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Décisions

CA Metz, 1re ch., 23 mai 2024, n° 22/00244

METZ

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

AIG Europe (SA)

Défendeur :

PEG Perego SPA (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Flores

Conseillers :

Mme Bironneau, Mme Fournel

Avocats :

Me Haxaire, Me Monchamps

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de …

23 décembre 2021

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 1er novembre 2006 un accident de la circulation est survenu [Adresse 5], impliquant deux véhicules terrestres à moteur, l'un de marque Renault Scénic assuré auprès des ACM, conduit et appartenant à M. [S] [T], et l'autre de marque Audi Q7 assuré auprès de la société de droit étranger Aig Europe, et conduit par M. [K] [M].

Mme [O] [I], compagne de M. [T] et passagère avant ainsi que leur enfant de 7 mois [R] [T], ont été grièvement blessées dans l'accident, l'enfant ayant été éjecté du couffin dans lequel elle se trouvait.

Par ordonnance de référé du 13 novembre 2007 M. [P] [D] a été désigné en qualité d'expert judiciaire aux fins d'examen des circonstances de l'accident y compris l'équipement utilisé pour la sécurité de l'enfant.

Plusieurs expertises judiciaires ont également été ordonnées aux fins de déterminer l'étendue des préjudices subis par [R] [T].

Estimant que la responsabilité de l'accident incombait au conducteur du véhicule Audi Q7, M. [T] et Mme [I], agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fille [R] [T], ont courant novembre 2008 assigné devant le tribunal de grande instance de Metz la société de droit étranger Aig Europe, ainsi que la CPAM de la Côte d'Or et la Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale, afin de voir statuer sur leurs préjudices.

La société Aig Europe (ultérieurement la société Chartis Europe, nouvelle dénomination), a mis en cause la SA ACM, assureur de M. [T], en estimant que la responsabilité de l'accident incombait à ce dernier, et a également mis en cause la société de droit italien Peg Perego, en considérant que le couffin dans lequel se trouvait l'enfant était défectueux et emportait la responsabilité de son fabricant.

Par une ordonnance du 11 décembre 2014 la procédure a fait l'objet d'une disjonction, de sorte qu'il en est résulté deux procédures distinctes :

l'une sous référence RG 08/4083 dans laquelle M. [T] et Mme [I] poursuivaient l'indemnisation de leurs préjudices personnels, et dans laquelle étaient défendeurs la société Aig Europe Limited venant aux droits de la SA Chartis Europe, la SA ACM, la CPAM de la Côte d'Or, la caisse d'assurance maladie militaire et la Mutuelle de l'armée de terre,

l'autre sous référence RG 14/4272 dans laquelle M. [T] et Mme [I] agissaient en qualité de représentants légaux de leur fille [R], et poursuivaient l'indemnisation du préjudice de celle-ci, dans laquelle étaient défendeurs la société Aig Europe, la société Peg Perego, les ACM et la CPAM de la Côte d'Or.

Suite à une radiation et à une reprise d'instance, la procédure RG 08/4083 concernant l'indemnisation des préjudices personnels de M. [T] et Mme [I] a été reprise sous la référence RG 17/00721.

La société Aig Europe a attrait à cette procédure la société Peg Perego, également aux fins de voir juger que le couffin transportant [R] [T] était un produit défectueux de sorte que la société Peg Perego devait en répondre.

Dans le cadre de cette dernière procédure, des transactions sont finalement intervenues, entre la société Aig Europe et M. [T], et entre la société Aig Europe et Mme [I].

Il s'en est suivi un certain nombre de désistements, tant de la part des consorts Lucand-Valdes que de la part de la SA ACM, puis ultérieurement de la part de la CPAM de la Côte d'Or. Ces désistements ont été acceptés par les parties concernées.

Par jugement partiellement avant dire droit du 15 avril 2021, le tribunal judiciaire de Metz a constaté les divers désistements intervenus et a statué sur les dépens. Pour le surplus il a ordonné la réouverture des débats afin de permettre à la SA Aig Europe, venant aux droits de la SA Aig Europe Limited (laquelle venait elle-même aux droits de la société Chartis Europe), et à la société Peg Perego, de présenter des conclusions actualisées et de produire en tant que de besoin les protocoles d'accord en raison desquels des demandes seraient présentées.

Dans ses dernières conclusions du 15 juin 2021 devant le tribunal judiciaire, la société Aig Europe a principalement demandé au tribunal de dire que le couffin dans lequel se trouvait [R] [T] est un produit défectueux au sens de l'article 1386-4 (actuellement 1245-3) du code civil, et en conséquence de condamner la société Peg Perego à la relever et garantir de la somme totale de 200.000 € qu'elle a réglée à M. [H] [T] et Mme [O] [I] en réparation de leurs préjudices résultant des séquelles d'[R] [T], en exécution des protocoles d'accord régularisés, ainsi que des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit des organismes sociaux, en principal frais et accessoires.

La société Peg Perego a, notamment, demandé au tribunal de constater l'absence de preuve d'une défectuosité du couffin et/ou de rôle causal avec le dommage subi par l'enfant [R] [T], de dire et juger que sa responsabilité du fait de son produit ne saurait être retenue, de dire et juger que les dommages ont pour cause exclusive l'accident de la circulation provoqué par un défaut de maîtrise du conducteur du véhicule assuré par Aig Europe, et de débouter la société Aig Europe de toutes ses demandes.

Par jugement du 21 décembre 2021 le tribunal judiciaire de Metz a :

Dit n'y avoir lieu de donner acte à la société de droit italien Peg Perego SPA prise en la personne de son représentant légal de son acquiescement à désistement déjà constaté;

Débouté la société de droit italien Peg Perego SPA prise en la personne de son représentant légal de l'exception d'irrecevabilité soulevée par elle à l'encontre de l'appel en garantie formé par la société de droit étranger Aig Europe SA prise en la personne de son représentant légal en tant qu'il a pour objet les indemnités réglées à la victime directe, le doublement des intérêts légaux et les prestations réglées par les tiers payeurs;

Déclaré en conséquence la société de droit étranger Aig Europe SA prise en la personne de son représentant légal recevable en son appel en garantie,

Débouté la société de droit étranger Aig Europe SA prise en la personne de son représentant légal de sa demande en condamnation de la société de droit italien Peg Perego SPA prise en la personne de son représentant légal à la relever et garantir de la somme totale 200.000 euros, réglée par elle à Monsieur [H] [T] et à Madame [O] [I] en réparation de leurs préjudices résultant des séquelles d'[R] [T], ainsi que des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au pro't des organismes sociaux, en principal, frais et accessoires, sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux;

Rejeté la demande de la société de droit étranger Aig Europe SA prise en la personne de son représentant légal formée en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

Condamné la société de droit étranger Aig Europe SA prise en la personne de son représentant légal à payer à la société de droit italien Peg Perego SPA prise en la personne de son représentant légal la somme de 3.000 euros (trois mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné la société de droit étranger Aig Europe SA prise en la personne de son représentant légal aux dépens de l'appel en garantie ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Pour statuer ainsi, le tribunal a rappelé qu'au sens de l'article 1386-4 du code civil, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, précision fait que, dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Il a également rappelé qu'il appartenait à la société AIG Europe de faire la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre le dommage et le défaut invoqué, étant précisé qu'en l'espèce les dommages subis ne sont pas discutés.

Sur les défauts allégués (insuffisance de l'attache du couffin au véhicule et insuffisance ou défaillance du système de retenue du bébé), le tribunal a constaté que la société AIG Europe invoquait un défaut de conception du couffin par suite de l'insuffisance ou de la défaillance du système d'attache, et donc un défaut intrinsèque dont il lui appartenait d'apporter la preuve, étant rappelé que la simple implication d'un produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir son défaut au sens de l'article 1386-4 du code civil, ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage subi .

En l'occurrence le tribunal a considéré que le rapport d'expertise judiciaire ne faisait pas apparaître de présomptions graves, précises et concordantes relativement à une défectuosité du couffin, puisque l'expert n'avait relevé aucune trace de choc, déformation ou fissure dans la nacelle, non plus qu'aucune anomalie dans les attaches et dans la sangle abdominale, cette dernière ne présentant aucune trace de détérioration et le dispositif de réglage permettant l'adaptation de la sangle à la morphologie de l'enfant.

Ainsi selon l'expert aucune défectuosité du couffin ne pouvait expliquer que l'enfant ait pu être projetée de ce dernier, et le tribunal en a conclu qu'aucun élément ne permettait de retenir que le couffin ait pu présenter par sa conception un quelconque défaut intrinsèque affectant le produit dans ses éléments constitutifs ou même dans sa globalité.

Le tribunal a également considéré que la société AIG Europe n'apportait aucun élément de nature à contredire les conclusions de l'expert, et que la note du cabinet Equad n'était pas de nature à apporter une contradiction opérante à ces conclusions, dès lors notamment que ses hypothèses émises pour expliquer le retournement de la nacelle, et notamment une dérive de conformité de certains éléments de celle-ci, ne constituaient qu'une supputation non étayée par un examen de la nacelle, au contraire de ce qu'avait effectué l'expert judiciaire.

Le tribunal a également estimé, contrairement aux affirmations de la demanderesse, que la défaillance de la sangle abdominale ayant retenu l'enfant ne s'évinçait nullement des conclusions de l'expert. Ainsi, et outre le fait que selon les constatations de celui-ci cette sangle ne présentait aucun défaut structurel, l'expert a également relevé que son réglage était tout à fait adapté à la morphologie de l'enfant et que surtout, face à la violence de la collision et au pivotement du couffin, et même s'il n'était pas exclu que la sangle ait été insuffisamment serrée, aucun réglage de cette sangle n'aurait pu, selon l'expert, être à même de retenir l'enfant, outre le fait que le passage de la sangle ne correspond pas au siège des lésions subies par l'enfant .

Par ailleurs, et quoique l'expert, sur question d'une des parties, ait répondu que lors d'un choc violent avec pivotement du couffin vers l'avant, la sangle abdominale unique n'était pas un moyen suffisant et efficace pour retenir un enfant, le tribunal a considéré que cette seule circonstance n'était pas de nature à démontrer l'insuffisance de sécurité alléguée non plus que l'existence d'un lien causal entre la présence d'une telle sangle et les dommages corporels subis par [R] [T].

En effet le tribunal a relevé que, questionné sur le point de savoir s'il existe des systèmes d'attache plus perfectionnés, l'expert a répondu que l'ensemble des couffins vendus actuellement, à l'exception des convertibles, étaient équipés de systèmes d'attaches analogues, et a en outre rappelé que le couffin en cause avait été homologué en France conformément à la réglementation européenne ECE R44 et a ainsi satisfait aux tests d'homologation.

Le tribunal a ajouté que, si le respect des normes existantes ne suffit pas à dégager la responsabilité du producteur, il n'en restait pas moins que ce couffin avait satisfait à des tests réalisés précisément pour s'assurer de sa sécurité en cas de choc frontal, élément qui corroborait le fait qu'il offrait une sécurité suffisante en cas de collision, étant rappelé qu'aucun produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, ait été ultérieurement mis en circulation, et que la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ne constitue pas pour autant une sécurité absolue.

Le tribunal a encore relevé, en suite de ces observations, que la demanderesse ne fournissait aucune preuve contraire démontrant que le couffin litigieux n'aurait pas respecté les critères fixés par le règlement européen ECE R44, cette preuve ne pouvant résulter, ni de ses affirmations ni de celles du cabinet Equad, alors qu'elle n'avait procédé à aucune expertise du couffin en situation de choc, et que de même ni les extraits d'une chronique radio à propos des sièges auto, ni la copie d'un article, ni le fait que la société Peg Perego ait ultérieurement commercialisé un nouveau modèle comportant une évolution du système de sécurité, ne faisaient preuve du caractère défectueux du produit en cause.

Par ailleurs le tribunal a encore estimé que la preuve du lien causal entre les défectuosités alléguées de la sangle abdominale et les lésions présentées par l'enfant n'était pas rapportée. Il a notamment relevé que selon l'expert les lésions corporelles s'étaient produites à raison des tensions très fortes subies par le cou de l'enfant lorsque le couffin et l'enfant avaient pivoté, l'enfant s'étant alors violemment pliée en deux et son cou ayant supporté un effort de traction particulièrement intense. Sur ce point le tribunal a considéré que le seul fait que la sangle ait contribué à retenir l'enfant ne faisait pas preuve de la défectuosité du produit, étant rappelé que cette défectuosité ne saurait se déduire de sa seule implication dans le dommage.

S'agissant de la défectuosité alléguée du produit du fait de l'insuffisance d'attaches du couffin, le tribunal a également considéré que, si selon l'expert la présence de deux attaches de fixation était insuffisante pour empêcher le pivotement du couffin, il n'en restait pas moins que, à dire d'expert, le système d'attache ne présentait aucune anomalie ni aucun défaut de conception intrinsèque, et que le couffin était homologué et avait ainsi satisfait aux tests relatifs à la sécurité des nacelles, l'absence d'un troisième point de fixation ne pouvant être considéré comme une carence dans la conception du couffin.

Ainsi, le fait que le couffin ait satisfait à des tests destinés à s'assurer qu'il apporte une sécurité suffisante en cas de collision, était de nature à démontrer que sa conception ne présentait pas de danger pour l'utilisateur et qu'il apportait à l'enfant une sécurité suffisante en cas de collision.

En outre selon le tribunal, si l'expert avait effectivement constaté que même le montage réalisé par l'ingénieur de Peg Perego, quoique de meilleur facture que celui réalisé par M. [T], ne permettait pas d'immobiliser complètement le couffin, le même expert a cependant estimé que, devant l'ampleur des efforts qui s'exercent lors d'une collision, il est certain que le couffin a pu pivoter de sorte que sans exclure l'hypothèse d'une insuffisance de bridage due à l'utilisateur, l'expert conclut néanmoins que la rotation du couffin trouve au premier chef sa cause dans l'extrême violence de la collision.

Sur ces points le tribunal observe qu'aucun des éléments du dossier ne contredit l'insuffisance possible de bridage du couffin non plus et surtout le caractère particulièrement violent de la collision, qu'en particulier le cabinet Equad n'écarte pas l'hypothèse d'une mauvaise installation de la nacelle, et qu'il ne peut être tiré aucune conclusion de la prétendue moindre gravité des blessures subies par la mère d'[R], passagère avant dont la ceinture de sécurité a joué son rôle, ni aucune comparaison avec les effets d'un choc violent sur un enfant de 7 mois.

Sur le moyen subsidiaire tiré du caractère défectueux à raison d'un manquement à l'obligation d'information et de mise en garde compte tenu du caractère lacunaire allégué de la notice d'utilisation, le tribunal a estimé que, même à supposer avéré le défaut d'information suffisante apportée à l'utilisateur quant au réglage de la sangle abdominale, ou quant aux risques résultant d'un serrage inadéquat, pour autant la société Aig Europe ne rapportait pas la preuve du lien de causalité existant entre ce défaut d'information et les dommages subis par l'enfant.

Ainsi le tribunal a considéré que la société Aig Europe ne rapportait pas la preuve du caractère défectueux du couffin, de sorte qu'elle devait être déboutée de sa demande et qu'il devenait sans objet d'examiner le moyen soulevé par la société Peg Perego tenant au fait d'un tiers, en l'occurrence le fait fautif du conducteur du véhicule Audi.

Par déclaration du 20 janvier 2022 la société de droit étranger S.A. Aig Europe a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a : -Débouté la société de droit étranger Aig Europe SA prise en la personne de son représentant légal de sa demande en condamnation de la société de droit italien Peg Perego SPA prise en la personne de son représentant légal à la relever et garantir de la somme totale 200.000 euros, réglée par elle à Monsieur [H] [T] et à Madame [O] [I] en réparation de leurs préjudices résultant des séquelles d'[R] [T], ainsi que des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au pro't des organismes sociaux, en principal, frais et accessoires, sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux;-Rejeté la demande de la société de droit étranger Aig Europe SA prise en la personne de son représentant légal formée: en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;-Condamné la société de droit étranger Aig Europe SA prise en la personne de son représentant légal à payer à la société de droit italien Peg Perego SPA prise en la personne de son représentant légal la somme de 3.000 euros (trois mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; -Condamné la société de droit étranger Aig Europe SA prise en la personne de son représentant légal aux dépens de l'appel en garantie .

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions du 19 avril 2022 la société de droit étranger SA Aig Europe demande à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 19I85, des articles 331 et suivants du code de procédure civile et des articles 1386-1 et suivants (actuellement 1245 et suivants) du code civil, de :

Réformer le jugement rendu le 23 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Metz en ce qu'il a:

débouté la Société de droit étranger Aig Europe SA prise en la personne de son représentant légal de sa demande en condamnation de la Société de droit italien Peg Perego SPA prise en la personne de son représentant légal à la relever et garantir de la somme totale de 200 000 euros réglés par elle à M. [H] [T] et à Mme [O] [I] en réparation de leurs préjudices résultant des séquelles d'[R] [T], ainsi que des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit des organismes sociaux, en principal, frais accessoires sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux,

rejeté la demande de la Société de droit étranger Aig Europe SA prise en la personne de son représentant légal formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la Société de droit étranger Aig Europe SA prise en la personne de son représentant légal à payer à la Société de droit italien Peg Perego SPA prise en la personne de son représentant légal la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la Société de droit étranger Aig Europe SA prise en la personne de son représentant légal aux dépens de l'appel en garantie.

Et statuant à nouveau :

Dire que le couffin dans lequel se trouvait [R] [T] est un produit défectueux au sens de l'article 1386-4 (actuellement 1245-3) du code civil.

En conséquence,

Condamner la Société Peg Perego à relever et garantir la Compagnie Aig Europe SA de la somme totale 200 000 euros, qu'elle a réglée à M. [H] [T] et Mme [O] [I] en réparation de leurs préjudices résultant des séquelles d'[R] [T], en exécution des protocoles d'accord régularisés, ainsi que des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit des organismes sociaux, en principal, frais et accessoires.

Subsidiairement, condamner la Société Peg Perego à relever et garantir la Compagnie Aig Europe SA à hauteur de 90 % de la somme totale 200 000 euros, qu'elle a réglée à M. [H] [T] et Mme [O] [I] en réparation de leurs préjudices résultant des séquelles d'[R] [T], en exécution des protocoles d'accord régularisés, ainsi que des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit des organismes sociaux, en principal, frais et accessoires, au titre de la perte de chance.

Condamner la Société Peg Perego à payer à la Compagnie Aig Europe SA la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la Société Peg Perego aux entiers dépens tant de première instance que d'appel. »

Au soutien de son appel, la SA Aig Europe rappelle qu'aux termes de l'ancien article 1386-4 du code civil, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, de sorte qu'un produit ne doit pas présenter un danger anormal au regard des attentes légitimes d'un bon père de famille, étant rappelé que le défaut de sécurité peut résulter aussi bien d'un défaut de fabrication ou de conception que d'un défaut d'information.

En l'espèce, elle soutient que le landau modèle Giovane Cara Black fabriqué par la société Peg Perego, et plus précisément son couffin et le kit auto adjoint, présentaient deux défauts manifestes, à savoir l'insuffisance d'attache du couffin au véhicule, et l'insuffisance et la défaillance du système de retenue de l'enfant dans la nacelle, le défaut de sécurité résultant de la possibilité pour l'enfant en cas de choc plus ou moins violent, de glisser le long de la ceinture ventrale qui fait office de retenue et d'être éjecté de la nacelle.

Elle expose ainsi sur l'insuffisance d'attache du couffin au véhicule, que les opérations d'expertise ont fait apparaître que, même lorsque le montage de la nacelle dans le véhicule était réalisé par un ingénieur de Peg Perego, ceci ne permettait pas d'immobiliser complètement le couffin sur le siège arrière, et n'empêchait pas qu'il pivote et permette que l'enfant soit éjecté, ainsi que cela a été le cas pour [R]. L'appelante souligne le fait que selon l'expert un troisième point de fixation de la nacelle aurait empêché qu'elle puisse pivoter, et que la société Peg Perego ne peut se retrancher derrière le fait que la réglementation en vigueur ne prévoyait à cette époque que deux points de suspension.

Elle fait valoir que selon l'expert, si le couffin n'avait pas pivoté vers l'avant, l'enfant n'aurait pas glissé le long de la sangle abdominale, de sorte qu'il importe peu que l'expert ait relevé l'absence de trace de choc sur la structure du couffin, et considère que la simple possibilité que le couffin puisse pivoter et l'enfant glisser, démontre qu'il n'offrait pas la sécurité à laquelle les parents pouvaient s'attendre.

Quant au système de retenue de l'enfant à l'intérieur du couffin, la société Aig Europe fait valoir que l'expert lui-même a admis que ce système n'était pas adapté en cas de rotation du couffin, rotation qui ne peut pas être exclue.

Elle estime que le tribunal ne pouvait conclure à l'absence de défaut de conception sur le simple constat de l'absence d'anomalie du système d'attache, et que de même le fait que le couffin soit homologué ne suffit pas pour juger que celui-ci n'est pas défectueux, d'autant que l'expert n'a procédé qu'au constat visuel de la présence d'une étiquette. Elle relève encore l'absence de tout système palliatif tel qu'un filet anti-éjection, et souligne que le nouveau modèle commercialisé par Peg Perego comporte à présent un harnais qui empêche que l'enfant soit éjecté en cas de choc.

La société Aig Europe soutient de même que les défauts de conception sont bien à l'origine du préjudice subi par l'enfant, puisqu'il est admis par l'expert que la présence d'un 3ème point de rotation aurait permis d'éviter la rotation du couffin et à fortiori le glissement de l'enfant le long de la sangle abdominale et sa chute. Elle fait valoir que l'hypothèse d'une insuffisance de bridage du couffin au véhicule n'est pas démontrée et qu'en tout état de cause, il est apparu que le couffin pivotait même lorsque le montage avait été fait par l'ingénieur de Peg Perego. Elle ajoute qu'il résulte du rapport d'expertise que les lésions subies par [R] proviennent des tensions très fortes subies par son cou, lesquelles ont été provoquées par le système d'attache qui a abouti à ce que l'enfant soit littéralement pliée autour de la sangle. Or un dispositif de sécurité doit être conçu pour réduire les risques en cas de collision, en limitant les déplacements du corps et notamment de la tête, et doit permettre de n'occasionner que des blessures mineures, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

Enfin elle considère que la violence du choc, alléguée par Peg Perego, constitue un aveu par cette dernière de l'absence de sécurité de la nacelle, laquelle n'a pas rempli son office alors que M. [T] roulait à une vitesse inférieure à celle requise par la norme ECE R 44 dans le cadre d'un crash-test.

Subsidiairement, la société Aig Europe se prévaut d'un défaut de sécurité du couffin résultant d'une insuffisance d'information en ce qui concerne l'installation de la nacelle, son utilisation et les risques présentés, en faisant valoir que la notice du kit auto se contente d'indiquer qu'il faut unir les deux parties de la sangle ventrale et régler la longueur de celle-ci de manière à tenir le bébé « sans trop serrer », ce qui est totalement insuffisant pour permettre aux parents de savoir comment serrer cette sangle, à telle enseigne que la dernière notice du kit auto éditée en 2012 pour une ceinture trois points, précise qu'il faut laisser un minimum de jeu, soit « l'épaisseur d'un doigt entre la ceinture et le buste de l'enfant ».

Elle ajoute que la notice litigieuse ne contient aucun avertissement sur les risques liés à un mauvais serrage de la sangle, et conclut que ce défaut d'information manifeste équivaut à un défaut de sécurité au sens de l'article 1386-4 actuellement 1245- 3 du code civil, et est à l'origine des dommages subis par [R] [T].

Enfin quant à l'incidence de la vitesse des véhicules au moment du choc, la société Aig Europe maintient que le choc n'a pas été d'une particulière violence au regard des vitesses autorisées hors agglomération pouvant atteindre 130 km/h, de sorte que se retrancher derrière la vitesse reviendrait à rendre totalement inutile tout système de retenue des enfants hors agglomération.

Sur l'argumentation développée par la société Peg Perego à titre subsidiaire, tenant à la faute exclusive du conducteur du véhicule Audi, la société Aig Europe soutient que la jurisprudence produite par Peg Perego concerne l'action récursoire d'un coobligé fautif contre le conducteur impliqué dans l'accident, alors qu'en l'espèce on se trouve dans la situation inverse.

La société Aig Europe demande donc à être entièrement garantie par la société Peg Perego, et subsidiairement sollicite la condamnation de cette société à hauteur de 90 % des sommes réclamées sur le fondement de la perte de chance, dès lors que si le couffin avait joué son rôle, [R] [T] aurait peut-être été blessée, mais dans des proportions bien moindres.

Par ses dernières conclusions du 07 juillet 2022, la société de droit étranger Peg Perego S.P.A., conclut à voir, au visa du rapport d'expertise de M. [D] et des articles 1386-1 et suivants du code civil :

« Juger que la société Aig Europe SA ne rapporte pas la preuve d'une défectuosité du couffin en lien causal avec le dommage

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Débouter la société Aig Europe SA de toutes ses demandes

A titre reconventionnel

Condamner la société Aig Europe SA au paiement de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des honoraires exposés en cause d'appel,

Condamner la société Aig aux entiers dépens. »

La société Peg Perego rappelle que, dès lors qu'elle est mise en cause pour un défaut de sécurité de son couffin, seul le régime de responsabilité du fait des produits défectueux est susceptible de s'appliquer, lequel met à la charge du demandeur, en l'occurrence la société Aig Europe, la preuve du défaut allégué, qui doit s'apprécier in abstracto selon les termes de l'ancien article 1386-4 du code civil, et du lien de causalité entre le dommage et ce défaut, étant rappelé que la simple implication du produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir son défaut non plus que le lien de causalité entre celui-ci et le dommage.

En l'espèce elle fait valoir que la preuve d'un défaut de conception ou de fabrication du couffin litigieux n'est pas rapportée, et se réfère en premier chef aux conclusions de l'expert, lequel a relevé que le couffin et ses divers éléments, notamment la sangle abdominale et les éléments de fixation, ne présentaient aucune trace de choc et aucune anomalie, de sorte que selon l'expert « si l'enfant a été éjecté ce n'est certainement pas en raison d'un quelconque défaut de conception du couffin ».

Quant à la note du cabinet Equad, mandaté par la société Aig Europe après les opérations d'expertise, la société Peg Perego observe que celle-ci se borne à formuler des hypothèses, et est donc largement insuffisante pour apporter des éléments de preuve.

S'agissant plus spécifiquement du système d'attache du couffin au véhicule, la société Peg Perego rappelle que selon l'expert la rotation du couffin résulte d'une insuffisance de bridage mais surtout de l'extrême violence de la collision, étant rappelé que le couffin avait satisfait aux tests d'homologation et notamment aux crash-tests, et que Aig Europe ne fait nullement la preuve de ce qu'un système d'attache à trois points, issu au demeurant d'une nouvelle réglementation postérieure à l'accident, aurait pu empêcher le pivotement du couffin compte tenu de la violence du choc.

Quant à la sangle abdominale, la société Peg Perego rappelle que selon l'expert le réglage de celle-ci était adapté à l'enfant, et que face à la violence du choc aucun serrage de la sangle abdominale offrant encore du confort à l'enfant n'aurait été à même de retenir celui-ci dans son mouvement le long de cette dernière.

Enfin la société Peg Perego relève que la société Aig Europe minimise de toute évidence l'extrême violence du choc, relevée par l'expert, et observe encore que les lésions présentées par [R] [T] ne sont pas imputables à l'éjection de l'enfant et à un choc dans l'habitacle, mais aux très fortes tensions subies par le cou de celle-ci au moment de la collision.

S'agissant du grief relatif à un défaut de sécurité découlant de la présentation du produit, la société Peg Perego observe que, dès lors qu'il est établi par l'expertise diligentée que l'enfant était correctement attachée et que la rotation du couffin résulte essentiellement de l'extrême violence de la collision, l'argumentaire sur un prétendu défaut d'information devient sans objet, sauf à faire la preuve que le couffin et/ou l'enfant étaient mal attachés, preuve qui n'est pas rapportée.

Au surplus la société Peg Perego, reproduisant les indications figurant sur la notice d'utilisation, soutient que celle-ci informe parfaitement les parents utilisateurs et les avertit des risques encourus en cas de mauvaise installation ou mauvaise utilisation du couffin, de sorte qu'aucun reproche ne peut lui être fait sur ce point.

Enfin elle considère que la société Aig Europe ne fait pas davantage la preuve du lien de causalité existant entre le prétendu défaut de sécurité dont elle se prévaut, et les dommages subis par l'enfant, et rappelle au contraire que l'expert a uniquement émis l'hypothèse que compte tenu de la violence du choc le couffin « a pu pivoter », ce qui met essentiellement en avant le rôle joué par la particulière violence de la collision mais ne prouve nullement que si le couffin avait été mieux bridé il n'aurait pas pivoté dans de pareilles circonstances. Elle rappelle encore que les dommages subis par l'enfant ne sont pas dus à un choc de celle-ci dans l'habitacle, mais à un mouvement violent de la tête en rapport avec la violence du choc sur l'avant du véhicule.

A titre subsidiaire la société Peg Perego se prévaut de la faute du conducteur du véhicule assuré par la société Aig Europe, en rappelant qu'en matière de recours en contribution, le partage de responsabilité s'effectue en proportion des fautes respectives ou à part égale en l'absence de faute, qu'un tel principe s'applique à toute action récursoire contre un coobligé fautif, et que le recours de tout conducteur impliqué dans l'accident s'exerce sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil et suppose la démonstration d'une faute en lien de causalité direct et certain avec le dommage.

En l'occurrence, elle fait valoir que l'accident suppose nécessairement un défaut de maîtrise des conducteurs qui n'auraient jamais dû se retrouver frontalement sur la même voie de circulation, et soutient qu'il est établi par le rapport d'expertise, que l'origine de l'accident se trouve entièrement dans la faute commise par le conducteur du véhicule Audi Q7 assuré par Aig Europe, lequel selon l'expert est venu couper la trajectoire du véhicule Renault Scénic.

Elle en conclut que seule la société Aig Europe doit supporter les conséquences dommageables de cet accident, aucun recours en contribution ne pouvant prospérer contre la société Peg Perego en l'absence de toute preuve d'une faute de sa part.

Au surplus elle considère que ce recours subrogatoire à le supposer fondé, ne pourrait porter que sur les préjudices par ricochet subi par les parents d'[R] en suite du dommage corporel subi par celle-ci, et non sur les sommes versées à M. [T] et Mme [I] en leur qualité de victimes directes de l'accident.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est référé aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de parties.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 avril 2023.

Par note en délibéré du 28 mars 2024 la cour, relevant l'argumentation émise à titre subsidiaire par la société Peg Perego, a observé que, quoi qu'il en soit d'une subrogation dans les droits de la victime ou du responsable, cette circonstance ne permet pas à l'assureur d'un co-responsable de se retourner contre un éventuel autre co-responsable pour le tout, et ne le décharge pas de la part contributive pesant sur son assuré.

De même et selon la jurisprudence, si un co-responsable non fautif peut recourir pour le tout contre un co-responsable fautif, en revanche un co-auteur engageant sa responsabilité pour faute n'a pas de recours contre un éventuel co-auteur, non fautif.

La cour a dès lors invité les parties à se prononcer sur les conséquences de ces observations sur le recours intenté par la société Aig Europe, et à préciser si la responsabilité du conducteur du véhicule Audi Q7 assuré par la société Aig Europe, a fait l'objet d'une décision juridictionnelle.

Par note en réponse du 22 avril 2024, la SA Aig Europe indique que la question de la responsabilité du conducteur de l'Audi Q7 n'a fait l'objet d'aucune décision juridictionnelle.

Elle fait en outre valoir qu'elle est intervenue sur la base des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 dont l'application est subordonnée à la seule implication d'un véhicule, et qui institue donc une responsabilité de plein droit, à l'instar des dispositions sur la responsabilité du fait des produits défectueux.

Elle fait valoir, s'agissant de la responsabilité du fait des produits défectueux, que le fait du tiers n'est pas une cause d'exonération du producteur qui reste donc pleinement responsable même si le dommage causé à la victime est dû en partie au fait d'un tiers.

Elle en conclut que, dès lors qu'elle est subrogée dans les droits de M. [T] et Mme [I], elle dispose d'un recours contre la société Peg Perego.

En tout état de cause elle considère que si la cour devait retenir une faute à l'encontre du conducteur du véhicule Audi Q7, elle devrait également retenir celle de la société Peg Pereog, qui a vendu un produit défectueux et a manqué à son obligation d'information et de mise en garde.

Par note en réponse du 22 avril 2024 la société Peg Perego fait valoir qu'en application de l'article L. 121-12 du code des assurances, le recours subrogatoire de l'assureur ne peut être exercé que contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage, ce qui suppose la démonstration préalable d'une dette de responsabilité et donc la preuve de la faute de celui contre lequel le recours est exercé, et de son lien de causalité avec le dommage indemnisé. Elle en conclut qu'en l'absence de défectuosité du couffin le recours subrogatoire est nécessairement mal fondé.

Elle rappelle ensuite que l'assureur du conducteur ne peut exercer un recours en contribution contre un conducteur n'ayant pas la qualité de conducteur ou de gardien du véhicule, que dans la limite de la part de responsabilité encourue par ce dernier à l'égard de la victime, et que l'assureur subrogé qui exerce les droits de la victime doit conserver à sa charge la part contributive de son assuré, le débiteur ayant exécuté l'entièreté de l'obligation à l'égard de la victime n'ayant de recours contre les codébiteurs que pour les parts et portions de chacun d'eux.

La société Peg Perego ajoute que, si l'accident litigieux n'a pas donné lieu à des poursuites pénales, l'expertise a cependant mis en évidence la faute du conducteur du véhicule Audi Q7 de sorte que la société Aig Europe est nécessairement mal fondée à exercer un recours subrogatoire au titre du dommage indemnisé, lequel est imputable à la faute de son assuré, alors que la société Peg Perego n'est pas coauteur de l'accident.

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION

Il est constant et non contesté que la société Aig Europe, qui a indemnisé M. [T] et Mme [I] au titre des divers préjudices subis par eux à la suite de l'accident litigieux, et notamment du préjudice par ricochet qu'ils subissent du fait des dommages graves subis par leur fille [R], exerce aujourd'hui une action de nature subrogatoire sur le fondement de l'article L.121-12 du code des assurances.

Aux termes de cet article, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

Il est admis en jurisprudence, que dans le cadre de la mise en 'uvre d'une assurance de responsabilité, l'assureur peut également être subrogé dans les droits de la victime à laquelle il a versé l'indemnité d'assurance.

Toutefois, lorsque l'assureur intervient en qualité d'assureur d'un des co-responsables, et même s'il entend se prévaloir d'une subrogation dans les droits de la victime, son action contre un ou plusieurs autres co-responsables, est limitée par la part contributive devant rester à la charge de son assuré, et la subrogation, légale ou conventionnelle, ne l'autorise pas à recourir pour le tout si la responsabilité de son assuré est engagée. (cf notamment Civ 2 24 octobre 2013 n° 12-21.861)

Par ailleurs, en matière d'accident de la circulation, et si vis à vis d'une victime non conducteur, la responsabilité du conducteur d'un véhicule impliqué est effectivement une responsabilité sans faute, il n'en demeure pas moins que dans les rapports entre co-responsables, les fautes respectives doivent être prises en considération, et de jurisprudence constante l'assureur du conducteur d'un véhicule impliqué voit son recours limité ou exclu à l'encontre des autres co-responsables, à raison de la faute commise par son assuré.

Enfin, toujours de jurisprudence constante, un coauteur fautif est sans recours contre un coobligé tenu uniquement sur le fondement d'une responsabilité sans faute. (cf. Civ 2, 02 mars 2017 n° 16-13.817 ; Civ.2, 22 novembre 2006 n° 05-16.719).

En l'occurrence, la société Aig Europe se prévaut à l'encontre de la société Peg Perego, de la responsabilité de celle-ci à raison du caractère défectueux de son produit, à savoir le couffin dans lequel se trouvait [R] [T]. Elle revendique ainsi à son bénéfice un régime de responsabilité sans faute, alors que la société Peg Perego a expressément mis aux débats l'existence d'une faute du conducteur assuré par la société Aig Europe.

Cette dernière ne répond pas sur ce point précis et invoque uniquement le fait que la jurisprudence invoquée par la société Peg Perego ne serait pas transposable au cas d'espèce. Tel n'est cependant pas le cas, pour les raisons précédemment exposées.

Au vu des conclusions du rapport d'expertise, la cour constate que la faute du conducteur de l'Audi Q7, assuré par la société Aig Europe, est sans conteste établie.

Ainsi l'expert indique dans son rapport que « compte tenu des dommages constatés sur les deux véhicules, des positions finales occupées, des masses en mouvement et des vitesses estimées de ces derniers, il apparaît clairement que :

le véhicule Renault Scénic immatriculé [Immatriculation 1], circulait sur sa voie et parallèlement à la bordure de l'espace vert planté

le véhicule Audi Q7 immatriculé WG 5316, est venu couper la trajectoire du véhicule Renault Scénic avec un angle compris entre 15 et 20 degrés ».

En outre, l'expert a très précisément répondu aux objections présentées par le conseil de la société Aig Europe dans son dire, et a réfuté l'ensemble des hypothèses ou affirmations présentées par celui-ci. Il a ainsi en tenant compte des divers paramètres et sur la base de calculs, réfuté l'affirmation selon laquelle la chaussée n'aurait pas permis au véhicule Audi Q7 d'accéder à la valeur d'accélération transversale découlant du scénario retenu par l'expert.

Il a également observé, en réponse à l'argument selon lequel la man'uvre de l'Audi ne répondait à aucun comportement explicable, que cette man'uvre ne pouvait trouver d'explication logique que dans le fait que le conducteur de la massive et puissante Audi avait perdu le contrôle de son véhicule, ce qui résultait également des déclarations de M. [T] selon lesquelles il avait vu ce véhicule zigzaguer, étant en outre rappelé par la cour qu'il ne s'agissait pas d'un véhicule conduit de façon habituelle par ce conducteur.

L'expert a encore réfuté la théorie selon laquelle la Renault Mégane se serait trouvée sur la gauche par rapport à son sens de circulation ce qui aurait amené chacun des deux véhicules à tenter une man'uvre d'évitement, en démontrant par des calculs et au vu des vitesses après collision, que la configuration telle qu'envisagée par le dire n'était pas réaliste.

La faute unique du conducteur du véhicule Audi Q7 est ainsi démontrée, et en tout état de cause cette faute, alléguée par la société Peg Perego, ne fait pas l'objet de contestations argumentées de la part de la société Aig Europe dans le cadre de la présente instance.

Dès lors et en présence d'une faute caractérisée de son assurée, la société Aig Europe n'est pas fondée à exercer contre un tiers un recours sur le fondement de la responsabilité sans faute du fait des produits défectueux.

Par ailleurs, si l'article 1245-13 du code civil dispose, ainsi que le fait valoir la société Aig Europe, que la responsabilité du producteur envers la victime n'est pas réduite par le fait d'un tiers qui a concouru à la réalisation du dommage, une telle disposition ne vaut qu'au bénéfice de la victime mais ne prive pas les co-responsables du dommage de leur recours entre eux, et ne peut avoir pour conséquence, dans le cadre d'un tel recours, d'exclure l'incidence prépondérante de la faute d'un des co-auteurs.

Dans sa note en réponse, la société Aig Europe déclare se prévaloir également des fautes commises par la société Peg Perego, consistant à avoir vendu un produit défectueux et à avoir manqué à son obligation d'information et de mise ne garde, en fournissant une notice d'utilisation de la nacelle imprécise et sans mettre en garde les utilisateurs sur l'importance d'un bon serrage de la sangle.

Cependant, de jurisprudence constante, le régime de responsabilité du fait des produits défectueux exclut l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle de droit commun fondés sur le défaut d'un produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, à l'exception de la responsabilité pour faute et de la garantie des vices cachés.

S'il est donc loisible à une victime d'invoquer, non pas la responsabilité du producteur du fait du caractère défectueux d'un produit, mais la responsabilité pour faute de ce même producteur, c'est à la condition de pouvoir faire la preuve de l'existence d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit.

Tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que la société Aig Europe se borne à qualifier de fautifs les comportements qu'elle retenait déjà à l'encontre de la société Peg Perego pour caractériser sa responsabilité du fait d'un produit défectueux, et ne fait état d'aucune autre faute distincte, une telle faute ne pouvant d'évidence pas être constituée par le simple fait d'avoir vendu un « produit défectueux ».

D'autre part, pour se prévaloir d'un manquement à une obligation d'information et de mise en garde, la société Aig Europe invoque l'insuffisance des mentions figurant sur la notice d'utilisation du produit, ce qui renvoie à un défaut extrinsèque du produit et à son caractère défectueux, imposant ainsi l'application de la seule réglementation relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.

A supposer même qu'il soit possible d'envisager le manque d'information comme une faute distincte des griefs relatifs au défaut de sécurité du produit, il reviendrait à la société Aig Europe d'apporter la preuve d'une telle faute et de son lien de causalité avec le dommage.

La société Aig Europe reproche à la notice d'utilisation du couffin, son caractère particulièrement lacunaire concernant les modalités de serrage de l'enfant et se fonde sur les constatations de l'expert, selon lequel « la notice du kit auto ne définit aucune règle ou procédure permettant à l'utilisateur de quantifier de manière observable la qualité du serrage de la sangle abdominale tout en préservant naturellement le confort de l'enfant ».

La notice litigieuse mentionne sur ce point, après avoir donné les instructions de montage : « Sangle ventrale : 13 : Placez le bébé dans la nacelle et enfilez les deux parties de la sangle ventrale dans les fentes du baudrier en mousse comme le montre la figure correspondante. 14 : Unissez les deux parties de la sangle ventrale et réglez la longueur de manière à bien tenir le bébé sans trop serrer ». Et sous la rubrique « SECURITE » : « assurez-vous toujours que les sangles fixe-auto qui relient la nacelle aux ceintures de sécurité de la voiture sont toujours bien tendues et que la sangle ventrale retient correctement l'enfant ».

La société Aig se prévaut du fait que la notice relative au nouveau modèle de couffin ultérieurement commercialisé par la société Peg Perego, mentionnerait que « les ceintures doivent être tendues le plus possible pour assurer la sécurité de l'enfant en cas d'accident. Laissez un minimum de jeu (l'épaisseur d'un doigt entre la ceinture et le buste de l'enfant) ».

Toutefois, le document (pièce n° 9 et non 10) relatif à ce nouveau modèle ne reprend pas les préconisations d'utilisation précitées, et au surplus ce nouveau modèle ne comporte pas de sangle ventrale mais une sangle à trois points d'un positionnement différent.

En tout état de cause, les indications précitées étaient suffisantes pour qu'un utilisateur normalement attentif comprennent que la sangle ventrale devait être suffisamment serrée pour retenir l'enfant, sans pour autant se révéler nocive en le serrant trop au niveau du ventre. Le défaut d'information et de mise en garde allégué n'apparaît donc pas caractérisé au vu des mentions précitées.

D'autre part et surtout les griefs de la société Aig Europe suggèrent que celle-ci considère que les dommages causés à [R] [T] ont été provoqués par le fait qu'elle a, au moment du choc, glissé sous la sangle ventrale mal serrée, pour se retrouver dans l'habitacle.

Or il résulte du rapport d'expertise, ce que la société Aig Europe souligne également, que les graves lésions ayant affecté [R] [T] ont leur siège au niveau des vertèbres cervicales C5 et C6 et sont dues au fait qu'au moment du choc celle-ci, avant de glisser sous la ceinture, s'est littéralement « enroulée » autour de celle-ci de sorte que l'enfant, retenue par le ventre pendant un très court instant, a été soumise à une traction très importante au niveau de la tête et des vertèbres cervicales, très fragiles, ce qui est d'ailleurs illustré par un dessin de l'expert.

Ainsi les blessures présentées par l'enfant sont dues à la traction très importante dont elle a été victime, et selon les documents médicaux consultés par l'expert, aucune autre blessure n'a été constatée telle qu'hématome ou fracture, en lien avec le fait qu'elle a également glissé à l'extérieur de la sangle.

Dès lors, il ne peut être soutenu qu'une éventuelle information imparfaite quant au serrage de la sangle ventrale, serait en lien de causalité avec les blessures observées.

Aucune faute ne peut donc être retenue à l'encontre de la société Peg Perego au titre de la violation d'une obligation d'information et de mise en garde, à la supposer distincte de la défectuosité alléguée du produit.

Il résulte donc des considérations qui précèdent, que le recours de la société Aig Europe à l'encontre de la société Peg Perego est mal fondé, aussi bien au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux que sur le fondement d'une faute, de sorte que ce recours doit être rejeté et que le jugement de première instance doit être confirmé.

Le sens de la présente décision conduit à confirmer également le jugement dont appel pour ce qui concerne ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

A hauteur d'appel la SA Aig Europe, qui succombe, supportera les dépens.

Il est également équitable d'allouer à la S.P.A. Peg Perego, en remboursement des frais irrépétibles exposés à l'occasion de la procédure en appel, une somme de 8.000 €.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne la SA Aig Europe, société de droit étranger immatriculée au Luxembourg, aux entiers dépens d'appel,

Condamne la SA Aig Europe à verser à la société de droit italien Peg Perego SPA la somme de 8.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.