Décisions
Cass. crim., 28 mai 2024, n° 24-81.539
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
N° A 24-81.539 F-B
N° 00827
SL2
28 MAI 2024
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 MAI 2024
M. [N] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 1er mars 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [N] [B], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 30 juin 2022, M. [N] [B], ressortissant français, a été remis par les autorités judiciaires espagnoles aux autorités judiciaires belges sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen émis par ces dernières pour l'exécution d'une peine de quinze ans d'emprisonnement prononcée le 4 mars 2021 pour des faits de vols aggravés.
3. Le 3 janvier 2023, les autorités judiciaires belges ont adressé aux autorités judiciaires françaises un certificat aux fins de reconnaissance et d'exécution de la peine susmentionnée, M. [B] étant ressortissant français et faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire belge et d'une interdiction d'entrée d'une durée de vingt ans, à l'issue de sa condamnation. A la suite de la réponse favorable donnée à cette demande, le 1er février 2023, par le procureur de la République de Paris, M. [B] a été transféré et écroué en France le 14 avril 2023.
4. M. [B], qui n'a pas consenti à ce transfèrement, a formé un recours contre cette décision de reconnaissance et d'exécution, toujours pendant.
5. Antérieurement à son transfert en France, le 9 novembre 2022, les autorités judiciaires françaises avaient décerné un mandat d'arrêt européen à l'encontre de M. [B] aux fins de poursuites des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, les autorités françaises ayant sollicité des autorités espagnoles une extension de remise pour ces faits par courriel du 26 janvier 2023.
6. Le 1er mars 2023, les autorités judiciaires belges ont refusé d'exécuter ce mandat d'arrêt européen, à défaut de la production, par les autorités françaises, de la décision de consentement des autorités espagnoles à la remise de M. [B] aux autorités françaises pour ces faits.
7. Le 24 mars 2023, les autorités judiciaires françaises ont formalisé la demande d'extension de remise pour les faits susvisés en la forme d'un mandat d'arrêt européen adressé aux autorités judiciaires espagnoles.
8. Par décision du 28 mars 2023, confirmée en appel le 17 avril suivant, les autorités judiciaires espagnoles ont accordé l'extension de remise sollicitée par les autorités françaises.
9. Le 8 février 2024, M. [B] a été mis en examen des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment et placé en détention provisoire ce même jour.
10. M. [B] a interjeté appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité soulevées et confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire de M. [B], alors :
« 1°/ que, d'une part que le juge des libertés et de la détention, et en appel la Chambre de l'instruction saisie du contentieux de la détention provisoire, sont tenus de s'assurer que la personne placée en détention provisoire ne l'a pas été en violation du principe de spécialité, lorsque l'intéressé n'a pas renoncé à ce principe ; qu'au cas d'espèce, il ressort des éléments de la procédure que Monsieur [B] a été placé en détention provisoire alors qu'il se trouvait sur le territoire national à la suite de sa remise par les autorités belges pour les seuls besoins de l'exécution en France d'une peine prononcée par une juridiction belge ; qu'il s'ensuivait que Monsieur [B] ne pouvait être poursuivi, sur le territoire français pour des faits étrangers à ceux ayant justifié sa remise par les autorités belges ; qu'en affirmant, pour dire inopérant le moyen tiré de l'impossibilité, à raison du principe de spécialité, de poursuivre Monsieur [B] pour des faits autres que ceux pour lesquels il avait été condamné et remis à la France, que ces circonstances étaient « sans incidence sur la validité de l'extension accordée par les autorités espagnole, autorité d'exécution du mandat d'arrêt européen », quand Monsieur [B], qui se trouvait en France en exécution du seul mandat d'arrêt émis par les autorités belges, ce qui le rendait recevable et fondé à soutenir que le respect du principe de spécialité devait s'apprécier au regard des termes de la remise par les autorités belges, la Chambre de l'instruction a violé les articles 18 de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil de l'Union européenne du 27 novembre 2008, 728-62, 728-63, 695-16, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; »
Réponse de la Cour
Vu les articles 18 de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 et 728-62 du code de procédure pénale :
12. Il résulte de ces textes que, hors les cas prévus aux 1° à 6° de l'article 728-62 précité, la personne transférée sur le territoire français pour la mise à exécution d'une condamnation à une peine ou une mesure de sûreté privative de liberté prononcée par une juridiction d'un Etat membre ne peut être recherchée, poursuivie, condamnée ou détenue pour un fait quelconque antérieur à son transfèrement autre que celui qui a motivé celui-ci, sauf si l'autorité compétente de l'Etat de condamnation y a expressément consenti.
13. La décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2009 sur la reconnaissance et l'exécution des jugements en matière pénale, à l'instar de la décision-cadre 2002/584/JAI relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre les pays de l'Union européenne, concrétise, dans le domaine pénal, les principes de confiance mutuelle et de reconnaissance mutuelle et tend à renforcer la coopération judiciaire et à contribuer à réaliser l'objectif assigné à l'Union européenne de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice en se fondant sur le degré de confiance élevé qui doit exister entre les États membres (CJUE, 9 novembre 2023, C/ 819-21).
14. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 28, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584/JAI, doit être interprété en ce sens que, lorsqu'une personne a fait l'objet de plus d'une remise entre États membres en vertu de mandats d'arrêt européens successifs, la remise ultérieure de cette personne à un État membre autre que l'État membre l'ayant remise en dernier lieu est subordonnée au consentement du seul État membre ayant procédé à cette dernière remise. Cette interprétation, en ce qu'elle limite les situations dans lesquelles les autorités judiciaires d'exécution des États membres impliqués dans les remises successives d'une même personne peuvent refuser de donner leur consentement à l'exécution d'un mandat d'arrêt européen, renforce le système de remise instauré par la décision-cadre en faveur d'un espace de liberté, de sécurité et de justice et facilite la remise des personnes recherchées, conformément au principe de reconnaissance mutuelle (CJUE, 28 juin 2012, C/ 192-12 PPU).
15. Il s'en déduit qu'une personne remise à la France sur le fondement d'une décision de reconnaissance et d'exécution d'une condamnation pénale prononcée par un Etat membre, qui n'a pas renoncé au principe de spécialité et qui avait été préalablement remise à l'Etat de condamnation par un autre Etat membre selon la procédure de mandat d'arrêt européen, ne peut faire l'objet d'une mesure de détention provisoire pour une infraction autre que celle qui a motivé son transfèrement, avant que le consentement de l'autorité compétente de l'Etat de condamnation ait été obtenu, sans que ne soit requis le consentement du premier Etat ayant remis l'intéressé à l'Etat de condamnation selon la procédure de mandat d'arrêt européen.
16. Dès lors, en cas de contestation soulevée devant elle sur ce point, il appartient à la chambre de l'instruction de s'assurer du respect du principe de spécialité.
17. En l'espèce, pour écarter le moyen pris de la violation du principe de spécialité, l'arrêt attaqué énonce que figure en procédure la décision des autorités espagnoles d'extension de la remise de M. [B] aux autorités françaises en date du 28 mars 2023, aux fins de poursuites pour des délits de trafic de stupéfiants et de blanchiment d'argent et que les faits visés dans la mise en examen de M. [B] sont ceux visés dans le mandat d'arrêt et correspondent à la demande d'extension.
18. Les juges ajoutent que le fait qu'un recours soit pendant devant la cour d'appel de Paris s'agissant de la validité de la remise de M. [B] par les autorités belges aux autorités françaises en exécution d'une décision de reconnaissance et d'exécution en France de la condamnation prononcée par les autorités judiciaires belges est sans incidence sur la validité de l'extension accordée par les autorités espagnoles, autorité d'exécution du mandat d'arrêt européen.
19. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
20. En effet, la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de s'assurer que M. [B] a été remis aux autorités françaises sur le fondement d'une décision de reconnaissance et d'exécution de la peine prononcée par les autorités judiciaires belges, Etat de condamnation, sans que ces dernières aient donné, conformément à l'article 728-62 7° du code de procédure pénale, le consentement aux poursuites pour les faits pour lesquels M. [B] a été mis en examen et placé en détention provisoire, le consentement des autorités espagnoles, Etat d'exécution ayant préalablement remis M. [B] aux autorités belges selon la procédure de mandat d'arrêt européen, n'étant pas requis.
21. Par conséquent la cassation est encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
Portée et conséquences de la cassation
22. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
23. M. [B] doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 1er mars 2024 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
CONSTATE que M. [B] est détenu sans titre, dans la présente procédure, depuis le 8 février 2024 ;
ORDONNE la mise en liberté de M. [B], s'il n'est détenu pour autre cause ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt-quatre.
N° 00827
SL2
28 MAI 2024
CASSATION SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 MAI 2024
M. [N] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 1er mars 2024, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Merloz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [N] [B], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Merloz, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Le 30 juin 2022, M. [N] [B], ressortissant français, a été remis par les autorités judiciaires espagnoles aux autorités judiciaires belges sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen émis par ces dernières pour l'exécution d'une peine de quinze ans d'emprisonnement prononcée le 4 mars 2021 pour des faits de vols aggravés.
3. Le 3 janvier 2023, les autorités judiciaires belges ont adressé aux autorités judiciaires françaises un certificat aux fins de reconnaissance et d'exécution de la peine susmentionnée, M. [B] étant ressortissant français et faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire belge et d'une interdiction d'entrée d'une durée de vingt ans, à l'issue de sa condamnation. A la suite de la réponse favorable donnée à cette demande, le 1er février 2023, par le procureur de la République de Paris, M. [B] a été transféré et écroué en France le 14 avril 2023.
4. M. [B], qui n'a pas consenti à ce transfèrement, a formé un recours contre cette décision de reconnaissance et d'exécution, toujours pendant.
5. Antérieurement à son transfert en France, le 9 novembre 2022, les autorités judiciaires françaises avaient décerné un mandat d'arrêt européen à l'encontre de M. [B] aux fins de poursuites des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, les autorités françaises ayant sollicité des autorités espagnoles une extension de remise pour ces faits par courriel du 26 janvier 2023.
6. Le 1er mars 2023, les autorités judiciaires belges ont refusé d'exécuter ce mandat d'arrêt européen, à défaut de la production, par les autorités françaises, de la décision de consentement des autorités espagnoles à la remise de M. [B] aux autorités françaises pour ces faits.
7. Le 24 mars 2023, les autorités judiciaires françaises ont formalisé la demande d'extension de remise pour les faits susvisés en la forme d'un mandat d'arrêt européen adressé aux autorités judiciaires espagnoles.
8. Par décision du 28 mars 2023, confirmée en appel le 17 avril suivant, les autorités judiciaires espagnoles ont accordé l'extension de remise sollicitée par les autorités françaises.
9. Le 8 février 2024, M. [B] a été mis en examen des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment et placé en détention provisoire ce même jour.
10. M. [B] a interjeté appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les exceptions de nullité soulevées et confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire de M. [B], alors :
« 1°/ que, d'une part que le juge des libertés et de la détention, et en appel la Chambre de l'instruction saisie du contentieux de la détention provisoire, sont tenus de s'assurer que la personne placée en détention provisoire ne l'a pas été en violation du principe de spécialité, lorsque l'intéressé n'a pas renoncé à ce principe ; qu'au cas d'espèce, il ressort des éléments de la procédure que Monsieur [B] a été placé en détention provisoire alors qu'il se trouvait sur le territoire national à la suite de sa remise par les autorités belges pour les seuls besoins de l'exécution en France d'une peine prononcée par une juridiction belge ; qu'il s'ensuivait que Monsieur [B] ne pouvait être poursuivi, sur le territoire français pour des faits étrangers à ceux ayant justifié sa remise par les autorités belges ; qu'en affirmant, pour dire inopérant le moyen tiré de l'impossibilité, à raison du principe de spécialité, de poursuivre Monsieur [B] pour des faits autres que ceux pour lesquels il avait été condamné et remis à la France, que ces circonstances étaient « sans incidence sur la validité de l'extension accordée par les autorités espagnole, autorité d'exécution du mandat d'arrêt européen », quand Monsieur [B], qui se trouvait en France en exécution du seul mandat d'arrêt émis par les autorités belges, ce qui le rendait recevable et fondé à soutenir que le respect du principe de spécialité devait s'apprécier au regard des termes de la remise par les autorités belges, la Chambre de l'instruction a violé les articles 18 de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil de l'Union européenne du 27 novembre 2008, 728-62, 728-63, 695-16, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; »
Réponse de la Cour
Vu les articles 18 de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 et 728-62 du code de procédure pénale :
12. Il résulte de ces textes que, hors les cas prévus aux 1° à 6° de l'article 728-62 précité, la personne transférée sur le territoire français pour la mise à exécution d'une condamnation à une peine ou une mesure de sûreté privative de liberté prononcée par une juridiction d'un Etat membre ne peut être recherchée, poursuivie, condamnée ou détenue pour un fait quelconque antérieur à son transfèrement autre que celui qui a motivé celui-ci, sauf si l'autorité compétente de l'Etat de condamnation y a expressément consenti.
13. La décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2009 sur la reconnaissance et l'exécution des jugements en matière pénale, à l'instar de la décision-cadre 2002/584/JAI relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre les pays de l'Union européenne, concrétise, dans le domaine pénal, les principes de confiance mutuelle et de reconnaissance mutuelle et tend à renforcer la coopération judiciaire et à contribuer à réaliser l'objectif assigné à l'Union européenne de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice en se fondant sur le degré de confiance élevé qui doit exister entre les États membres (CJUE, 9 novembre 2023, C/ 819-21).
14. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 28, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584/JAI, doit être interprété en ce sens que, lorsqu'une personne a fait l'objet de plus d'une remise entre États membres en vertu de mandats d'arrêt européens successifs, la remise ultérieure de cette personne à un État membre autre que l'État membre l'ayant remise en dernier lieu est subordonnée au consentement du seul État membre ayant procédé à cette dernière remise. Cette interprétation, en ce qu'elle limite les situations dans lesquelles les autorités judiciaires d'exécution des États membres impliqués dans les remises successives d'une même personne peuvent refuser de donner leur consentement à l'exécution d'un mandat d'arrêt européen, renforce le système de remise instauré par la décision-cadre en faveur d'un espace de liberté, de sécurité et de justice et facilite la remise des personnes recherchées, conformément au principe de reconnaissance mutuelle (CJUE, 28 juin 2012, C/ 192-12 PPU).
15. Il s'en déduit qu'une personne remise à la France sur le fondement d'une décision de reconnaissance et d'exécution d'une condamnation pénale prononcée par un Etat membre, qui n'a pas renoncé au principe de spécialité et qui avait été préalablement remise à l'Etat de condamnation par un autre Etat membre selon la procédure de mandat d'arrêt européen, ne peut faire l'objet d'une mesure de détention provisoire pour une infraction autre que celle qui a motivé son transfèrement, avant que le consentement de l'autorité compétente de l'Etat de condamnation ait été obtenu, sans que ne soit requis le consentement du premier Etat ayant remis l'intéressé à l'Etat de condamnation selon la procédure de mandat d'arrêt européen.
16. Dès lors, en cas de contestation soulevée devant elle sur ce point, il appartient à la chambre de l'instruction de s'assurer du respect du principe de spécialité.
17. En l'espèce, pour écarter le moyen pris de la violation du principe de spécialité, l'arrêt attaqué énonce que figure en procédure la décision des autorités espagnoles d'extension de la remise de M. [B] aux autorités françaises en date du 28 mars 2023, aux fins de poursuites pour des délits de trafic de stupéfiants et de blanchiment d'argent et que les faits visés dans la mise en examen de M. [B] sont ceux visés dans le mandat d'arrêt et correspondent à la demande d'extension.
18. Les juges ajoutent que le fait qu'un recours soit pendant devant la cour d'appel de Paris s'agissant de la validité de la remise de M. [B] par les autorités belges aux autorités françaises en exécution d'une décision de reconnaissance et d'exécution en France de la condamnation prononcée par les autorités judiciaires belges est sans incidence sur la validité de l'extension accordée par les autorités espagnoles, autorité d'exécution du mandat d'arrêt européen.
19. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
20. En effet, la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de s'assurer que M. [B] a été remis aux autorités françaises sur le fondement d'une décision de reconnaissance et d'exécution de la peine prononcée par les autorités judiciaires belges, Etat de condamnation, sans que ces dernières aient donné, conformément à l'article 728-62 7° du code de procédure pénale, le consentement aux poursuites pour les faits pour lesquels M. [B] a été mis en examen et placé en détention provisoire, le consentement des autorités espagnoles, Etat d'exécution ayant préalablement remis M. [B] aux autorités belges selon la procédure de mandat d'arrêt européen, n'étant pas requis.
21. Par conséquent la cassation est encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.
Portée et conséquences de la cassation
22. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
23. M. [B] doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 1er mars 2024 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
CONSTATE que M. [B] est détenu sans titre, dans la présente procédure, depuis le 8 février 2024 ;
ORDONNE la mise en liberté de M. [B], s'il n'est détenu pour autre cause ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt-quatre.