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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 23 mai 2024, n° 21/01073

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

KDB Isolation (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grevin

Conseillers :

Mme Leroy-Richard, Mme Dubaele

Avocats :

Me Gilbert-Carlier, Me Boudoux d'Hautefeuille, Me Crozier, Me Raffin-Patrimonio

T. com. Saint-Quentin, du 6 nov. 2020

6 novembre 2020

DECISION

Suivant facture n°456 du 25 novembre 2002, l'entreprise [L] [X], devenue depuis SARL [X] [L], a réalisé des travaux de charpente et de couverture par fourniture et pose d'ardoises ainsi que faîtage et chéneau en zinc, commandés par M. [K] pour sa maison située à [Localité 1] (02).

Les travaux de couverture comprenaient la fourniture et pose en sous-face de couverture d'un isolant mince « Air Flex », acquis auprès d'un grossiste local et fabriqué par la société KDB Isolation.

M. [K] a par la suite isolé la toiture par l'intérieur en posant de la laine de verre et des plaques de placo-plâtre.

M. [K] s'est plaint auprès de l'entrepreneur de taches d'humidité survenues à l'intérieur de son habitation du côté de la toiture côté nord qui se termine par un chéneau protégeant le mur.

Dans un courrier du 29 juillet 2012 adressé à M. [K], M. [X] a estimé qu'il s'agissait d'un phénomène de condensation, mettant en cause l'isolant Air Flex et précisant que ce problème survenait côté chêneau en période hivernale quand il gèle. Il s'est engagé à remédier à ce problème au-delà de la garantie décennale.

***

M. [K] a engagé contre M. [X] une action en référé expertise le 31 janvier 2014, suivie d'une désignation d'un expert judiciaire, par ordonnance du 13 mars 2014.

Durant le temps de l'expertise, M. [X] est intervenu amiablement en avril 2015 pour remédier aux problèmes de condensation en créant une ventilation haute et basse sur chaque pan en ouvrant l'isolant mince en faîtage et en remplaçant en partie basse du pan nord l'isolant mince en raccord par une membrane HPV étanche à l'air mais permettant à la vapeur d'eau de s'évacuer, plaquée contre la membrane Airflex et contre le chéneau.

Par ordonnance du 3 mars 2016, les opérations d'expertise ont été étendues à la société KDB Isolation, assignée le 5 février 2016.

Durant l'été 2016, les ouvertures en faitage sur les deux pans ont été bouchées par une membrane HPV et une liaison étanche à l'air a été posée entre l'isolant mince et cette membrane. Au niveau du chéneau, il a été procédé à la mise en place d'un scotch entre l'isolant mince et la membrane pour assurer l'étanchéité à l'air.

Dans son rapport du 28 septembre 2017, l'expert judiciaire M. [I] a conclu que :

La pose réalisée par M. [X] correspondait à ce que préconisait le fabricant en 2002, les principes de base n'ayant pas changé depuis.

La condensation provenait du raccord entre l'Airflex et le chéneau métallique posé sur le mur.

L'avis technique de l'époque qui n'a pas changé depuis, ne décrivait pas la pose de l'Airflex en cas de chéneau. M. [X] affirme sans en rapporter la preuve avoir suivi les préconisations orales du fabriquant pour réaliser le raccord.

La création en avril 2015 d'aérations dans l'Airflex 'en faîtage- couplée à la reprise du raccord avec le chéneau métallique a résolu le problème de condensation.

Les trous d'aération ainsi créés ont été comblés à l'été 2016 par une membrane respirante permettant de contenir la chaleur. Cette membrane a cependant un pouvoir thermique inférieur à celui de l'Airflex.

Afin de régler définitivement les problèmes de condensation au raccord entre l'Airflex et le chéneau en façade nord, il préconise la pose soit d'un chéneau isolé soit d'une isolation sous le chéneau qui éviterait la condensation en mettant en place l'écran HPV sous l'isolation du chéneau.

Il évalue les travaux de fourniture et pose d'un chéneau avec isolant et raccord entre l'écran Airflex et l'isolation du chéneau à 5500 euros.

La cour d'appel d'Amiens a, le 7 mars 2019, définitivement débouté M. [K] de son action en indemnisation contre M. [X] en considérant d'une part que ce dernier n'avait pas commis de faute contractuelle au sens de l'article 1147 du code civil dans la pose de l'isolant, d'autre part que sa garantie décennale prévue par l'article 1792 du code civil ne pouvait pas être engagée dans la mesure où les désordres constatés ne compromettaient pas la solidité de l'ouvrage ni le rendaient impropre à sa destination.

***

Le 31 juillet 2019, M. [K] a fait assigner la société KDB Isolation en réparation de ses préjudices matériels, à savoir 6705,01 euros au titre des travaux de reprise de l'isolation en sous-face de couverture et 8000 euros au titre du trouble de jouissance et autres, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil et en tant que de besoin 1382 du code civil, faisant valoir en substance que l'isolant n'avait jamais rempli sa destination puisqu'il provoquait de la condensation en période de grand froid sur le pan nord du mur et que les travaux réalisés par M. [X] pour remédier au phénomène de condensation en suivant les indications orales des techniciens de la société KDB isolation ont affaibli le pouvoir isolant du complexe Airflex/lame d'air.

Par jugement rendu le 6 novembre 2020, le tribunal de commerce de St-Quentin a débouté M. [W] [K] de toutes ses demandes et l'a condamné à verser à la société KDB Isolation 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont frais de greffe liquidés à la somme de 63,67 euros.

Le 23 février 2021, M. [K] a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il l'a débouté de ses demandes principales en paiement de ces deux sommes ainsi que de ses demandes accessoires sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamné au paiement aux dépens et frais irrépétibles.

***

Par conclusions d'appelant numéro 4 notifiées le 25 mai 2022, M. [K] poursuit l'infirmation du jugement entrepris en demandant à la cour, au visa des articles 1792 et suivants du code civil et 1382 du code civil, devenu 1240 du code civil, de :

Condamner la société KDB Isolation à lui verser 6705,01 euros TTC au titre des travaux de réfection de l'isolation sous couverture, suivant devis de l'entreprise Boucly et Fils, prévoyant sur une surface de 50,55 m², de changer l'isolant existant contre un nouvel isolant mince Ati isolation (R3 HPV) comprenant la dépose et la repose de la toiture en ardoises ;

La condamner à lui payer 8000 euros de dommages et intérêts pour trouble de jouissance et autres préjudices subis,

Dit que les sommes allouées porteront intérêts à compter de l'exploit introductif d'instance valant mise en demeure,

Condamner la même à lui verser 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens comprenant les frais d'expertise qu'il a avancés.

A l'appui de son appel, il invoque la garantie décennale fondée sur l'article 1792-4 du code civil et la responsabilité délictuelle du fait de l'homme fondée sur l'article 1382 devenu 1240 du code civil, en faisant essentiellement valoir que :

L'isolation normale de la toiture de sa maison côté nord n'est pas assurée depuis de très nombreuses années la rendant inhabitable puisque cela génère une humidité constante et du froid ;

Les dommages dus à la condensation sont apparus sur le rampant nord dès l'hiver suivant les travaux de couverture alors que lui-même n'a procédé aux travaux d'isolation intérieurs avec de la laine de verre et des plaques de placo-plâtre que durant l'hiver 2007-2008 ;

Aucune faute n'est imputable à l'entrepreneur selon les décisions rendues par la cour d'appel dans son arrêt du 7 mars 2019 et il ressort du constat d'huissier dressé le 16 décembre 2020 que lui-même a bien respecté la lame d'air, préconisée par le fabricant, en posant la laine de verre et le placo-plâtre;

Le problème de condensation n'a pas été réglé par les travaux de ventilation conduits conformément aux conseils du fabricant durant l'expertise puisque l'expert n'en prévoit la résolution qu'en isolant la sous-face du chéneau ;

Son recours contre le fabricant n'est pas prescrit, la prescription de l'action en réparation ayant été interrompue à plusieurs reprises : par la reconnaissance de l'entrepreneur de sa responsabilité, par l'action en référé- expertise contre l'entrepreneur et par la mise en cause du fabricant l'interruption par la première étant nécessairement opposable au fabricant appelé ultérieurement aux opérations d'expertise ; de plus ce n'est qu'à compter du 5 février 2016 qu'il a eu connaissance de l'identité du fabricant de l'isolant ;

La responsabilité décennale solidaire de la société KDB Isolation est engagée de plein droit sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil en tant que fabricant de l'isolant Airflex rendant l'immeuble impropre à sa destination compte tenu de la formation de condensation sous la couverture ; il importe peu que l'isolant soit fabriqué en série à partir du moment où il est utilisé pour satisfaire à des exigences précises, en l'espèce l'isolation thermique et phonique des toits par l'intérieur, et où il constitue un assemblage complexe mis en oeuvre sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant ce qui lui donne la qualification d'EPERS (Ass.Plén. 26 janvier 2007-n°06-12165);

Son action ne saurait être fondée sur la garantie des vices cachés ; il entend en revanche se prévaloir de la responsabilité délictuelle de la société sur le fondement de l'article 1382 devenu 1470 du code civil en ce que les préconisations du fabricant sont responsables du préjudice qu'il subit, puisque non seulement l'isolant Airflex ne présentait pas à l'origine les qualités d'isolation vantées par le fabricant, malgré leur pose conforme, mais encore les travaux qu'il a conseillés pour remédier à l'insuffisance d'isolation ont encore plus affaibli le pouvoir isolant du produit en créant une entrée d'air extrêmement importante; au demeurant la société n'a jamais contesté durant l'expertise avoir fait ces recommandations.

Par conclusions d'intimé numéro 4 notifiées le 13 juin 2022, la société KDB Isolation demande à la cour :

A titre principal, de :

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant, condamner M. [K] à lui verser 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Me d'Hautefeuille, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

En toute hypothèse, au visa des articles 1792-4-1 et 2224 du code civil et l'article 2270-1 ancien du code civil, L.110-4 du code de commerce, de :

Déclarer irrecevables tant l'action en responsabilité décennale que délictuelle de M. [K] et en tout cas le débouter de ses demandes la preuve de la matérialité des désordres n'étant pas rapportée ni leur lien de causalité avec l'isolant Air Flex,

A titre subsidiaire, de :

Fixer le montant des travaux de remise en état à la somme de 5500 euros.

Elle fait valoir en substance que :

Si les travaux de reprise réalisés par M. [X] durant le temps de l'expertise ont permis de résoudre le problème de condensation, tout en entraînant une diminution de l'isolation, en tout état de cause le recours de M. [K] engagé contre elle le 5 février 2016 est prescrit, quel que soit le fondement invoqué; qu'en supposant même que l'Airflex soit un EPERS, ce qu'elle conteste, l'action en responsabilité décennale devait être engagée dans les dix ans de la réception, soit jusqu'en novembre 2012 au plus tard; qu'en supposant même que sa responsabilité délictuelle puisse être engagée du fait d'un défaut de conseil ou d'information, ce qu'elle conteste, l'action s'est trouvée prescrite depuis le 19 juin 2013 conformément à l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, soit 5 ans après l'entrée en vigueur de cette loi, par application de l'article 2224 du code civil, M. [K] ayant connaissance des désordres dès l'hiver 2003/2004 comme il l'a indiqué à l'expert ;

Les délais de prescription n'ont pas été interrompus puisque le premier acte de poursuite à son endroit, soit l'assignation en extension des opérations d'expertise, est postérieure comme ayant été délivrée le 5 février 2016 ; que l'engagement pris par M. [X] le 29 juillet 2012 ne lui est pas opposable ; que l'assignation en référé n'a été délivrée qu'à M. [X] et n'interrompt pas les délais de prescription courant contre elle, en vertu de l'effet relatif de l'interruption de la prescription, les débiteurs étant différents ;

Le point de départ des délais de prescription n'a pu être retardé par une méconnaissance de son identité puisque la mention Airflex apparaît sur la facture que M. [K] produit et que la marque Airflex figure sur des parties de l'isolant qui sont facilement et directement accessibles comme le montre les photos en pages 8 et 11 du rapport de l'expert, et une recherche simple sur internet suffisant à connaître le fabricant ;

Elle fait valoir qu'en tout état de cause sa responsabilité délictuelle ne peut être engagée par M. [K] qui est sous-acquéreur du produit dont il critique les propriétés isolantes et que selon une jurisprudence constante de la cour de cassation (Civ.1ère, 29 mai 1984 ; Ass.Plén., 7 février 1986, Civ.3ème, 15 février 1989) seule sa responsabilité contractuelle peut être mobilisée par le maître de l'ouvrage qui se voit transmettre la garantie due par le fabriquant et qu'en présence d'un vice caché la responsabilité contractuelle de plein droit est exclue (Com, 19 mars 2013 ; Com. 20 mars 2019), en concluant que l'action en garantie des vices cachés s'est prescrite au plus tard avant 2006, soit deux ans à compter de la découverte du vice ;

Elle ajoute que sa responsabilité décennale n'est pas davantage mobilisable dans la mesure où l'Airflex n'est pas un EPERS dans la mesure où il s'agit de panneaux standards, fabriqués en série, sans commande particulière, susceptible d'intervenir de manière indifférenciée dans la construction de locaux différents, et que les deux critères retenus par l'assemblée plénière dans son arrêt du 26 janvier 2007 opposé par M.[K] (panneaux isolants fabriqués sur mesure afin de répondre à des exigences sanitaires et thermiques spécifiques, conçus et produits pour le bâtiment en cause) ne sont pas remplis ;

La société estime que sa responsabilité délictuelle n'est pas engagée dans la mesure où les trois éléments (faute, dommage et lien de causalité) ne sont pas réunis :

Aucune infiltration n'a été alléguée ni constatée, ni initialement de défaut d'isolation et les problèmes de condensation n'ont jamais été constatés par elle-même puisqu'ils ont été résolus en avril 2015 avant même qu'elle intervienne aux opérations d'expertise; l'expert a pu seulement constater la présence d'auréoles indiquant de l'humidité sans cependant mettre en évidence le phénomène de condensation; les quelques photographies produites ne sont pas probantes ;

Sa faute n'est pas démontrée dans la mesure où le produit Airflex n'est pas défaillant, où la notice du fabricant ne prévoit pas la pose de l'Airflex dans le cas d'un chéneau métallique posé sur le mur et qu'aucune preuve de préconisations par téléphone des indications sur les travaux de raccord entre l'Airflex et le chéneau métallique ;

Au contraire les manquements du maître de l'ouvrage et de l'entrepreneur résultent des éléments recueillis durant l'expertise : d'une part les phénomènes de condensation sont apparus après l'isolation par l'intérieur par M. [K] dont l'expert note en page 8 que la lame d'air entre l'isolant mince et l'isolant en laine de verre n'est pas ventilée et le procès-verbal de constat, qui a été dressé trois ans après le dépôt du rapport d'expertise ce qui a permis la modification de l'état des lieux et n'est pas contradictoire, ne saurait en rapporter la preuve contraire; d'autre part la cause de la condensation provient selon l'expert du raccord entre l'Airflex et le chéneau métallique posé sur le mur, or cette configuration n'est pas prévue dans l'avis technique du fabricant si bien que l'isolant Airflex n'aurait pas dû être posé sur le pan nord, aucune preuve de ses conseils téléphoniques sur la pose dans cette configuration n'étant rapportée;

Elle n'est pas intervenue pour donner par téléphone sur la solution pour remédier au problème de condensation; l'expert a dévoyé sa mission puisqu'il s'est saisi de la question de la réparation des dommages par M. [X] qui a fait des travaux sous son égide et en dehors de la présence de la société KBD aux opérations d'expertise;

Le devis de 6705,01 euros de la société Boucly n'est pas conforme à la solution préconisée par l'expert qui concluait à un chiffrage de 5500 euros et M. [K] ne justifie pas de son préjudice de jouissance et les travaux restants à mettre en oeuvre selon l'expert sont relativement modestes.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 septembre 2023.

SUR CE,

Pour débouter M. [K] de toutes ses demandes, le condamner aux dépens liquidés à 63,67 euros et à verser une somme à la société KDB sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal de commerce a considéré que :

le recours de M. [K] sur le fondement de la responsabilité décennale est prescrit, l'action ayant été engagée le 5 février 2016 alors qu'il aurait dû agir dans les dix ans suivant le mois de novembre 2002, date des travaux, soit en novembre 2012 au plus tard;

il est également prescrit sur le fondement délictuel puisqu'il aurait dû agir dans les dix ans suivant l'hiver 2003-2004, date d'apparition des désordres, soit en 2014 ; voire dans les 5 ans de l'entrée en vigueur de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, soit le 19 juin 2013 au plus tard ;

la responsabilité délictuelle du fabricant du fait du défaut d'isolation de la toiture de la maison ne peut être mise en jeu dans la mesure où : M. [K] ne s'est jamais plaint que de problèmes de condensation et non d'importantes infiltrations ; les désordres sont très minimes comme en attestent les photos et l'expert qui n'a pas constaté le phénomène de condensation mais uniquement quelques auréoles ; l'expert a constaté en page 8 de son rapport que M. [K] a posé de la laine de verre directement sur l'Airflex en contradiction avec les préconisations de pose du fabricant selon lequel il convient de ne laisser une lame d'air entre les deux ; les problèmes proviennent uniquement du raccordement entre l'Airflex et le chéneau métallique, or il s'agit d'une configuration (toiture avec un chéneau) qui n'est pas prévu dans le guide de pose si bien que l'Airflex n'aurait pas dû être posé à cet endroit ; M. [X] n'a indiqué aucune performance énergétique à atteindre dans sa facture ; pour supprimer la condensation M. [X] a dû créer une ventilation (par le chéneau et faîtage) qui fait partie des règles de l'art ;

le devis de reprise de Boucly et Fils pour un montant de 6705,01 euros pour un remplacement total du pan de toiture avec un autre isolant, ne correspond pas aux préconisations de l'expert pour régler définitivement les problèmes de condensation à savoir la pose d'un chéneau isolé ou l'isolation du chéneau, travaux estimés par l'expert à 5500 euros ;

la maison était habitable en l'état de quelques auréoles qui apparaissent sur les photos non datées ni localisées.

Sur l'action directe du maître de l'ouvrage contre le fabricant sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil :

Il résulte de cet article que le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou élément d'équipement considéré.

S'il est constant qu'une action directe est ouverte sur ce fondement au profit du maître de l'ouvrage, encore faut-il que la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur sur le fondement des articles 1792, 1792-2 ou 1792-3 ait été reconnue.

Or en l'espèce la cour d'appel d'Amiens par un arrêt du 7 mars 2019 a définitivement écarté la responsabilité décennale de M. [X] sur le fondement de l'article 1792 du code civil, la cour estimant qu'il n'était pas établi que les désordres soient d'une gravité telle qu'ils compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination.

La responsabilité solidaire du fabricant ne peut donc être engagée par M. [K] sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil.

Sur l'action directe du maître de l'ouvrage contre le fabricant sur le fondement de l'article 1382 devenu 1240 du code civil :

Cet article dispose que « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

M. [K] reproche à la SAS KDB Isolation d'avoir fabriqué et vendu un revêtement isolant qui n'a jamais été conforme à sa destination dans la mesure où :

- malgré sa pose conforme aux documents techniques de la société et aux préconisations de cette dernière, il engendrait et engendre toujours de la condensation sur le pan nord de son habitation ;

- du fait des ouvertures dans l'isolant pour créer une ventilation afin de remédier à la condensation conformément aux préconisations de la société, l'isolant a, au surplus, perdu une partie de ses propriétés isolantes.

Il sollicite sur le fondement uniquement délictuel des dommages et intérêts compensant le coût de travaux de reprise totale de l'isolation en sous-face de la couverture.

Cependant la faute reprochée par M. [K] au fabricant, à savoir la non-conformité de la chose fournie à sa destination même après les travaux de reprise, n'est pas détachable des obligations découlant du contrat de vente.

Or la responsabilité de droit commun des fabricants à l'égard du maître de l'ouvrage est de nature contractuelle et non délictuelle selon une jurisprudence constante de la cour de cassation qui depuis un arrêt de l'assemblée plénière du 7 février 1986 affirme que le maître de l'ouvrage jouit, comme le sous-acquéreur, de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur et dispose donc à cet effet contre le fabricant d'une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée. C'est par conséquent à juste titre que les premiers juges ont rejeté le recours indemnitaire de M. [K] et le jugement doit être confirmé de ce chef.

Le maître de l'ouvrage peut en effet actionner selon le cas la garantie contractuelle pour vice caché (1641 du code civil, bref délai) ou pour défaut de conformité (action contractuelle pour manquement à l'obligation de délivrance prévue par l'article 1604 du code civil (prescription trentenaire puis quinquennale).

M. [K] ne se fonde pas sur un défaut intrinsèque de l'isolant dont les qualités ne sont d'ailleurs pas mises en cause par l'expert en ce qui concerne la partie sud de la maison.

Il se plaint uniquement de la condensation provoquée par cet isolant côté nord, l'isolant étant de ce côté recouvert initialement par le chéneau sans aucune ventilation aux termes de l'expertise.

Il invoque à ce propos un manquement du fabricant à son obligation de délivrance conforme à sa notice technique complétée de ses préconisations pour le raccord au niveau du chéneau.

Une telle action contractuelle est en tout état de cause prescrite depuis le 19 juin 2013 par application de l'article 2224 du code civil selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ce délai de prescription trouvant à s'appliquer à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, soit le 19 juin 2008, conformément à la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 raccourcissant la prescription en cours qui était alors de 30 ans.

En effet M. [K] a indiqué à l'expert avoir constaté des désordres à type d'auréoles dès l'hiver 2003-2004 et précisé que ces désordres sont réapparus chaque hiver en période de grand froid.

L'appelant oppose l'interruption du cours de la prescription par application de l'article 2231 et 2241 du code civil :

-par la reconnaissance par la SARL [X] [L] de sa responsabilité le 29 juillet 2012 ;

-par l'assignation en référé de l'entrepreneur le 31 janvier 2014 ayant donné lieu à l'ordonnance de référé du 13 mars 2014 désignant l'expert, qui a interrompu la prescription à l'égard de M. [X] mais également à l'égard de la SAS KDB Isolation par application de l'article 2241 du code civil, les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendant aux mêmes fins puisqu'elles avaient pour objectif de déterminer les éventuelles responsabilités, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première et que l'effet interruptif de l'une s'étend à l'autre.

-par l'extension au fabriquant aux opérations d'expertise par l'assignation en référé délivrée le 5 février 2016 ayant donné lieu à l'ordonnance du 3 mars 2016,

Cependant la reconnaissance unilatérale de sa responsabilité par l'entrepreneur le 29 juillet 2012 n'a pas interrompu le délai de prescription à l'égard du fabriquant qui est une personne morale différente.

Par ailleurs les autres actes invoqués sont postérieurs à l'acquisition de la prescription si bien qu'ils n'ont pu en interrompre le cours.

Si M. [K] fait valoir qu'en tout état de cause il ignorait jusqu'au 5 février 2016 l'identité du fabricant de l'isolant Airflex, cependant cette ignorance ne revêtait pas les caractéristiques de la force majeure telle que prévue par l'article 2234 du code civil permettant le report ou la suspension du délai de prescription dans la mesure où la marque déposée Airflex figurait bien sur la facture et sur l'isolant qui n'était pas recouvert par endroits et où il pouvait se renseigner auprès de l'entrepreneur ou du fournisseur.

C'est par conséquent à juste titre que les premiers juges ont rejeté le recours indemnitaire de M. [K].

Sur les dépens (y compris frais d'expertise) et d'article 700 du code de procédure civile :

M. [K] succombant en appel devra en supporter les dépens et frais hors dépens.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [K] à verser à la société KDB Isolation 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamne aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me d'Hautefeuille, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.