'méthode hôtelière', dont les modalités de mise en oeuvre ont été actualisées en 2016 afin de les adapter au nouvel environnement économique de l'activité hôtelière, caractérisé notamment par l'intervention accrue des intermédiaires de commercialisation en ligne, par une grande volatilité du tarif des nuitées et par un décalage parfois significatif entre les prix affichés et les prix effectivement pratiqués par l'établissement. La méthode ainsi appliquée par l'expert judiciaire et les experts privés désignés par les parties : M. [O] pour la locataire et M. [E] pour la bailleresse, consiste à déterminer une Recette Théorique Maximale Encaissable annuelle (RTME) à partir d'un prix moyen praticable (PMP) déterminé en fonction des caractéristiques et de la situation de l'établissement puis d'y appliquer un 'abattement internet' pour tenir compte des commissions prélevées par les intermédiaires de commercialisation en ligne ainsi qu'un taux d'occupation moyen objectif fonction des caractéristiques de l'établissement et non du taux effectivement réalisé, afin d'obtenir une Recette Théorique Corrigée (RTC) . Sur cette RTC est appliqué un Taux Sur Recette (TSR) qui varie en fonction des caractéristiques de l'établissement et des prestations offertes, ce taux diminuant lorsque la catégorie augmente car le coût des prestations accessoires prend plus de place que celui de l'hébergement. Sont également prises en compte les recettes annexes telles que les petits déjeuners sur lesquelles est appliqué un Taux Sur Recette (TSR) différencié. Le cas échéant un abattement pour charge exorbitante peut être appliqué.

Par des motifs pertinents et détaillés, que la cour adopte, le tribunal a rappelé les constats, non contestés, opérés par l'expert concernant les caractéristiques du bail et des locaux et notamment les éléments qui suivent.

L'hôtel en cause, situé [Adresse 2] , exploite 36 chambres (7 chambres simples, 27 chambres doubles, 1 chambre triple et 1 chambre quadruple) pour une capacité d'accueil de 68 personnes. Il bénéficie d'un classement 2 étoiles. Il occupe la totalité du bâtiment sur 9 niveaux reliés entre eux par un ascenseur. Il s'agit d'un 'immeuble ancien d'assez bonne facture, principalement en façade sur la rue Charlot (avec un petit retour en angle sur la [Adresse 5]) et organisé autour d'une cour intérieure (...).'. Il 'bénéficie d'une bonne visibilité sur une place dégagée grâce à un beau linéaire de façade (...)'.

L'expert porte les appréciations suivantes:

'il s'agit d'une bonne situation pour un hôtel de catégorie 2*, adapté à une clientèle économique tant touristique que d'affaires, au sein d'un quartier central et animé de la capitale, bien desservi par les transports en commun, relativement aisément accessible par le réseau routier et avec de relatives des facilités de stationnement (parking non loin), bénéficiant d'une bonne animation commerciale, d'une importante chalandise, notamment touristique (y compris le week-end, compte tenu de la proximité du Marais) et de toutes commodités (cafés-restaurants, commerces,...), mais régulièrement animé par des manifestations, sur une place calme et dégagée (Place Olympe de Gouges), en retrait des principaux axes du secteur(...)

En résumé, l'établissement est fonctionnel (tous niveaux [sauf ch. 1 en entresol] desservis par ascenseur [R-1 au R+7] et escalier intérieur), bien aménagé et équipé (malgré l'absence de climatisation) pour une activité hôtelière de catégorie économique, avec des locaux annexes d'assez bonne qualité [Réception, Salons attenants, Cour intérieure, Salle PDJ en SS [vase mais capacité limitée à 19 pers.], ...) et d'une capacité relativement limitée (36 ch. [dont 7 Single]/68 pers.; légèrement inférieure au seuil de rentabilité de 40 ch.) avec des chambres assez homogènes et de taille supérieure aux minimas de la catégorie (particulièrement les Triple et Quadruple), le tout en bon état d'entretien et aux normes (...)

Compte tenu de la situation, des caractéristiques et du niveau des prestations offertes par l'établissement considéré, il s'adresse principalement à une clientèle de loisirs et d'affaires à la recherche de prestations simples et de tarifs attractifs.

Par ailleurs, la situation (sur une rue secondaire calme) et la visibilité (bonne mais d'un intérêt limité) de l'établissement étudié limite les possibilités de bénéficier d'une clientèle 'de passage', de surcroît depuis le développement exponentiel des opérateurs internet (...).

Au regard de ces éléments, l'expert propose une valeur locative de 159.600 € HT et HC par an avant abattement pour charges exorbitantes, obtenue ainsi :

- pour proposer une valeur locative 'hébergement' de 157.800 € HT et HC par an:

- il retient un prix moyen praticable variable selon la capacité de la chambre soit : 75 € (7 singles), 90 € (27 doubles), 125 € (une triple) et 150 € HT (une quadruple), ( prix moyen par chambre de 89,70 € HT), soit une recette théorique maximale annuelle de 1.178.950 € HT ;

- il lui applique 'un abattement internet' variant de 10 % à 15 % selon la capacité de la chambre, soit un abattement moyen de 11 %,ainsi qu'un taux d'occupation moyen de 79 %, soit une Recette Théorique Corrigée de 830.664 €

- sur cette RTC, il applique un taux sur recette de 19 % ;

- pour proposer une valeur locative 'annexes' de l'établissement, correspondant à la recette générée par l'activité de service de petits-déjeuners, de 1.800 € HT /AN sur la base d'un tarif de 8,5 € TTC par personne et d'un taux d'occupation moyen de 79 % il applique :

- un indice de fréquentation de 1,35 ;

- un taux de captation de clientèle de 15 % ;

- un taux de prélèvement de 10 % ;

A la somme de ces deux valeurs, il applique une abattement de 10 % au titre de la charge exorbitante mettant les travaux de mise en conformité à la charge du preneur, soit un loyer de renouvellement au 1er avril 2018 de 143.600 € HT/HC/AN: (157.800 € +1.800 € = 159.600 € ) x 90 %.

Le jugement déféré a approuvé la proposition de l'expert sauf pour ce qui concerne l'abattement pour charges exorbitantes retenant ainsi une valeur locative de renouvellement au 1er avril 2018 de : 159.600 €.

La SCI CHARLOT 72 demande la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu le montant de 159.600 € et subsidiairement demande l'application d'un abattement de 5 % pour charges exorbitantes, soit une valeur locative de renouvellement de 151.620 €.

- Sur la Recette Théorique Maximale,

La société HOTEL AMERICAIN admet le montant proposé par l'expert au titre de la Recette Théorique Maximale de 1.178.950 € sous réserve de rectifications quant aux autres paramètres. Ce montant est admis par la bailleresse.

Il convient de retenir ce montant justifié au regard des caractéristiques de l'établissement, de la pertinence des éléments de comparaison et statistiques utilisés pour le déterminer.

- Sur l'abattement pour commissions internet

La société HOTEL AMERICAIN reprend dans son calcul récapitulatif le montant de 11 % préconisé par l'expert au titre de l''abattement internet' mais expose que le taux de 12,75 % préconisé dans le rapport d'expertise privé effectué le 9 octobre 2018 pour son compte par M. [O] serait justifié .

Le pourcentage retenu par l'expert au titre de l''abattement internet' correspond à un pourcentage théorique moyen appliqué à la RTME pour l'ensemble des chambres. Il ne peut être comparé à la part de commissionnement des centrales de réservation sur le chiffre d'affaires hébergement qu'elles génèrent puisque toutes les chambres ne sont pas occupées et toutes ne sont pas réservées par l'intermédiaire de ce type de plateforme même si ce type de réservation prédomine.

Au regard de ces éléments, des caractéristiques de l'établissement et du type de chambres proposées, le pourcentage de 11 % au titre de l''abattement internet' est justifié et sera retenu.

- Sur le taux d'occupation

La société HOTEL AMERICAIN conteste le taux d'occupation de 79 % proposé par l'expert et demande l'application d'un taux de 77 %. Elle lui reproche d'avoir pris en compte les années 2014 et 2018 pour déterminer le taux d'occupation et fait valoir que son taux d'occupation moyen pour les années 2015 à 2017 est de 63 %.

L'expert a observé que l'hôtel en cause réalise des performances inférieures à sa catégorie. Or, le taux de fréquentation doit être calculé de manière objective et non au regard du résultat obtenu par l'établissement résultant des choix de gestion de l'exploitant. En l'espèce, l'expert a relevé que l'hôtel privilégie le Revenu Moyen par Chambre : 96,9 € sur la période 2015/2017 au détriment du taux d'occupation alors que le segment économique a un RMC de 86,2 € pour [Localité 4] et de 93,80 € pour le secteur 'République/Bastille'.

L'expert expose que, pour l'année 2016, l'hôtellerie parisienne a affiché des performances bien inférieures à celles observées les années précédentes et suivantes en particulier pour les hôtels du segment économique, auquel appartient l'hôtel en cause (2015 : 79,8 %, 2016 : 71,8 %, 2017 : 79,5 %) et qu'il en est de même pour les hôtels du segment économique du secteur en cause: 'République/Bastille' (2015 : 82,6 %, 2016 : 73,6 %, 2017 : 82,5 %). Compte tenu de cet important décrochage ponctuel en 2016 et du fait que les taux d'occupation sont remontés en 2018 (83,1 % pour [Localité 4] et 82 % pour 'République/Bastille' ), l'expert a pris en compte à juste titre l'année 2014 afin d'obtenir un résultat plus représentatif . Cependant, il n'y avait pas lieu de prendre en considération l'année 2018 puisqu'une partie de cette année est postérieure au renouvellement. On obtient ainsi pour [Localité 4] un taux d'occupation de 78,65 % (moyenne de 2014 : 83,6 %, 2015 : 79,8 %, 2016 :71,8 %, 2017 : 79,5 %) et pour le secteur 'République/Bastille' un taux d'occupation de 81,27 % (2014 : 86,4 % 2015 : 82,6 %, 2016 : 73,6 %, 2017 : 82,5 %).

De leurs côtés, l'expert M. [O] proposait un taux d'occupation de 78 % et l'expert M. [E] proposait un taux d'occupation de 80 %.

Au regard de ces éléments, le taux d'occupation moyen objectif proposé par l'expert judiciaire de 79 % apparaît justifié et sera retenu. Il en résulte une Recette Théorique Corrigée de 830.664 € (1.178.950 x 11 % x 79 %), cohérente avec les chiffres d'affaires hébergements obtenus en 2015 de 863.522 € et en 2017 de 843.071 € ainsi que le souligne l'expert.

- Sur le pourcentage sur recettes

La société HOTEL AMERICAIN demande de ne pas retenir le taux sur recette de 19 % appliqué par le jugement déféré, conformément au rapport d'expertise, et admis par la bailleresse. Elle demande l'application d'un taux de 18 % comme proposé par l'expert privé M. [O] en soulignant que selon l'expert judiciaire, l'immeuble ancien est insusceptible de monter en gamme, que la circulation verticale est restreinte, un seul ascenseur limité à trois personnes desservant les étages, qu'il y a une importante concurrence aux alentours, que le secteur est régulièrement animé par les manifestations alors que les locaux souffrent d'un manque d'insonorisation.

L'expert, après avoir exposé que le taux de prélèvement est généralement compris entre 18 et 21 % pour les hôtels 1 et 2 étoiles, justifie comme suit le taux de 19 % qu'il propose d'appliquer en l'espèce :

'Etant donné la situation (bonne) et les caractéristiques de l'établissement étudié précédemment relevées, on retiendra, s'agissant d'un hôtel 2* (TP entre 18 et 19 %), fonctionnel, d'un bon standing (s'apparente davantage à un petit 3*), avec de bonnes prestations pour sa catégorie (malgré l'absence de climatisation) et des locaux annexes d'assez bonne qualité, le tout en bon état général et aux normes, mais d'une capacité relativement limitée (36 ch., avec 20 % de single) et avec un bâti ne permettant pas d'évolution de l'établissement (impossibilité de monter en gamme, en raison de la taille des chambres, sans réduction de la capacité de l'hôtel), étant rappelé que l'établissement n'offre pas de prestations annexes (à l'exception du petit-déjeuner)' ;

Dans leurs rapports d'expertises privées, M. [O] fixait ce taux à 18 % et M. [E] le fixait à 20 %.

Le taux de prélèvement doit rémunérer le bailleur en fonction de la participation du bâti dans la réalisation de la recette de l'exploitant hôtelier. Ainsi, meilleure est la catégorie de l'hôtel, plus faible est le taux de recettes puisque la prestation immobilière devient moins importantes que les prestations de confort.

Pour les hôtels équivalents à 1 ou 2 étoiles, selon le barême actualisé de la Compagnie des Experts Parisiens, le pourcentage sur recette doit être situé dans une fourchette de 18 à 21 % , ce que confirme les deux rapports d'expertises privées produits.

Il ressort des éléments du dossier et des explications de l'expert qu'au regard de ses caractéristiques notamment de sa bonne situation, de son bon état général, de son caractère fonctionnel, de son bon standing, l'hôtel en cause s'apparente davantage à un hôtel 3 étoiles avec de bonnes prestations pour ses locaux annexes d'assez bonne qualité mais ne justifie pas un taux de 18 % dans la mesure où il ne propose pas de prestations annexes exceptés les petits déjeuners.

L'hôtel étant en retrait des parcours habituels des manifestations, il ne démontre pas qu'elles auraient des conséquences dans son exploitation. La locataire n'est pas fondée à se prévaloir des questions d'insonorisation, puisqu'il lui appartient de faire les travaux éventuellement nécessaires, le cas échéant avec l'autorisation de la bailleresse.

Au regard de l'ensemble de ces éléments le pourcentage sur recette de 19 % apparaît approprié et sera retenu, soit une valeur locative hébergement de 157.800 € (830.664 x 19 %).

- Sur la recette annexe relative à la prestation de petit-déjeuner,

La société HOTEL AMERICAIN demande de ne pas prendre en compte la valeur locative 'annexes' résultant des recettes de petit déjeuner au motif qu'elle est négligeable au regard notamment de la capacité de l'établissement en se prévalant de deux jugements rendus en ce sens.

Conformément aux usages, l'expert a estimé cette valeur locative 'annexes' résultant des recettes de petit déjeuner, à 1.800 € HT/HC/AN conformément aux usages. Dans son expertise privée, M. [O] retient sur ce point un taux de prélèvement de 8 % et a fixé cette valeur locative à 1.360 €.

M. [K] précise que cette prestation est facturée 8,5 € TTC en salle et 10,5 € TTC en chambre, que la salle en sous-sol a une capacité d'accueil simultanée limitée à 19 personnes, que cette recette résultant principalement de l'exploitant il retient un taux de prélèvement de 10 %. Au regard des caractéristiques de l'établissement il retient un indice de fréquentation de 1,35 et au regard du tarif pratiqué relativement élevé, de l'existence de cafés à proximité, des contraintes liées à la capacité limitée, il retient un taux de captation de la clientèle de 15 %.

La locataire ne démontre pas qu'en l'espèce les petits déjeuner constitueraient un service rendu à la clientèle constituant une charge pour elle sans générer de revenu. Dès lors, c'est à juste titre que cette recette a été prise en considération, le faible montant proposé tenant compte des circonstances particulières à l'hôtel en cause. Le montant de 1.800 € sera retenu.

- Sur la charge exorbitante:

Contestant le jugement déféré sur ce point, la société HOTEL AMERICAIN sollicite un abattement de 10 % en raison de la clause exorbitante du bail mettant à sa charge les travaux de conformité.

La SCI CHARLOT 72 fait valoir que le bail ne transfère pas l'ensemble des travaux de mise en conformité aux normes en vigueur sur le locataire; que l'abattement ne peut s'appliquer que sur les postes expressément transférés ce qui n'est pas le cas des normes relatives à l'accessibilité des locaux aux personnes à mobilité réduite, qu'en application de la loi Pinel applicable au bail renouvelé, le bailleur conserve les travaux de mise conformité nécessitant des grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil. Elle en déduit que le taux réclamé de 10 % est injustifié, et ce, d'autant que l'expert relève que les locaux sont actuellement aux normes, qu'en tout état de cause, il ne saurait excéder 5 %.

C'est au bailleur qu'incombe les travaux de conformité aux normes administratives s'imposant à l'établissement en application de son obligation de délivrer un bien conforme à l'usage auquel il est destiné.

L'article 11 intitulé 'respect des prescriptions administratives et autres', du bail du 18 mars 2009 stipule que 'Le Preneur devra se conformer aux prescriptions, règlements et ordonnances en vigueur, notamment en ce qui concerne la voirie, la salubrité, la police, la sécurité, l'inspection du travail et de manière générale à toutes les prescriptions relatives à son activité, de façon que le bailleur ne puisse être ni inquiété ni recherché'. Contrairement à ce qu'indique le jugement déféré, il s'en déduit que le bail a expressément mis à la charge du preneur le coût des travaux de mise en conformité éventuellement rendus nécessaires par ces prescriptions, et règlements. Il s'agit donc d'une charge exorbitante dont il doit être tenu compte dans l'appréciation de la valeur locative.

L'expert judiciaire propose un abattement de l'ordre de 10 % sur la valeur locative, représentant un budget de 144.000 € sur la durée d'un bail, montant qu'il estime suffisant puisque l'hôtel est actuellement aux normes. Dans leurs expertises privées, M. [O] et M. [E] retiennent aussi un abattement de 10 % à ce titre dans leurs évaluations.

Au regard des usages et de l'importance des normes en matière d'établissements hôtelier, le montant de 10 % apparaît adapté. La SCI CHARLOT 72 n'apporte aucun élément permettant d'évaluer la part prévisible des gros travaux relevant de l'article 606 du code civil dans les travaux de mise en conformité, alors que selon l'expert, l'hôtel est actuellement aux normes. Il convient de retenir un abattement de 10 % au titre de cette clause exorbitante.

En conséquence, après application de cet abattement sur la valeur locative de 159.500 € retenue par l'expert, la valeur locative de renouvellement au 1er avril 2018 sera fixée à 143.640 € HT et HC par an.

Sur les autres demandes

Il convient de confirmer les dispositions du jugement déféré relatives aux intérêts, à l'exécution provisoire, aux dépens et aux frais irrépétibles relevant de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles relatifs à la procédure d'appel et de les débouter de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile .

Il convient de condamner la SCI CHARLOT aux dépens de la procédure d'appel.

Les autres demandes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu le 21 octobre 2021 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris (RG N° 18/8061) en ce qu'il a fixé a la somme de 159.600 € HT et HC par an le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2018 portant sur les locaux à usage d'hôtel dépendant de l'immeuble situé [Adresse 2] et le confirme en ses autres dispositions;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe à la somme de 143.640 € HT et HC par an le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2018 portant sur les locaux à usage d'hôtel dépendant de l'immeuble situé [Adresse 2] ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes ;

Condamne la SCI CHARLOT 72 aux dépens de la procédure d'appel avec distraction au profit de Maître L. VIOLLET, avovat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.