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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 23 mai 2024, n° 21/04093

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Pi Doyen (SARL)

Défendeur :

Cyclable (SASU), Animation Développement du Réseau Cyclable (SAS), Generali Iard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

M. Bruno, Mme Faivre

Avocats :

Me Caldara-Battini, Me Deplantes, Me De Mellon, Me Villecroze, Me Saada, Me Patrimonio

TJ Grenoble, du 6 sept. 2021, n° 19/0104…

6 septembre 2021

EXPOSE DU LITIGE

La société Pi Doyen, ci-après est propriétaire d'un local d'une surface de 130 m2 situé dans l'immeuble en copropriété « le Montmartre » au [Adresse 3], qu'elle a donné à bail commercial le 10 novembre 2011 à la société Cyclable [Localité 9].

L'immeuble est assuré par la compagnie Allianz IARD.

Le preneur a souscrit une assurance « multi-risques professionnelle » auprès de la SA Generali IARD.

Le bail a pris effet le 1er décembre 2011, pour une durée de neuf années, soit jusqu'au 30 novembre 2020, pour un loyer annuel de 20.000 euros hors taxes, payable trimestriellement, soit 5.000 euros hors taxes par trimestre.

La SAS Animation Développement du Réseau Cyclable, anciennement dénommée la société Distribution Cycles Investissement, exerçant une activité de holding d'animation d'un réseau de magasins de vente et réparation de vélos, s'est constituée caution solidaire et indivise pour le paiement des loyers, charges, taxes foncières, frais et pénalités de retard ainsi que toutes les obligations énoncées de la société Cyclable [Localité 9] étant une société de ce réseau.

Le 4 juin 2017 un incendie s'est déclaré dans les locaux.

La société Cyclable [Localité 9] a déclaré le sinistre à son assurance la société Generali IARD, qui l'a indemnisée de ses pertes en sa qualité de locataire mais a refusé la prise en charge des dommages aux biens appartenant au bailleur au motif que le bail comporte une clause de renonciation à recours réciproque étendue aux assureurs.

Courant 2017, la société Cyclable [Localité 9] a transféré ses locaux à une autre adresse.

La société Pi Doyen a fait chiffrer les travaux de remise en état à hauteur de 86.452,08 euros.

Le 11 janvier 2018, la société Pi Doyen a fait délivrer à la société Cyclable [Localité 9] un commandement de payer les loyers et charges impayés des 4ème trimestre 2017 et 1er trimestre 2018 visant la clause résolutoire du bail.

Par lettre en date du 7 mars 2018, la bailleresse a enjoint au locataire de continuer à régler les loyers mais également de prendre en charge la remise en état des locaux.

Suivant ordonnance sur requête introduite par la société Pi Doyen auprès du tribunal de commerce de Grenoble, la société Cyclable [Localité 9] a été condamnée le 21 mars 2018 au paiement des sommes suivantes :

- 16.745,54 euros au titre des loyers et charges impayés depuis le 4ème trimestre 2017,

- 128,99 euros au titre des pénalités de retard,

- 355,33 au titre des frais accessoires.

Par assignation en date du 15 juillet 2019, la société Generali a formé tierce opposition et par ordonnance du 15 octobre 2019, le tribunal de commerce a sursis à statuer jusqu'au jugement du tribunal judiciaire sur la responsabilité du sinistre et sur la résiliation du bail.

Les 13 avril 2018 et 24 avril 2018 la société Pi Doyen a pris attache avec la société Cyclable [Localité 9] lui demandant de remettre en état les locaux et de régler les loyers.

Par lettre en date du 9 novembre 2018, la société Cyclable [Localité 9] a mis en demeure la compagnie Allianz IARD et la société Generali IARD de prendre en charge l'indemnisation des dommages causés aux biens du bailleur à hauteur de 46.695,60 euros.

En avril 2019, la société Pi Doyen a obtenu dans le cadre d'une saisie-vente le paiement de la somme de 20.057,36 euros de la part de la société Cyclable [Localité 9].

Par actes des 20 et 22 février 2019, la société Pi Doyen a assigné la société Cyclable [Localité 9] et la SAS Animation Développement du Réseau Cyclable devant le tribunal de grande instance de Grenoble, aux fins de les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 35.703,77 euros, outre intérêts contractuels au taux de 10%, au titre des trimestres ultérieurs, à compter du 24 août 2018, date du dernier décompte et au paiement de la somme de 86.452,08 euros, à parfaire, au titre des travaux de remise en état du local sous astreinte de 15 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.

Suivant exploit d'huissier du 26 avril 2019, la société Cyclable [Localité 9] et la SAS Animation Développement du Réseau Cyclable ont appelé en la cause la SA Generali IARD, leur assureur, aux fins d'être relevées et garanties de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre.

Par acte du 16 mai 2019, la SA Generali IARD a appelé en cause la compagnie Allianz IARD, en sa qualité d'assureur de l'immeuble sinistré, aux fins d'être garantie de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Par jugement en date du 6 septembre 2021 le tribunal judiciaire de Grenoble a :

- rejeté la demande de la société Cyclable [Localité 9] et de la société Animation Développement du Réseau Cyclable visant à voir constater la résiliation de plein droit du bail commercial en date du 10 novembre 2011,

- prononcé la résiliation du bail commercial en date du 10 novembre 2011, conclu entre la société Pi Doyen et la société Cyclable [Localité 9] le 1er juillet 2011 concernant les locaux situés dans l'immeuble en copropriété [Adresse 3] à compter du 4 juin 2017,

- débouté la société Pi Doyen de sa demande en paiement des loyers et charges formulée à l'encontre de la société Cyclable [Localité 9] et de la société Animation Développement du Réseau Cyclable,

- débouté la société Pi Doyen de sa demande en paiement formulée à l'encontre de la société Cyclable [Localité 9] et de la société Animation Développement du Réseau Cyclable et de la société Generali IARD, au titre des travaux de remise en état du local sous astreinte,

- condamné la société Pi Doyen à restituer à la société Cyclable [Localité 9] la somme de 28.317,22 euros payée au titre des loyers postérieurs au 4 juin 2017,

- dit sans objet les appels en garantie de la société Cyclable [Localité 9] et de la société Animation Développement du Réseau Cyclable à l'encontre de la société Generali IARD,

- dit sans objet les appels en garantie de la société Generali à l'encontre de la Compagnie Allianz IARD,

- condamné la société Pi Doyen à payer à la société Cyclable [Localité 9] et à la société Animation développement du réseau cyclable la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles,

- condamné la société Generali IARD à payer à la Compagnie Allianz IARD la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles,

'dit que la société Pi Doyen doit garantir la société Generali de cette condamnation,

- condamné la société Pi Doyen aux dépens,

- dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me [C] [G],

- ordonne l'exécution provisoire.

Par déclaration d'appel du 28 septembre 2021 la société Pi Doyen a interjeté appel de ce jugement, sauf en ce qu'il a condamné la société Generali IARD à payer à la compagnie Allianz Iard la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles et en ce qu'il a dit sans objet les appels en garantie de la société Generali à l'encontre de la société Allainz Iard.

Prétentions et moyens de la société Pi Doyen :

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée, le 5 décembre 2023, la société Pi Doyen demande à la cour de :

- rejeter comme infondé l'appel incident des sociétés Cyclable [Localité 9], Animation développement du réseau cyclable et Generali IARD,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le bail ne s'est pas trouvé résilié de plein droit, l'incendie n'étant pas intervenu par cas fortuit et les locaux n'étant pas détruits,

- réformer le jugement en toutes ses autres dispositions,

En conséquence,

- juger qu'il ne peut être reproché à la société Pi Doyen d'avoir méconnu les stipulations contractuelles au titre des assurances à souscrire,

- juger que la société Pi Doyen n'a commis aucune faute dans l'exécution du bail commercial ;

- juger que le bail ne s'est pas trouvé résilié au 4 juin 2017,

- juger que la société Cyclable [Localité 9] devait poursuivre le règlement des loyers et charges,

- condamner la société Cyclable [Localité 9], solidairement avec Animation développement du réseau cyclable en sa qualité de caution solidaire, au paiement de la somme actualisée au 31 décembre 2021, de 129.447,37 euros, outre intérêts contractuels au taux de 10%,

- juger que la société Cyclable [Localité 9], par application des clauses du bail et eu égard à la nature des travaux de remise en état, doit assumer ceux-ci,

- juger en outre qu'elle est responsable du sinistre et qu'à ce titre également il lui appartient d'en réparer les conséquences,

- juger qu'elle ne peut invoquer la clause de renonciation à recours figurant au bail alors qu'elle a eu un comportement lourdement fautif en ne mettant pas en 'uvre les mesures nécessaires pour assurer la remise en état des lieux,

- la condamner solidairement avec la société Animation développement du réseau cyclable en sa qualité de caution solidaire, au paiement de la somme de 86.452,08 euros, à parfaire, au titre des travaux de remise en état du local, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- juger que la société Generali IARD ne peut se prévaloir de la clause de renonciation à recours,

- condamner la société Generali IARD, in solidum avec les sociétés Cyclable [Localité 9] et Animation développement du réseau cyclable et en tout état de cause, quel que soit le sort réservé à la clause de renonciation à recours à l'égard du preneur et de sa caution, au paiement de la somme de 86.452,08 euros, à parfaire, au titre des travaux de remise en état du local, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner les sociétés Cyclable [Localité 9] et Animation développement du réseau cyclable et Generali in solidum au paiement de la somme de 8.000 euros à la société Pi Doyen au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Pour s'opposer à la résiliation de plein droit du bail, elle expose que :

- la société Cyclable [Localité 9] ne remplit pas les conditions de l'article 1722 du code dès lors que l'incendie ne peut être considéré comme étant survenu par cas fortuit puisqu'il s'est déclaré au niveau de la banque d'accueil du preneur et que la chose n'est pas détruite totalement,

- la société Cyclable [Localité 9] ne justifie pas que l'incendie est intervenu sans sa faute, par cas fortuit et le fait qu'il se soit déclenché au niveau de sa banque d'accueil permet de considérer le contraire et en tout état de cause, la preuve lui appartient et elle ne la rapporte pas,

- en tout état de cause, doit être assimilée à la destruction en totalité de la chose, l'impossibilité absolue et définitive d'en user conformément à sa destination ou la nécessité d'effectuer des travaux dont le coût excède sa valeur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque le bureau d'étude JCA, qui a participé aux opérations d'expertise, n'a relevé aucune atteinte à la structure du bâtiment, l'incendie n'ayant affecté que du matériel et des ouvrages de second 'uvre,

- il ressort également du procès-verbal de constatations établi par la SA Generali, suite à la réunion contradictoire du 24 novembre 2017, que seuls les agencements sont détruits, les menuiseries sont à remplacer et que l'installation électrique a été endommagée, de sorte que ce n'est que le second 'uvre qui est atteint dont le coût des travaux ne dépasse pas la valeur du bien,

- si durant quelques semaines, les locaux n'ont pas été exploitables, ce n'était aucunement de manière totale et définitive,

- lorsque la perte n'est que partielle, la résiliation peut être demandée par le preneur mais seulement dans le cas ou la perte est survenue par cas fortuit ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

- la destruction des locaux n'étant pas totale, l'article 1741 du code civil ne peut trouver davantage application.

- si elle a envisagé de rechercher un nouveau locataire afin, si elle le trouvait, de proposer à la société Cyclable [Localité 9] une résiliation amiable du bail préalablement à la prise des lieux par le nouveau locataire, c'était dans le but de mettre un terme à ses loyers impayés pour l'avenir et de laisser le tribunal trancher le litige pour la période antérieure à cette résiliation envisagée,

- le bail commercial était toujours en cours, en témoigne le courrier adressé par la société Cyclable [Localité 9] à la société Pi Doyen dans lequel elle indique que le bail arrive à échéance le 30 novembre 2020 et qu'elle souhaite donc procéder à la restitution des clefs et convenir d'un rendez-vous pour cela, de sorte que c'est l'aveu même de la part de la société Cyclable [Localité 9] que le bail était toujours en cours, et ce, d'autant plus qu'elle lui a délivré un congé avec offre de renouvellement le 6 mars 2020 et qu'aucune réponse ne lui a été apportée.

Au soutien de sa demande en paiement des loyers et charges, elle fait valoir que :

- il ne peut être dérogé aux articles 1732 et 1733 du code civil que si les parties l'ont expressément décidé. Or, le bail ne contient aucune clause de renonciation du bailleur à la présomption de responsabilité du locataire en cas d'incendie, et le tribunal a dénaturé les clauses du contrat de bail, et plus particulièrement l'article 3-7,

- l'article 3 du bail prévoit qu'il incombe également au preneur de prendre toutes dispositions pour que la sécurité incendie soit conforme aux conditions prévues par les règlements en vigueur et aux règles appliquées par les compagnies d'assurance, de sorte que la société Cyclable [Localité 9] était tenue d'assurer le risque incendie mais n'a jamais justifié avoir pris ses dispositions,

- l'article 3-7 du bail qui stipule qu'une police d'assurance de l'immeuble contre l'incendie, les dégâts des eaux, responsabilité civile, bris de glace et risques divers, sera souscrite par le syndic pour le compte du bailleur et qu'une quote-part de la prime sera remboursée par le locataire ne signifie pas que le bailleur devait souscrire une assurance au titre des parties privatives,

- elle n'a aucunement, ni tacitement, ni de manière expresse indiqué dans le bail qu'elle assurait les risques locatifs et les parties privatives, la garantie souscrite couvrait l'immeuble dans sa structure,

- il est expressément stipulé dans le bail que le locataire : « devra faire son affaire personnelle de l'assurance de ses risques locatifs, de ses mobiliers, matériels et marchandises garnissant les lieux loués et des détériorations immobilières consécutives à un vol ou à une tentative de vol par effraction, sans recours contre le bailleur », de sorte que le risque incendie naissant dans les parties privatives, qui est un risque locatif engage la responsabilité civile du preneur à l'égard des tiers et du bailleur,

- la société Cyclable [Localité 9] était tenue de rembourser à la société Pi Doyen des primes d'assurance au titre de laquelle elle était bien assurée, à savoir au titre de l'assurance de l'immeuble souscrite par le syndic pour le compte du bailleur, il n'y a eu aucun paiement fait en pure perte,

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, elle n'a aucunement, ni tacitement, ni de manière expresse indiqué dans le bail qu'elle assurait les risques locatifs et les parties privatives, et la garantie souscrite couvrait l'immeuble dans sa structure, dans ce qui incombe au bailleur,

- mais le preneur se devait d'assurer ses risques locatifs parmi lesquels figure le risque incendie,

- la structure de l'immeuble n'étant pas atteinte et les travaux à exécuter relevant de ceux qui incombent au preneur dans le cadre de ses obligations de réparation et d'entretien, qui ne sont pas des réparations au titre de grosses réparations, il lui appartenait de mettre en 'uvre sa garantie et de contraindre la société Generali, son assureur à exécuter sa garantie,

- or, en ne cherchant pas à obtenir le règlement des dommages auprès de son assureur, elle lui a causé un préjudice considérable et a commis une faute grave,

- l'assureur de la personne responsable doit prendre en charge l'indemnisation et réparer les préjudices subis. Dans la mesure où les dommages résultant de l'incendie intervenu dans les parties privatives sont à la charge de la société Cyclable [Localité 9], il revient donc à la SA Generali de prendre en charge les préjudices subis par la société Pi Doyen (non-paiement des loyers et travaux suite à l'incendie),

- les dommages qui ont été indemnisés par la SA Generali à la société Cyclable [Localité 9], comprennent les installations, agencements et aménagements qui ont été faits par celui-ci et qui sont devenus la propriété du bailleur au titre de la clause d'accession prévue au bail (article 3-4°) mais aussi les agencements d'origine qui ont été détruits, et qui ne sont pas seulement les « propres » dommages du preneur. Ils sont en réalité les dommages du local commercial dont l'indemnisation doit revenir au bailleur, de sorte que, l'indemnité versée par la SA Generali devait être utilisée pour la remise en état du local incendié,

- or ses préjudices subis n'ont jamais été réparés,

- la clause de renonciation à recours entraîne la renonciation par une partie à exercer un recours contre l'autre, à charge pour celle-ci d'exécuter ses obligations de bonne foi et donc de garantir l'autre partie mais elle n'exonère pas la société locataire de sa responsabilité, notamment en cas de sinistre, ni de ses obligations contractuelles que sont les travaux d'entretien et réparation ainsi que le paiement du loyer,

- la clause de renonciation à recours n'a pas non plus pour conséquence d'exonérer le locataire de sa responsabilité, notamment en cas de sinistre,

- en aucun cas il ne peut être considéré qu'elle a, dans la clause de renonciation à recours, renoncé à agir contre l'assureur du preneur,

- aux termes des clauses du bail, le bailleur assurait l'immeuble; il n'y avait aucune obligation de sa part d'assurer les parties privatives, mais, en revanche, cette obligation d'assurance incombait au preneur (risques locatifs et responsabilité civile),

- la société Cyclable [Localité 9] reconnaît dans un courrier adressé le 27 novembre 2020 à la société Pi Doyen que : « le bail commercial de notre local situé [Adresse 3] arrive à échéance le 30 novembre 2020. Nous souhaitons donc procéder à la restitution des clefs et convenir d'un rendez-vous pour cela ». Le bail était donc toujours en cours et n'était pas résilié de plein droit du fait de l'incendie. La société Cyclable [Localité 9] et la SAS Animation Développement du Réseau Cyclable sont redevables des loyers postérieurs impayés jusqu'au 31 décembre 2021, soit la somme de 129 447,37 euros au 31 décembre 2021, outre intérêts contractuels au taux de 10%.

Au soutien de sa demande en paiement des travaux de remise en état du local, elle indique que :

- aux termes des articles 1732 et 1733 du code civil, la responsabilité repose sur la société Cyclable [Localité 9]. Il n'existe aucune clause dans le bail qui permette de considérer que les parties ont entendu déroger à ces dispositions. Il lui incombe de rapporter la preuve contraire pour renverser sa présomption de responsabilité,

- la clause de renonciation à tout recours contre la personne responsable d'un dommage n'emporte pas, sauf stipulation contraire, renonciation à recourir contre l'assureur de cette personne. En n'effectuant pas les diligences nécessaires à l'égard de la société Generali IARD pour permettre la mise en jeu de la garantie et remise en état des lieux, la société Cyclable [Localité 9] a commis une faute d'une extrême gravité confinant au dol,

- or, la clause de renonciation ne peut être invoquée par une partie qui commet une faute lourde. Tel est le cas pour la société Cyclable [Localité 9] qui est présumée responsable de l'incendie qui s'est déclaré dans la banque d'accueil du local le 4 juin 2017,

- la société Cyclable [Localité 9] assurée pour ses risques locatifs doit au moyen de l'indemnisation versée par son assureur, réparer intégralement les dommages causés dans le local commercial qui causent un préjudice à la société Pi Doyen. Cette obligation relève de sa responsabilité, indépendamment d'une éventuelle assurance souscrite pour le compte du bailleur,

- la clause de renonciation n'emporte pas renonciation de la part du bailleur à recours contre l'assureur du preneur puisqu'il s'agit d'une renonciation à recours des parties entres elles ou de renonciation des assureurs contre les parties et leurs assureurs mais en cas de renonciation à recours d'une partie en direction de l'assureur de l'autre. La SA Generali IARD ne peut donc invoquer ladite clause qui n'est pas stipulée à son bénéfice,

- la SA Generali a indemnisé la société Cyclable [Localité 9] des conséquences de l'incendie sur ses biens, soit pour la partie agencement la somme de 30.000 euros. La répartition entre les biens du bailleur et ceux du preneur n'a aucun intérêt puisque par l'effet de la clause d'accession prévue au bail (article 3-4), ils demeurent la propriété du bailleur. La somme versée à la société Cyclable [Localité 9] doit lui revenir étant donné que le locataire n'a pas réalisé les travaux qui lui incombaient.

Prétentions et moyens de la société Cyclable [Localité 9] et de la SAS Animation Développement du Réseau Cyclable (intimée) :

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées par voie dématérialisée, le 29 janvier 2024, la société Cyclable [Localité 9] et la SAS Animation développement du réseau cyclable demandent à la cour de :

A titre principal,

- réformer le jugement seulement en ce qu'il a rejeté leur demande de voir constater la résiliation de plein droit du bail commercial du 10 novembre 2011 à la date du 4 juin 2017, date de l'incendie,

- confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,

A titre subsidiaire,

- condamner la SA Generali IARD à les relever et garantir intégralement de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elles au titre des travaux de rénovation de l'immeuble suite à l'incendie,

- condamner la compagnie Generali à les relever et garantir intégralement de toute condamnation prononcée contre elles au titre des loyers impayés et, à titre subsidiaire en toute hypothèse, dans la limite de deux années de loyer comme l'admet la société Generali,

- condamner la société Pi Doyen, et en toute hypothèse la compagnie Generali, à leur payer une somme de 5.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société Pi Doyen, et à titre subsidiaire en toute hypothèse la compagnie Generali, aux entiers dépens de l'instance.

Au soutien de leur demande principale de confirmation du jugement, elles font valoir que :

- la société Pi Doyen avait déjà obtenu le paiement des loyers du 4ème trimestre 2017 et du 1er trimestre 2018, soit un montant de 16.745,54 euros outre intérêts et pénalités, en exécution d'une ordonnance d'injonction de payer signifiée le 3 mai 2018 sur la base de laquelle elle a pratiqué une mesure de saisie-vente le 19 mars 2019 pour un montant global de 20.057,36 euros en principal, pénalités, frais et intérêts,

- or, le bail commercial a pris fin à cause de l'incendie ayant ravagé le local provoquant le départ de la société Cyclable [Localité 9] et l'impossibilité, par la faute de la société Pi Doyen, de procéder aux travaux de réparation du local dans la mesure où elle n'a pas assuré son risque incendie contrairement à ses obligations et qu'elle refuse de les prendre en charge,

- en effet, il n'est pas contesté que le bail stipule l'obligation du preneur d'effectuer dans les lieux toute réparation et d'assurer l'entretien du bien pendant le cours du bail et il n'est pas non plus contesté que l'article 1733 du code civil prévoit que le locataire répond de l'incendie, établissant une présomption légale de responsabilité du preneur en cas d'incendie,

- toutefois, les parties ont convenu aux termes du bail de déroger à cette présomption légale de responsabilité en prévoyant un régime spécifique en cas de dommage aux biens résultant d'un incendie,

- il ressort en effet de l'article 3-7 du bail que le bailleur assure ses biens immobiliers contre l'incendie par l'intermédiaire du syndic, que le preneur assure quant à lui ses risques locatifs, ses mobiliers, matériels et marchandises garnissant les lieux loués et que surtout chaque partie renonce: « à recours contre l'autre et fait renoncer ses assureurs aux recours qu'ils pourraient, en cas de dommages aux biens être en droit d'exercer contre l'autre et ses assureurs »,

Il résulte très clairement de cette clause que :

* le bailleur assure ses biens immobiliers contre I'incendie par l'intermédiaire du syndic,

* le preneur assure quant à lui ses risques locatifs, ses mobiliers, matériels et marchandises garnissant les lieux loués,

* chaque partie renonce alors, et ce dans le but évident d'éviter un cumul d'assurance, « a recours contre l'autre et fait renoncer ses assureurs aux recours qu'ils pourraient, en cas de dommages aux bien, être en droit d'exercer contre l'autre et ses assureurs »

- il s'agit donc bien d'une clause exonératoire de responsabilité en cas de dommage aux biens consécutif à un incendie, chaque partie fait son affaire des dommages causés à ses biens (le bailleur pour ses biens immobiliers; le preneur pour son mobilier, ses agencements, ses marchandises, etc.), et ce sans recours contre l'autre. Il appartient donc à la société Pi Doyen ou à son assureur de prendre en charge les dommages causés à l'immeuble,

Autrement dit, si les biens immobiliers appartenant au bailleur subissent des dommages en raison d'un incendie imputable en principe au preneur en raison de la présomption de responsabilité résultant de I'article 1733 du code civil, le bailleur ne pourra pas recourir contre lui, c'est-à-dire rechercher sa responsabilité, pour obtenir l'indemnisation de son dommage. Il devra donc assumer la remise en état de son bien, en ayant éventuellement recours à son propre assureur. Chaque partie est donc logiquement tenue de souscrire une assurance contre l'incendie pour ce qui la concerne, ce que I'article 3-7 du bail prévoit expressément :

* le bailleur par l'intermédiaire du syndic pour ses biens immobiliers, ce qui comprend bien évidemment ses parties privatives ;

* le preneur par le biais de son propre assureur pour ses biens propres.

- or l'assurance contre l'incendie souscrite par le syndic pour le compte du bailleur ne concerne pas les parties privatives appartenant au bailleur, mais seulement les parties communes de l'immeuble, de sorte que, en n'assurant pas son bien puis en refusant d'effectuer les travaux de remise en état lui incombant suite au sinistre, la société Pi Doyen a manqué gravement à ses obligations contractuelles et n'a de fait plus permis à la société Cyclable [Localité 9] de disposer d'un local exploitable, l'obligeant à déménager et à prendre de nouveaux locaux à compter du 10 octobre 2017 après 4 mois sans activité,

- il s'agit d'un manquement particulièrement grave à ses obligations, et comme l'a parfaitement jugé le tribunal, un tel manquement justifie la résiliation du bail au tort du preneur à la date du 4 juin 2017, date de l'incendie,

- contrairement à ce que soutient l'appelante, elle a sollicité la garantie de son assureur dès l'incendie, mais que celui-ci a refusé de prendre en charge les dommages causés aux biens du bailleur en raison de la clause de renonciation à recours stipulée au bail,

- le bail a été résilié à la date du sinistre soit le 4 juin 2017. Or, la société Pi Doyen a toujours considéré que le bail n'était pas résilié et a empêché la concluante d'organiser la restitution des clefs qui n'a pu se faire que le 27 novembre 2020 alors même qu'elle recherchait activement un autre locataire comme en témoignent les annonces affichées par les agences qu'elle a mandatées à cet effet,

A titre surabondant, elles soutiennent que le bail a été résilié de plein droit en raison de la destruction de la chose louée comme cela résulte de l'article 1722 du code civil puisque :

- l'incendie survenu le 4 juin 2017 a complètement détruit le local loué,

- selon la jurisprudence, doit être assimilé à la perte totale de la chose l'impossibilité d'en usant conformément à la destination prévue au bail,

- le procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages, établi par les experts mandatés par les assureurs des parties le 24 novembre 2017, relève que : « depuis le sinistre, le local n'est plus exploitable '',

- l'intégralité des agencements du locataire a été détruite, ainsi que les huisseries et les installations électriques,

- il est donc manifeste que le local est devenu entièrement impropre a l'exploitation prévue au bail et doit donc être considéré comme détruit en totalité,

- dès lors, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le bail a bien été résilié de plein droit en date du 4 juin 2017, date de l'incendie, en raison de la destruction des locaux loués.

Pour s'opposer au paiement des travaux de remise en état du local, elles exposent que :

- aux termes de I'article 3-7 du contrat de bail, la société Pl Doyen a renoncé à tout recours contre le preneur ou son assureur en cas de dommages aux biens,

- comme cela a été exposé ci-dessus, cette clause de renonciation a recours constitue bien une dérogation au principe posée par l'article 1733 du code civil en cas de sinistre résultant d'un incendie,

- elle est bien une clause exonératoire de responsabilité en cas de dommage aux biens consécutif à un incendie,

- la volonté des parties est très claire : en cas d'incendie, chaque partie fait son affaire des dommages causés à ses biens (le bailleur pour ses biens immobiliers; le preneur pour son mobilier, ses agencements, ses marchandises, etc.), et ce sans recours contre l'autre. II s'agit donc bien d'une clause exonératoire de responsabilité en cas de dommage aux biens consécutif à un incendie. La clause de renonciation a recours doit recevoir application, et il appartient donc au bailleur ou son assureur de prendre en charge les dommages causés à l'immeuble, ce qui est confirmé par la jurisprudence,

- la faute lourde de nature à exclure l'application d'une clause de renonciation à recours en cas de sinistre, ne peut être qu'une faute à l'origine du sinistre, cependant, la prétendue faute invoquée par l'appelante n'a aucun rapport avec le sinistre pour lequel la clause de renonciation à recours est opposée et ne peut donc avoir pour effet d'exclure cette renonciation à recours,

- la société Cyclable [Localité 9] qui n'aurait pas remis en état les locaux ni engagé de recours contre son assureur, préférant déménager, n'a pas commis une telle faute lourde que la jurisprudence définit comme : « une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du bailleur à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il a acceptée »,

- le chiffrage du montant de travaux s'élevant à 86.452,08 euros effectué par la société Edifice pour le compte de la société Pi Doyen n'a pas été soumis au moindre débat contradictoire contrairement au chiffrage proposé par les experts mandatés par les assureurs dont il résulte des montants différents,

- de plus, la société Pi Doyen ne fait aucune différence entre les travaux de rénovation des biens du bailleur et les travaux de rénovation des biens du preneur,

Au soutien de leur demande subsidiaire de condamnation de la SA Generali IARD à les relever et les garantir de toute condamnation prononcée contre elles, les intimées se prévalent d'abord de l'application de la garantie souscrite et soutiennent que :

- la société Cyclable [Localité 9] a souscrit auprès de la SA Generali IARD une police d'assurance en date du 21 décembre 2015 garantissant son risque locatif, en particulier contre l'incendie, la garantie étant illimitée dans cette hypothèse s'agissant des dommages causés aux locaux et dans la limite de 60.000 euros s'agissant des dommages causés au contenu. L'assureur est donc tenu d'indemniser le preneur de tout dommage causé aux locaux loués par l'incendie dont la responsabilité lui incomberait, sans plafond de garantie,

Elles se prévalent également de la responsabilité de la société Generali IARD au motif que :

- la SA Generali a engagé sa responsabilité en refusant de couvrir le sinistre dans sa totalité, manquant ainsi à son obligation contractuelle, et doit donc réparer dans sa totalité le préjudice subi par la société Cyclable [Localité 9] résultant de ce manquement,

En effet, en raison de ce refus, conjugué à la position de la société Pl Doyen qui persiste à considérer que ces travaux sont à la charge du preneur et non du bailleur, outre qu'elle n'a pas assuré ses parties privatives, aucuns travaux n'a été fait par quiconque, les locaux étant demeurés inexploitables jusqu'à ce jour, ce qui a conduit la société Cyclable [Localité 9] à devoir changer de locaux en prenant un nouveau bail, tout en étant toujours tenu par le bail régularisé avec la société Pl Doyen qui continue de lui réclamer le paiement des loyers postérieurs à l'incendie,

- la société Cyclable [Localité 9] n'a eu d'autre choix que de régler en pure perte le loyer correspondant au 4ème trimestre 2017 et au 1er trimestre 2018 outre pénalités, frais et intérêts, pour lesquels elle a fait l'objet d'une ordonnance d'injonction de payer et d'une saisie-vente pour un montant de 20.057,36 euros,

- ce préjudice est la conséquence directe du refus de l'assureur de prendre en charge le sinistre de façon complète, des lors que s' il avait honoré sa garantie complètement, les travaux auraient pu être réalisés et l'activité du preneur reprendre dans les mêmes locaux sans que la prise d'un nouveau bail ne soit nécessaire,

- l'assureur ne saurait invoquer à cet égard les stipulations de ses conditions générales selon lesquelles sa garantie locataire pour perte des loyers est limitée à deux ans de loyer, puisqu'en effet, sa responsabilité est ici recherchée en raison de son manquement à ses obligations contractuelles de garantie, et non au titre de la garantie elle-même.

- en tout état de cause, elle admet devoir sa garantie pour cette perte de loyer pour une durée de deux ans. Elle devra donc garantir la société Cyclable [Localité 9] pour les loyers qu'elle pourrait être condamnée à verser à la société Pi Doyen jusqu'au 4 juin 2019, soit du 4ème trimestre 2017 au 2ème trimestre 2019.

Prétentions et moyens de la SA Generali IARD

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée, le 24 janvier 2024, la SA Generali demande à la cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a constaté la demande de résiliation de plein droit du bail commercial en date du 10 novembre 2011,

Statuant à nouveau,

- prononcer la résiliation du bail à la date du 4 juin 2017,

- confirmer le jugement dont appel, pour le surplus, en toutes ses autres dispositions,

- déclarer irrecevable la SAS Animation développement du réseau cyclable en son appel en garantie dirigé à son encontre,

- débouter la société Pi Doyen de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- débouter la société Cyclable [Localité 9] et la SAS Animation développement du réseau cyclable de l'ensemble de leurs demandes dirigées à son encontre,

A titre infiniment subsidiaire,

- limiter le montant des dommages à la somme de 26.905,20 euros,

- limiter à deux années de loyers le montant qu'elle est susceptible de prendre en charge et débouter les parties de toute demande supérieure à deux années de loyer à ce titre,

Y ajoutant,

- condamner la société Pi Doyen à lui payer la somme de 4.750 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- condamner la société Pi Doyen en tous les dépens de première instance et d'appel que Maître [C] [G] pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de sa demande de confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la faute lourde commise par le bailleur, elle fait valoir que :

- il résulte des dispositions de l'article 3-7 du contrat de bail que le bailleur doit souscrire une police d'assurance contre l'incendie ou être assuré par le biais de l'assurance garantissant l'immeuble, le preneur rembourse au bailleur la quote-part correspondant au montant de la prime d'assurance, que le preneur et le bailleur ont renoncé à recours contre l'autre et qu'ils ont fait renoncer à recours, leur assureur respectif contre l'autre et leurs assureurs,

- la société Pi Doyen ne conteste nullement ne pas avoir été assurée puisqu'elle n'a jamais cherché à obtenir la garantie d'Allianz, n'ayant formulé aucune demande à son encontre en première instance,

- le bailleur prétend, visiblement embarrassé, qu'il n'aurait pas dû souscrire une assurance au titre des parties privatives, mais d'une part, la clause est particulièrement claire puisqu'il est prévu que l'immeuble doit être assuré et que la police d'assurance est souscrite pour le compte du bailleur et d'autre part, il est expressément prévu que les grosses réparations sont aux termes du bail à la charge du bailleur,

- dans ces conditions, la société Pi Doyen ne saurait sérieusement prétendre qu'elle n'avait pas l'obligation de s'assurer pour ses parties privatives et qu'il appartiendrait au preneur de devoir être assuré pour la totalité des biens immobiliers alors même que le contrat de bail dit exactement le contraire,

- il n'est pas inutile de souligner que le preneur doit rembourser au bailleur les primes d'assurance, ce qui a été fait en pure perte, le bailleur n'étant pas assuré,

- en vertu de l'article 9-1 de la loi du 10 juillet 1965, en matière de copropriété, chaque copropriétaire est tenu de s'assurer contre les risques de responsabilité civile dont il doit répondre,

- or, la société Pi Doyen n'a souscrit aucune assurance alors que la société Cyclable [Localité 9] lui a remboursé les primes d'assurance en pure perte, qui plus est n'ont aucunement permis à la suite de l'incendie, d'indemniser les dommages immobiliers,

- en méconnaissant les stipulations contractuelles, la société Pi Doyen a incontestablement commis une faute lourde à susciter le remboursement des primes d'un contrat qui n'existe pas,

- en réponse à la société PI Doyen qui prétend que le bailleur n'aurait pas à s'assurer pour ses parties privatives, elle indique que les stipulations des articles 1732 et suivants du code civil ne sont pas d'ordre public, et les parties peuvent y déroger, ce qui est le cas en l'espèce puisqu'il résulte de l'article 3-7 du contrat de bail que le bailleur doit s'assurer lui-même, puisqu'une police d'assurance de l'immeuble est souscrite par le syndic pour le compte du bailleur. Cette obligation n'a pas été remplie, et la société Pi Doyen n'a jamais communiqué la moindre pièce justifiant d'une quelconque indemnisation par son assureur.

S'agissant de la perte de la chose louée, elle indique que :

- en application de l'article 1722, si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit, ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement,

- dans un arrêt du 22 janvier 1997 n° 95-12410 la troisième chambre civile de la cour de cassation a considéré qu'il y avait cas fortuit à propos d'un incendie dont la cause était demeurée indéterminée,

- il résulte du procès-verbal relatif aux causes et circonstances des dommages, signé par deux experts, que suite à l'incendie toutes les marchandises et les vélos en réparation sont détruits, les agencements, propriété de l'exploitant, et les agencements d'origine sont également détruits, et que le bien ne peut plus être réexploité,

- l'application de l'article 1722 du code civil n'est pas restreinte au cas de perte totale de la chose, elle s'étend au cas où le preneur se trouve dans l'impossibilité de jouir de la chose ou d'en faire un usage conforme à sa destination,

- à ce titre, le procès-verbal régularisé entre les parties indique expressément: « depuis le sinistre, les locaux ne sont plus exploitables » et c'est pour cette raison qu'elle a, en qualité d'assureur, indemnisé la société Cyclable [Localité 9] pour lui permettre d'emménager dans d'autres locaux.

Au soutien de sa demande d'application de la clause de renonciation à recours insérée dans le bail, elle indique que :

- l'article 3-7 du contrat de bail consacre que chaque partie a renoncé à recours contre l'autre y compris à l'encontre de ses assureurs, a fortiori, l'assureur ne dispose d'aucun recours à l'encontre de l'autre, puisque chaque assureur doit renoncer contre l'autre et les assureurs,

- aux termes de l'article 1156 du code civil, devenu article 1188 du même code, le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral des termes,

- or, à la suite de l'incendie survenu en juin 2017, aucune des parties n'a jamais contesté la clause de renonciation à recours à l'encontre des assureurs,

- ce n'est que pour la première fois, trois ans après l'incendie, que la société Pi Doyen a exercé une action à l'encontre de la SA Generali pour des loyers impayés et pour un préjudice ne correspondant pas au procès-verbal d'évaluation des dommages,

- la compagnie Allianz elle-même, assureur de l'immeuble, considère qu'il s'agit d'une renonciation à recours également à l'encontre des cocontractants et de leurs assureurs,

- dès lors, tant la lettre du contrat que le comportement des parties témoigne d'une renonciation à recours à la fois du preneur et du bailleur et de leurs assureurs respectifs,

- contractuellement, il appartenait à la société Pi Doyen de se faire indemniser de ses propres dommages, à charge pour la compagnie Allianz IARD d'exercer un éventuel recours, qu'elle ne pouvait diligenter du fait de la clause de renonciation à recours insérée dans le bail.

- l'ensemble de ces éléments justifie que soit prononcée la résiliation du bail aux torts du bailleur.

Pour contester toute faute lourde de la société Cyclable [Localité 9], elle expose que :

- le bail s'est trouvé résilié de plein droit à la suite de l'incendie, de telle sorte que postérieurement à l'incendie, les stipulations contractuelles ne sont plus applicables,

- la société Pi Doyen n'a jamais mis en demeure sa locataire de remettre en état les locaux étant donné qu'il lui appartient en tant que bailleresse d'être régulièrement assurée et de solliciter l'indemnisation de son assureur.

Pour contester les appels en garantie formés à son encontre par la société Cyclable [Localité 9] et la société Animation Développement du Réseau Cyclable, elle indique que :

- du fait de la renonciation à recours de la société Pi Doyen à son encontre dans le contrat de bail, il ne lui appartient aucunement de subir son recours ou celui de la compagnie Allianz IARD,

- elle a indemnisé son assurée des conséquences de l'incendie, la société ayant pu rapidement réexploiter son activité commerciale en un autre lieu,

- il n'existe aucune assurance pour compte stipulée dans le contrat d'assurance permettant au bailleur de revendiquer l'indemnité d'assurance. La société Pi Doyen n'a jamais été son assurée, et il ne lui appartient pas d'indemniser contractuellement les dommages causés aux biens d'une personne qui n'est pas son assurée,

- la société Animation Développement du Réseau Recyclable est caution solidaire et n'est pas bénéficiaire de la police d'assurance, de sorte que son action ne pourra qu'être déclarée irrecevable et subsidiairement mal fondée à son encontre,

- sa responsabilité ne peut être engagée car il ne lui appartient pas d'indemniser les dommages aux biens du bailleur, qui n'est pas son assuré,

- il ne lui appartient pas non plus de s'immiscer dans les rapports bailleur-preneur et de régler les loyers impayés par la société Cyclable [Localité 9],

- en tout état de cause, la perte de loyers est limitée à deux années en vertu de la page 13 des conditions générales du contrat,

- elle a indemnisé son assurée et contesté la responsabilité de son assuré, ce qui ne saurait être considéré comme une faute et il appartient aux demanderesses de diriger leur recours contre la compagnie Allianz IARD, le cas échéant, puisque cet assureur a refusé d'indemniser la société Pi Doyen.

S'agissant du quantum des demandes, elle indique que la société Pi Doyen sollicite la somme de 86.452,08 euros au titre des travaux de remise en état du local alors qu'un accord sur le montant des dommages a chiffré les dommages aux biens du bailleur à la somme de 26.905,20 euros hors taxes.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2024, l'affaire a été appelée à l'audience du 15 mars 2024 et la décision mise en délibéré a été prononcée le 23 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

La cour relève en outre qu'il n'est formé ni appel principal, ni appel incident à l'encontre des chefs du jugement condamnant la société Generali Iard à payer à la compagnie Allianz Iard la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles et disant sans objet les appels en garantie de la société Generali à l'encontre de la société Allianz Iard. Il s'ensuit que la cour n'est pas saisie de ces dispositions.

Sur la résiliation de plein droit du bail au 4 juin 2017 et sur la restitution des loyers

En application de l'article 1722 du code civil, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement.

Selon l'article 1741 du code civil, le contrat de louage se résout par la perte de la chose louée, et par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements.

Ces deux articles ne prévoient pas deux régimes concurrents, mais bien alternatifs compte tenu de l'origine du sinistre. L'article 1722 s'applique à l'hypothèse de la perte par cas fortuit, l'article 1741, lui, ne trouve à s'appliquer que dans celle d'une perte de la chose imputable à l'une des parties.

Il résulte de ces deux textes que le bail prend fin de plein droit par la perte totale de la chose survenue par cas fortuit ou même par la faute de l'une des parties sauf les dommages et intérêts pouvant être mis à la charge de la partie déclarée responsable de cette perte (Cass. civ. 3e, 22 janv. 1997, n° 95-12.410; Cass. Civ 3ème 4 avril 2001 n° 99-12.322 )

L'application de ces dispositions n'est pas restreinte au cas de perte totale de la chose. Doit ainsi être assimilée à la destruction en totalité de la chose louée l'impossibilité absolue et définitive d'en user conformément à sa destination ou la nécessité d'effectuer des travaux dont le coût excède sa valeur (Civ. 3e, 8 mars 2018, n° 17-11.439). De même, la perte totale s'étend au cas où, par suite du sinistre, le preneur se trouve dans l'impossibilité de jouir de la chose ou d'en faire un usage conforme à sa destination (Civ 3ème 19 mars 1997 n° 95-16.719; 2 juill. 2003, n° 02-14.642; Civ. 3e, 6 mars 1996, n° 93-21.797; Civ. 3e, 14 oct. 2014, n° 13-18.477; Civ. 3e, 10 nov. 1993, n° 91-18.787 ; 2 juill. 2003, n° 02-14.642 ; 9 déc. 2009, n° 08-17.483 ; 20 mai 2014, n° 13-14.772).

Lorsque les circonstances de l'incendie ne peuvent pas être déterminées, la mise en 'uvre de l'article 1722 doit être écartée et ce sont les dispositions de l'article 1741 qui s'appliquent.

En l'espèce, le local situé dans l'immeuble en copropriété « le Montmartre » au [Adresse 3] donné à bail commercial par la société Pi Doyen à la société Cyclable [Localité 9] a fait l'objet d'un incendie le 4 juin 2017.

Dans son rapport d'examen de structure établi le 22 juin 2017, après une visite des lieux en date du 7 juin 2017, le cabinet JCA relève que les désordres constatés restent superficiels au regard des structures, l'incendie n'ayant affecté que du matériel et des ouvrages de second 'uvre.

Par ailleurs, le procès-verbal de « constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages » établi le 27 novembre 2017 contradictoirement en présence des parties et des experts mandatés par leurs assureurs et signé par eux ( pièce n°5 de la société Generali) évalue les dommages directs aux biens du bailleur à la somme de 46.695,60 euros et ceux de l'exploitant à la somme de 31.300,50 euros et relève ainsi qu'il suit que :« depuis le sinistre les locaux ne sont plus exploitables. Le point de départ du sinistre est situé dans l'environnement de la banque d'accueil sur laquelle étaient disposés un poste informatique, un terminal TPS, des revues. La cause du sinistre n'est pas établie. Les agencements, propriété de l'exploitant à l'exception du plafond, sont détruits. Toutes les marchandises et les vélos en réparations sont détruits. Les menuiseries extérieures (façades rue et côté cour) sont à remplacer. La chaleur a fait fondre le tableau électrique, l'installation électrique, en partie réalisée par l'exploitant a souffert des flammes et de la chaleur ».

Il ressort de ces constatations que les circonstances de l'incendie survenu dans le local exploité par la société Cyclable [Localité 9] ne peuvent pas être déterminées, de sorte que les premiers juges ont ainsi fait, à tort, application de l'article 1722 du code civil lequel doit, dans une telle hypothèse être écartée au profit des dispositions de l'article 1741 du même code.

C'est encore à tort que les premiers juges ont retenu que les locaux pouvaient être remis en état pour un coût ne dépassant pas la valeur du bien, alors que ladite valeur du bien n'est pas établie.

Enfin, s'il n'est pas discuté que les locaux n'ont été que partiellement détruits et qu'ils peuvent être remis en état, il ressort également des constatations techniques non davantage contestées par les parties, que le local n'est plus exploitable, de sorte que la société Cyclable [Localité 9] se trouve bien dans l'impossibilité de jouir du local commercial et d'y exercer son activité de vente et de réparation de cycles, la destruction physique partielle d'un bâtiment étant assimilée à la destruction totale pour l'application de l'article 1741 du code civil lorsque le locataire ne peut plus jouir de la chose louée ou ne peut plus en user conformément à sa destination.

Il s'ensuit que le bail régularisé le 1er décembre 2011 entre la société PI Doyen et la société Cyclable [Localité 9] a été résilié de plein droit le 4 juin 2017, date de l'incendie survenu dans le local commercial, objet du bail et le jugement déféré qui a rejeté cette demande, doit en conséquence être infirmé sur ce point.

Compte tenu de cette résiliation de plein droit du bail, la société Cyclable [Localité 9] est donc bien fondée à solliciter la restitution de la somme non contestée de 28.317,22 euros payée au titre des loyers postérieurs au 4 juin 2017 et la société Pi Doyen doit être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 129.447,37 euros au titre des loyers jusqu'au 31 décembre 2021. Le jugement déféré doit être confirmé sur ces deux points.

Sur la demande de la société Pi Doyen en paiement des frais de remise en état de l'immeuble sous astreinte à l'encontre de la société Cyclable [Localité 9] et de la société Animation Développement du Réseau Cyclable

Selon l'article 1733 du code civil, le preneur doit répondre de l'incendie sauf s'il prouve qu'il est arrivé par cas fortuit , force majeure, vice de construction ou par communication de locaux voisins, de sorte que le preneur est présumé responsable de l'incendie dans les locaux.

Il doit donc non seulement indemniser le bailleur pour la reconstruction de l'immeuble, mais également l'indemniser de la perte de loyer subie pendant le temps nécessaire à la reconstruction et à la relocation.

Les dispositions de l'article 1733 du code civil n'étant pas d'ordre public, les parties peuvent y déroger contractuellement afin d'organiser, de réduire ou même de supprimer cette présomption de responsabilité du locataire. Ces aménagements conventionnels ont néanmoins pour limite la faute dolosive ou la faute lourde de la partie exonérée.

Parallèlement au régime applicable à l'incendie tiré du code civil, les parties peuvent prévoir une clause de renonciation à recours dans la partie du bail relative aux couvertures assurantielles qui a pour objet de dispenser, unilatéralement ou réciproquement, les bénéficiaires de contribuer à la réparation des dommages dont il serait responsable.

Une telle clause peut également prévoir une renonciation à l'égard des assureurs respectifs des parties mais aussi entre eux; la renonciation à recours a pour effet d'écarter le jeu de la responsabilité à l'égard du bailleur ou du preneur, et prive leurs assureurs du même recours à leur égard.

En l'espèce, il est incontestable que la société Cyclable [Localité 9] est présumée responsable de l'incendie qui s'est déclaré le 4 juin 2017 dans les locaux pris à bail, dès lors qu'elle ne démontre pas que cet incendie, dont la cause reste indéterminée, résulte d'un cas fortuit, d'un cas de force majeure, d'un vice de construction ou d'une communication de locaux voisins.

Néanmoins, l'article 3-7° du contrat de bail régularisé entre la société Pi Doyen et la société Cyclable [Localité 9] comporte une clause rédigée ainsi qu'il suit :« une police d'assurance de l'immeuble contre l'incendie, les dégâts des eaux, responsabilité civile, bris de glace et risque d'hiver, sera souscrite par le syndic de l'immeuble pour le compte du bailleur.

Le preneur devra rembourser au bailleur avec les charges de copropriété, la quote-part du montant de la prime d'assurance.

Il devra également prendre toutes dispositions pour que la sécurité incendie soit conforme aux conditions prévues par les règlements en vigueur et aux règles applicables par les compagnies d'assurance notoire, solvable.

Il devra faire son affaire personnelle de l'assurance de ses risques locatifs, de ses mobiliers, matériels et marchandises, garnissant les lieux loués et des détérioration immobiliers consécutives à un vol ou une tentative de vol par fraction sans recours contre le bailleur.

Il devra couvrir le risque responsabilité civile et le justifier à première demande du bailleur.

Chaque partie renonce à recours contre l'autre et fait renoncer ses assureurs au recours qu'il pourrait en cas de dommages aux biens, être en droit d'exercer contre l'autre et ses assureurs ».

Si, comme le relève justement la société PI Doyen cette clause de renonciation à tout recours du bailleur contre le locataire contenue dans cet article 3-7° n'a pas pour objet d'exonérer le locataire de la présomption de responsabilité qui pèse sur lui à raison de l'incendie survenu dans les locaux, en revanche, ladite clause interdit au bailleur d'agir contre son locataire en vue d'obtenir réparation des dommages résultant de la destruction des lieux.

Le moyen tiré de la faute lourde de la société Cyclable [Localité 9] dont se prévaut la société PI Doyen pour faire échec à la clause de non recours ne peut davantage prospérer, alors que la société preneuse a sollicité la garantie de la société Generali Iard, son assureur, qui a refusé d'indemniser les dommages subis par le propriétaire bailleur, motif pris de l'existence de la clause de non recours figurant au bail, comme en attestent les correspondances adressées par l'assureur le 10 octobre 2017, le 4 décembre 2017, le 12 décembre 2017 et le 28 février 2018, de sorte que la société Cyclable [Localité 9] a accompli les diligences nécessaires à l'égard de son assureur.

L'absence de recours engagé par la société Cyclable [Localité 9] à l'encontre de son assureur suite à ce refus d'indemnisation des dommages de la société PI Doyen ne caractérise pas davantage une faute lourde, laquelle s'entend d'un comportement d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur à l'accomplissement de ses obligations contractuelles, qui n'est nullement caractérisée en l'espèce, alors que l'intimée, qui bénéficie au titre du bail d'une clause de renonciation à recours, a souscrit une police d'assurance des risques locatifs de ses mobiliers, matériels et marchandises et s'est acquittée du remboursement au bailleur de la quote-part du montant de la prime d'assurance souscrite par le syndic de copropriété au titre de la garantie de l'immeuble contre l'incendie, satisfaisant ainsi pleinement aux obligations mises à sa charge par le contrat de bail. Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Pi Doyen de sa demande indemnitaire à l'égard de la socciété Cyclable [Localité 9] et de la société Animation Développement du Réseau Cyclable.

Sur la demande de la société Pi Doyen en paiement des frais de remise en état de l'immeuble sous astreinte à l'encontre de la société Generali, assureur de la société Cyclable [Localité 9]

Conformément à l'article 1156 ancien du code civil applicable en la cause, on doit, dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral des termes.

En outre, selon l'article 1192 du code civil transposant la règle jurisprudentielle relative à la dénaturation, on ne peut pas interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.

En l'espèce, l'article 3-7° du contrat de bail régularisé entre la société Pi Doyen et la société Cyclable [Localité 9] comporte la clause de renonciation à recours ainsi libellée: « Chaque partie renonce à recours contre l'autre et fait renoncer ses assureurs au recours qu'il pourrait en cas de dommages aux biens, être en droit d'exercer contre l'autre et ses assureurs ».

Or, comme le relève justement la société Pi Doyen, il ressort des termes clairs de cette clause que le bailleur et le preneur ont renoncés à agir l'un contre l'autre, que le bailleur s'est engagé à faire renoncer son assureur à agir contre le preneur et contre l'assureur de son preneur et que le preneur s'est engagé également à faire renoncer son assureur à agir contre le bailleur et contre l'assureur de son bailleur. En revanche, le bailleur n'a pas renoncé à agir contre l'assureur de son preneur et le preneur n'a pas renoncé à agir contre l'assureur de son bailleur.

Ni le fait que les parties n'aient pas contesté cette clause lors de l'incendie en juin 2017, ni le fait que la compagnie Allianz, assureur de l'immeuble, ne conteste pas cette clause, ne sont de nature à remettre en cause les termes clairs et non ambigus de celle-ci.

Le moyen tiré de la faute lourde de la société Pi Doyen ne peut davantage prospérer, alors qu'il ressort des pièces de la procédure que celle-ci justifie de la souscription par le syndic de copropriété auprès de la société Allianz d'une police d'assurance garantissant l'immeuble, ce dont il ne peut être déduit qu'il ne s'agit que des parties communes de l'immeuble, laquelle interprétation ne repose sur aucune disposition de ce contrat, mais au contraire sur les seules allégations des intimées, qui sont contestées par le bailleur qui soutient aux termes de ses écritures, avoir assuré le local.

La société PI Doyen est ainsi recevable à agir contre la société Generali IARD.

Il résulte en outre des termes de la police souscrite par la société Cyclable [Localité 9] auprès de cette dernière qu'elle garantit de manière illimitée les locaux contre le risque incendie, ainsi que les agencements, aménagements et embellissements réalisés par le locataire ainsi que la perte d'exploitation suite à dommages matériels en cas d'incendie, de sorte que l'appelante est également bien fondée à solliciter la garantie de la société Générali Iard en réparation des dommages causés à l'immeuble.

S'agissant du montant de l'indemnisation, si le devis établi de manière unilatérale à la demande du bailleur le 7 novembre 2017, chiffre les travaux de reprise à la somme de 86.452,98 euros, il ressort du procès-verbal de « constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages » établi le 27 novembre 2017 contradictoirement en présence des parties et des experts mandatés par leurs assureurs et signé par eux que les dommages directs aux biens du bailleur sont évalués à la somme de 26.905, 20 euros, vétusté de 7.661 euros déduite, de sorte que l'assureur est bien fondé à solliciter la limitation de sa condamnation à ce montant, lequel ne peut être remis en cause par un devis établi à la seule demande du bailleur. Il convient donc de condamner la société Generali Iard à verser à la société Pi Doyen la somme de 26.905,20 euros en réparation des préjudices subis par l'immeuble. En revanche, il n'y a a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens

La société Generali Iard doit supporter les dépens de première instance et d'appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés. La société Pi Doyen doit verser à la société Cyclable [Localité 9] et à la société Animation Développement du Réseau Cyclable une somme globale de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Il y a également lieu de débouter la compagnie Generali Iard de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Enfin, la société Generali Iard doit être condamnée à payer à la société PI Doyen la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, dans les limites des dispositions qui lui sont soumises, par arrêt contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Pi Doyen de sa demande en paiement à l'encontre de la société Generali Iard au titre des travaux de remise en état du local sous astreinte et en ce qu'il a condamné la société PI Doyen aux dépens de l'instance.

Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la société Generali Iard à verser à la société Pi Doyen la somme de 26.905,20 euros en réparation des préjudices subis par l'immeuble,

Dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte et déboute en conséquence la société Pi Doyen de cette demande,

Condamne la société Pi Doyen à payer à la société Cyclable [Localité 9] et à la société Animation Développement du Réseau Cyclable une somme globale de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Déboute la société Generali Iard de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne la société Generali Iard à payer à la société PI Doyen la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 au titre de la première instance et de l'appel,

Condamne la société Generali Iard aux dépens de première instance et d'appel, avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct au profit de Me Allban Villecroze, avocat, par application de l'article 699 du code de procédure civile .

Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.