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Décisions

CA Colmar, ch. 1 a, 22 mai 2024, n° 23/02819

COLMAR

Arrêt

Autre

CA Colmar n° 23/02819

22 mai 2024

MINUTE N° 255/24

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- Me Dominique HARNIST

- Me Laurence FRICK

Le 22.05.2024

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 22 Mai 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 23/02819 - N° Portalis DBVW-V-B7H-ID27

Décision déférée à la Cour : 01 Juin 2023 par le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de STRASBOURG - 1ère chambre civile

APPELANTE :

Société DEUTSCHE BANK AG, société de droit allemand, venant aux droits de la société DEUTSCHE POSTBANK AG

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 7] (ALLEMAGNE)

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me Eric BOILLOT, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Monsieur [V] [P]

[Adresse 1]

Représenté par Me Dominique HARNIST, avocat à la Cour

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE SCHILTIGHEIM

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Mars 2024, en audience publique, un rapport de l'affaire ayant été présenté à l'audience, devant la Cour composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'assignation délivrée le 30 juillet 2021, par laquelle M. [V] [P] a fait citer la Caisse de Crédit Mutuel (CCM) de Schiltigheim, ci-après également 'le Crédit Mutuel', et la société Deutsche Postbank AG, aux droits de laquelle vient la société Deutsche Bank AG, ci-après également 'Deutsche Bank', devant le tribunal judiciaire de Strasbourg,

Vu l'ordonnance rendue le 1er juin 2023, à laquelle il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par laquelle le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg a statué comme suit :

'REJETTE l'exception d'incompétence,

CONDAMNE la société DEUSTSCH POSTBANK AG à communiquer à Monsieur [P] tous documents justificatifs de la destination des fonds qu'elle a versés suite au virement du 19 janvier 2018 sur le compte bancaire DE 83440 l00460352196463, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance, dans la limite de 3 mois,

REJETTE la demande de sursis à statuer,

RESERVONS à statuer sur les dépens et l'article 700 qui suivront le sort de la procédure

principale,

RENVOYONS l'affaire à l'audience de mise en état du 07 septembre 2023',

aux motifs, notamment que :

- il y a intérêt à juger et instruire ensemble les demandes de M. [P] contre tant la Caisse de Crédit Mutuel de Schiltigheim que contre la société Deutsche Postbank AG, en ce qu'elles ont concouru à la réalisation d'un même dommage, soit la perte des fonds investis en 2018 par des virements effectués sur le compte d'une société frauduleuse, évoquant à leur encontre des manquements à leurs obligations de surveillance et de vigilance relatives à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, étant rappelé que les directives européennes 'anti-blanchiment' ont été transposées par les États européens, peu important donc que le fondement juridique des demandes, contractuel ou délictuel, soit différent, dès lors que les demandes qui portent sur les mêmes faits, poursuivent le même objectif, et posent des questions communes qui appellent des réponses coordonnées, notamment sur la matérialité de l'étendue du préjudice, l'analyse des causes du dommage et la part de responsabilité éventuelle de chaque banque,

- M. [P] n'étant pas partie aux relations contractuelles entre la société Deutsche Postbank AG et son client, la production sollicitée de tout justificatif de l'usage et/ou la destination des fonds est indispensable à l'exercice du droit de la preuve, l'atteinte au secret bancaire étant proportionnée aux intérêts en présence, d'autant que M. [P] est partie civile dans l'information judiciaire ouverte devant le JIRS de [Localité 6],

- l'action introduite par la victime devant la juridiction civile n'étant pas fondée sur des faits d'escroquerie que M. [P] reprocherait à la banque défenderesse, mais sur la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de vigilance dans les opérations litigieuses, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir au pénal.

Vu la déclaration d'appel formée par la société Deutsche Bank AG contre cette ordonnance et déposée le 26 juillet 2023,

Vu la constitution d'intimée de la Caisse de Crédit Mutuel de Schiltigheim en date du 31 août 2023,

Vu la constitution d'intimé de M. [V] [P] en date du 17 octobre 2023,

Vu l'ordonnance de référé rendue en date du 8 novembre 2023 par la présidente de chambre, déléguée par la première présidente de la cour d'appel de Colmar, ordonnant l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance susvisée du 1er juin 2023,

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 février 2024, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la société Deutsche Bank AG demande à la cour de :

'Vu les articles 4, 7.2 et 8 du règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du conseil du 12 décembre 2012 dit 'Bruxelles I Bis',

Vu le règlement (CE) n°864/2007 du Parlement européen et du conseil du 11 juillet 2007 dit 'Rome II',

Vu les articles 11, 32, 117, 121, 138 à 142, 378 et suivants et 789 du Code de procédure civile,

Vu l'article L. 511-33 du Code monétaire et financier,

Vu l'article 383 §1 6° du Code de procédure civile allemand,

(...)

A titre principal,

' CONSTATER la nullité de l'assignation de Monsieur [P] délivrée à la société 'DEUTSCHE POSTBANK AG' le 31 juillet 2021 ;

En conséquence,

' ANNULER l'ordonnance du juge de la mise en état du 1er juin 2023 (RG n°21/05322) ;

A titre subsidiaire,

' INFIRMER l'ordonnance du juge de la mise en état du 1er juin 2023 (RG n°21/05322) en ce qu'elle a :

'REJET[é] l'exception d'incompétence ;

CONDAMN[é] la société DEUSTSCH POSTBANK AG à communiquer à Monsieur [P] tous documents justificatifs de la destination des fonds qu'elle a versés suite au virement du 19 janvier 2018 sur le compte bancaire [XXXXXXXXXX04], sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance, dans la limite de 3 mois ;

REJET[é] la demande de sursis à statuer ;

RESERV[é] à statuer sur les dépens et l'article 700 qui suivront le sort de la procédure principale ;

RENVOY[é) l'affaire à l'audience de mise en état du 7 septembre 2023'.

Et, statuant à nouveau,

A titre principal et in limine litis,

' ANNULER l'assignation de Monsieur [P] délivrée à la société 'DEUTSCHE POSTBANK AG' le 31 juillet 2021 ;

A titre subsidiaire et in limine litis,

' DECLARER les juridictions françaises (et plus précisément le Tribunal judiciaire de Strasbourg) incompétentes au profit de la juridiction allemande compétente, pour statuer sur les demandes de Monsieur [P] dirigées contre la société DEUTSCHE BANK AG ;

A titre plus subsidiaire,

' DECLARER irrecevables les demandes de Monsieur [P] dirigées contre la société 'DEUTSCHE POSTBANK AG', dépourvue de la personnalité juridique ;

' DEBOUTER Monsieur [P] de toutes ses demandes, y compris de sa demande de production de pièces sous astreinte ;

A titre infiniment subsidiaire,

' LIMITER la production de pièces ordonnée par le juge de la mise en état au document suivant :

o Le relevé du compte bancaire de la société XYZ International GmbH du mois de janvier 2018 ;

En tout état de cause,

' PRONONCER un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours ;

' CONDAMNER Monsieur [P] à verser la somme de 7.000 € à la société DEUTSCHE BANK AG en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

' CONDAMNER Monsieur [P] aux entiers dépens',

et ce, en invoquant, notamment :

- une irrégularité de fond entachant l'ordonnance entreprise, l'assignation, les conclusions en défense, et ladite ordonnance s'adressant à la société Deutsche Postbank AG, qui n'avait plus la personnalité morale, et donc plus la capacité d'ester en justice au moment où l'action a été engagée, affectant la recevabilité des demandes prises à son encontre, peu important que la concluante soit intervenue à l'instance ou ait pris des conclusions au nom de 'DEUTSCHE POSTBANK AG' en première instance, sans soulever cette exception de nullité devant les premiers juges, ce vice de fond affectant l'assignation étant insusceptible de régularisation,

- à titre subsidiaire, l'incompétence des juridictions françaises pour connaître des demandes formées contre la concluante par M. [P], en application de la compétence de principe des juridictions du domicile du défendeur, dans le respect de la jurisprudence constante de la CJUE en matière de prévisibilité des règles de compétence, supposant que celui-ci ne soit attrait devant les juridictions d'un autre État membre que 'dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l'autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement', et en l'absence, en l'espèce, d'intérêt, au sens de l'article 8 du Règlement Bruxelles I bis, à instruire et juger devant un même tribunal les demandes de M. [P] contre la CCM et la concluante, en l'absence d'une identité de situation, tant en droit, compte tenu de la différence de fondement des actions, et par conséquent de loi applicable, qu'en fait, à défaut de concours entre les deux banques, chacune ayant agi de manière indépendante et se voyant reprocher un rôle différent dans la réalisation du préjudice allégué par M. [P], de sorte qu'aucun risque de décisions inconciliables ne serait encouru, outre que le seul point de rattachement avec la France réside dans l'origine des fonds réceptionnés sur le compte bancaire de la société 'XYZ International GmbH', en Allemagne, ce qui ne suffirait pas à considérer qu'il aurait été hautement prévisible pour la concluante d'être attraite devant les juridictions françaises, outre que les juridictions françaises ne sont pas davantage compétentes pour connaître de l'action de M. [P] au regard de l'article 7.2 du Règlement Bruxelles I Bis, le lieu de matérialisation du fait dommageable s'appréciant, s'agissant d'un préjudice financier, comme étant celui du domicile du défendeur, sauf circonstances particulières démontrées par la victime, et alors qu'en l'espèce, ce lieu serait celui de l'établissement de la banque au sein duquel est ouvert le compte récepteur des fonds, également retenu pour déterminer la loi applicable à l'action de la victime contre la banque réceptrice des fonds, soit, en l'espèce, exclusivement en Allemagne, le manquement reproché à la concluante étant tout au plus susceptible d'avoir causé la disparition définitive des fonds depuis le compte ouvert au sein des livres de la Deutsche Postbank par la société 'XYZ International GmbH',

- à titre subsidiaire également, l'irrecevabilité des demandes adverses en ce qu'elles sont dirigées contre Deutsche Postbank AG, entité dépourvue de la personnalité juridique,

- l'absence de démonstration de l'utilité, au regard de la loi allemande en matière de devoir de vigilance, de la production de pièces sollicitées par la partie adverse au succès de ses prétentions, sans, de surcroît, être précisément identifiées, cette production, à la demande d'un tiers, se heurtant, en outre, au secret bancaire, sans le consentement du client concerné, non mis en cause, à sa levée, l'ouverture d'une instruction justifiant d'autant moins le caractère indispensable de cette production, outre que le caractère proportionné de l'atteinte à ce secret ne serait pas davantage démontré, la demande de levée visant, de surcroît, une société inexistante,

- à titre infiniment subsidiaire, la limitation de cette production au relevé du compte bancaire de la cliente pour le mois de janvier 2018,

- la confirmation de l'ordonnance quant au rejet de la demande de sursis à statuer.

Vu les dernières conclusions en date du 23 octobre 2023, transmises par voie électronique le 24 octobre 2023, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [V] [P] demande à la cour de :

'Vu le Règlement Européen Bruxelles I BIS,

Vu les articles 11, 42, 138, 142 et 771 du Code de procédure civile,

Vu la jurisprudence,

' Déclarer l'appel de la société DEUTSCHE BANK AG mal fondé

' L'EN DEBOUTER ainsi que de l'intégralité de ses fins, moyens et conclusions, en ce compris ses demandes d'annulation de l'assignation délivrée à son encontre ;

En conséquence

' CONFIRMER l'Ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

' Condamner la société DEUTSCHE BANK AG à verser à Monsieur [P] la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

' Condamner la même aux entiers dépens'

et ce, en invoquant, notamment :

- la validité de l'ordonnance entreprise, dont la contestation, à hauteur d'appel pour la première fois, sans être irrecevable, relèverait d'une démarche dilatoire, la nullité invoquée étant, en tout état de cause, couverte par l'intervention volontaire de la Deutsche Bank en lieu et place de la partie assignée, laquelle avait, toutefois, toujours une existence juridique lors de la signification de l'acte par huissier de justice, au point de recevoir l'assignation et de constituer avocat,

- la compétence territoriale française, s'agissant d'une opération d'escroquerie internationale utilisant les services d'une banque sise dans l'Union Européenne au détriment d'un consommateur français, qui devrait disposer, en droit français, d'une faculté d'option en présence de plusieurs défendeurs, tandis qu'en droit européen, il importerait de retenir le lieu du fait dommageable, dans le cadre de rapports de nature délictuelle, et en présence d'éléments de fait et de droit qui seraient strictement identiques pour les deux banques, impliquant l'absence de contrôle et de vigilance, sous réserve d'une différence de positionnement,

- sur la communication de pièces, son caractère à la fois indispensable à l'exercice du droit de la preuve de la partie qui en formule la demande et proportionné aux intérêts antinomiques en présence, incluant la protection due à son bénéficiaire, au regard du seul objet de sa demande, à savoir la destination des fonds qu'il a versés sur le compte numéro [XXXXXXXXXX03] domicilié au sein de la société Deutsche Postbank AG, les 12 et 19 janvier 2018.

Vu les débats à l'audience du 11 mars 2024,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur la nullité de l'assignation :

L'article 32 du code de procédure civile dispose qu'est irrecevable, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

En vertu de l'article 117 du même code, le défaut de capacité d'ester en justice constitue une irrégularité de fond affectant la validité d'un acte, l'article 118 de ce code énonçant que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

L'article 121 du code précité dispose, lui, que dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

Enfin, aux termes de l'article L. 236-3 du code de commerce, la fusion ou la scission entraîne la dissolution, sans liquidation des sociétés, qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération.

En l'espèce, M. [P] a délivré assignation, en date du 30 juillet 2021, à la société Deutsche Postbank AG, société de capitaux dont le capital est divisé en actions, inscrite au RCS de Bonn sous le numéro HRB6793, EUID : DER3201.HRB6793, dont le siège se situe [Adresse 5], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

La cour ne dispose pas des pièces lui permettant de s'assurer des conditions de remise de cette assignation, M. [P] affirmant cependant, sans être contredit, avoir adressé préalablement un courrier de mise en demeure le 29 juin 2021 à la Deutsche Postbank, qui l'aurait reçu, l'établissement ayant, par suite de l'assignation, constitué avocat, puis conclu, sous cette dénomination, dans le cadre de l'incident, y compris dans ses conclusions n° 3 de septembre 2022.

Mais la Deutsche Bank rétorque que la dénomination 'Postbank' correspond désormais à une succursale dépourvue de personnalité juridique, ce qui est corroboré par l'extrait du registre du commerce de Francfort-sur-le-Main que produit l'appelante, qui mentionne une telle succursale à Bonn. Il ressort également des pièces produites que la société Deutsche Postbank AG a été dissoute, en vertu d'un contrat de fusion du 12 mai 2018, avec la société Deutsche Bank Privat und Geschäftskunden AG, cette fusion ayant pris effet à la date du 25 mai 2018. Puis cette dernière société, alors renommée 'DB Privat und Firmenkunden Bank AG', a elle-même été dissoute dans le cadre d'une seconde fusion avec la société Deutsche Bank AG, avec effet au 2 avril 2020.

Par voie de conséquence, il apparaît que la société Deutsche Postbank AG, assignée en ces termes par M. [P], était dépourvue de personnalité juridique au moment de l'introduction de l'instance.

Il est donc sans incidence que des conclusions aient ensuite été prises au nom de cette société, à l'encontre de laquelle a d'ailleurs été rendue l'ordonnance frappée d'appel, mais qui était dépourvue de toute capacité d'ester en justice.

Si la société Deutsche Bank AG est intervenue volontairement à l'instance, aux droits de la société Deutsche Postbank, cette intervention d'une entité qui n'est, d'ailleurs, pas l'entité absorbante directe de la société Deutsche Postbank, même s'il est indéniable qu'elle a reçu transmission de ses droits, n'est pas de nature à couvrir l'irrégularité de fond affectant l'acte d'assignation, dans la mesure où l'action n'a pas été régulièrement engagée contre une société qui aurait ensuite fusionné, mais, comme cela vient d'être rappelé, contre une entité déjà dépourvue de personnalité juridique, et donc de tout droit d'agir en justice au moment de l'assignation, et ce, du reste, depuis plus de trois ans. Ainsi, la société Deutsche Bank AG n'a pu acquérir de plein droit la qualité de partie à une instance qui n'avait pas été engagée au moment de la fusion opérant transmission du patrimoine de la société Deutsche Bank AG, et ne saurait donc, fût-ce volontairement, venir aux droits de celle-ci dans ce cadre, si ce n'est, précisément, pour contester la validité de l'assignation, ce que ne peut, par définition, pas faire l'entité assignée.

Dès lors, la cour constatera la nullité de l'assignation délivrée, à la requête de M. [V] [P], à la société Deutsche Postbank AG, et annulera, par voie de conséquence, l'ordonnance du juge de la mise en état qui lui est déférée.

La validité de l'ensemble de la procédure étant, ainsi, en cause, la cour ne peut que constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel, et qu'elle ne dispose pas du pouvoir d'évoquer le litige, pas plus que de se prononcer sur la question du sursis à statuer.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [V] [P], succombant pour l'essentiel, sera tenu des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter chacune des parties de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Constate la nullité de l'assignation délivrée par M. [V] [P] à la société Deutsche Postbank AG,

Annule l'ordonnance rendue le 1er juin 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg,

Constate l'absence d'effet dévolutif et de pouvoir d'évocation,

Dit n'y avoir lieu, en conséquence, à se prononcer sur la demande de sursis à statuer formée 'en tout état de cause' par la société Deutsche Bank AG,

Condamne M. [V] [P] aux dépens de l'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice tant de la société Deutsche Bank AG que de M. [V] [P].

La Greffière : le Président :