Livv
Décisions

CA Bourges, ch. com., 23 mai 2024, n° 23/00469

BOURGES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Pompage Express (SAS), Rapid Pompage (Sasu)

Défendeur :

Cevi-Chateauroux Cormier Sauvage (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tessier-Flohic

Conseillers :

M. Perinetti, Mme Ciabrini

Avocats :

Selarl Arenes Avocats Conseils, Seleurl Morer, Me Carré

T. com. Chateauroux, du 12 janv. 2022

12 janvier 2022

Exposé du litige

**************

EXPOSÉ

Ayant été contactée, en août 2018, par la SAS Pompage Express qui cherchait à acquérir un camion malaxeur de béton, la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage lui a proposé un camion d'occasion de marque Iveco immatriculé [Immatriculation 6], lui transmettant par courriel du 28 août 2018 le dernier rapport des mines et l'informant de la nécessité de remplacer l'ensemble des pneus et de prévoir un entretien complet, un nouveau passage et des révisions importantes (concernant notamment la boîte de vitesses et la synchro hors service).

Le 1er septembre 2018, M. [Z] [L], président de la société Pompage Express et directeur général de la SAS Rapid Pompage, dont le siège social était situé à la même adresse que celui de la première, a remis à la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage un chèque de la SAS Rapid Pompage.

Le 4 septembre 2018, la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage a transmis une facture pro forma de 18.000 € TTC établie au nom de la SAS Rapid Pompage portant sur l'achat du camion Iveco.

La société Pompage Express a fait parvenir à la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage 12 pneumatiques afin de changer ceux du camion malaxeur de béton, annoncés comme défectueux. Par courriel en date des 18 et 20 septembre 2018, la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage en a accusé réception et a confirmé à la SAS Pompage Express les travaux à prévoir.

Le 20 septembre 2018, un devis de travaux a été émis par la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage au nom de la société Pompage Express, pour la somme de 5.549,98 € TTC.

Par courriel du 3 octobre 2018, la SAS Pompage Express a informé la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage de son intention de ne pas conclure cette affaire avant de réclamer restitution du chèque par courriel du 9 octobre suivant.

Le 9 octobre 2018, la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage a émis une facture pro forma d'un montant de 1.474,92 € mentionnant la dépose et la repose des pneus ainsi qu'une visite de contrôle.

Le 28 octobre 2018, la SAS Pompage Express a adressé à la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage une facture d'un montant de 6.720 € TTC au titre de la fourniture et du transport des 12 pneumatiques.

La SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage a adressé à la SAS Pompage Express une mise en demeure de payer le montant de la facture du 9 octobre 2018 et de procéder à l'enlèvement du camion.

Elle a parallèlement procédé à l'encaissement du chèque remis par M. [L], le 26 avril 2019, pour un montant de 18.000 €.

Par courrier en date du 29 avril 2019, la société Pompage Express a reproché à la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage cet encaissement, indiquant que le chèque avait été signé en blanc et remis uniquement afin de réserver le camion, et a réclamé par ailleurs le paiement du prix des pneus.

Le 30 avril 2019, la SAS Rapid Pompage a déposé plainte à l'encontre de la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage pour abus de confiance. Cette plainte a été classée sans suite par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulouse.

'

Suivant acte d'huissier en date du 21 juillet 2020, la SAS Pompage Express et la SAS Rapid Pompage ont fait assigner la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage devant le Tribunal de commerce de Châteauroux aux fins de voir, en l'état de leurs dernières demandes,

débouter la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage de l'ensemble de ses demandes,

avant-dire droit, donner acte aux parties de ce qu'elles acceptaient le recours à une médiation et désigner tel médiateur qu'il plairait au tribunal pour y procéder dans le délai de trois mois renouvelable une fois,

au fond, constater la rupture des pourparlers entre la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage et la société Pompage Express le 9 octobre 2018,

constater qu'aucune relation contractuelle ou commerciale n'avait jamais existé entre la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage et la SAS Rapid Pompage concernant le camion immatriculé [Immatriculation 6],

en conséquence, ordonner la restitution des 12 pneumatiques à la société Pompage Express,

donner acte à la société Pompage Express de ce qu'elle acceptait de régler la somme de 1.474,92 € au titre de cette rupture pour les frais engagés pour évaluer le montant de la remise en état du camion,

condamner la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage à restituer la somme de 18.000 € indûment perçue, augmentée des intérêts à courir à compter du 29 avril 2019 à la société Rapid Pompage,

condamner la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage au paiement à la société Rapid Pompage de la somme de 2.000 € à titre de dommages-intérêts,

condamner la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage au paiement à la société Rapid Pompage de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage aux entiers dépens.

En réplique, la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage a demandé au Tribunal de :

juger que la vente était parfaite entre la société Rapid Pompage et la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage, s'agissant du camion malaxeur acheté par chèque le 1er septembre 2018 à hauteur de 18.000 €,

en conséquence, débouter les sociétés Rapid Pompage et Pompage Express de l'ensemble de leurs demandes, fins ou conclusions plus amples,

à titre reconventionnel, condamner la société Pompage Express au paiement de la somme de 1.474,92 € correspondant au montage des 12 pneumatiques sur le camion avec intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2018, et de la somme de 40 € correspondant aux frais de recouvrement et de retard,

condamner la société Rapid Pompage au paiement de la somme de 27.600 € au titre de l'immobilisation du véhicule à compter du 1er mai 2019 à hauteur de 40 € par jour jusqu'au 1er avril 2021, soit 23 mois,

condamner solidairement la société Pompage Express et la société Rapid Pompage au paiement d'une somme de 2.000 € à titre de dommages-intérêts compte tenu du préjudice certain du représentant légal de la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage qui avait dû multiplier les démarches, les courriers, répondre aux services de police en suite de la plainte déposée, qui avait effectué des travaux sans être payée, d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

'

Par jugement contradictoire du 12 janvier 2022, le Tribunal de commerce de Châteauroux a :

constaté que la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage ne souhaitait pas recourir à la médiation, et s'est déclaré en conséquence compétent pour statuer sur le litige opposant la SAS Pompage Express et SAS Rapid Pompage à la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage ;

déclaré parfaite la vente du camion malaxeur de béton de marque Iveco immatriculé 8061RY36 entre la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage et la SAS Pompage Express;

débouté la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage de sa demande au titre de l'immobilisation du véhicule ;

condamné la SAS Pompage Express à payer à la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage la somme de 1.474,92 €, au titre de la facture du 9 octobre 2018 ;

débouté la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage de sa demande de dommages-intérêts;

condamné la SAS Pompage Express et la SAS Rapid Pompage à payer à la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté les parties de leurs autres demandes ;

rappelé qu'en application de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance étaient de droit exécutoire à titre provisoire ;

condamné la SAS Pompage Express et la SAS Rapid Pompage aux entiers dépens, dont frais de greffe liquidés à la somme de 94,34 €.

Le Tribunal a notamment retenu que le parquet de Toulouse avait classé sans suite la plainte déposée pour abus de confiance, que les demanderesses ne contestaient pas qu'un chèque de 18.000€ avait été remis à la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage pour le camion Iveco vendu en l'état, que les pneumatiques avaient été transmis à la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage pour faire suite à l'échange de chèque et facture ainsi qu'au courriel évaluant les travaux à prévoir, que les demanderesses ne pouvaient donc valablement prétendre n'avoir été qu'au stade des pourparlers eu égard à la remise du chèque, à l'information concernant les travaux à effectuer et à l'examen du camion par l'acquéreur sur le site du vendeur, que l'expédition des pneumatiques à la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage démontrait que la société Pompage Express avait considéré la vente réalisée, qu'aucun délai de livraison n'avait été fixé entre les parties, que le code monétaire et financier permettait qu'un chèque soit tiré pour le compte d'un tiers, que la société Rapid Pompage avait effectué le règlement en présence et pour le compte de la société Pompage Express, que la vente devait ainsi être jugée parfaite et qu'une plus grande célérité de la part de la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage dans les travaux initiaux aurait permis d'éviter le litige et, partant, d'engendrer des frais au titre de l'immobilisation du véhicule.

'

Les SAS Pompage Express et Rapid Pompage ont interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 11 mai 2023.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 11 mars 2024, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elles développent, les SAS Pompage Express et Rapid Pompage demandent à la Cour de r ejeter toutes conclusions contraires comme étant injustes et mal fondées, et d'infirmer le Jugement rendu le 12 janvier 2022 par le Tribunal de Commerce de Châteauroux en ce qu'il a :

- Déclaré parfaite la vente du camion malaxeur béton de marque IVECO immatriculé 8061RY36 entre la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage et la SAS Pompage Express ;

- Condamné la SAS Pompage Express à payer à la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage la somme de 1.474,92€ au titre de la facture du 9 octobre 2018 ;

- Condamné la SAS Pompage Express et la SAS Rapid Pompage à payer à la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage la somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Débouté les parties de leurs autres demandes ;

- Condamné la SAS Pompage Express et la SAS Rapid Pompage aux entiers dépens, dont frais de greffe liquidés à la somme de 94,34€.

Puis, statuant à nouveau, à titre principal, elles demandent de :

- Constater la rupture des pourparlers entre la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage et la SAS Pompage Express ;

- Juger qu'aucune relation contractuelle ou commerciale n'a jamais existé entre la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage et la société Rapid Pompage ;

- Prescrire la restitution des douze pneumatiques à la société Pompage Express sous astreinte de 100€ par jour à compter de la signification de l'arrêt à venir ;

- Donner acte à la société Pompage Express de ce qu'elle accepte de régler la somme de 1.474,92€ au titre de cette rupture pour les frais engagés pour évaluer le montant de la remise en état du camion ;

- Condamner la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage à restituer la somme de 18.000€, indûment perçue, augmentée des intérêts à courir à compter du 29 avril 2019 à la société Rapid Pompage ;

- Condamner la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage à payer la somme de 2.000€ à la société Rapid Pompage à titre de dommages et intérêts ;

et à titre subsidiaire, les sociétés appelantes demandent de :

- Juger que la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage à la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage devra fournir un contrôle technique effectué lors de l'exécution du présent arrêt en respectant les dispositions légales ;

- Condamner la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage à remettre en bon état de marche le camion malaxeur béton de marque Iveco immatriculé 8061RY36 à ses frais ;

- Condamner la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage à payer les entiers frais liés à la livraison du camion malaxeur béton de marque Iveco immatriculé 8061RY36 au siège social de la société Pompage Express ;

En tout état de cause, il est demandé de :

- Rejeter en intégralité les demandes formées à titre incident par la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage ;

- Condamner la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage à payer la somme de 5.000€ à la société Rapid Pompage et Pompage Express au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 8 mars 2024, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, la SASU Cevi Centre véhicules industriels demande à la Cour de :

- Débouter purement et simplement les sociétés Rapid Pompage et Pompage Express des fins de leur appel,

- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Châteauroux du 12/01/2022 aux termes duquel la vente du camion malaxeur de béton de marque IVECO immatriculé [Immatriculation 6] a été déclarée parfaite entre la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage et la SAS Pompage Express, et la SAS Pompage Express a été condamnée à lui payer la somme de 1474, 92 € au titre de la facture du 9/10/2018,

- déclarer recevable et fondé l'appel incident qu'elle interjette

- Infirmer ledit jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'immobilisation du véhicule, et de sa demande de dommages intérêts

et statuant à nouveau, elle demande de :

- Condamner :

1) la SAS Rapid Pompage au paiement de la somme de 27600 € au titre de l'immobilisation du véhicule à compter du 1/05/2019 à hauteur de 40 € par jour jusqu'au 1/04/2021 soit 23 mois.

2) solidairement la SAS Pompage Express et la SAS Rapid Pompage au paiement de la somme de 2000 € à titre de dommages intérêts compte tenu du préjudice certain du représentant légal de la société CEVI qui a dû multiplier les démarches, les courriers, répondre aux services de police ensuite de la plainte déposée, qui a effectué des travaux sans être payée'

- Autoriser la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage à faire enlever le véhicule du site de [Localité 7] qui n'existe plus aux frais de la SAS Rapid Pompage sous peine de 100 € d'astreinte par jour et ce afin de l'entreposer dans une fourrière également aux frais de la SAS Rapid Pompage.

3) la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du CPC

4) ainsi qu'aux entiers dépens.

Les ordonnances de clôture ont été rendues les 16 janvier 2024 et 12 mars 2024.

Motivation

MOTIFS

Sur la demande principale en paiement présentée par la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels :

Les articles 1103 et 1104 du code civil posent pour principe que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L'article 1353 du même code impose à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et réciproquement, à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

L'article 1583 du même code dispose que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

L'article L110-3 du code de commerce énonce qu'à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.

Sur l'existence d'un contrat de vente

En l'espèce, la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels soutient avoir procédé à la vente à la SAS Pompage Express d'un camion malaxeur de béton d'occasion, de marque Iveco, immatriculé [Immatriculation 6]. Elle ajoute qu'à la suite de son courriel du 28 août 2018 par lequel elle informait la SAS Pompage Express de la nécessité de prévoir le changement de l'ensemble des pneumatiques, entre autres opérations d'entretien, son interlocutrice lui a fait parvenir un ensemble de pneumatiques à monter sur le véhicule, afin de réduire les frais prévus.

Elle verse aux débats, à l'appui de ses prétentions,

la copie d'un chèque tiré sur le compte de la SASU Rapid Pompage, établi pour une somme de 18.000 €, le 1er septembre 2018,

une facture pro forma en date du 4 septembre 2018, portant sur la vente dudit camion pour un montant de 18.000 € TTC, mentionnant les caractéristiques du véhicule litigieux et précisant que celui-ci était « vendu dans l'état où il se trouve sans garantie aucune de notre part »,

une facture pro forma en date du 9 octobre 2018, portant sur diverses prestations, notamment la dépose et la repose de l'ensemble des pneumatiques du même véhicule, pour un montant de 1.474,92 € TTC,

un devis en date du 20 septembre 2018, concernant de multiples travaux et réparations à effectuer sur le véhicule litigieux pour un montant total de 5.549,98 € TTC.

La SAS Pompage Express ne conteste nullement la remise de ce chèque, mais assure qu'elle n'avait pour but que de réserver le camion durant la poursuite des pourparlers entre les deux sociétés. Elle affirme avoir ultérieurement renoncé à mener cette acquisition à son terme en raison des délais de livraison excessifs du véhicule, et produit la copie d'un courriel adressé le 3 octobre 2018 par M. [L] à la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels par lequel il indiquait ne plus souhaiter faire affaire avec cette dernière, précisant « on a perdu trop de temps j'ai trouvé mieux et de suite » et qu'il convenait de trouver une solution pour indemniser le temps de travail passé par chacun au sujet de cette transaction ainsi que pour récupérer les pneus.

Il est ainsi démontré que la SAS Pompage Express a effectivement livré à la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels un ensemble de pneumatiques, destiné à être monté sur le camion litigieux.

Il peut d'ores et déjà être observé que la remise d'un chèque (dont la SAS Pompage Express affirme sans le démontrer qu'il était dépourvu de montant et d'ordre et qu'il n'était destiné qu'à réserver le véhicule) entre les mains de la venderesse après examen du véhicule, la livraison à celle-ci de 12 pneumatiques avec instruction de les monter sur le camion concerné et la réception non contestée de la facture pro forma du 4 septembre 2018 constituent autant d'éléments de nature à établir que la vente du camion malaxeur est bien intervenue le 1er septembre 2018, lors du déplacement des responsables de la SAS Pompage Express et de la SASU Rapid Pompage sur le site appartenant à la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels où était entreposé le camion.

La livraison et l'installation des pneus qui lui appartiennent sur le véhicule s'analyse comme des éléments de manifestation de volonté d'acquérir et de se comporter en propriétaire dudit camion.

Aucun document contractuel ne vient évoquer une simple réservation du véhicule avec faculté de retrait de ce qui n'aurait constitué que de simples pourparlers, non plus qu'une condition suspensive de livraison dans un délai déterminé.

Par surcroît, l'analyse du procès-verbal de dépôt de plainte du chef d'abus de confiance ou vol, effectué par M. [P] [V], neveu de M. [L] et président de la SASU Rapid Pompage qui avait pris part aux négociations, révèle que celui-ci avait pu, avec son oncle, « convenir avec eux d'un tarif d'achat de l'engin, en l'espèce 18.000 € », qu'il s'était déplacé en compagnie de M. [L] à [Localité 7] « afin de voir le matériel et entamer la vente » et qu'il avait « versé un chèque en blanc pour bloquer le véhicule qui devait être livré rapidement ». M. [V] a également déclaré que M. [L] et lui avaient finalement « décidé d'annuler cet achat » en raison de la lenteur des opérations et du manque de sérieux du concessionnaire.

Il ressort des termes employés par M. [V] que la vente en cause n'est pas présentée, durant son audition par les services de gendarmerie, comme une éventualité mais comme une certitude. Ce procès-verbal vient ainsi conforter les prétentions de la SAS Pompage Express quant à la réalité de la vente intervenue le 1er septembre 2018. Il sera au passage rappelé que cette plainte a ultérieurement fait l'objet d'un classement sans suite pour infraction insuffisamment constituée par le procureur de la République.

La remise d'un chèque en blanc à la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels puis complété par celle-ci, à supposer ces faits établis, ne vient nullement invalider le paiement litigieux, dès lors qu'il n'est pas interdit aux parties de prévoir les modalités d'un tel accord, dès lors que l'acquéreur a apposé une signature manuscrite comme le rappellent elles-mêmes les appelantes. Ces circonstances établissent la réalité d'une telle convention.

La SAS Pompage Express et la SASU Rapid Pompage soutiennent que la vente n'a pu intervenir faute d'accord entre les parties sur le prix du camion proposé, affirmant que celui-ci était impossible à définir faute de réalisation préalable d'un contrôle technique du véhicule.

Il doit tout d'abord être relevé que si ces deux sociétés affirment ne pas être des professionnelles de la mécanique et de la vente de véhicules, elles sont en revanche spécialisées en pompage de béton et, partant, ne peuvent prétendre ignorer les caractéristiques essentielles qu'elles ont pu elles-mêmes recherché dans les véhicules qu'elles se proposaient d'acquérir dans le cadre de leur activité professionnelle.

Il sera ensuite observé que les deux factures et le devis produits aux débats, ainsi que les échanges de correspondance entre les parties, indiquent que le camion litigieux a été vendu en l'état dans lequel il se trouvait, le 1er septembre 2018, et que les travaux d'entretien, de réparation et de dépose et repose des pneumatiques ont été facturés séparément et postérieurement à la vente, ainsi que les parties étaient libres d'en convenir.

Il n'est par ailleurs argué d'aucune disposition légale ou réglementaire qui imposerait au vendeur d'un tel véhicule d'effectuer le contrôle technique avant de procéder à sa mise en vente, la SAS Pompage Express et la SASU Rapid Pompage se bornant à affirmer que la réalisation préalable du contrôle technique serait « parfaitement obligatoire » sans viser de fondement juridique à cet égard.

Le défaut de remise par la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels du certificat de cession ou d'un document portant demande de changement de titulaire de carte grise ne vient pas davantage démontrer que la vente ne serait pas survenue ou serait irrégulière, la cour devant vérifier s'il y avait accord sur la chose et le prix, les documents administratifs ne venant que conforter la preuve de celle-ci.

Enfin, le défaut de livraison du camion litigieux sur le lieu de domiciliation de la SAS Pompage Express est sans effet, dès lors qu'il est précisé sur la facture relative à la vente, ainsi au demeurant que sur celle qui porte sur les prestations relatives aux pneumatiques, que « les marchandises vendues ou les prestations fournies conformément à nos conditions générales de vente sont, sauf convention contraire, livrables et payables en nos établissements ». Cette facture n'a nullement été contestée par la SAS Pompage Express ou la SASU Rapid Pompage au moment de sa communication.

En outre les appelantes ne soutiennent et ne démontrent pas avoir vainement sollicité la mise à disposition du véhicule litigieux depuis son lieu d'entreposage par la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels ; elles ne sauraient prétendre à l'existence d'un défaut de livraison constitutif d'un manquement de la venderesse à ses obligations contractuelles.

Le fait que la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels ait procédé à l'encaissement du chèque remis en paiement postérieurement au courriel du 3 octobre 2018 par lequel M. [L] indiquait ne plus souhaiter faire affaire avec la venderesse n'est nullement constitutif d'un comportement fautif ou de mauvaise foi, dès lors que l'intéressée pouvait légitimement considérer que la vente était parfaite depuis le 1er septembre précédent.

Le tribunal de commerce a ainsi à bon droit déclaré parfaite la vente du camion malaxeur de béton survenue entre la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels et la SAS Pompage Express.

Sur les conséquences du contrat de vente

Il sera tout d'abord rappelé que les demandes présentées par les appelantes tendant à voir constater la rupture des pourparlers et juger qu'aucune relation contractuelle ou commerciale n'a jamais existé entre la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels et la SASU Rapid Pompage constituent des moyens, et non des prétentions, sur lesquelles il reviendrait à la cour de statuer. Il en va de même de la demande de donner acte à la SAS Pompage Express de son acceptation de régler la somme de 1.474,92 € au titre de la rupture des pourparlers, qui est dépourvue de toute portée juridique et ne constitue pas une demande en justice au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Il ne sera par conséquent pas répondu à ces demandes au dispositif du présent arrêt.

La réalité de la vente du camion malaxeur intervenue entre les parties et son caractère parfait conduisent à rejeter les demandes de la SAS Pompage Express et de la SASU Rapid Pompage en restitution de la somme de 18.000€ outre intérêts, et sous astreinte des 12 pneumatiques entre les mains de la première, ces pneumatiques étant toujours montés sur le camion litigieux à ce jour.

La demande tendant à voir juger que la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels devrait fournir un contrôle technique effectué dans le respect des dispositions légales sera de même rejetée, une telle obligation n'étant précisément imposée par aucun texte législatif ou réglementaire ne figurant pas au nombre des obligations contractuelles de la venderesse telles qu'elles résultent des documents produits.

Il n'y a pas davantage lieu de condamner la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels à remettre en bon état de marche le camion malaxeur béton à ses frais, dès lors qu'il n'est nullement démontré que ce véhicule présente des défectuosités qui seraient apparues depuis sa vente.

La demande des appelantes tendant à voir condamner la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels à payer l'ensemble des frais liés à la livraison du camion malaxeur béton au siège social de la SAS Pompage Express sera également rejetée, les conditions de vente portées sur les factures non contestées par les acquéreuses indiquant que les marchandises vendues sont livrables et payables dans les établissements de la venderesse.

Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, aucun comportement fautif ne saurait être reproché à la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels dans le cadre de ses relations contractuelles avec la SASU Rapid Pompage. La SASU Rapid Pompage sera par conséquent déboutée de sa demande indemnitaire de ce chef.

Il y a enfin lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS Pompage Express à payer à la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels la somme de 1.474,92 € en règlement de la facture du 9 octobre 2018 demeurée impayée, outre intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2022, date du jugement entrepris.

Sur les demandes reconventionnelles présentées par la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels

La SAS CEVI Centre Véhicules Industriels sollicite l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'entreposage dans son établissement, depuis le mois de septembre 2018, du camion malaxeur de béton vendu à la SAS Pompage Express, à hauteur de 40 € par jour depuis le 1er mai 2019 jusqu'au 1er avril 2021.

Si l'existence d'un préjudice lié à l'encombrement de son site n'est pas contestable, il convient d'estimer qu'il sera justement indemnisé par la condamnation de la SAS Pompage Express au paiement de dommages-intérêts à hauteur de 300 € par mois, soit une somme globale de 6.900 €.

L'indemnisation du préjudice découlant du temps passé par le représentant légal de la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels à effectuer diverses démarches sera prise en compte dans le cadre des frais irrépétibles, et ne justifie pas une indemnisation séparée.

Le préjudice issu du défaut de paiement des travaux effectués sans être payée est d'ores et déjà réparé par l'allocation des intérêts au taux légal sur la somme correspondant au prix de ces travaux, ordonnée ci-dessus.

Encore, la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels doit être autorisée à faire enlever le véhicule de son site de [Localité 7], désormais désaffecté, afin de l'entreposer en fourrière, le tout aux frais de la SAS Pompage Express, en sa qualité d'acquéreur du véhicule, et non de la SASU Rapid Pompage comme demandé et il n'y a lieu à astreinte complémentaire, sauf à permettre l'entreposage en fourrière dudit véhicule passé un mois après vaine signification du présent arrêt.

Sur l'article 700 et les dépens :

L'équité et la prise en considération de l'issue du litige déterminée par la présente décision commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner in solidum la SAS Pompage Express et la SASU Rapid Pompage, qui succombent en l'intégralité de leurs prétentions, à verser à la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels la somme de 2.500 € au titre des frais exposés par elle en cause d'appel qui ne seraient pas compris dans les dépens.

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. La SAS Pompage Express et la SASU Rapid Pompage, parties succombantes, devront supporter in solidum la charge des dépens de l'instance d'appel.

Le jugement entrepris sera enfin confirmé de ces chefs.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme partiellement le jugement rendu le 12 janvier 2022 par le tribunal de commerce de Châteauroux en ce qu'il a débouté la SASU Cevi [Localité 7] Cormier Sauvage de sa demande au titre de l'immobilisation du véhicule ;

- Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Et statuant de nouveau du chef infirmé,

- Condamne la SAS Pompage Express à payer à la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels la somme de 6.900 € en indemnisation de l'immobilisation du véhicule sur son site ;

Et y ajoutant,

- Déboute la SAS Pompage Express et la SASU Rapid Pompage de leurs demandes :

- de restitution,

- de fourniture du contrôle technique,

- de remise en état de marche du camion,

- de condamnation à paiement des frais de livraison et d'indemnisation présentées à l'encontre de la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels ;

- Dit que la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels pourra faire enlever le véhicule de marque Iveco immatriculé [Immatriculation 6] de son site de [Localité 7] afin de l'entreposer en fourrière, le tout aux frais de la SAS Pompage Express, à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la vaine signification du présent arrêt ;

- Condamne in solidum la SAS Pompage Express et la SASU Rapid Pompage à verser à la SAS CEVI Centre Véhicules Industriels une somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;

- Condamne in solidum la SAS Pompage Express et la SASU Rapid Pompage aux entiers dépens de l'instance d'appel.