Décisions
CA Pau, ch. des etrangers-jld, 27 mai 2024, n° 24/01501
PAU
Ordonnance
Autre
N°24/01774
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PAU
L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
ORDONNANCE du vingt sept Mai deux mille vingt quatre
N° RG 24/01501 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I3MI
Décision déférée ordonnance rendue le 25 MAI 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,
Nous, Joëlle GUIROY,Conseiller, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 8 janvier 2024, assistée de Elisabeth LAUBIE, Greffier,
APPELANT
M. [K] [C] [J]
né le 24 Octobre 1993 à [Localité 1]
de nationalité Irakienne
Retenu au centre de rétention d'[Localité 2]
Comparant et assisté de Maître Jean william MARCEL et de Monsieur [O], interprête en langue arabe ;
INTIMES :
Le PREFET DE LA CORREZE, avisé, absent
MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,
ORDONNANCE :
- réputée contradictoire, après débats en audience publique,
*********
Vu les dispositions des articles L 614-1 à L 614-15, L 732-8, L 743-5, L 743-10 , L 743-20, L.741-1, 741-4-5-7-9, L 7441, L 751-9 et -10, L .743-14, -15 et L 743-17, L 743-19 et L 743-25, et R.743-1 à R 743-8 et R 743-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda)
Vu l'obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour pour une durée de 1 an prise par le préfet du Nord le 04 juin 2018 notifiée à M. [K] [C] [J] le même jour,
Vu la décision de la Cour d'appel de Poitiers en date du 30/11/2022 qui a condamné M. [K] [C] [J] à une interdiction définitive du territoire français, à titre de peine complémentaire ou principale, cette mesure étant assortie de l'exécution provisoire conformément aux dispositions de l'article 471 du code de procédure pénale,
Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 23/05/2024 par le préfet de la Corrèze à l'encontre de M. [K] [C] [J],
Vu la requête de M. [K][C] [J] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 24/05/2024 réceptionnée le 24 mai 2024 à 17h20 et enregistrée par le greffe du juge des libertés et de la détention le 24 mai 2024 à 18h00,
Vu la requête de |'autorité administrative en date du 24 mai 2024 reçue le 24 mai 2024 à 11h24 et enregistrée le 24 mai 2024 à 14h00 tendant à la prolongation de la rétention de M. [K] [C] [J] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de vingt huit jours,
Vu l'extrait individualisé du registre prévu a l'article L,744-2 du CESEDA émargé par l'intéressé,
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Bayonne en date du 25 mai 2024 qui, par décision assortie de l'exécution provisoire, a :
- ordonné la jonction du dossier N° RG 24/00673 au dossier N° RG 24/00676 - N° Portalis DBZ7-W-B71-FP5I, statuant en une seule et même ordonnance.
- déclaré recevable la requête de M. [K][C] [J] en contestation de placement en rétention;
- rejeté la requête de M. [K][C] [J] en contestation de placement en rétention ;
- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le Préfet de la Charente ;
- déclaré la procédure diligentée à l'encontre de M. [K][C] [J] régulière
- dit n'y avoir lieu à assignation à résidence ;
- ordonné la prolongation de la rétention de M. [K][C] [J] pour une durée de vingt-huit jours a l'issue du délai de 48 heures de la rétention ;
- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions relatives aux dépens.
Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 25 mai 2024 à 10 h 22 ;
Vu la déclaration d'appel formée par M. [K][C] [J] reçue le 25 mai 2024 à 15h 22 :
Au soutien de son appel, M. [K][C] [J] expose qu'il a été jugé sans être assisté d'un traducteur et n'a pu s'exprimer alors. Il affirme que le retour dans son pays, l'Irak, mettrait sa vie en danger en raison de l'existence d'un conflit l'opposant à un groupe criminel.
A l'audience, M. [K][C] [J] a repris les termes de son appel et a eu la parole en dernier.
Il explique qu'il ne parle pas la langue arabe mais la langue kurde et qu'il ne parle pas français.
Questionné sur le fait qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire prise à son encontre dès 2018 et qu'il a exécuté une peine d'emprisonnement en France entre 2021 et 2024, il maintient ne pas comprendre le français.
Il ajoute qu'il veut pourvoir quitter la France et rejoindre l'Italie par ses propres moyens.
L'avocat de M. [K] [C] [J] demande l'annulation de l'ordonnance entreprise et sa remise en liberté. Il expose qu'il ne comprend pas suffisamment la langue française et doit être assisté d'un interprète en langue kurde, ce qui n'a pas été le cas dans le cadre de la procédure administrative.
En outre; il ne veut pas retourner en Irak en raison des risques d'atteintes à sa vie. De fait, l'Irak figure sur la liste rouge des pays déconseillés aux européens établie par les pays européens. Il veut rejoindre l'Italie.
Le préfet de la Corrèze, absent, n'a pas fait valoir d'observations.
Sur ce :
En la forme,
L'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur le fond,
Par arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 30 novembre 2022, M. [K][C] [J] a été condamné à la peine de 4 ans d'emprisonnement et à l'interdiction définitive du territoire français avec exécution provisoire des chefs de 'aide à l'entrée à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France ou dans un état partie à la convention de Schengen en bande organisée' et 'détention frauduleuse de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation'.
Incarcéré depuis le 8 mai 2021, il a été élargi le 23 mai 2024, il a été placé au centre de rétention d'[Localité 2].
Il a indiqué avoir séjourné en Italie pendant 2 ans mais ne dispose pas de document de séjour dans ce pays.
Il est célibataire, sans charge de famille et ne dispose pas d'un domicile personnel fixe.
Il est démuni de document d'identité ou de voyage.
Il n'a pas fait état d'un état de santé susceptible de constituer un état de vulnérabilité.
L'administration justifie avoir saisi les autorités irakiennes d'une demande de laissez-passer pour M. [K] [C] [J] le 21 mai 2024, lesquelles ont accusé réception des pièces transmises et lui ont fixé un rendez-vous auprès du consulat irakien le 6 juin 2024.
Une demande de routing a été émise.
En droit,
L'article L731-1 du CESEDA décide que :
"L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;
2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;
3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;
4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre État en application de l'article L. 621-1 ;
5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;
6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;
7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;
8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.
L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.
L'article L 741-1 du CESEDA dispose que : "L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3. "
L'article L 741-1 du CESEDA dispose que "Le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative".
Par ailleurs l'article L.743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énonce que : "En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats".
Par disposition non contestée, le premier juge a retenu la recevabilité de la requête de M. [K] [C] [J] en application de l'article R.741-3, R 743-2 à R 743-4 et R743-7 et R 743-8 du CESEDA.
M. [K] [C] [J] affirme, selon les termes de son appel et à l'audience, que la condamnation prononcée à son encontre et sur laquelle se fonde en partie l'arrêté de placement en rétention méconnaît ses droits car il n'était pas assisté d'un interprète.
A l'audience, il précise qu'il ne comprend pas la langue arabe et que la procédure diligentée à son encontre doit être annulée.
Toutefois, il résulte de la lecture de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 30 novembre 2022, devenu définitif, qu'au cours de l'audience il était assisté de son avocat et d'un interprète en langue kurde inscrit sur la liste de la cour d'appel de Bordeaux.
Par la suite, et dans le cadre de la procédure administrative, M. [K] [C] [J] s'est vu notifier les décisions portant placement en rétention et fixant le pays de renvoi par le truchement d'un interprète en langue arabe qu'il a dit comprendre étant précisé que lors de la procédure contradictoire préalable prévue à l'article L 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, il a sollicité un interprète en langue kurde et a dit parler un peu le français et le lire puis a dit parler la langue kurde et la langue irakienne, l'arabe étant la seule langue officielle de ce pays jusqu'en 2014 et la première langue depuis.
Devant le juge des libertés et de la détention de Bayonne, il a été assisté d'un interprète en langue arabe, devant lequel la nullité de la procédure n'a pas été soulevée in limine litis mais seulement comme une difficulté au même titre que la situation du pays dont il détient la nationalité et la motivation de la requête en prolongation de la rétention.
Il n'y a dès lors pas lieu d'accueillir le moyen soulevé et à annuler le placement en rétention de M. [K] [C] [J].
A hauteur d'appel, M. [K] [C] [J] affirme en outre que son retour en Irak l'expose à un danger pour sa vie compte tenu de la situation instable du pays et de ses conflits avec un groupe criminel.
Il n'étaye ses dires quant à des risques individuels par aucune pièce.
Et, s'il ne peut être contesté que la situation sécuritaire en Irak justifie qu'il soit recommandé par les services diplomatique que les ressortissants des pays européens reportent tout déplacement dans ce pays, M. [K] [C] [J] n'est pas ressortissant français ni européen et il lui appartient par ailleurs d'exercer les voies de droit qui lui sont ouvertes s'il entend contester la décision fixant le pays de renvoi prise à son encontre, la contestation qu'il émet visant à remettre en cause les arrêtés pris à son encontre ;
En conséquence, et alors que la requête de l'administration est recevable; que son examen ne révèle aucune irrégularité et qu'il est établi que les autorités consulaires de son pays ont été sollicitées pour la délivrance d'un laissez-passer tandis qu'une demande de réservation de vol a été effectuée, il ne peut qu'être constaté que l'autorité administrative justifie de diligences utiles pour mettre en 'uvre la mesure d'éloignement dont la perspective demeure raisonnable.
Ceci alors que M. [K] [C] [J] n'a pas préalablement remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie un passeport en cours de validité, qu'il ne présente pas de document de voyage lui permettant de rejoindre régulièrement l'Italie, qu'il ne dispose d'aucune garantie de représentation effective en France n'ayant ni domicile ni activité ni attache avérés sur le territoire français, qu'il s'oppose à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'il s'est soustrait déjà à l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français en date du 4 juin 2018.
Ainsi la prolongation de la rétention administrative dont fait l'objet M. [K] [C] [J] reste l'unique moyen d'assurer la mise à exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet.
En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.
PAR CES MOTIFS :
Déclarons l'appel recevable en la forme.
Confirmons l'ordonnance entreprise.
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture de
la CORREZE.
Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.
Fait au Palais de Justice de PAU, le vingt sept Mai deux mille vingt quatre à 14h33
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Elisabeth LAUBIE Joëlle GUIROY
*********
Reçu notification de la présente par remise d'une copie
ce jour 27 Mai 2024
Monsieur [K] [C] [J], par mail au centre de rétention d'[Localité 2]
Pris connaissance le : À
Signature
Maître Jean william MARCEL, par mail,
Monsieur le Préfet de la CORREZE par mail
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PAU
L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
ORDONNANCE du vingt sept Mai deux mille vingt quatre
N° RG 24/01501 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I3MI
Décision déférée ordonnance rendue le 25 MAI 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,
Nous, Joëlle GUIROY,Conseiller, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 8 janvier 2024, assistée de Elisabeth LAUBIE, Greffier,
APPELANT
M. [K] [C] [J]
né le 24 Octobre 1993 à [Localité 1]
de nationalité Irakienne
Retenu au centre de rétention d'[Localité 2]
Comparant et assisté de Maître Jean william MARCEL et de Monsieur [O], interprête en langue arabe ;
INTIMES :
Le PREFET DE LA CORREZE, avisé, absent
MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience,
ORDONNANCE :
- réputée contradictoire, après débats en audience publique,
*********
Vu les dispositions des articles L 614-1 à L 614-15, L 732-8, L 743-5, L 743-10 , L 743-20, L.741-1, 741-4-5-7-9, L 7441, L 751-9 et -10, L .743-14, -15 et L 743-17, L 743-19 et L 743-25, et R.743-1 à R 743-8 et R 743-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda)
Vu l'obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour pour une durée de 1 an prise par le préfet du Nord le 04 juin 2018 notifiée à M. [K] [C] [J] le même jour,
Vu la décision de la Cour d'appel de Poitiers en date du 30/11/2022 qui a condamné M. [K] [C] [J] à une interdiction définitive du territoire français, à titre de peine complémentaire ou principale, cette mesure étant assortie de l'exécution provisoire conformément aux dispositions de l'article 471 du code de procédure pénale,
Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 23/05/2024 par le préfet de la Corrèze à l'encontre de M. [K] [C] [J],
Vu la requête de M. [K][C] [J] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 24/05/2024 réceptionnée le 24 mai 2024 à 17h20 et enregistrée par le greffe du juge des libertés et de la détention le 24 mai 2024 à 18h00,
Vu la requête de |'autorité administrative en date du 24 mai 2024 reçue le 24 mai 2024 à 11h24 et enregistrée le 24 mai 2024 à 14h00 tendant à la prolongation de la rétention de M. [K] [C] [J] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de vingt huit jours,
Vu l'extrait individualisé du registre prévu a l'article L,744-2 du CESEDA émargé par l'intéressé,
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Bayonne en date du 25 mai 2024 qui, par décision assortie de l'exécution provisoire, a :
- ordonné la jonction du dossier N° RG 24/00673 au dossier N° RG 24/00676 - N° Portalis DBZ7-W-B71-FP5I, statuant en une seule et même ordonnance.
- déclaré recevable la requête de M. [K][C] [J] en contestation de placement en rétention;
- rejeté la requête de M. [K][C] [J] en contestation de placement en rétention ;
- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le Préfet de la Charente ;
- déclaré la procédure diligentée à l'encontre de M. [K][C] [J] régulière
- dit n'y avoir lieu à assignation à résidence ;
- ordonné la prolongation de la rétention de M. [K][C] [J] pour une durée de vingt-huit jours a l'issue du délai de 48 heures de la rétention ;
- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions relatives aux dépens.
Vu la notification de l'ordonnance faite au retenu le 25 mai 2024 à 10 h 22 ;
Vu la déclaration d'appel formée par M. [K][C] [J] reçue le 25 mai 2024 à 15h 22 :
Au soutien de son appel, M. [K][C] [J] expose qu'il a été jugé sans être assisté d'un traducteur et n'a pu s'exprimer alors. Il affirme que le retour dans son pays, l'Irak, mettrait sa vie en danger en raison de l'existence d'un conflit l'opposant à un groupe criminel.
A l'audience, M. [K][C] [J] a repris les termes de son appel et a eu la parole en dernier.
Il explique qu'il ne parle pas la langue arabe mais la langue kurde et qu'il ne parle pas français.
Questionné sur le fait qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire prise à son encontre dès 2018 et qu'il a exécuté une peine d'emprisonnement en France entre 2021 et 2024, il maintient ne pas comprendre le français.
Il ajoute qu'il veut pourvoir quitter la France et rejoindre l'Italie par ses propres moyens.
L'avocat de M. [K] [C] [J] demande l'annulation de l'ordonnance entreprise et sa remise en liberté. Il expose qu'il ne comprend pas suffisamment la langue française et doit être assisté d'un interprète en langue kurde, ce qui n'a pas été le cas dans le cadre de la procédure administrative.
En outre; il ne veut pas retourner en Irak en raison des risques d'atteintes à sa vie. De fait, l'Irak figure sur la liste rouge des pays déconseillés aux européens établie par les pays européens. Il veut rejoindre l'Italie.
Le préfet de la Corrèze, absent, n'a pas fait valoir d'observations.
Sur ce :
En la forme,
L'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur le fond,
Par arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 30 novembre 2022, M. [K][C] [J] a été condamné à la peine de 4 ans d'emprisonnement et à l'interdiction définitive du territoire français avec exécution provisoire des chefs de 'aide à l'entrée à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France ou dans un état partie à la convention de Schengen en bande organisée' et 'détention frauduleuse de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation'.
Incarcéré depuis le 8 mai 2021, il a été élargi le 23 mai 2024, il a été placé au centre de rétention d'[Localité 2].
Il a indiqué avoir séjourné en Italie pendant 2 ans mais ne dispose pas de document de séjour dans ce pays.
Il est célibataire, sans charge de famille et ne dispose pas d'un domicile personnel fixe.
Il est démuni de document d'identité ou de voyage.
Il n'a pas fait état d'un état de santé susceptible de constituer un état de vulnérabilité.
L'administration justifie avoir saisi les autorités irakiennes d'une demande de laissez-passer pour M. [K] [C] [J] le 21 mai 2024, lesquelles ont accusé réception des pièces transmises et lui ont fixé un rendez-vous auprès du consulat irakien le 6 juin 2024.
Une demande de routing a été émise.
En droit,
L'article L731-1 du CESEDA décide que :
"L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;
2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;
3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;
4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre État en application de l'article L. 621-1 ;
5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;
6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;
7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;
8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.
L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.
L'article L 741-1 du CESEDA dispose que : "L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3. "
L'article L 741-1 du CESEDA dispose que "Le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative".
Par ailleurs l'article L.743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énonce que : "En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats".
Par disposition non contestée, le premier juge a retenu la recevabilité de la requête de M. [K] [C] [J] en application de l'article R.741-3, R 743-2 à R 743-4 et R743-7 et R 743-8 du CESEDA.
M. [K] [C] [J] affirme, selon les termes de son appel et à l'audience, que la condamnation prononcée à son encontre et sur laquelle se fonde en partie l'arrêté de placement en rétention méconnaît ses droits car il n'était pas assisté d'un interprète.
A l'audience, il précise qu'il ne comprend pas la langue arabe et que la procédure diligentée à son encontre doit être annulée.
Toutefois, il résulte de la lecture de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 30 novembre 2022, devenu définitif, qu'au cours de l'audience il était assisté de son avocat et d'un interprète en langue kurde inscrit sur la liste de la cour d'appel de Bordeaux.
Par la suite, et dans le cadre de la procédure administrative, M. [K] [C] [J] s'est vu notifier les décisions portant placement en rétention et fixant le pays de renvoi par le truchement d'un interprète en langue arabe qu'il a dit comprendre étant précisé que lors de la procédure contradictoire préalable prévue à l'article L 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, il a sollicité un interprète en langue kurde et a dit parler un peu le français et le lire puis a dit parler la langue kurde et la langue irakienne, l'arabe étant la seule langue officielle de ce pays jusqu'en 2014 et la première langue depuis.
Devant le juge des libertés et de la détention de Bayonne, il a été assisté d'un interprète en langue arabe, devant lequel la nullité de la procédure n'a pas été soulevée in limine litis mais seulement comme une difficulté au même titre que la situation du pays dont il détient la nationalité et la motivation de la requête en prolongation de la rétention.
Il n'y a dès lors pas lieu d'accueillir le moyen soulevé et à annuler le placement en rétention de M. [K] [C] [J].
A hauteur d'appel, M. [K] [C] [J] affirme en outre que son retour en Irak l'expose à un danger pour sa vie compte tenu de la situation instable du pays et de ses conflits avec un groupe criminel.
Il n'étaye ses dires quant à des risques individuels par aucune pièce.
Et, s'il ne peut être contesté que la situation sécuritaire en Irak justifie qu'il soit recommandé par les services diplomatique que les ressortissants des pays européens reportent tout déplacement dans ce pays, M. [K] [C] [J] n'est pas ressortissant français ni européen et il lui appartient par ailleurs d'exercer les voies de droit qui lui sont ouvertes s'il entend contester la décision fixant le pays de renvoi prise à son encontre, la contestation qu'il émet visant à remettre en cause les arrêtés pris à son encontre ;
En conséquence, et alors que la requête de l'administration est recevable; que son examen ne révèle aucune irrégularité et qu'il est établi que les autorités consulaires de son pays ont été sollicitées pour la délivrance d'un laissez-passer tandis qu'une demande de réservation de vol a été effectuée, il ne peut qu'être constaté que l'autorité administrative justifie de diligences utiles pour mettre en 'uvre la mesure d'éloignement dont la perspective demeure raisonnable.
Ceci alors que M. [K] [C] [J] n'a pas préalablement remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie un passeport en cours de validité, qu'il ne présente pas de document de voyage lui permettant de rejoindre régulièrement l'Italie, qu'il ne dispose d'aucune garantie de représentation effective en France n'ayant ni domicile ni activité ni attache avérés sur le territoire français, qu'il s'oppose à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'il s'est soustrait déjà à l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français en date du 4 juin 2018.
Ainsi la prolongation de la rétention administrative dont fait l'objet M. [K] [C] [J] reste l'unique moyen d'assurer la mise à exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet.
En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.
PAR CES MOTIFS :
Déclarons l'appel recevable en la forme.
Confirmons l'ordonnance entreprise.
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture de
la CORREZE.
Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.
Fait au Palais de Justice de PAU, le vingt sept Mai deux mille vingt quatre à 14h33
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Elisabeth LAUBIE Joëlle GUIROY
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Reçu notification de la présente par remise d'une copie
ce jour 27 Mai 2024
Monsieur [K] [C] [J], par mail au centre de rétention d'[Localité 2]
Pris connaissance le : À
Signature
Maître Jean william MARCEL, par mail,
Monsieur le Préfet de la CORREZE par mail