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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 24 mai 2024, n° 24/01114

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Yasmine (SAS)

Défendeur :

Sci Rc Aulnay 1 (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lagemi

Conseiller :

Mme Le Cotty

Avocats :

Me Miorini, Me Courtier

TJ Bobigny, du 6 nov. 2023, n° 23/01174

6 novembre 2023

*****

Par acte du 30 novembre 2017 complété par avenant du 16 avril 2021, la société RC Aulnay 1 SCI a donné à bail à M. [W] [U], aux droits duquel vient la société Yasmine, un local à usage commercial situé [Adresse 5], à Aulnay sous Bois (Seine-Saint-Denis).

Par acte du 29 juin 2023, la société RC Aulnay 1 SCI a fait assigner la société Yasmine devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de constat de la résolution du bail par l'effet de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers, expulsion de la locataire et condamnation de cette dernière à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 433.998,01 euros arrêtée au 17 avril 2023, outre les loyers échus jusqu'au prononcé de la décision, une pénalité forfaitaire de 43.399,80 euros ainsi qu'une indemnité d'occupation calculée forfaitairement sur la base du double du dernier loyer exigible outre les charges et accessoires.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 6 novembre 2023, le juge des référés a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail liant les parties ;

- ordonné l'expulsion de la société Yasmine ;

- condamné cette dernière à payer à la société RC Aulnay 1 SCI, à titre provisionnel, la somme de 433.998,01 euros et une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, augmentée des charges, taxes et accessoires qu'elle aurait dû payer si le bail ne s'était pas trouvé résilié, jusqu'à complète libération des lieux ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes au titre de la majoration du taux d'intérêt et de la pénalité forfaitaire.

- condamné la société Yasmine à payer à la société RC Aulnay 1 SCI la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration du 29 décembre 2023, la société Yasmine a interjeté appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs du dispositif sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes au titre de la majoration du taux d'intérêt et de la pénalité forfaitaire.

Par jugement rendu le 17 janvier 2024, le tribunal de commerce a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Yasmine et a désigné la SELARL AJAssociés prise en la personne de Maître [I] en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL Asteren prise en la personne de Maître [B] en qualité de mandataire judiciaire.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 16 avril 2024, la société Yasmine, Maître [I] ès-qualités et Maître [B] ès-qualités demandent à la cour, au visa de l'article L.622-21 du code de commerce, de :

- infirmer l'ordonnance entreprise prononçant la résiliation du bail et son expulsion qui est sans objet ;

- juger que cette ordonnance est devenue caduque du fait de l'ouverture de la procédure collective ;

- débouter la société RC Aulnay 1 de toutes ses demandes et, notamment, de sa demande de fixation de créance ;

- juger que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 4 avril 2024, la société RC Aulnay 1 SCI demande à la cour de :

- la recevoir en ses demandes et la déclarer bien-fondée ;

- à titre principal, juger sans objet l'appel de la société Yasmine ;

- à titre subsidiaire, débouter la société Yasmine de l'ensemble de ses demandes ;

- en tout état de cause, fixer sa créance au passif de la société Yasmine, à titre privilégié, à la somme de 525.623,94 euros TTC.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 avril 2024.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Par jugement rendu le 17 janvier 2024, le tribunal de commerce a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Yasmine et a désigné la SELARL AJAssociés prise en la personne de Maître [I] en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL Asteren prise en la personne de Maître [B] en qualité de mandataire judiciaire.

Par conclusions signifiées le 14 février 2024, Maître [I] et Maître [B] ès-qualités sont intervenus volontairement à la procédure d'appel introduite par la société Yasmine. Il convient de les recevoir en leur intervention volontaire.

La société Yasmine, Maître [I] ès-qualités et Maître [B] ès-qualités se prévalent des dispositions de l'article L 622-21 du code de commerce qui dispose :

'I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.

III.- Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus'.

En application de ce texte, l'action introduite par le bailleur avant l'ouverture du redressement ou de la liquidation judiciaire du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu'elle n'a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.

En l'espèce, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Yasmine est intervenu le 17 janvier 2024, au cours de l'instance d'appel.

Il en résulte que la décision entreprise n'était pas passée en force de chose jugée lors du jugement d'ouverture de la procédure collective et que l'action en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure ne peut être poursuivie.

En outre, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant dans le cadre d'une instance en référé, qui tend à obtenir une condamnation provisionnelle, ne peut rendre une décision définitive sur l'existence et le montant de cette créance et ne saurait dès lors fixer la créance au passif de la procédure de redressement judiciaire, la créance invoquée par la bailleresse devant être soumise à la procédure normale de vérification et à la décision du juge-commissaire.

La cour doit dire n'y avoir lieu à référé en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L. 622-21 du code de commerce, l'ordonnance entreprise étant dès lors infirmée.

L'issue du litige commande de laisser à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés.

PAR CES MOTIFS

Reçoit l'intervention volontaire de Maître [I], membre de la SELARL AJAssociés en qualité d'administrateur judiciaire de la société Yasmine et de Maître [B], membre de la SELARL Asteren en qualité de mandataire judiciaire de cette société ;

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau ;

Dit n'y avoir lieu à référé ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens.