Décisions
CA Bordeaux, ch. soc. A, 22 mai 2024, n° 21/03683
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
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ARRÊT DU : 22 MAI 2024
PRUD'HOMMES
N° RG 21/03683 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MFZL
Monsieur [Y] [H]
c/
S.A. BOULANGER
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 mai 2021 (R.G. n°F 20/00001) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULÊME, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 28 juin 2021,
APPELANT :
Monsieur [Y] [H]
né le 17 février 1982 à [Localité 3] de nationalité française Profession : vendeur, demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Jérôme BOUSQUET de la SELARL BOUSQUET, avocat au barreau de CHARENTE
INTIMÉE :
SA Boulanger, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social [Adresse 1]
N° SIRET : 347 384 570
représentée par Me Cécile AUTHIER de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me Mourad BOURAHLI de la SELARL CAPSTAN NORD EUROPE, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 avril 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire, et Madame Marie Goumilloux, conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Madame Marie Goumilloux, conseillère
Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Après avoir effectué un stage au sein de la SA Boulanger dans le cadre de l'obtention d'un titre professionnel, Monsieur [Y] [H], né en 1982, y a été engagé le 17 mai 2017 en qualité de vendeur par contrat de travail à durée déterminée, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 4 septembre 2017, avec reprise d'ancienneté au 17 mai.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager.
En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [H] s'élevait à la somme de 2.410,83 euros.
Par courrier du 11 août 2018, la société Boulanger a notifié un avertissement au salarié, lui reprochant des propos irrespectueux envers une collègue, que ce dernier a contesté avoir tenus.
Par courriel du 12 septembre 2018, M. [H] a 'confirmé sa candidature au CSE du magasin ainsi que comme délégué syndical au sein de la CFTC'.
Par lettre datée du 25 février 2019, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 mars suivant, avec mise à pied à titre conservatoire.
Le 10 mars 2019, M. [H] a adressé des courriels au syndicat CFTC, soutenant être victime de harcèlement au sein de la société Boulanger.
M. [H] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 11 mars 2019.
A la date du licenciement, il avait une ancienneté de 1 an et 9 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Le 22 mars 2019, M. [H] a déposé plainte contre l'un de ses collègues, M. [S], pour harcèlement moral.
Le 2 janvier 2020, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angoulême, contestant la validité de son licenciement et réclamant le paiement de diverses indemnités, dont des dommages et intérêts pour violation du statut protecteur, harcèlement moral et sexuel et manquement à l'obligation de sécurité outre de rappels de salaires notamment au titre de la mise à pied.
Par jugement rendu le 31 mai 2021, le conseil de prud'hommes a :
- dit fondé le licenciement de M. [H] tant au regard de la violation de la liberté syndicale qu'au regard de faits de harcèlement moral et/ou sexuel, dénoncés ou subis,
- débouté M. [H] de ses demandes en paiement des sommes suivantes :
* au titre de l'indemnité spécifique au regard de la violation de son statut prétendument protégé, à savoir les sommes de 891,40 euros et 89,14 euros de congés payés y afférents,
* 15.000 euros au titre du préjudice moral,
* 50.000 euros à titre d'indemnité pour nullité de licenciement,
* 50.000 euros à titre de réparation du préjudice moral issu de faits de harcèlement moral et/ou sexuel,
* 20.000 euros à titre de réparation du préjudice moral pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
* 114,12 euros correspondant à la retenue de salaire de la période de mise à pied,
* 2.410,83 euros au titre du 13ème mois de l'année 2018,
- dit conformes les documents de fin de contrat de travail remis à M. [H] par la société Boulanger,
- dit sans objet les demandes d'astreinte formulées par M. [H],
- débouté M. [H] de sa demande de paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Boulanger de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [H] aux dépens.
Par déclaration du 28 juin 2021, M. [H] a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 septembre 2021, M. [H] demande à la cour de :
- réformer en intégralité le jugement du conseil de prud'hommes d'Angoulême en date du 31 mai 2021 et, statuant à nouveau, de :
A titre principal,
- déclarer nul son licenciement en date du 11 mars 2019 pour violation par l'employeur de la liberté syndicale,
- le déclarer nul en raison de la dénonciation d'actes de harcèlement moral et sexuel,
- le déclarer nul sur le fondement d'actes de harcèlement moral et sexuel subi,
- condamner la société Boulanger à lui payer les sommes suivantes :
* l'indemnité forfaitaire spécifique s'élevant à la somme de 891,40 euros outre une somme de 89,14 euros au titre des congés payés sur la période, au titre de la violation du statut protecteur,
* 15.000 euros en réparation du préjudice moral subi compte tenu de la violation du statut protecteur,
* 50.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul en raison de la dénonciation des faits de harcèlement moral et sexuel,
* 50.000 euros en réparation de son préjudice moral issu des actes de harcèlement moral et sexuel commis par certains collègues, et par l'employeur lui-même,
* 20.000 euros en réparation de son préjudice moral en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
A titre subsidiaire,
- déclarer injustifié son licenciement,
- condamner la société Boulanger à lui payer une indemnité de licenciement à hauteur de 4 mois de salaire brut, soit une somme de 8.936,36 euros outre la somme de 3.188 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 318,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,
En tout état de cause,
- condamner la société Boulanger à lui payer les sommes suivantes :
* 414,12 euros au titre du rappel de salaire sur la période de mise à pied,
* le montant du 13ème mois pour l'année 2018 soit une somme de 2.234,09 euros bruts,
- la condamner à lui remettre un reçu pour solde de tout compte, fiche de paie de décembre 2018 et fiche de paie récapitulative de janvier 2019, certificat de travail et attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de 10 jours de la décision à intervenir,
- la condamner à lui payer les sommes dues au titre du solde de tout compte, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de 10 jours de la présente de la décision à intervenir,
- la condamner à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 1er juin 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions et pièces de la société Boulanger.
La médiation proposée aux parties n'a pas abouti.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 2 avril 2024.
Autorisé à produire les pièces 12 et 14 illisibles dans le dossier déposé auprès de la cour, M. [H] les a transmises avec plus de clarté par le réseau privé virtuel des avocats le 5 avril 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites de l'appelant conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes des dispositions des articles 472 et 954 du code de procédure civile, lorsque les conclusions de l'intimé ont été déclarées irrecevables, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et doit examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels les premiers juges se sont déterminés, motifs que la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier.
Sur la nullité du licenciement au titre de la violation du statut protecteur du salarié
M. [H] soutient avoir été victime d'une discrimination en raison de son appartenance syndicale et prétend qu'il aurait dû bénéficier de la protection attachée à son statut de salarié protégé, ayant été candidat au comité social et économique (CSE) de l'entreprise et candidat désigné par la CFTC.
Il produit le courriel du 12 septembre 2018 adressé au directeur de magasin lui faisant part de sa candidature ainsi que les attestations de M. [V], délégué syndical CFTC, et de M. [C], délégué syndical central adjoint, qui confirment l'adhésion de M. [H] au syndicat CFTC depuis juillet 2018 et son intention de candidater aux élections du CSE.
Il produit également son reçu de cotisation sociale pour 2019 et le courriel qu'il a adressé à M. [V] le 25 février 2019 lui confirmant le maintien de sa candidature.
Le jugement du conseil de prud'hommes est ainsi rédigé :
« M. [H] met en avant un mail adressé à M.[O], directeur du magasin, daté du 12 septembre 2018 par lequel il formule son intention d'être candidat au CSE en qualité de représentant de l'organisation syndicale CFTC. Il produit également un acte de candidature rédigé sur un formulaire émanant de la même confédération daté du 22 février 2019.
La Sté BOULANGER expose que le document du 22 février 2019 est une pièce interne à la CFTC qui ne saurait valoir communication à la direction d'une liste officielle de candidats.
Quant au mail justifiant de l'intention de M. [H] de se présenter aux élections du CSE, elle expose que ce document serait un montage de pièces falsifiées à l'initiative du demandeur et ne saurait constituer un moyen quelconque de preuve.
Avant même la prise en considération de ces arguments, le Conseil prend connaissance de l'article L.2314-29 du code du travail qui précise entre autres dispositions les modalités de l'élection comme suit : "Au premier tour de scrutin, chaque liste est établie par les organisations syndicales mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article L.2314-5. Si le nombre des votants est inférieur à la moitié des électeurs inscrits, il est procédé, dans un délai de quinze jours, à un second tour de scrutin pour lequel les électeurs peuvent voter pour des listes autres que celles présentées par une organisation syndicale."
Les candidatures du 1er tour sont donc réservées aux syndicats ayant présenté une liste de candidatures. M. [H] ne pouvait donc se présenter au premier tour de l'élection pour le CSE qu'au sein de la liste de l'organisation syndicale dont il était adhérent et qui aurait retenu sa candidature, à savoir la CFTC.
En l'espèce, M. [H] n'a apporté aux débats aucun moyen attestant de son adhésion à la Fédération des syndicats CFTC "commerce, services et force de vente"
Cette condition étant nécessaire à la constitution même de sa candidature, il ne pouvait méconnaître qu'elle serait invalide. La communication du 12 septembre 2018, qu'elle soit ou non falsifiée comme le relève la Sté BOULANGER est donc dénuée de tout effet.
Le Conseil ne retiendra donc pas que M. [H] bénéficiait d'une position de salarié protégé au sein de l'établissement. »
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Aux termes de l' article L. 2411-7 du code du travail, 'l'autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier tour ou au deuxième tour, aux fonctions de délégué du personnel à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l'envoi par lettre recommandée de la candidature à l'employeur.
Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de délégué du personnel a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l' employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement'.
M. [H] produit le courriel du 12 septembre 2018 adressé au directeur du magasin dans lequel il fait part de sa candidature comme délégué syndical CFTC et au CSE, mais également un courriel du 25 février 2019 dans lequel il indique au délégué syndical CFTC, M. [V], qu'il maintient sa candidature pour les élections au CSE.
Il verse aux débats l'affichage syndical annonçant une réunion d'information et les prochaines élections en mai 2018 ainsi que l'affichage de la liste électorale sur laquelle son nom figure.
M. [H] ne démontre toutefois pas qu'il avait été désigné en qualité de délégué syndical CFTC du magasin, aucun courrier du syndicat adressé à l'employeur n'étant produit, ni de ce qu'il figurait sur la liste CFTC pour les élections du CSE initialement prévues le 6 juin 2018 qui ont été reportées à octobre 2018 puis à mars 2019. Il ne peut donc revendiquer la protection attachée à un statut de salarié protégé.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
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Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, (...) de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, (...) et l'article L. 1132-4 sanctionne par la nullité toute disposition ou tout acte discriminatoire.
L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article'1er de la loi n° 2008-496 du 27'mai'2008, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
S'agissant de la discrimination que M. [H] invoque en raison de son orientation sexuelle, il ne produit aucun élément autre que ses courriels dans lesquels il évoque son intention de se syndiquer auprès de la CFTC.
Il ne précise pas la forme qu'aurait prise cette discrimination ni d'élément comparatifs avec d'autres salariés syndiqués ou non syndiqués.
Les faits laissant supposer l'existence d'une de discrimination au regard de ses préférences syndicales ou de son orientation sexuelle ne sont donc pas établis.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur la nullité du licenciement au titre du harcèlement moral et sexuel commis par l'employeur et ses collègues
L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, doit assurer la protection de la santé des travailleurs dans l'entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral et/ou sexuel.
Dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l'employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.
Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L. 1153-1 du code du travail prohibe quant à lui tout fait de harcèlement sexuel ou assimilé.
L'article L. 1154-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
M. [H] soutient avoir été victime de remarques homophobes de la part de ses collègues, qui ont été portés à la connaissance de l'employeur sans que ce dernier ne réagisse.
Il produit le courriel adressé au délégué syndical le 30 janvier 2019 dans lequel il fait part d'un avis d'une cliente sur Google ayant dénoncé 6 jours auparavant des propos homophobes tenus par quatre membres du personnel au sein du magasin dénigrant leur collègue de travail, cet avis ayant par ailleurs été supprimé le lendemain.
Il indique avoir alerté sa direction des propos homophobes qui lui étaient régulièrement adressés, produisant le compte rendu de l'entretien préalable rédigé par le conseiller l'ayant assisté,
M. [H] soutient avoir été menacé par M. [S] le 8 décembre 2018, lequel aurait proféré des menaces de mort à son égard et envers son compagnon et indique en avoir alerté l'employeur qui l'aurait dissuadé de porter plainte.
Le compte rendu de l'entretien préalable en fait également état.
M. [S] aurait par la suite été sanctionné par la notification d'un avertissement. M. [H] produit le dépôt de plainte du 22 mars 2019 contre M. [S] auprès de la gendarmerie d'[Localité 2].
Il fait aussi état de propos déplacés de ses collègues sur le groupe de discussion Whatsapp, compte administré par le directeur du magasin, ayant également rappelé ces faits lors de l'entretien préalable.
M. [H] soutient que son employeur a également été à l'origine de faits de harcèlement, ayant demandé à une nouvelle salariée de ne pas s'approcher de lui et de prendre ses distances au motif qu'il était accusé de harcèlement sexuel. Il verse l'attestation de cette collègue, Mme [M].
De la même façon, il soutient que l'avertissement qui lui a été notifié le 11 août 2018 n'était pas justifié, ce que savait l'employeur pour lui avoir demandé d'être présent sur un salon avec ladite salariée très peu de temps après les faits reprochés. Il indique que M. [L], présent au moment des faits à l'origine de l'avertissement, n'a pas été entendu.
Par ailleurs, alors qu'il lui est reproché dans la lettre de licenciement d'avoir dit à Mme [J] qu'elle était maquillée 'comme une pute', l'employeur n'a pas reçu la salariée, ce qu'elle confirme dans un échange de SMS avec M. [H].
M. [H] soutient enfin qu'il était souvent épié afin de connaître le contenu de ses ventes, M. [U], client du magasin ayant pu ressentir un malaise parlant d'espionnage.
Mme [E], cliente, atteste également de ce qu'il était écouté par ses collègues quand elle venait au magasin et qu'elle souhaitait avoir affaire à lui uniquement comme vendeur.
M. [H] présente ainsi des faits précis et concordants laissant présumer une situation de harcèlement, imputables à la société Boulanger.
Il appartient donc à la société de justifier, pour les faits considérés ci-avant comme établis, que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le jugement déféré est ainsi rédigé :
« Sur le harcèlement moral
M. [H] apporte aux débats différentes pièces relatant des propos homophobes et/ou violents tenus à son encontre par des personnels ayant des postes de travail au contact direct du sien. Il s'agit principalement de l'altercation qu'il a eue avec M. [S] le 8 décembre 2018 lequel collègue a reconnu les faits.
A l'appui de cet apport, le demandeur expose le dépôt de plainte constitué le 22 mars 2019 contre M. [S] auprès de la compagnie de gendarmerie d'[Localité 2].
Afin de statuer sur ce fondement, le Conseil retiendra l'article L.1152-1 du code du travail qui précise :
"Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel."
Le Conseil retient que le législateur a prévu cette disposition à l'encontre de l'employeur qui commettrait de tels agissements en particulier par de la discrimination. En l'espèce M. [H] ne rapporte pas de faits qui mettent en cause le défendeur lui-même en tant qu'employeur.
Sur le caractère sexuel du harcèlement
L'article L1153-1 prévoit que :
"Aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.'
Le Conseil tiendra le même raisonnement qu'il s'agisse de harcèlement moral et/ou sexuel qui ne saurait donc être retenu à l'encontre de la Sté BOULANGER. »
La société n'a produit aucune explication permettant d'établir que les faits dénoncés par le salarié ont fait l'objet d'une enquête, de rappels à l'ordre et que des mesures ont été prises afin d'éviter tout comportement homophobe au sein de l'entreprise.
Elle n'a pas indiqué les mesures prises après l'avis Google publié, les propos tenus par M. [S], en dehors d'un avertissement dont il n'est pas fait mention dans la décision des premiers juges, ni ensuite des photographies échangées sur le groupe Whatsapp portant atteinte à la dignité de M. [H].
S'agissant de l'avertissement notifié à M. [H] le 11 août 2018, il était motivé par des propos qui auraient été tenus par celui-ci à sa collègue Mme [W] : 'il t'en reste sur le coin de la bouche, tu veux un mouchoir'.
Ces propos ont toutefois été contestés par M. [H] dès le lendemain et ne sont corroborés par aucun témoignage de M [L] qui était présent sur les lieux.
L'attestation de Mme [W] figurant au dossier de la société n'est pas produite en appel, dès lors que les conclusions et pièces de la société sont irrecevables, et le conseil de prud'hommes n'en a pas révélé la teneur.
S'agissant des propos que le salarié aurait proférés envers Mme [J], la société ne peut pas plus utilement verser aux débats l'attestation de celle-ci, qui a indiqué dans un échange de SMS du 10 mars 2019 ne pas avoir été convoquée pour en discuter.
M. [H] reconnaît toutefois avoir prononcé ces paroles mais sans intention malveillante.
S'agissant de la façon dont les collègues pouvaient l'épier, si les attestations de deux clients qui ont constaté ce fait, ne peuvent permettre de généraliser ces faits, la société n'a produit aucune explication en première instance pour en justifier.
Enfin, il est établi par la reproduction d'un message Whatsapp du 21 janvier 2019 que le directeur a donné rendez-vous à M. [H] le lendemain pour participer à un salon à 9H, alors que le planning le positionnait en journée de récupération, lui demandant ainsi de travailler un jour de congés.
En conséquence, la société Boulanger échoue à démontrer que les faits invoqués par M. [H] pris dans leur ensemble, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement en raison des propos et d'un comportement homophobe tant dénoncés à l'employeur que favorisés par celui-ci.
En réparation du préjudice subi du fait des actes de harcèlement émanant à la fois des salariés que de l'employeur, il sera alloué à M. [H] la somme de 2.500 euros.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
La lettre de licenciement adressée au salarié le 11 mars 2019 est ainsi rédigée :
« [...]
En date du 13 février 2019, nous avons été saisis sur la situation alarmante, et plus particulièrement sur la souffrance psychologique des collaborateurs en raison de votre
comportement.
Il était question de propos déplacés de votre part à leur égard et totalement incompatibles avec nos valeurs.
En raison de notre obligation de sécurité, nous avons pris la décision de procéder à une
écoute de ces collaborateurs du magasin pour vérifier la véracité ou non des propos.
Ces témoignages ont non seulement confirmé les alertes évoquées ci-dessus, mais nous avons été stupéfaits de découvrir l'ampleur de la situation.
Ils ont confirmé un comportement inapproprié conduisant à un climat de tension et de
souffrance psychologique.
De manière non exhaustive, des collaborateurs nous ont exprimé les choses suivantes :
'il raconte à des collègues que je prends des crédits sur le dos de mes enfants' 'il dit à tous les nouveaux vendeurs de se méfier de moi, ce qui mettait une gêne entre eux et moi pour m'isoler' 'il colporte des rumeurs mais également des paroles sur ma vie privée'.
Vous avez tenu des propos insultants comme 'ferme ta gueule' ; vous critiquez une
collègue en évoquant 'un maquillage de pute'.
Outre les dispositions du règlement intérieur, tous ces faits sont d'une réelle gravité.
De manière générale, vous avez colporté des rumeurs sur vos collègues entrainant une ambiance délétère. Vous avez tenu également des propos inadmissibles à l'égard de collègues, ce que nous ne pouvons pas tolérer.
D'ailleurs, nous vous rappelons que vous avez fait l'objet de sanctions disciplinaires pour des faits similaires. Vous vous étiez d'ailleurs excusé auprès de votre collègue.
Nous avions alors insisté sur la nécessité d'une prise de conscience de votre part sur
votre attitude, pour que ce type d'incident ne se reproduise plus. Force est de constater que vous n'avez pas tenu vos engagements.
Les explications que vous avez fournies lors de l'entretien, au cours duquel vous avez
reconnu les faits, n'ont pas permis de modifier notre appréciation sur vos agissements,
qui sont constitutifs d'une faute grave.
[...] ».
L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.
Le jugement déféré est ainsi rédigé :
« La Sté BOULANGER met en avant l'impossibilité de maintenir la cohésion de son équipe commerciale en présence de M [H].
Elle appuie ce point par la production de sept attestations recueillies parmi le personnel du magasin.
Avant même de statuer sur la valeur de celle de Mme [T], le Conseil retient la pluralité des témoignages à l'encontre de M. [H] sur son attitude au travail. Or, il est du pouvoir disciplinaire de l'employeur de juger de la possibilité du maintien ou non d'un de ses salariés à son poste.
En l'espèce, cette impossibilité caractérise la gravité de la faute, celle-ci étant par ailleurs confortée par la récidive après les avertissements antérieurement adressés à M. [H]. »
M. [H] reconnaît uniquement avoir tenu des propos à Mme [J] sur son maquillage, mais s'être excusé immédiatement auprès d'elle. Les échanges de SMS du 10 mars 2019 des deux salariés démontrent qu'il n'y avait pas d'animosité entre eux.
Le conseil de prud'hommes a noté la production de sept attestations par l'employeur qui viendraient au soutien des griefs reprochés au salarié.
S'agissant de l'attestation de Mme [T], M. [H] verse aux débats les échanges de SMS entre un membre du syndicat et le délégué régional CFTC du 16 mars 2019 dans lesquels Mme [T] a indiqué avoir été approchée par la direction pour faire un courrier contre M. [H] sous peine de se voir licenciée. Ce chantage de la direction est confirmé par M. [L] dans un échange de courriel adressé au délégué syndical le 18 mars 2019.
Cette attestation dont la cour ne dispose pas est en tout état de cause sujette à caution.
S'agissant de l'attestation de M. [K], M. [H] indique que celui-ci dénonce des faits qui ne sont corroborés par aucun élément.
Il produit de son côté l'attestation de M. [A], client, selon laquelle il a maintenu de très bonnes relations avec M. [H] en raison du règlement de son achat auprès de la société Boulanger en 10 mensualités, et que M. [K] lui ayant succédé, ce dernier lui a fait savoir que M. [H] 'ne faisait plus partie des meubles'. Ce client dénonce par ailleurs les méthodes de vente forcée de M. [K].
S'agissant de l'attestation de M. [P], ancien maître de stage et 'responsable univers', M. [H] rappelle que lorsque ce dernier a mené l'entretien d'étape du 26 octobre 2018, il a été relevé les efforts faits sur sa relation professionnelle avec Mme [W], sans qu'aucun reproche sur son comportement n'ait été mentionné.
Par ailleurs, lors d'échanges de SMS du 11 juin 2018, M [P] donnait rendez-vous à M. [H] chez lui pour récupérer une tondeuse, ce qui permet de relever une bonne entente entre les salariés.
Le compte rendu d'évaluation professionnelle du 5 février 2018 ne fait pas plus de reproche à M [H] sur son comportement.
S'agissant de l'attestation de M. [S], dans laquelle celui-ci se dit victime d'un harcèlement de la part de M. [H], il reconnaît cependant l'avoir agressé le 18 décembre 2018 et indique que M. [H] faisait tout pour récupérer les devis afin qu'il ne touche pas sa commission.
M. [H] a déposé plainte contre M. [S], après avoir alerté la section syndicale et son employeur en amont pour des menaces de mort. Il verse des captures d'écran du 4 octobre 2018 établissant que M. [S] a modifié une des ventes au détriment de M. [H], en changeant le matricule du vendeur afin de percevoir la commission.
S'agissant de l'attestation de Mme [F], selon laquelle M. [H] aurait tenu le 15 février 2019 des propos qui l'auraient choquée, lui disant 'ferme ta gueule' après une altercation sur la surface de vente, M. [H] produit le planning des salariés permettant de vérifier que Mme [F] était absente du magasin ce jour, le vendredi 15 février 2019. Il verse aux débats la plainte qu'il a déposée 15 octobre 2020 auprès de la gendarmerie d'[Localité 2] pour fausse attestation mensongère et propos calomnieux.
S'agissant de l'attestation de Mme [W], M. [H] rappelle que celle-ci vise des faits ayant fait l'objet de l'avertissement et qu'elle n'est pas corroborée par les propos de M. [L], présent sur les lieux, lequel a par la suite démissionné de son mandat syndical le 20 février 2020. Par SMS du 26 septembre 2021, M. [L] a informé M. [H] être obligé de couper toute relation avec lui afin de pouvoir garder son travail.
L'employeur ne démontre pas la réalité des griefs reprochés et notamment le manque de cohésion alors que M. [H] était victime de harcèlement homophobe de la part de ses collègues sans que l'employeur, bien qu'il en soit informé, ne prenne aucune mesure pour y mettre fin.
Le licenciement reposant en réalité sur des faits de harcèlement dénoncés par le salarié est donc nul.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité
M. [H] invoque le manquement de l'employeur à son obligation d'assurer la sécurité des salariés.
Le jugement déféré est ainsi rédigé :
« Le demandeur rappelle les dispositions de l'article L4121-1 du CT, lequel dispose que : 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs."
Au regard de cette obligation, le Conseil considère les articles L1152-4 et L1152-5 du CT qui prévoient respectivement que :"L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral."
et : "Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire."
Le Conseil retient que les fautes commises suite à des propos dégradants et/ou violents à l'encontre de M. [H] ont été sanctionnées quand elles ont été rapportées à la direction de l'établissement de [Localité 4].
Il s'agit d'avertissement au personnel concerné. Le Conseil considère qu'en l'absence d'état de récidive, la sanction appliquée est proportionnée à la gravité des faits.
De surcroît, à chaque événement répréhensible, a été notifié à l'ensemble du personnel de l'établissement un rappel au règlement intérieur et notamment à son article réglant les rapports entre salariés.
Le Conseil ne retiendra donc pas le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. »
L'employeur est tenu d'une obligation légale de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et doit en assurer l'effectivité en vertu des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail. Il doit notamment mettre en oeuvre les mesures de nature à prévenir les faits de harcèlement.
Indépendamment de la connaissance de la situation particulière de M. [H], la société ne produit aucun document interne justifiant qu'elle a pris les mesures nécessaires en matière de prévention du risque de harcèlement.
En réparation du préjudice subi du fait du manquement de l'employeur à son obligation de protection et de préservation de la santé et la sécurité des salariés, il sera alloué à M. [H] la somme de 2.000 euros.
Sur les demandes financières
- Sur le rappel de salaire retenu durant la période de mise à pied
La cour ayant retenu la nullité du licenciement, il sera fait droit à la demande de M [H] de voir ordonner à la société le remboursement du salaire retenu durant la période de mise à pied du 25 février 2019 au 13 mars 2019, soit la somme de 891,40 euros bruts outre 89,14 euros bruts au titre des congés payés y afférents.
- Sur l'indemnité pour licenciement nul
M. [H] était âgé de 37 ans au moment de la rupture du contrat de travail. Il avait une ancienneté de 1 an et 9 mois.
Il ne précise pas sa situation professionnelle depuis sa perte d'emploi.
***
En application des dispositions de L. 1235-3-1 du code du travail, l'indemnité à la charge de l'employeur ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [H] (2.410,83 euros) de son âge, de son ancienneté, il convient de fixer à 15.000 euros la somme de nature à assurer la réparation du préjudice subi par M. [H] à la suite de son licenciement abusif.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
- Sur la demande en paiement des journées de récupération et du 13ème mois de l'année 2018
Le jugement déféré est ainsi rédigé :
« Le Conseil constate qu'aucune des deux parties n'a fourni les bulletins de salaire de l'année ainsi concernée. En l'absence d'éléments factuels, le Conseil ne pourra donner une suite favorable à cette demande. »
* Les journées de récupération étant la contrepartie d'heures supplémentaires effectuées, et le solde de tout compte ne faisant pas état de leur paiement, il convient de condamner la société à verser à M. [H] la somme de 414,12 euros bruts au titre des 42 heures de récupération.
***
Le contrat de travail de M. [H] ne prévoyait pas le paiement d'un 13ème mois. En revanche, il a perçu en juin 2018 une prime annuelle d'un montant de 959,08 euros.
Dès lors que la prime litigieuse, qui n'était pas prévue par le contrat de travail, avait été jusqu'alors attribuée de manière discrétionnaire par l'employeur, en l'absence de caractère obligatoire, le salarié n'est pas fondé à demander le paiement d'une somme à ce titre pour l'année considérée.
Sur les autres demandes
La société Boulanger devra délivrer un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation France Travail (anciennement Pôle Emploi) rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée.
La société, qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [H] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [H] de ses demandes au titre de la violation du statut protecteur de salarié protégé et du paiement d'un 13ème mois,
Statuant à nouveau,
Dit nul le licenciement de M [H],
Condamne la société Boulanger à verser à M. [H] les sommes de :
- 2.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement subi,
- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
- 891,40 euros bruts au titre du rappel de salaire retenu du 25 février 2019 au 13 mars 2019,
- 89,14 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
- 414,12 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures de récupération non rémunérées,
- 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du licenciement nul,
Dit que la société Boulanger devra délivrer un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation France Travail rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une mesure d'astreinte,
Condamne la société Boulanger aux dépens ainsi qu'à verser à M. [H] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
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ARRÊT DU : 22 MAI 2024
PRUD'HOMMES
N° RG 21/03683 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MFZL
Monsieur [Y] [H]
c/
S.A. BOULANGER
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 mai 2021 (R.G. n°F 20/00001) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULÊME, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 28 juin 2021,
APPELANT :
Monsieur [Y] [H]
né le 17 février 1982 à [Localité 3] de nationalité française Profession : vendeur, demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Jérôme BOUSQUET de la SELARL BOUSQUET, avocat au barreau de CHARENTE
INTIMÉE :
SA Boulanger, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social [Adresse 1]
N° SIRET : 347 384 570
représentée par Me Cécile AUTHIER de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me Mourad BOURAHLI de la SELARL CAPSTAN NORD EUROPE, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 avril 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire, et Madame Marie Goumilloux, conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Madame Marie Goumilloux, conseillère
Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Après avoir effectué un stage au sein de la SA Boulanger dans le cadre de l'obtention d'un titre professionnel, Monsieur [Y] [H], né en 1982, y a été engagé le 17 mai 2017 en qualité de vendeur par contrat de travail à durée déterminée, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 4 septembre 2017, avec reprise d'ancienneté au 17 mai.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager.
En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [H] s'élevait à la somme de 2.410,83 euros.
Par courrier du 11 août 2018, la société Boulanger a notifié un avertissement au salarié, lui reprochant des propos irrespectueux envers une collègue, que ce dernier a contesté avoir tenus.
Par courriel du 12 septembre 2018, M. [H] a 'confirmé sa candidature au CSE du magasin ainsi que comme délégué syndical au sein de la CFTC'.
Par lettre datée du 25 février 2019, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 mars suivant, avec mise à pied à titre conservatoire.
Le 10 mars 2019, M. [H] a adressé des courriels au syndicat CFTC, soutenant être victime de harcèlement au sein de la société Boulanger.
M. [H] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 11 mars 2019.
A la date du licenciement, il avait une ancienneté de 1 an et 9 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Le 22 mars 2019, M. [H] a déposé plainte contre l'un de ses collègues, M. [S], pour harcèlement moral.
Le 2 janvier 2020, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angoulême, contestant la validité de son licenciement et réclamant le paiement de diverses indemnités, dont des dommages et intérêts pour violation du statut protecteur, harcèlement moral et sexuel et manquement à l'obligation de sécurité outre de rappels de salaires notamment au titre de la mise à pied.
Par jugement rendu le 31 mai 2021, le conseil de prud'hommes a :
- dit fondé le licenciement de M. [H] tant au regard de la violation de la liberté syndicale qu'au regard de faits de harcèlement moral et/ou sexuel, dénoncés ou subis,
- débouté M. [H] de ses demandes en paiement des sommes suivantes :
* au titre de l'indemnité spécifique au regard de la violation de son statut prétendument protégé, à savoir les sommes de 891,40 euros et 89,14 euros de congés payés y afférents,
* 15.000 euros au titre du préjudice moral,
* 50.000 euros à titre d'indemnité pour nullité de licenciement,
* 50.000 euros à titre de réparation du préjudice moral issu de faits de harcèlement moral et/ou sexuel,
* 20.000 euros à titre de réparation du préjudice moral pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
* 114,12 euros correspondant à la retenue de salaire de la période de mise à pied,
* 2.410,83 euros au titre du 13ème mois de l'année 2018,
- dit conformes les documents de fin de contrat de travail remis à M. [H] par la société Boulanger,
- dit sans objet les demandes d'astreinte formulées par M. [H],
- débouté M. [H] de sa demande de paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Boulanger de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [H] aux dépens.
Par déclaration du 28 juin 2021, M. [H] a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 septembre 2021, M. [H] demande à la cour de :
- réformer en intégralité le jugement du conseil de prud'hommes d'Angoulême en date du 31 mai 2021 et, statuant à nouveau, de :
A titre principal,
- déclarer nul son licenciement en date du 11 mars 2019 pour violation par l'employeur de la liberté syndicale,
- le déclarer nul en raison de la dénonciation d'actes de harcèlement moral et sexuel,
- le déclarer nul sur le fondement d'actes de harcèlement moral et sexuel subi,
- condamner la société Boulanger à lui payer les sommes suivantes :
* l'indemnité forfaitaire spécifique s'élevant à la somme de 891,40 euros outre une somme de 89,14 euros au titre des congés payés sur la période, au titre de la violation du statut protecteur,
* 15.000 euros en réparation du préjudice moral subi compte tenu de la violation du statut protecteur,
* 50.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul en raison de la dénonciation des faits de harcèlement moral et sexuel,
* 50.000 euros en réparation de son préjudice moral issu des actes de harcèlement moral et sexuel commis par certains collègues, et par l'employeur lui-même,
* 20.000 euros en réparation de son préjudice moral en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
A titre subsidiaire,
- déclarer injustifié son licenciement,
- condamner la société Boulanger à lui payer une indemnité de licenciement à hauteur de 4 mois de salaire brut, soit une somme de 8.936,36 euros outre la somme de 3.188 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 318,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente,
En tout état de cause,
- condamner la société Boulanger à lui payer les sommes suivantes :
* 414,12 euros au titre du rappel de salaire sur la période de mise à pied,
* le montant du 13ème mois pour l'année 2018 soit une somme de 2.234,09 euros bruts,
- la condamner à lui remettre un reçu pour solde de tout compte, fiche de paie de décembre 2018 et fiche de paie récapitulative de janvier 2019, certificat de travail et attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de 10 jours de la décision à intervenir,
- la condamner à lui payer les sommes dues au titre du solde de tout compte, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de 10 jours de la présente de la décision à intervenir,
- la condamner à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 1er juin 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions et pièces de la société Boulanger.
La médiation proposée aux parties n'a pas abouti.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 2 avril 2024.
Autorisé à produire les pièces 12 et 14 illisibles dans le dossier déposé auprès de la cour, M. [H] les a transmises avec plus de clarté par le réseau privé virtuel des avocats le 5 avril 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites de l'appelant conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes des dispositions des articles 472 et 954 du code de procédure civile, lorsque les conclusions de l'intimé ont été déclarées irrecevables, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et doit examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels les premiers juges se sont déterminés, motifs que la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier.
Sur la nullité du licenciement au titre de la violation du statut protecteur du salarié
M. [H] soutient avoir été victime d'une discrimination en raison de son appartenance syndicale et prétend qu'il aurait dû bénéficier de la protection attachée à son statut de salarié protégé, ayant été candidat au comité social et économique (CSE) de l'entreprise et candidat désigné par la CFTC.
Il produit le courriel du 12 septembre 2018 adressé au directeur de magasin lui faisant part de sa candidature ainsi que les attestations de M. [V], délégué syndical CFTC, et de M. [C], délégué syndical central adjoint, qui confirment l'adhésion de M. [H] au syndicat CFTC depuis juillet 2018 et son intention de candidater aux élections du CSE.
Il produit également son reçu de cotisation sociale pour 2019 et le courriel qu'il a adressé à M. [V] le 25 février 2019 lui confirmant le maintien de sa candidature.
Le jugement du conseil de prud'hommes est ainsi rédigé :
« M. [H] met en avant un mail adressé à M.[O], directeur du magasin, daté du 12 septembre 2018 par lequel il formule son intention d'être candidat au CSE en qualité de représentant de l'organisation syndicale CFTC. Il produit également un acte de candidature rédigé sur un formulaire émanant de la même confédération daté du 22 février 2019.
La Sté BOULANGER expose que le document du 22 février 2019 est une pièce interne à la CFTC qui ne saurait valoir communication à la direction d'une liste officielle de candidats.
Quant au mail justifiant de l'intention de M. [H] de se présenter aux élections du CSE, elle expose que ce document serait un montage de pièces falsifiées à l'initiative du demandeur et ne saurait constituer un moyen quelconque de preuve.
Avant même la prise en considération de ces arguments, le Conseil prend connaissance de l'article L.2314-29 du code du travail qui précise entre autres dispositions les modalités de l'élection comme suit : "Au premier tour de scrutin, chaque liste est établie par les organisations syndicales mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article L.2314-5. Si le nombre des votants est inférieur à la moitié des électeurs inscrits, il est procédé, dans un délai de quinze jours, à un second tour de scrutin pour lequel les électeurs peuvent voter pour des listes autres que celles présentées par une organisation syndicale."
Les candidatures du 1er tour sont donc réservées aux syndicats ayant présenté une liste de candidatures. M. [H] ne pouvait donc se présenter au premier tour de l'élection pour le CSE qu'au sein de la liste de l'organisation syndicale dont il était adhérent et qui aurait retenu sa candidature, à savoir la CFTC.
En l'espèce, M. [H] n'a apporté aux débats aucun moyen attestant de son adhésion à la Fédération des syndicats CFTC "commerce, services et force de vente"
Cette condition étant nécessaire à la constitution même de sa candidature, il ne pouvait méconnaître qu'elle serait invalide. La communication du 12 septembre 2018, qu'elle soit ou non falsifiée comme le relève la Sté BOULANGER est donc dénuée de tout effet.
Le Conseil ne retiendra donc pas que M. [H] bénéficiait d'une position de salarié protégé au sein de l'établissement. »
***
Aux termes de l' article L. 2411-7 du code du travail, 'l'autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier tour ou au deuxième tour, aux fonctions de délégué du personnel à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l'envoi par lettre recommandée de la candidature à l'employeur.
Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de délégué du personnel a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l' employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement'.
M. [H] produit le courriel du 12 septembre 2018 adressé au directeur du magasin dans lequel il fait part de sa candidature comme délégué syndical CFTC et au CSE, mais également un courriel du 25 février 2019 dans lequel il indique au délégué syndical CFTC, M. [V], qu'il maintient sa candidature pour les élections au CSE.
Il verse aux débats l'affichage syndical annonçant une réunion d'information et les prochaines élections en mai 2018 ainsi que l'affichage de la liste électorale sur laquelle son nom figure.
M. [H] ne démontre toutefois pas qu'il avait été désigné en qualité de délégué syndical CFTC du magasin, aucun courrier du syndicat adressé à l'employeur n'étant produit, ni de ce qu'il figurait sur la liste CFTC pour les élections du CSE initialement prévues le 6 juin 2018 qui ont été reportées à octobre 2018 puis à mars 2019. Il ne peut donc revendiquer la protection attachée à un statut de salarié protégé.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
***
Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, (...) de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, (...) et l'article L. 1132-4 sanctionne par la nullité toute disposition ou tout acte discriminatoire.
L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article'1er de la loi n° 2008-496 du 27'mai'2008, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
S'agissant de la discrimination que M. [H] invoque en raison de son orientation sexuelle, il ne produit aucun élément autre que ses courriels dans lesquels il évoque son intention de se syndiquer auprès de la CFTC.
Il ne précise pas la forme qu'aurait prise cette discrimination ni d'élément comparatifs avec d'autres salariés syndiqués ou non syndiqués.
Les faits laissant supposer l'existence d'une de discrimination au regard de ses préférences syndicales ou de son orientation sexuelle ne sont donc pas établis.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur la nullité du licenciement au titre du harcèlement moral et sexuel commis par l'employeur et ses collègues
L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, doit assurer la protection de la santé des travailleurs dans l'entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral et/ou sexuel.
Dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l'employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.
Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L. 1153-1 du code du travail prohibe quant à lui tout fait de harcèlement sexuel ou assimilé.
L'article L. 1154-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
M. [H] soutient avoir été victime de remarques homophobes de la part de ses collègues, qui ont été portés à la connaissance de l'employeur sans que ce dernier ne réagisse.
Il produit le courriel adressé au délégué syndical le 30 janvier 2019 dans lequel il fait part d'un avis d'une cliente sur Google ayant dénoncé 6 jours auparavant des propos homophobes tenus par quatre membres du personnel au sein du magasin dénigrant leur collègue de travail, cet avis ayant par ailleurs été supprimé le lendemain.
Il indique avoir alerté sa direction des propos homophobes qui lui étaient régulièrement adressés, produisant le compte rendu de l'entretien préalable rédigé par le conseiller l'ayant assisté,
M. [H] soutient avoir été menacé par M. [S] le 8 décembre 2018, lequel aurait proféré des menaces de mort à son égard et envers son compagnon et indique en avoir alerté l'employeur qui l'aurait dissuadé de porter plainte.
Le compte rendu de l'entretien préalable en fait également état.
M. [S] aurait par la suite été sanctionné par la notification d'un avertissement. M. [H] produit le dépôt de plainte du 22 mars 2019 contre M. [S] auprès de la gendarmerie d'[Localité 2].
Il fait aussi état de propos déplacés de ses collègues sur le groupe de discussion Whatsapp, compte administré par le directeur du magasin, ayant également rappelé ces faits lors de l'entretien préalable.
M. [H] soutient que son employeur a également été à l'origine de faits de harcèlement, ayant demandé à une nouvelle salariée de ne pas s'approcher de lui et de prendre ses distances au motif qu'il était accusé de harcèlement sexuel. Il verse l'attestation de cette collègue, Mme [M].
De la même façon, il soutient que l'avertissement qui lui a été notifié le 11 août 2018 n'était pas justifié, ce que savait l'employeur pour lui avoir demandé d'être présent sur un salon avec ladite salariée très peu de temps après les faits reprochés. Il indique que M. [L], présent au moment des faits à l'origine de l'avertissement, n'a pas été entendu.
Par ailleurs, alors qu'il lui est reproché dans la lettre de licenciement d'avoir dit à Mme [J] qu'elle était maquillée 'comme une pute', l'employeur n'a pas reçu la salariée, ce qu'elle confirme dans un échange de SMS avec M. [H].
M. [H] soutient enfin qu'il était souvent épié afin de connaître le contenu de ses ventes, M. [U], client du magasin ayant pu ressentir un malaise parlant d'espionnage.
Mme [E], cliente, atteste également de ce qu'il était écouté par ses collègues quand elle venait au magasin et qu'elle souhaitait avoir affaire à lui uniquement comme vendeur.
M. [H] présente ainsi des faits précis et concordants laissant présumer une situation de harcèlement, imputables à la société Boulanger.
Il appartient donc à la société de justifier, pour les faits considérés ci-avant comme établis, que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le jugement déféré est ainsi rédigé :
« Sur le harcèlement moral
M. [H] apporte aux débats différentes pièces relatant des propos homophobes et/ou violents tenus à son encontre par des personnels ayant des postes de travail au contact direct du sien. Il s'agit principalement de l'altercation qu'il a eue avec M. [S] le 8 décembre 2018 lequel collègue a reconnu les faits.
A l'appui de cet apport, le demandeur expose le dépôt de plainte constitué le 22 mars 2019 contre M. [S] auprès de la compagnie de gendarmerie d'[Localité 2].
Afin de statuer sur ce fondement, le Conseil retiendra l'article L.1152-1 du code du travail qui précise :
"Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel."
Le Conseil retient que le législateur a prévu cette disposition à l'encontre de l'employeur qui commettrait de tels agissements en particulier par de la discrimination. En l'espèce M. [H] ne rapporte pas de faits qui mettent en cause le défendeur lui-même en tant qu'employeur.
Sur le caractère sexuel du harcèlement
L'article L1153-1 prévoit que :
"Aucun salarié ne doit subir des faits :
1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.'
Le Conseil tiendra le même raisonnement qu'il s'agisse de harcèlement moral et/ou sexuel qui ne saurait donc être retenu à l'encontre de la Sté BOULANGER. »
La société n'a produit aucune explication permettant d'établir que les faits dénoncés par le salarié ont fait l'objet d'une enquête, de rappels à l'ordre et que des mesures ont été prises afin d'éviter tout comportement homophobe au sein de l'entreprise.
Elle n'a pas indiqué les mesures prises après l'avis Google publié, les propos tenus par M. [S], en dehors d'un avertissement dont il n'est pas fait mention dans la décision des premiers juges, ni ensuite des photographies échangées sur le groupe Whatsapp portant atteinte à la dignité de M. [H].
S'agissant de l'avertissement notifié à M. [H] le 11 août 2018, il était motivé par des propos qui auraient été tenus par celui-ci à sa collègue Mme [W] : 'il t'en reste sur le coin de la bouche, tu veux un mouchoir'.
Ces propos ont toutefois été contestés par M. [H] dès le lendemain et ne sont corroborés par aucun témoignage de M [L] qui était présent sur les lieux.
L'attestation de Mme [W] figurant au dossier de la société n'est pas produite en appel, dès lors que les conclusions et pièces de la société sont irrecevables, et le conseil de prud'hommes n'en a pas révélé la teneur.
S'agissant des propos que le salarié aurait proférés envers Mme [J], la société ne peut pas plus utilement verser aux débats l'attestation de celle-ci, qui a indiqué dans un échange de SMS du 10 mars 2019 ne pas avoir été convoquée pour en discuter.
M. [H] reconnaît toutefois avoir prononcé ces paroles mais sans intention malveillante.
S'agissant de la façon dont les collègues pouvaient l'épier, si les attestations de deux clients qui ont constaté ce fait, ne peuvent permettre de généraliser ces faits, la société n'a produit aucune explication en première instance pour en justifier.
Enfin, il est établi par la reproduction d'un message Whatsapp du 21 janvier 2019 que le directeur a donné rendez-vous à M. [H] le lendemain pour participer à un salon à 9H, alors que le planning le positionnait en journée de récupération, lui demandant ainsi de travailler un jour de congés.
En conséquence, la société Boulanger échoue à démontrer que les faits invoqués par M. [H] pris dans leur ensemble, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement en raison des propos et d'un comportement homophobe tant dénoncés à l'employeur que favorisés par celui-ci.
En réparation du préjudice subi du fait des actes de harcèlement émanant à la fois des salariés que de l'employeur, il sera alloué à M. [H] la somme de 2.500 euros.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
La lettre de licenciement adressée au salarié le 11 mars 2019 est ainsi rédigée :
« [...]
En date du 13 février 2019, nous avons été saisis sur la situation alarmante, et plus particulièrement sur la souffrance psychologique des collaborateurs en raison de votre
comportement.
Il était question de propos déplacés de votre part à leur égard et totalement incompatibles avec nos valeurs.
En raison de notre obligation de sécurité, nous avons pris la décision de procéder à une
écoute de ces collaborateurs du magasin pour vérifier la véracité ou non des propos.
Ces témoignages ont non seulement confirmé les alertes évoquées ci-dessus, mais nous avons été stupéfaits de découvrir l'ampleur de la situation.
Ils ont confirmé un comportement inapproprié conduisant à un climat de tension et de
souffrance psychologique.
De manière non exhaustive, des collaborateurs nous ont exprimé les choses suivantes :
'il raconte à des collègues que je prends des crédits sur le dos de mes enfants' 'il dit à tous les nouveaux vendeurs de se méfier de moi, ce qui mettait une gêne entre eux et moi pour m'isoler' 'il colporte des rumeurs mais également des paroles sur ma vie privée'.
Vous avez tenu des propos insultants comme 'ferme ta gueule' ; vous critiquez une
collègue en évoquant 'un maquillage de pute'.
Outre les dispositions du règlement intérieur, tous ces faits sont d'une réelle gravité.
De manière générale, vous avez colporté des rumeurs sur vos collègues entrainant une ambiance délétère. Vous avez tenu également des propos inadmissibles à l'égard de collègues, ce que nous ne pouvons pas tolérer.
D'ailleurs, nous vous rappelons que vous avez fait l'objet de sanctions disciplinaires pour des faits similaires. Vous vous étiez d'ailleurs excusé auprès de votre collègue.
Nous avions alors insisté sur la nécessité d'une prise de conscience de votre part sur
votre attitude, pour que ce type d'incident ne se reproduise plus. Force est de constater que vous n'avez pas tenu vos engagements.
Les explications que vous avez fournies lors de l'entretien, au cours duquel vous avez
reconnu les faits, n'ont pas permis de modifier notre appréciation sur vos agissements,
qui sont constitutifs d'une faute grave.
[...] ».
L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.
Le jugement déféré est ainsi rédigé :
« La Sté BOULANGER met en avant l'impossibilité de maintenir la cohésion de son équipe commerciale en présence de M [H].
Elle appuie ce point par la production de sept attestations recueillies parmi le personnel du magasin.
Avant même de statuer sur la valeur de celle de Mme [T], le Conseil retient la pluralité des témoignages à l'encontre de M. [H] sur son attitude au travail. Or, il est du pouvoir disciplinaire de l'employeur de juger de la possibilité du maintien ou non d'un de ses salariés à son poste.
En l'espèce, cette impossibilité caractérise la gravité de la faute, celle-ci étant par ailleurs confortée par la récidive après les avertissements antérieurement adressés à M. [H]. »
M. [H] reconnaît uniquement avoir tenu des propos à Mme [J] sur son maquillage, mais s'être excusé immédiatement auprès d'elle. Les échanges de SMS du 10 mars 2019 des deux salariés démontrent qu'il n'y avait pas d'animosité entre eux.
Le conseil de prud'hommes a noté la production de sept attestations par l'employeur qui viendraient au soutien des griefs reprochés au salarié.
S'agissant de l'attestation de Mme [T], M. [H] verse aux débats les échanges de SMS entre un membre du syndicat et le délégué régional CFTC du 16 mars 2019 dans lesquels Mme [T] a indiqué avoir été approchée par la direction pour faire un courrier contre M. [H] sous peine de se voir licenciée. Ce chantage de la direction est confirmé par M. [L] dans un échange de courriel adressé au délégué syndical le 18 mars 2019.
Cette attestation dont la cour ne dispose pas est en tout état de cause sujette à caution.
S'agissant de l'attestation de M. [K], M. [H] indique que celui-ci dénonce des faits qui ne sont corroborés par aucun élément.
Il produit de son côté l'attestation de M. [A], client, selon laquelle il a maintenu de très bonnes relations avec M. [H] en raison du règlement de son achat auprès de la société Boulanger en 10 mensualités, et que M. [K] lui ayant succédé, ce dernier lui a fait savoir que M. [H] 'ne faisait plus partie des meubles'. Ce client dénonce par ailleurs les méthodes de vente forcée de M. [K].
S'agissant de l'attestation de M. [P], ancien maître de stage et 'responsable univers', M. [H] rappelle que lorsque ce dernier a mené l'entretien d'étape du 26 octobre 2018, il a été relevé les efforts faits sur sa relation professionnelle avec Mme [W], sans qu'aucun reproche sur son comportement n'ait été mentionné.
Par ailleurs, lors d'échanges de SMS du 11 juin 2018, M [P] donnait rendez-vous à M. [H] chez lui pour récupérer une tondeuse, ce qui permet de relever une bonne entente entre les salariés.
Le compte rendu d'évaluation professionnelle du 5 février 2018 ne fait pas plus de reproche à M [H] sur son comportement.
S'agissant de l'attestation de M. [S], dans laquelle celui-ci se dit victime d'un harcèlement de la part de M. [H], il reconnaît cependant l'avoir agressé le 18 décembre 2018 et indique que M. [H] faisait tout pour récupérer les devis afin qu'il ne touche pas sa commission.
M. [H] a déposé plainte contre M. [S], après avoir alerté la section syndicale et son employeur en amont pour des menaces de mort. Il verse des captures d'écran du 4 octobre 2018 établissant que M. [S] a modifié une des ventes au détriment de M. [H], en changeant le matricule du vendeur afin de percevoir la commission.
S'agissant de l'attestation de Mme [F], selon laquelle M. [H] aurait tenu le 15 février 2019 des propos qui l'auraient choquée, lui disant 'ferme ta gueule' après une altercation sur la surface de vente, M. [H] produit le planning des salariés permettant de vérifier que Mme [F] était absente du magasin ce jour, le vendredi 15 février 2019. Il verse aux débats la plainte qu'il a déposée 15 octobre 2020 auprès de la gendarmerie d'[Localité 2] pour fausse attestation mensongère et propos calomnieux.
S'agissant de l'attestation de Mme [W], M. [H] rappelle que celle-ci vise des faits ayant fait l'objet de l'avertissement et qu'elle n'est pas corroborée par les propos de M. [L], présent sur les lieux, lequel a par la suite démissionné de son mandat syndical le 20 février 2020. Par SMS du 26 septembre 2021, M. [L] a informé M. [H] être obligé de couper toute relation avec lui afin de pouvoir garder son travail.
L'employeur ne démontre pas la réalité des griefs reprochés et notamment le manque de cohésion alors que M. [H] était victime de harcèlement homophobe de la part de ses collègues sans que l'employeur, bien qu'il en soit informé, ne prenne aucune mesure pour y mettre fin.
Le licenciement reposant en réalité sur des faits de harcèlement dénoncés par le salarié est donc nul.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité
M. [H] invoque le manquement de l'employeur à son obligation d'assurer la sécurité des salariés.
Le jugement déféré est ainsi rédigé :
« Le demandeur rappelle les dispositions de l'article L4121-1 du CT, lequel dispose que : 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs."
Au regard de cette obligation, le Conseil considère les articles L1152-4 et L1152-5 du CT qui prévoient respectivement que :"L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral."
et : "Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire."
Le Conseil retient que les fautes commises suite à des propos dégradants et/ou violents à l'encontre de M. [H] ont été sanctionnées quand elles ont été rapportées à la direction de l'établissement de [Localité 4].
Il s'agit d'avertissement au personnel concerné. Le Conseil considère qu'en l'absence d'état de récidive, la sanction appliquée est proportionnée à la gravité des faits.
De surcroît, à chaque événement répréhensible, a été notifié à l'ensemble du personnel de l'établissement un rappel au règlement intérieur et notamment à son article réglant les rapports entre salariés.
Le Conseil ne retiendra donc pas le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. »
L'employeur est tenu d'une obligation légale de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et doit en assurer l'effectivité en vertu des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail. Il doit notamment mettre en oeuvre les mesures de nature à prévenir les faits de harcèlement.
Indépendamment de la connaissance de la situation particulière de M. [H], la société ne produit aucun document interne justifiant qu'elle a pris les mesures nécessaires en matière de prévention du risque de harcèlement.
En réparation du préjudice subi du fait du manquement de l'employeur à son obligation de protection et de préservation de la santé et la sécurité des salariés, il sera alloué à M. [H] la somme de 2.000 euros.
Sur les demandes financières
- Sur le rappel de salaire retenu durant la période de mise à pied
La cour ayant retenu la nullité du licenciement, il sera fait droit à la demande de M [H] de voir ordonner à la société le remboursement du salaire retenu durant la période de mise à pied du 25 février 2019 au 13 mars 2019, soit la somme de 891,40 euros bruts outre 89,14 euros bruts au titre des congés payés y afférents.
- Sur l'indemnité pour licenciement nul
M. [H] était âgé de 37 ans au moment de la rupture du contrat de travail. Il avait une ancienneté de 1 an et 9 mois.
Il ne précise pas sa situation professionnelle depuis sa perte d'emploi.
***
En application des dispositions de L. 1235-3-1 du code du travail, l'indemnité à la charge de l'employeur ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [H] (2.410,83 euros) de son âge, de son ancienneté, il convient de fixer à 15.000 euros la somme de nature à assurer la réparation du préjudice subi par M. [H] à la suite de son licenciement abusif.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
- Sur la demande en paiement des journées de récupération et du 13ème mois de l'année 2018
Le jugement déféré est ainsi rédigé :
« Le Conseil constate qu'aucune des deux parties n'a fourni les bulletins de salaire de l'année ainsi concernée. En l'absence d'éléments factuels, le Conseil ne pourra donner une suite favorable à cette demande. »
* Les journées de récupération étant la contrepartie d'heures supplémentaires effectuées, et le solde de tout compte ne faisant pas état de leur paiement, il convient de condamner la société à verser à M. [H] la somme de 414,12 euros bruts au titre des 42 heures de récupération.
***
Le contrat de travail de M. [H] ne prévoyait pas le paiement d'un 13ème mois. En revanche, il a perçu en juin 2018 une prime annuelle d'un montant de 959,08 euros.
Dès lors que la prime litigieuse, qui n'était pas prévue par le contrat de travail, avait été jusqu'alors attribuée de manière discrétionnaire par l'employeur, en l'absence de caractère obligatoire, le salarié n'est pas fondé à demander le paiement d'une somme à ce titre pour l'année considérée.
Sur les autres demandes
La société Boulanger devra délivrer un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation France Travail (anciennement Pôle Emploi) rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée.
La société, qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [H] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [H] de ses demandes au titre de la violation du statut protecteur de salarié protégé et du paiement d'un 13ème mois,
Statuant à nouveau,
Dit nul le licenciement de M [H],
Condamne la société Boulanger à verser à M. [H] les sommes de :
- 2.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement subi,
- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
- 891,40 euros bruts au titre du rappel de salaire retenu du 25 février 2019 au 13 mars 2019,
- 89,14 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
- 414,12 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures de récupération non rémunérées,
- 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du licenciement nul,
Dit que la société Boulanger devra délivrer un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation France Travail rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une mesure d'astreinte,
Condamne la société Boulanger aux dépens ainsi qu'à verser à M. [H] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire