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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 23 mai 2024, n° 21/08566

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Jump Street (SARL)

Défendeur :

Hovyer (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Girousse

Avocats :

Me Ohana, Me Ouaknine, Me Guizard, Me Lassoux

TJ Créteil, 3e ch., du 9 mars 2021, n° 1…

9 mars 2021

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 2 septembre 2016, la SCI HOVYER a donné à bail commercial à la société JUMP STREET, un local comprenant un sous-sol, un rez-de-chaussée et deux étages, situé [Adresse 1] à [Localité 6] (94), pour une durée de neuf années, à destination de 'débit de boisson-restaurant traditionnel ou rapide sur place et/ou à emporter-salon de thé' , moyennant un loyer mensuel de 5.500 € hors taxe.

Le 22 août 2017, la commission communale de sécurité d'[Localité 6] a adressé à la société JUMP STREETun avis défavorable à l'ouverture au public de l'établissement en cause, indiquant les modifications à effectuer, l'invitant à déposer une déclaration de travaux dans le mois suivant la réception du courrier et, le 5 décembre 2017, le Maire d'[Localité 6] a pris un arrêté de fermeture du local commercial, notifié à la société JUMP STREET le 12 décembre 2017.

Les parties se sont opposées sur la prise en charge de ces travaux et par acte d'huissier du 1er février 2018, la société JUMP STREET a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil aux fins de voir ordonner à la bailleresse l'exécution des travaux de conformité.

Une médiation ayant été ordonnée, le 27 février 2018, les parties ont conclu un accord amiable aux termes duquel la bailleresse s'est notamment engagée à terminer la totalité des travaux de mise en conformité préconisés par la commission de sécurité au plus tard le 19 mars 2018.

Le 23 avril 2018, le Bureau Véritas a rendu un rapport selon lequel certains travaux de mise en conformité restaient à réaliser.

Par ordonnance du 19 juin 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil, saisi par la locataire, a enjoint sous astreinte à la bailleresse de procéder aux travaux de mise aux normes de sécurité exigés par la commission communale de sécurité, enjoint à la locataire de solliciter la venue de cette commission dès leur achèvement, ordonnant par ailleurs la consignation des loyers entre les mains d'un séquestre jusqu'à la mise aux normes de sécurité des lieux.

Les travaux ont été réalisés par la SCI HOVYER.

Le 31 octobre 2018, la Maire d'[Localité 6] a pris un arrêté d'ouverture du restaurant en cause, à la suite de l'avis favorable d'ouverture de la commission de sécurité rendu le 5 octobre 2018.

Par ordonnance du 6 août 2019, le juge des référé, saisi par la bailleresse, a ordonné la mainlevée de la mesure de consignation des loyers.

Par acte d'huissier du 28 janvier 2019, la Sté JUMP STREET a fait citer la SCI HOVYER devant le tribunal de grande instance (devenu le tribunal judiciaire) de Créteil aux fins principalement, de voir engager sa responsabilité en sa qualité de bailleur, la condamner à lui payer diverses sommes à titre indemnitaire, dire et juger que les loyers pour la période du 5 décembre 2017, date de la fermeture administrative du restaurant, au 2 novembre 2018, date de réouverture des locaux, ne sont pas dus à la SCI HOVYER et ordonner à compter de la date de réouverture des locaux, soit le 2 novembre 2018, la réduction du prix du loyer en raison de la diminution de la surface exploitable depuis les travaux effectués par la bailleresse.

Par acte d'huissier du 21 août 2019, la SCI HOVYER a fait délivrer à la société JUMP STREET un commandement visant la clause résolutoire du bail lui enjoignant de cesser l'activité de location-vente de narguilés-chichas et de respecter la destination des lieux prévue au bail.

Par ailleurs, à la suite d'importantes intempéries provoquant des dégâts des eaux dans les locaux, par ordonnance du 4 juin 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil, saisi par la société JUMP STEET, a ordonné une expertise aux fins de déterminer les causes et conséquences des désordres allégués à ce titre.

Par jugement du 9 mars 2021, le tribunal judiciaire de Créteil a:

Condamné la SCI HOYVER à payer à la SARL JUMP STREET la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Débouté la SARL JUMP STREET de sa demande indemnitaire au titre du préjudice financier,

Dit que les loyers pour la période allant du 5 décembre 2017 au 2 novembre 2018 date de réouverture des locaux, ne sont pas dus par la SARL JUMP STREET à la SCI HOVYER,

Rejeté la demande de réduction du prix du loyer formée par la SARL JUMP STREET,

Condamné la SARL JUMP STREET à payer à la SCI HOYVER :

- la somme de 16.500 euros au titre des loyers des mois d'avril, mai et juin 2020,

- en deniers ou quittance et sous réserve des sommes effectivement réglées par la SARL JUMP STREET, les loyers dus du 2 novembre 2018 au mois d'août 2019, soit la somme de 55 000 euros,

Débouté la SCI HOYVER de ses autres demandes,

Condamné la SCI HOYVER à payer à la SARL JUMP STREET la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Condamné la SCI HOYVER aux dépens,

Rejeté toutes les autres demandes,

Dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire ».

La société JUMP STREET a interjeté appel de cette décision le 3 mai 2021.

Par ordonnance sur incident rendue le 10 mai 2023, le conseiller de la mise en état, saisi par la SCI HOVYER, a ordonné l'exécution provisoire du jugement rendu le 9 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil, renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état et réservé les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par conclusions déposées le 31 janvier 2022, la société JUMP STREET, appelante, demande à la cour de:

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Créteil attaqué en ce qu'il a :

' condamné la SCI HOVYER à payer à la société JUMP STREET la somme réduite de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral et débouté la société Jump street de sa demande indemnitaire au titre du préjudice ;

' rejeté la demande de la société JUMP STREET tendant à la réduction du prix du loyer prévu au bail au regard de la valeur locative réelle des locaux à la suite de la mauvaise réalisation des travaux de mise en conformité par la SCI HOVYER ;

' condamné la société Jump street à payer à la SCI HOVYER les loyers des mois d'avril, mai et juin 2020 (pour un total de 16.500 euros) et, sous réserve des sommes effectivement réglées, les loyers du 2 novembre 2018 au mois d'août 2019 (pour un total de 55.000 euros) ;

Et, par la voie de l'appel, de :

- dire et juger que la SCI HOVYER a manifestement manqué à ses obligations légales et contractuelles qui lui sont imputables au titre du bail commercial qui la lie à la société Jump street, et en vertu des engagements ultérieurs qu'elle a pris envers elle ;

- dire et juger que la société JUMP STREET est bien fondée à invoquer l'exception d'inexécution pour la période comprise entre le 2 novembre 2018 et le 19 mai 2021 ;

En conséquence :

- condamner la SCI HOVYER à réparer l'ensemble des préjudices causés à la société JUMP STREET à la suite des manquements légaux et contractuels qu'elle a commis, pour un montant total de 600 126 euros ;

- condamner la SCI HOVYER la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCI HOVYER aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions déposées le 22 juin 2023, la SCI Hovyer, intimée, demande à la cour de:

- déclarer l'appel de la société JUMP STREET mal fondé,

En conséquence,

- débouter la société JUMP STREET de l'intégralité de ses débouter de ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' débouté la société JUMP STREET de ses demandes indemnitaires,

' rejeté la demande de diminution de loyers de la société JUMP STREET ,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCI Hovyer de ses demandes en résiliation judiciaire du bail commercial pour manquements graves de la société JUMP STREET,

Statuant à nouveau :

- prononcer la résiliation judiciaire du bail commercial aux torts de la sociprononcer la résiliation judiciaire du bail commercial aux torts de la société JUMP STREET en raison des manquements contractuels de la société JUMP STREET à savoir l'absence de paiement de loyer et de des manquements contractuels de la société Jump street à savoir l'absence de paiement de loyer et de charges entre le mois de janvier 2018 et août 2019 et l'exercice de l'activité de chichas, location de narguilés, non conforme à lnarguilés non conforme à la destination du bail conclu, et les manquements à son obligation a destination du bail conclu, et les manquements à son obligation d'assurance et à l'obligation d'entretien de l'immeuble,d'assurance et à l'obligation d'entretien de l'immeuble,

- constater l'acquisition de la clause résolutoire,constater l'acquisition de la clause résolutoire,

- ordonner l'expulsion de la société JUMP STREET et de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique, et si besoin, d'un serrurier,

- condamner la société JUMP STREET à payer une indemnité d'occupation mensuelle due à compter de la résiliation du bail à la charge de la défenderesse qui s'élève au montant du loyer et charges et charges contractuels,

- condamner la société JUMP STREET à libérer les lieux occupés par elle-même ainsi que par tous même ainsi que par tous occupants de son chef dans la quinzaine de la signification de l'ordonnance à intervenir et ce, sous occupants de son chef dans la quinzaine de la signification de l'ordonnance à intervenir et ce, sous astreinte de 300 euros par jour de retard,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' condamné la société Jump street à payer à la SCI HOVYER : * la somme de 16.500 euros au titre des loyers des mois d'avril, mai et juin 2020, * en deniers ou quittance et sous réserve des sommes effectivement réglées par la société JUMP STREET, les loyers dus du 2 novembre des sommes effectivement réglées par la société Jump street, les loyers dus du 2 novembre 2018 au mois d'août 2019, soit la somme de 55 000 euros,

' condamné la SCI HOVYER à payer à la société JUMP STREET la somme de 2500 euros en application des application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la SCI HOVYER aux dépens,

Statuant à nouveau :

- condamner la société JUMP STREET à payer à la SCI HOVYER la somme de 241.353,42 euros au titre des loyers impayés au mois de juin 2023 inclus, somme à parfaire au prononcé du délibéré,

- condamner la société JUMP STREET à payer à la SCI HOVYER la somme de 2.974 euros au titre de la taxe foncière 2018 et 2019;

- condamner la société JUMP STREET à la somme de 40.000 euros au titre des préjudices subis,

- condamner la société JUMP STREET à payer à la SCI HOVYER la somme de 14000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société JUMP STREET en tous les dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1.Sur l'incident de communication de pièces :

Il résulte notamment de l'article 906 du code de procédure civile que, devant la cour d'appel, les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à tous les avocats constitués des autres parties et de l'article 954 du même code que les conclusions d'appel doivent indiquer pour chaque prétention les pièces invoquées et leur numérotation.

A l'audience de plaidoiries, le conseil de la société JUMP STREET a fait état de pièces comptables que celui de la SCI HOVYER a demandé d'écarter des débats comme ne lui ayant pas été communiquées. Le Président a invité les parties à vérifier auprés de leur avocats postulants si la communication de pièces a été effectuée et les a autorisées à faire une note sur ce point seulement.

L'avocat constitué pour la SCI HOVYER indique par message adressé en cour de délibéré n'avoir reçu que les pièces visées en annexe aux conclusions récapitulatives signifiées le 31 janvier 2022 par la société JUMP STREET par la voie électronique, soit les pièces 1 à 43 qui ne comprennent pas les pièces comptables litigieuses.

Les parties s'accordent pour dire que les pièces comptables ont été adressées au cabinet de l'avocat plaidant par courriel du 10 janvier 2023 dans lequel celui de l'appelante indiquait qu'il les 'rajouterait aux pièces'. Toutefois la société JUMP STREET ne fait pas état de ces pièces dans ses conclusions récapitulatives, n'en tire aucune conséquences, elles ne figurent pas au bordereau annexé à ses conclusions et n'ont pas été valablement adressées à l'avocat adverse postulant.

Rien ne justifie la réouverture des débats sollicitée de ce fait.

Ces pièces qui n'ont pas été valablement communiquées seront écartées des débats.

Par ailleurs, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'expertise irrecevablement formée en cours de délibéré alors, au surplus, qu'une mesure d'expertise ne doit pas être ordonnée pour palier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.

2. Sur les demandes de la société JUMP STREET :

Il ressort des anciennes dispositions de l'article 1134 du code civil, applicables en l'espèce, dont le principe est repris aux nouvelles dispositions des articles 1103 et 1104 du même code, que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont fait et doivent être exécutés de bonne foi.

2.1. Sur les manquements contractuels reprochés à la SCI HOVYER :

2.1.1. Sur le défaut de conformité des locaux :

Selon les articles 1719 et 1720 du code civil le bailleur a l'obligation de délivrer une chose apte à l'usage auquel elle est destinée aux termes du bail et en bon état de réparation de toute espèce, doit l'entretenir en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, en assurer la jouissance paisible au locataire pendant la durée du bail. Le bailleur doit donc prendre toutes les dispositions nécessaires pour permettre au preneur d'exploiter les lieux conformément à leur destination. Il en résulte que sauf clause expresse contraire, le bailleur doit supporter le coût des travaux nécessaires pour que les lieux loués soient conformes à la réglementation en vigueur applicable à l'activité prévue au bail.

Par ailleurs, il résulte des dispositions d'ordre public de l'article R. 145-35 du code de commerce que ne peuvent être imputées au locataire notamment les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil et celles relatives aux travaux ayant pour objet de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil .

En l'espèce, le contrat de bail stipule à l'article 6 notamment:

'En exécution de l'article R.145-35, 1° du code de commerce , le bailleur supportera la charge des grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que les honoraires liées à la réalisation des travaux correspondants.(...)

Le preneur supportera, sans recours contre le bailleur, la charge de tous les travaux ayant pour objet de mettre les locauxloués en conformité avec la réglementation présente et à venir, à la condition qu'ils soient en rapport avec la destination contractuelle des locaux.(...)'

Il stipule à l'article 7:

'Le preneur devra se conformer strictement aux prescriptions de tous réglements, arrêtés de police, règlements sanitaires et veiller au respect des règles d'hygiène, de salubrité etc.

En ce qui concerne plus particulièrement l'exploitation du commerce, le preneur devra l'assurer en conformité rigoureuse avec les prescriptions légales et administratives pouvant s'y rapporter.

Le preneur fera son affaire personnelle, de façon que le bailleur ne soit jamais inquiété ni recherché à ce sujet, de toutes réclamations ou contestations qui pourraient survenir du fait de son activité dans les lieux loués. Il aura à sa charge toutes les transformations et réparations nécessitées par l'exercice de son activité.

Il devra en outre, faire son affaire personnelle, sans pouvoir n'exercer de ce fait aucun recours contre le bailleur de toute réclamation ou injonction qui pourraient émaner des autorités compétentes concernant les modalités de l'occupation par lui desdits locaux, de toutes les autorisations administratives éventuelles, afférentes à son aménagement et/ou son utilisation des locaux loués ou à l'exercice de son activité dans ces locaux. Le BAILLEUR pourra en conséquence encourir aucune responsabilité en cas de refus ou de retard dans l'obtention de ces autorisations ».

Il est inopérant de la part de l'appelante de se prévaloir de l'absence de communication de l'inventaire des catégories de charges, redevances et taxes ainsi que des états provisionnels et récapitulatifs des travaux, exigée par l'article L. 145-40-2 du code de commerce, dès lors que les clauses précitées du bail relatives aux travaux de mise en conformité sont claires et dénuées d'ambiguïté. Elles mettent à la charge du preneur sans recours contre le bailleur, les travaux ayant pour objet de mettre les lieux loués en conformité avec la réglementation présente et à venir si elles sont en rapport avec la destination contractuelle des lieux ainsi que les travaux faisant l'objet d'une injonction de l'administration, excepté toutefois lorsqu'il s'agit des grosses réparations visées à l'article 606 du code civil .

Les anomalies relevées le 18 août 2017 par la commission communale pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique et faisant l'objet de l'avis défavorable d'ouverture au public étaient:

'- Non fonctionnement de l'arrêt d'urgence électrique et d'identification ;

- Absence de RVRAT ;

- Absence de vérification des appareils de cuisson ;

- Absence de plan d'intervention ;

- Hotte d'extraction des graisses en circuit fermé ;

- Absence d'identification des locaux ;

Stabilité du bâtiment:

- Poutrelle métallique au sous-sol sectionnée

Risque important de déclenchement incendie

- Présence de fiches multiples ;

- Présence de stockage (poubelles) dans le local électrique ;

- Présence de stockage dans la circulation du sous-sol ;

- Défaut d'isolement entre le sous-sol et le rez-de-chaussée ;

- Défaut d'isolement au sous-sol avec le tiers (porte métallique) ;

- Défaut d'isolement du local électrique et absence de ferme-porte ;

- Absence de ferme-porte de la porte d'accès au sous-sol ;

Evacuation du public:

- Nombre et largeur des dégagements non conformes ;

- Ouverture de la porte de sortie dans le sens opposé à l'évacuation'

Par lettre du 22 août 2017, la commission de sécurité a invité la société JUMP STREET à engager les mesures destinées à remédier à ces anomalies et à déposer dans le délai d'un mois une ' déclaration préalable de travaux nécessaire à la réalisation d'une seconde issue de secours en façade ' de l'établissement.

Parmi les anomalies ainsi relevées plusieurs relèvent de grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil incombant à la bailleresse, soit à tout le moins, la poutrelle sectionnée au sous-sol affectant la stabilité de l'immeuble et la nécessité de réaliser une seconde issue de secours. La bailleresse a donc manqué à son obligation de délivrance, empêchant l'exploitation de l'établissement en ne réalisant pas aussitôt ces travaux, pour une partie desquels elle a d'ailleurs déposé une déclaration de travaux en janvier 2018 sans y donner une suite rapide. Dans l'accord conclu entre les parties le 27 février 2018, elle s'est engagée à terminer la totalité des travaux mentionnés dans l'avis défavorable de la ville d'[Localité 6]. Par ordonnance de référé du 19 juin 2018 il lui a été enjoint sous astreinte de les réaliser. Un arrêté d'ouverture du restaurant n'a été rendue que le 31 octobre 2018 après achèvement des travaux.

La SCI HOYVER produit des lettres qu'elle a adressées à sa locataire pour faire valoir que la société JUMP STREET ne lui aurait pas laisser l'accès aux locaux pour réaliser les travaux. Cependant ces courriers, écrits par elle ou son avocat, ne sont corroborés par aucun élément extérieur, alors qu'au contraire, de son côté, la locataire lui reprochait par courrier de ne pas intervenir. La SCI HOVYER ne prouve donc par aucun élément objectif que la locataire aurait contribué au retard dans la réalisation des travaux de mise en conformité et la réouverture des locaux.

Il ressort de ces éléments que le manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance a entraîné la fermeture de l'établissement en cause du 5 décembre 2017 au 31 octobre 2018.

2.1.2. Sur l'indisponibilité des locaux durant la période de restriction sanitaire liée au COVID 19 :

En application de l'article 4 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l'épidémie de covid-19, l'état d'urgence sanitaire a été déclaré sur l'ensemble du territoire national. Des textes se sont succédés portant diverses mesures de lutte contre la propagation du virus interdisant les déplacements, sauf exceptions notamment pour les achats de première nécessité, et interdisant l'accueil du public dans la plupart des établissements recevant du public, à l'exception de ceux jugés nécessaires à la vie de la Nation.

Les dispositions successives prorogeant des délais procéduraux échus pendant la période d'urgence sanitaire et neutralisant certains mécanismes sanctionnant l'inexécution d'obligation contractuelles n'ont pas eu pour effet de suspendre l'exigibilité du loyer dont le paiement constitue l'une des obligations principales du locataire d'un bail commercial.

La société JUMP STREET fait valoir qu'elle n'a pas pu exploiter son établissement en raison des restrictions sanitaires durant les mois d'avril à juin 2020 puis entre le 30 octobre 2020 et le 9 juin 2021, que les locaux ne lui ont pas été délivrés durant cette période pour laquelle les dispositions de l'article 1722 du code civil relatives à la destruction de la chose louée doivent s'appliquer.

Cependant, dès lors que c'est pour des raisons étrangères aux locaux loués, qui n'ont subis aucun changement, que la société JUMP STREET s'est vue interdire de recevoir ses clients par une mesure générale temporaire sans lien avec leur destination contractuelle, cette interdiction ne peut être assimilée à un manquement à l'obligation de délivrance ni à la perte de la chose louée au sens de l'article 1722 du code civil. Elle ne peut donc soutenir que l'indisponibilité des locaux durant cette période serait imputable à la bailleresse pour demander à être exonérée du paiement du loyer des locaux mis à sa disposition.

2.1.3. Sur les dégâts des eaux :

La société JUMP STREET fait état d'importants dégâts des eaux survenus dans les locaux pour lesquels une mesure d'expertise judiciaire a été décidée par ordonnance de référé dont le rapport définitif n'a pas été remis à la cour de céans. Dans le cadre de la présente procédure la question de la responsabilité relative à ces dégâts et de leur réparation n'est pas soumise à la cour et fera l'objet, le cas échéant, d'une autre procédure. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les causes et conséquences de ces dégâts exceptée sur la question de l'exception d'inexécution opposée à la demande en paiement de loyer qui sera examinée ci-dessous.

2.2. Sur la demande de dommages et intérêts :

2.2.1. Sur le préjudice d'exploitation :

La société JUMP STREET demande 164.065 € de dommages et intérêts au titre de sa perte d'exploitation pendant la fermeture des locaux pour non conformité.

Elle ajoute que du fait de cette fermeture anormalement longue, elle aurait perdu de son attractivité commerciale et une part de sa clientèle et que cette perte aurait perduré nonobstant la crise sanitaire, de sorte qu'elle serait fondée à réclamer 239.871 € au titre de sa perte d'exploitation pour les années 2019 à 2021 jusqu'au 31 août 2021.

Il est inopérant de la part de la bailleresse de faire valoir que l'accord du 27 février 2018 ne prévoyait pas l'indemnisation d'une perte d'exploiration puisque ce n'est pas l'objet de cet acte.

Dès lors que les travaux les plus importants exigés par la commission incombaient à la bailleresse, elle est responsable de la cessation d'activité à compter de l'arrêté de fermeture administrative et non à compter de l'accord amiable lors duquel elle a admis devoir réaliser les travaux, soit pour la période de 5 décembre 2017 au 2 novembre 2018, de sorte qu'il convient d'examiner le préjudice de la locataire en considération de toute cette période.

La perte d'exploitation subie doit s'analyser comme une perte de chance, soit la disparition certaine, du fait de la fermeture de l'établissement, de l'éventualité favorable de percevoir de meilleurs revenus.

La société JUMP STREET se prévaut d'un rapport de M. [H], expert en estimation immobilière selon lequel elle aurait une perte 9.430 € pour 23 jours de fermeture en 2017 et 154.635 € pour la fermeture durant l'année 2018. Toutefois ce rapport se contente de comparer les chiffres d'affaires qui, selon lui, auraient pu être attendus au regard de leur évolution prévisible et les chiffres d'affaire réalisés sans prendre en compte les résultats ni la marge brute à laquelle il convient de se référer.

Selon les éléments comptables exposés dans le rapport de M. [H], le chiffre d'affaires de 107.861 € en 2017 est descendu à 13.365 € en 2018, année faisant l'objet de la fermeture administrative, puis remonté à 75.729 € en 2019. Le déficit de 12.899 € en 2017 est passé à 72.573 € en 2018 puis à 41.308 € en 2019. La marge brute est passée de 80.654 € en 2017 à 10.313€ en 2018 puis remontée à 56.624 € en 2019.

Il ressort de ces éléments, qu'il convient d'infirmer le jugement déféré et de fixer la perte d'exploitation constituée par la perte de chance résultant de la fermeture administrative pour défaut de conformité et de ses conséquences sur la clientèle lors de la reprise d'activité en 2019 à un montant de 50.000 €. La démonstration n'est pas faite qu'après 2019, le commerce subirait encore une perte d'exploitation résultant de la fermeture administrative de l'année 2018, de sorte qu'il n'y a pas lieu de retenir l'existence d'un préjudice d'exploitation imputable à la bailleresse du fait de la fermeture pour non conformité après l'année 2019.

En l'absence de manquement contractuel imputable à la bailleresse du fait des restrictions sanitaires liées au COVID 19, comme exposé ci-dessus, les demandes d'indemnisation pour la perte d'exploitation en 2020 et 2021 à ce titre seront rejetées.

2.2.2. Sur la demande de réparation des préjudices au titre de la modification de la chose louée :

La société JUMP STREET demande l'indemnisation de son préjudice en raison de la perte de surface exploitable qui résulterait selon elle des travaux de mise en conformité et de la restriction d'usage des locaux imposée par la commission de sécurité, qu'elle estime à 39.751 €.

Le contrat de bail décrit les locaux loués mais ne mentionne aucune surface. Il en résulte que la surface exacte des locaux ne constitue pas une clause essentielle du bail et que seule une perte de surface significative pour l'exploitation constituerait un préjudice réparable par la bailleresse s'il est de son fait.

Il ressort notamment de l'article 2 du bail et des plans annexés ainsi que de différents éléments du dossier que la bailleresse est propriétaire de deux locaux commerciaux, d'une part, ceux objets du bail en cause dont l'entrée est située [Adresse 1], qui correspondent à la façade en brique d'une immeuble d'un étage sur les photographies produites et, d'autre part, des locaux dont l'entrée est située [Adresse 3] également à destination de restaurant dont la façade est blanche. Dans son rapport d'estimation du fonds, M. [H] explique que l'appartement situé au 2ème étage 'est accessible par l'immeuble ci-dessus décrit mais fait partie de l'immeuble mitoyen formant l'angle avec l'[Adresse 7]'. Le plan de coupe annexé au bail et celui joint à la déclaration de travaux établie en décembre 2017 par la SCI HOVYER pour réaliser une seconde issue en façade confirment cette description. Les plans produits corroborés par les photographies, permettant de compter le nombre de fenêtres, établissent que bien que figurant dans les plans joints au bail pour le rez-de-chaussée et le 1er étage, les locaux faisant l'angle avec l'[Adresse 7] appartiennent à l'autre local commercial.

Or, le 'certificat Carrez' établi le 2 novembre 2018 par M. [C] [U], architecte, dont se prévaut l'appelante pour soutenir que les locaux auraient perdu une surface de 159 m2 passant d'une surface initiale de 538,59 m2 à 379,53 m2, établit une surface initiale 'd'après les plans figurant dans le bail' qui prend en compte à la fois la surface des locaux en cause pour lesquels le plan du bail précise que l'entrée est [Adresse 1] mais aussi celle du restaurant voisin pour lesquels le plan indique pourtant l'entrée [Adresse 5] et mentionne que la surface étant dans son attestation comme celle prévue au bail alors qu'elle est fausse et ne peut être comparée à celle mesurée par cet architecte après les travaux de mise en conformité.

La locataire ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe qu'une perte de surface résulterait des travaux de mise en conformité et aurait un impact sur son exploitation, notamment, en réduisant sa capacité d'accueil.

Dans le contrat de bail, la désignation des lieux est la suivante :

«Les locaux (...) sont composés de :

* un local au rez-de-chaussée plus deux étages, à usage commercial,

* et un sous sol a usage de cuisine, réserve et cave,

tels qu'ils sont délimités sur le plan joint au bail».

La société JUMP STREET affirme qu'il résulterait un changement d'affectation et de distribution des locaux du fait des exigences de la commission de sécurité dans son compte rendu du 5 octobre 2018 émettant un avis favorable.

Cet avis prescrit d''interdire tout accès au public de l'appartement du 2ème étage'. Or, il apparaît que, dans l'avis rendu par cette commission le 18 août 2017, cette partie des locaux était déjà utilisée comme 'un appartement privatif', de sorte que la locataire ne démontre pas subir un préjudice résultant de l'interdiction de recevoir du public au deuxième étage.

S'agissant du sous-sol, la commission n'émet aucune restriction. Le procès verbal de constat d'huissier du 13 décembre 2018 indique que le sous-sol n'est pas exploité mais n'établit pas que ce serait du fait de la bailleresse. Il est inopérant de la part de la locataire de faire valoir qu'il est désigné comme étant une réserve dans l'avis favorable du 5 octobre 2018 puisqu'il ressort du procès verbal de visite du 18 août 2017 que la locataire utilisait déjà le sous-sol comme une réserve et qu'au rez-de-chaussée il y avait un espace bar avec un 'ilôt de cuisson', de sorte que la locataire ne démontre pas qu'il y aurait une transformation des locaux qui lui serait préjudiciable.

L'affirmation de la société JUMP STREET selon laquelle elle aurait été privée d'un espace important pour recevoir la clientèle et exploiter son activité n'est donc pas démontrée.

La société JUMP STREET soutient qu'en raison de la diminution de la surface exploitable et des restrictions d'exploitation imposées par la commission de sécurité, les locaux auraient perdu de la valeur locative depuis leur fermeture administrative le 5 décembre 2017. Elle se prévaut de l'expertise faite par M. [H] à sa demande le 26 juillet 2021 concluant à une valeur locative des locaux de 41.960 € à compter du 5 décembre 2017. Elle sollicite la différence entre ce montant estimé et le prix du loyer contractuel s'élevant à 66.000 € durant 7 années et 9 mois, soit, selon elle, un montant trop perçu par la bailleresse de 186.310 €.

Cependant, d'une part, il n'est pas démontrée qu'il y ait effectivement une perte de surface exploitable préjudiciable à la locataire, d'autre part, en application de l'article 1134 ancien précité, le prix fixé contractuellement s'impose aux parties.

La société JUMP STREET n'est donc pas fondée à solliciter le remboursement d'un prétendu trop perçu. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée en ce qu'il a rejeté cette demande et il convient de rejetée demande formée à ce titre portée en appel à 186.310 €.

2.2.3. Sur le préjudice moral :

Le jugement déféré a alloué 5.000 € à ce titre, montant que l'appelante estime insuffisant et qu'elle évalue à 10.000 € en cause d'appel.

Le préjudice moral d'une société est distinct de celui subi par ses dirigeants, de sorte qu'il est inopérant de la part de l'appelante de se prévaloir du préjudice de son gérant dans sa vie personnelle et familiale

En l'espèce, compte tenu du très long délai écoulé entre la date de fermeture des locaux pour non conformité et la date à laquelle les travaux ont été réalisés, soit environ onze mois, de l'inertie de la bailleresse pour exécuter son obligation de délivrance ayant contraint la locataire à l'envoi de courriers recommandés puis à diligenter des procédures en référé et au fond, et ce, même après l'engagement de la bailleresse à exécuter les travaux dans l'accord signé par elle le 27 février 2018, des conséquences sur la gestion de l'établissement et sur son image auprès de la clientèle, c'est à juste titre que le jugement déféré a condamné la SCI HOVYER à payer à la société JUMP STREET la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

3. Sur les demandes de la SCI HOVYER :

3.1. Sur la demande en paiement de loyers :

La SCI HOVYER demande la condamnation de la société JUMP STREET à lui payer la somme de 241.353,42 € au titre des loyers dus au mois de juin 2023.

Pour solliciter le rejet de cette demande, la société JUMP STREET lui oppose l'exception d'inexécution.

3.1.1.Sur l'exception d'inéxécution :

La société JUMP SREET se prévaut du principe de l'exception d'inexécution résultant de l'ancien article 1184 du code civil, consacré par les nouvelles dispositions des articles 1219 et 1220 de ce code, et soutient que la bailleresse n'a pas rempli ses obligations de délivrance et de garantie de jouissance paisible pour s'opposer au paiement du loyer.

Le contrat étant la loi des parties et le paiement du loyer étant une obligation essentielle du preneur en application de l'article 1728 du code civil, ce dernier n'est justifié à opposer l'exception d'inexécution pour refuser de payer le loyer qu'en cas d'impossibilité totale d'exploitation.

Il résulte des éléments ci-dessus exposés qu'en livrant des locaux non conformes à leur destination contractuelle et en s'étant abstenue de réaliser les grosses réparations préconisées dans l'avis de la commission communale de sécurité du 22 août 2017, la SCI HOVYER a commis un manquement à son obligation de délivrance ayant entraîné la fermeture de l'établissement à compter de l'arrêté de fermeture administrative du 5 décembre 2017 jusqu'à l'arrêté de réouverture du 31 octobre 2018. La société JUMP STREET est bien fondée à lui opposer l'exception d'inexécution pour cette période.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que ne sont pas dus par la locataire les loyers relatifs à la période du 5 décembre 2017 au 2 novembre 2018.

S'agissant des périodes durant lesquelles les locaux n'ont pu être exploités du fait des restrictions sanitaires liées au COVID 19, dès lors que les locaux loués ont été mis à la disposition de la locataire, l'impossibilité d'exploiter résultant d'une mesure gouvernementale d'interdiction de recevoir du public, générale et temporaire, n'est pas constitutive d'un manquement contractuel de la bailleresse susceptible de justifier une exécution d'inexécution par la locataire. Cette dernière n'est donc pas fondée a solliciter d'être exonérer du paiement du loyer afférant aux périodes de fermeture administrative sur ce fondement.

S'agissant des dégâts des eaux, il résulte des pièces produites, notamment du rapport de l'expert judiciaire désigné en référé, de l'expertise privée effectuée par M. [H] à la demande de la locataire et des constats d'huissier que si ces dégâts ont pu affecter l'utilisation des locaux, ils n'en ont pas interdit totalement l'usage, l'exploitation s'étant poursuivie et la partie appartement, non affectée, ayant pu être utilisée. Dès lors, pour cette période, la société JUMP STREET n'était pas fondée à opposer l'exception d'inexécution et restait tenue au paiement du loyer, sous réserve de son droit éventuel à solliciter la réparation de son préjudice de jouissance de ce fait, ce qu'elle ne fait pas dans le cadre de la présente procédure.

Enfin, la prétendue restriction de surface d'utilisation des locaux alléguée et ses conséquences négatives sur l'exploitation n'étant pas établies, les locaux étant exploirés, elle ne peuvent justifier une exception d'inexécution.

3.1.2. Sur le montant de la dette locative :

La SCI HOVYER sollicite la somme de 241.353,42 € au titre de sa dette locative arrêtée au mois de juin 2023 inclus après déduction de la somme de 61.146,58 € obtenue par saisie.

Il résulte des relevés de compte produits par la bailleresse faisant état des premiers impayés à compter du mois de janvier 2018, que le loyer du mois de décembre 2017 a été payé alors que les locaux avaient fait l'objets d'un arrêté de fermeture. Du fait de l'exception d'inexécution fondée pour la période du 5 décembre 2017 au 2 novembre 2018, soit 11 mois, il convient de déduire la somme de 60.500 € de la somme réclamée. La locataire à qui incombe la charge de la preuve ne démontre pas avoir réalisé des paiements non pris en compte dans le relevé produit du 21 juin 2023. En conséquence, il convient de la condamner au paiementde la somme de 180.853,42 € au titre de sa dette locative arrêtée au mois de juin 2023 inclus.

La SCI HOVYER sollicite, en outre, la condamnation de la société HOVYER à lui payer la somme de 2.974 € au titre de la taxe foncière des années 2018 et 2019. Le contrat de bail stipule en son article 4 qu'outre le paiement du loyer, le preneur supportera le paiement de la taxe foncière dont le paiement se fera annuellement. Cependant, l'avis de taxe foncière pour l'année 2018 d'un montant de 5.283 € versé aux débats ne précise pas l'adresse de l'immeuble concerné ni le décompte correspondant à ce montant. La somme réclamée à ce titre n'étant pas justifiée, c'est à juste titre que le jugement déféré a rejeté cette demande.

3.2.Sur la résiliation du bail :

Selon l'article 1184 devenu 1227 du code civil, la résiliation d'un contrat synallagmatique doit être demandée en justice. Il en résulte qu'il appartient à la juridiction saisie d'apprécier au jour où il statue si le manquement contractuel revêt en l'espèce une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail.

Il ressort des éléments ci-dessus que la locataire a cessé de régler tout loyer depuis plusieurs années.

Elle fait valoir les difficultés qu'elle a rencontrées. Cependant, l'arrêté d'ouverture de l'établissement ayant été rendue 31 octobre 2018, cette fermeture administrative ne peut justifier la poursuite d'impayer après cette date, et ce, d'autant moins que par ordonnance du 6 août 2019, le juge des référés a mis fin à la consignation du loyer. L'arrêt de l'exploitation durant la période de restriction sanitaire dont se prévaut la locataire représente environ dix mois de dette locative soit 55.000 € pour une période durant laquelle elle était privée de revenus ce qui représente une faible partie de la dette de180.853,42 €. Enfin, les dégâts des eaux n'ont pas interdit la poursuite de l'exploitation et n'ont pas affecté le logement.

Au regard de ces éléments, du montant particulièrement élevé de la dette représentant plus de deux années et huit mois de loyers, de l'absence de tout paiement, même partiel depuis octobre 2020, alors que les locaux sont exploités et le logement occupé, le manquement de la locataire à son obligation essentielle de régler le loyer présente un caractère de gravité justifiant le prononcé de la résiliation judiciaire du loyer à la date du présent arrêt aux torts de la locataire.

Il convient, en conséquence, d'ordonner l'expulsion des locaux dans les conditions fixées au dispositif à défaut de libération des lieux dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt.Il n'y a pas lieu de fixer une astreinte le recours à la force publique étant un moyen de contrainte suffisant.

Il y a lieu de condamner la société JUMP STREET au paiement d'une indemnité d'occupation due compter du présent arrêt qu'il est justifié de fixer au montant de 5.500 € charges et taxes compris, correspondant au montant facturé mensuellement par la bailleresse sur les relevés de compte produits.

Dès lors que la résiliation du bail est prononcée, la demande aux fins de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire est sans objet.

4. Sur la demande de dommages et intérêts de la SCI HOVYER :

La SCI HOVYER sollicite la condamnation de la société JUMP STREET à lui payer la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts. Cependant, elle ne rapporte pas la preuve du préjudice dont elle demande réparation ni l'existence d'un lien de causalité avec des fautes commises par la locataire.

Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'en a déboutée.

5. Sur les autres demandes :

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir' déclarer' ou 'dire et juger', lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions visant à confèrer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Il convient de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives à l'exécution provisoire, aux dépens et aux frais irrépétibles.

L'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties la charge des dépens et des frais irrépétibles qu'elles ont exposés en procédure d'appel. Elles seront déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile .

Les autres demandes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Ecarte des débats les pièces comptables de la société JUMP STREET qui n'ont pas été valablement signifiées et ne figurent pas au bordereau de pièces annexé à ses conclusions,

Confirme le jugement rendu le 9 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil (N° RG 19/1003) en ce qu'il a :

- Condamné la SCI HOYVER à payer à la SARL JUMP STREET la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- Dit que les loyers pour la période allant du 5 décembre 2017 au 2 novembre 2018 date de réouverture des locaux, ne sont pas dus par la SARL JUMP STREET à la SCI HOVYER,

- Rejeté la demande de réduction du prix du loyer formée par la SARL JUMP STREET,

- Condamné la SCI HOYVER à payer à la SARL JUMP STREET la somme de 2500 euros enapplication des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SCI HOYVER aux dépens,

- Dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire,

L'infirme en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SCI HOVYER à payer à la société JUMP STREET la somme de 50.000 € en réparation de son préjudice d'exploitation résultant de la fermeture pour défaut de conformité des locaux loués du 5 décembre 2017 au 2 novembre 2018,

Déboute la société JUMP STREET du surplus de sa demande formée à titre de dommages et intérêts,

Condamne, la société JUMP STREET à payer à la SCI HOVYER une somme de180.853,42 € au titre de sa dette locative,comprenant, les loyers, charges, accessoires, arrêtée au mois de juin 2023 inclus,

Déboute la société SCI HOVYER de sa demande aux fins de voir condamner la société JUMP STREET à lui payer la somme de 2.974 € au titre de la taxe foncière 2018 et 2019,

Prononce la résiliation du bail commercial aux torts de la société JUMP STREET,

Ordonne, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les deux mois de la signification du présent jugement, l'expulsion de la société JUMP STREET et de tout occupant de son chef des lieux situés situé [Adresse 1] à [Localité 6] (94), en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ,

Dit n'y avoir lieu à prononcer une astreinte,

Dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désignée par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément aux dispositions légales,

Condamne la société JUMP STREET à payer à la SCI HOVYER une indemnité d'occupation à compter du présent arrêt prononçant la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux, d'un montant mensuel de 5.500 €, charges, accessoires et taxes contractuels compris,

Déboute la société SCI HOVYER de sa demande aux fins de voir condamner la société JUMP STREET à lui payer la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis,

Déboute les parties de leurs demandes fondes sur l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés au titre de la procédure d'appel.