CA Nîmes, 1re ch., 23 mai 2024, n° 22/04066
NÎMES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Sélection Menuiserie (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Defarge
Conseillers :
Mme Duprat, M. Maury
Avocats :
Me Borel, Me Lecat
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 07 février 2007 M.[J] [F] a commandé à la Sarl Sélection Menuiserie des menuiseries PVC blanc dormant de 100, vitrage 4/16/4 FE Argon Grand jour, avis technique 6/97- 1147 NF CSTBAT 2487 A-B 313-7, performances Acotherm TH10 avec poignées blanches profils plats sans prestation de pose.
Selon facture du 17 octobre 2007, la Sarl Sélection Menuiserie lui a livré des menuiseriesTrio/Trio2.
Courant 2017, M.[F] s'est plaint du jaunissement de certaines des menuiseries, de leur dilatation en période de chaleur ou encore du délitement des joints et sollicité la garantie du vendeur puis du juge des référés du tribunal judiciaire de Privas une mesure d'expertise, qui a été ordonnée le 09 novembre 2017 et confiée à Mme [Y].
Par ordonnance du 28 décembre 2018, ce juge a étendu la mission d'expertise au point de déterminer la conformité des produits livrés à ceux commandés et d'évaluer les conséquences d'une éventuelle différence.
Le rapport d'expertise définitif a été déposé le 28 novembre 2019.
Par acte du 18 juin 2020, M.[F] a assigné la Sarl Sélection Menuiserie aux fins de voir prononcer la résolution du contrat et ordonner la restitution réciproque et condamner la défenderesse à lui payer les sommes de 65 434,33 euros au titre des fournitures, dépose, évacuation et pose des nouvelles menuiseries certifiées, 27 429,60 euros pour tous les travaux de reprise de peinture, de faïence et reprise de placo autour des fenêtres, 7 207 euros correspondant aux frais d'expertise judiciaire, 2 500 euros au titre des troubles de jouissance, 15 000 euros au titre du préjudice moral, et 5 000 euros au titre des frais irrépétibles devant le tribunal judiciaire de Privas qui par jugement contradictoire du 1er décembre 2022 :
- l'a débouté de l'intégralité de ses demandes,
- l'a condamné aux entiers dépens de l'instance et à payer à la Sarl Sélection Menuiserie la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- a rappelé que sa décision est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Par déclaration du 19 décembre 2022, M. [J] [F] a interjeté appel de cette décision.
Il a saisi afin de voir ordonner une nouvelle expertise judiciaire pour vérifier notamment que les menuiseries livrées en 2007 ont été certifiées et si l'étiquetage et les bons de commande étaient frauduleux le conseiller de la mise en état qui par ordonnance contradictoire du 15 juin 2023, l'a débouté de cette demande et a réservé les dépens de l'incident et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 9 avril 2024, la procédure a été clôturée ce jour et l'affaire fixée à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées le 28 mars 2024, M.[J] [F] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau
- de prononcer la résolution du contrat et d'ordonner la restitution réciproque aux frais de la Sarl Sélection Menuiserie,
- de condamner cette société à lui payer les sommes de :
- 65 434,44 euros au titre des fournitures, dépose, évacuation et pose des nouvelles menuiseries certifiées,
- 27 429,60 euros pour tous les travaux de reprise de peinture, de faïence et reprise de placo autour des fenêtres,
- 7 207 euros correspondant aux frais d'expertise judiciaire,
- 2 500 euros au titre des troubles de jouissance,
En tout état de cause
- de condamner la Sarl Sélection Menuiserie à lui payer la somme de 3 500 au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens .
Il soutient que le vendeur a manqué à son obligation de délivrance conforme et ainsi engagé sa responsabilité contractuelle
Par conclusions notifiées le 20 mars 2024, la Sarl Sélection Menuiserie, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour :
A titre principal
- de débouter M.[F] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- de confirmer le jugement dont appel,
A titre subsidiaire
- de limiter sa condamnation éventuelle à la somme de 44 142 euros,
En tout état de cause
- de condamner l'appelant à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice,
- de le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée réplique :
- que les produits livrés comportent une étiquette de certification CSTB en lien avec le certificat en vigueur au moment de la commande et conforme à l'avis technique et la certification mentionnés sur le bon de commande, de sorte qu'ils sont parfaitement conformes,
- que l'appelant ne rapporte pas la preuve d'un préjudice d'une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat sur le fondement de l'article 1604 du Code civil,
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Motivation
MOTIVATION
Sur l'obligation de délivrance conforme
Pour rejeter la demande de résolution du contrat, le tribunal a jugé qu'aucun manquement ne pouvait être retenu à l'encontre de la société venderesse.
L'appelant soutient à l'appui de sa demande en résolution du contrat, l'absence de certification des menuiseries livrées et un étiquetage ne correspondant pas à l'indicateur thermique inhérent au produit commandé.
Selon l'article 1604 du Code civil la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
La preuve de la non-conformité du matériel livré à la commande incombe à l'acquéreur. (Com. 3 déc. 1980: Bull. civ. IV, no 409).
Selon l'article L.211-4 du code de la consommation le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existants lors de la délivrance.
En l'espèce, les bons de commandes signés du 07 février 2007 mentionnent :
'fourniture de menuiseries PVC blanc dormant de 100 vitrage 4/16/4 FE Argon Grand jour avis technique 6/97- 1147 NF CSTBAT 2487 A-B 313-7 performances Acotherm TH10 avec poignées blanches profils plats'.
S'agissant de la performance thermique, le bon de commande mentionne des performances Acotherm TH10, alors que les fenêtre livrées sont étiquetées TH9.
L'expert relève cette incohérence entre l'étiquetage du label Acotherm TH9 et la performance TH 10 mentionnée au bon de commande et précise que le classement thermique TH9 a un Uw (coefficient de transmission surfacique) compris entre 1.6 et 1.8 W contre entre 1.4 et 1.6 W pour le coefficient TH10.
Il en déduit une performance thermique des fenêtres inférieure d'environ 15% des déperditions totales à celles du type de fenêtres commandées.
L'appelant démontre ainsi que le produit livré n'est pas conforme au produit commandé, non-conformité ayant des conséquences importantes puisqu'entraînant une déperdition thermique supérieure de 15% environ.
Par ailleurs, sur le bon de commande, le produit n'est pas désigné avec précision.
L'expert précise page 49 du rapport que la société y a fait référence à un avis technique et une certification avec des numéros non mis à jour et au produit 'Contour' ; qu'elle a ensuite commandé à la société Simpa des fenêtres 'Trio' puis 'Trio 2" qui ont été facturées par la société Ambello.
Il a donc été livré à l'appelant des fenêtres Trio et Trio 2 dont les profilés sont fabriqués par Veka et alors que le bon de commande sans le désigner précisément reprenait les caractéristiques techniques et certifications du produit Contour.
Si l'expert indique que les caractéristiques techniques des deux produits sont similaires, il en résulte néanmoins que le produit livré n'est pas le produit commandé.
Enfin, le bon de commande rédigé par la Sarl Sélection Menuiserie fait référence à un avis technique et une certification avec des numéros non mis à jour. Cette référence : avis technique 6/97- 1147 selon l'expert en page 43 du rapport, renvoie à l'avis technique 6/97-1147 de la gamme Contour/Veka enregistré le 14 mai 1998, non valide en 2007 au moment de la transaction.
S'agissant du certificat CSTBAT 2487 A-B 313-71 il s'agit d'une décision de reconduction du 6 octobre 2003 pour le produit Marina attribué à la Sa Menuiserie Simpa avec une décision d'admission n°1967 B-131-71 du 30 novembre 2000.
L'expert en conclut que l'avis technique et le certificat mentionnés sur la facture ne sont pas les références valides au moment de la transaction de 2007 tout en concédant que les produits livrés sont équivalents en terme de performances technique, la différence étant à faire sur des éléments esthétiques.
Il est ainsi démontré que le produit livré présentait au moment de la livraison des performances thermiques différentes de celles annoncées au bon de commande, que les références indiquées ne lui correspondaient pas, et enfin que l'avis technique et le certification mentionnés sur le bon n'étaient pas valides.
Il s'en déduit que le produit livré n'est pas conforme à celui sur lequel les parties s'étaient entendues lors de la signature du contrat de vente.
Le nombre des incohérences relevées caractérise un manquement suffisamment grave pour ordonner la résolution judiciaire du contrat suivant les dispositions de l'article 1184 ancien du Code civil.
La Sarl Sélection Menuiserie étant à l'origine de ces manquements, supportera les frais liés à la restitution réciproque.
Le contractant auquel l'inexécution n'est pas imputable peut obtenir des dommages-intérêts en plus de la restitution des prestations versées ( Civ. 1re, 7 avr. 1998, no 96-18.790)
M.[F] sollicite la condamnation de la société intimée à lui payer les sommes de suivantes
- 65 434,44 euros au titre des fournitures, dépose, évacuation et pose des nouvelles menuiseries certifiées,
- 27 429,60 euros pour tous les travaux de reprise de peinture, de faïence et reprise de placo autour des fenêtres,
- 7 207 euros correspondant aux frais d'expertise judiciaire,
- 2 500 euros au titre des troubles de jouissance,
A l'appui il fait valoir que l'expert ayant évalué les préjudices à 44 142 hors taxe en 2019, cette somme doit être réévaluée et est désormais supérieure à 50 000 euros.
La Sarl Sélection menuiserie demande à titre subsidiaire la confirmation de l'estimation de l'expert soit :
- 17 000 euros HT pour la fourniture des fenêtres,
- 4 500 euros HT pour la dépose et la repose des fenêtres,
- 22 642 euros HT pour les travaux de reprises du fait de la dépose des fenêtres.
Il n'y a pas lieu de reprendre au titre des dommages et intérêts la fourniture des fenêtres dès lors qu'en conséquence de la résolution du contrat, le prix de vente doit être restitué.
Sera retenue l'évaluation de l'expert au titre de la dépose et de la repose des fenêtres ainsi que des travaux de reprises soit :
- 4 500 euros HT somme à laquelle une TVA de 10% doit être appliquée s'agissant de rénovation d'un habitat soit la somme de 4 950 euros TTC
- 22 642 euros HT soit 24 906,20 euros TTC soit la somme totale de 27'592,20 euros.
Les frais de l'expertise judiciaire seront pris en charge au titre des frais irrépétibles.
L'appelant ne démontre pas le préjudice de jouissance qu'il allègue et sera débouté de cette demande.
Sur les autres demandes
Succombant au principal, la Sarl Sélection Menuiserie sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Elle devra supporter les entiers dépens de première instance comme d'appel dont distraction au profit de Me Borel sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle sera également condamnée à payer à M.[J] [F] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau
Prononce la résolution du contrat de vente du 07 février 2007 entre la Sarl Sélection Menuiserie et M.[J] [F],
Ordonne la restitution réciproque de la chose et du prix aux frais de la Sarl Sélection Menuiserie,
Condamne la Sarl Sélection Menuiserie à payer à M.[J] [F] la somme de 27'592,20 euros à titre de dommages et intérêts,
Déboute la Sarl Sélection Menuiserie de sa demande indemnitaire pour procédure abusive,
Condamne la Sarl Sélection Menuiserie aux entiers dépens de première instance comme d'appel dont distraction au profit de Me Borel,
La condamne à payer à M.[J] [F] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.