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Décisions

Cass. com., 29 mai 2024, n° 21-21.559

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Défendeur :

Brigade électronique (SARL), Brigade Electronics Group PLC (Sté), Signalisation accessoires revêtements réflecteurs (Sté), Groupe Buchet commerce et finances (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Ducloz

Avocats :

SAS Buk Lament-Robillot, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Angers, ch. A com., du 25 mai 2021

25 mai 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 25 mai 2021), la société à responsabilité limitée Brigade électronique était détenue à 63 % par la société de droit anglais Brigade Electronics Group PLC et avait pour co-gérants MM. [E] et [P].

2. Le 14 octobre 2015 s'est tenue une assemblée générale de la société Brigade électronique au cours de laquelle il a été décidé la révocation de M. [P] de ses fonctions de co-gérant et la distribution de dividendes.

3. Soutenant qu'elle n'avait pas été régulièrement convoquée à l'assemblée générale du 14 octobre 2015, la société Brigade Electronics Group PLC a assigné la société Brigade électronique et M. [E] en annulation des délibérations de cette assemblée.

4. La société Brigade électronique a fait l'objet d'une liquidation amiable, M. [S]-[D] étant nommé liquidateur.

Examen des moyens

Sur les troisième et quatrième moyens

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. M. [E] fait grief à l'arrêt d'annuler l'assemblée générale de la société Brigade électronique du 14 octobre 2015, de le condamner à restituer les dividendes votés par cette assemblée et à payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la désorganisation de la société, alors « qu'aucune règle n'impose au juge qui dispose d'une faculté d'appréciation à cet égard, d'annuler l'assemblée générale d'une société à responsabilité limitée en cas d'irrégularité de la convocation de ses membres ; qu'en considérant, après avoir relevé l'irrégularité de la convocation à l'assemblée générale du 14 octobre 2015, que celle-ci ne pouvait qu'être annulée, sans exercer son pouvoir d'appréciation sur la portée du vice et la justification effective d'une annulation, la cour d'appel, qui a déduit automatiquement l'annulation de l'irrégularité d'une règle qui n'est pas impérative, a violé l'article L. 223-27 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. La société Brigade Electronics Group PLC et MM. [S]-[D] et [P] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

8. Cependant, ce moyen, qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations de l'arrêt, est de pur droit.

9. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen 

Vu l'article L. 223-27 du code de commerce :

10. Il résulte de ce texte que le défaut de convocation régulière de l'associé d'une société à responsabilité limitée à l'assemblée générale de cette société n'entraîne la nullité des délibérations de cette assemblée que si cette irrégularité a privé l'associé de son droit d'y prendre part et qu'elle était de nature à influer sur le résultat du processus de décision.

11. Pour annuler la délibération de l'assemblée générale de la société Brigade électronique du 14 octobre 2015 et condamner M. [E] à rembourser les dividendes votés par cette assemblée, l'arrêt, après avoir énoncé qu'en application de l'article R. 223-20 du code de commerce les associés d'une société à responsabilité limitée sont convoqués quinze jours au moins avant la réunion de l'assemblée par lettre recommandée, retient que le seul document justificatif de l'envoi d'une convocation à la société Brigade Electronics Group PLC est un document de la poste anglaise retraçant le parcours d'un envoi non identifiable arrivé de France le 7 octobre 2015 et délivré le lendemain sans qu'il soit permis d'en connaître ni l'expéditeur ni le destinataire. L'arrêt en déduit qu'à défaut d'une convocation régulière de la société Brigade Electronics Group PLC, l'assemblée générale du 14 octobre 2015 et les résolutions votées lors de cette assemblée ne peuvent qu'être annulées comme le prévoit l'article L. 223-17 du code de commerce.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui incombait, si le défaut de convocation régulière de la société Brigade Electronics Group PLC à l'assemblée générale de la société Brigade électronique du 14 octobre 2015 avait privé cet associé de son droit à y prendre part et si son absence avait été de nature à influer sur le résultat du processus de décision, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquence de la cassation

13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt annulant la délibération de l'assemblée générale de la société Brigade électronique du 14 octobre 2015 entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant M. [E] au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la désorganisation de l'entreprise, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement attaqué, il prononce la nullité de l'assemblée générale de la société Brigade électronique tenue le 14 octobre 2015, condamne M. [E] à restituer à la société Brigade électronique, prise en la personne de son liquidateur amiable, les dividendes indûment perçus par suite de la nullité de l'assemblée générale du 14 octobre 2015, soit la somme de 6 355 euros, et condamne M. [E] à payer à la société Brigade électronique la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la désorganisation de la société, l'arrêt rendu le 25 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.