Décisions
CA Paris, Pôle 1 - ch. 8, 24 mai 2024, n° 23/17651
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 8
ARRÊT DU 24 MAI 2024
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17651 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIOO6
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Septembre 2023 -Tribunal de Commerce d'Evry - RG n° 2023F00092
APPELANTE
S.A.R.L. ATELIER CUISINE CRÉATION (MOBALPA), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentée par Me Mathieu QUEMERE, avocat au barreau d'ESSONNE
INTIMÉE
S.A.R.L. SGIV AVEMCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 8]
[Localité 10]
Représentée par Me Laurence GAUVENET, avocat au barreau de PARIS, toque : C1430
Ayant pour avocat plaidant Me Didier LECOMTE, avocat au barreau du VAL D'OISE
PARTIES INTERVENANTES
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
MMA IARD SA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentées par Me Pascal HORNY de la SCP HORNY-MONGIN-SERVILLAT, avocat au barreau d'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Florence LAGEMI, Président de chambre
Rachel LE COTTY, Conseiller, chargée du rapport,
Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
La société Atelier cuisine créations a pour activité la vente de cuisines équipées, salle de bains, rangements et de tous biens d'équipement concernant la maison. Elle exerce sous la franchise Mobalpa.
La société Sgiv avemce a pour activité le conseil et la réalisation graphique, la fabrication et l'usinage de produits signalétiques, enseigne, communication et agencement.
Le 26 mars 2021, la société Atelier cuisine créations a signé un devis de la société Sgiv avemce pour une rénovation complète de toutes les façades de son point de vente Mobalpa (ravalement et bardage), pour un montant total de 27.000 euros HT soit 32.400 euros TTC. Un second devis d'un montant de 1.250 euros HT, soit 1.500 euros TTC, a été signé le 17 janvier 2022.
Plusieurs factures ont été émises pour un montant total de 33.900 euros TTC.
Par acte du 26 avril 2023, la société Sgiv avemce a assigné la société Atelier cuisine créations devant le juge des référés du tribunal de commerce d'Evry pour la voir condamner à lui payer une provision de 20.940 euros TTC, avec intérêts au taux de 0,895 % par mois à compter du 15 juillet 2022, au titre du solde de ses factures.
Par ordonnance contradictoire du 6 septembre 2023, le juge des référés a :
constaté l'existence d'une obligation non sérieusement contestable ;
condamné par provision la société Atelier cuisine créations à payer à la société Sgiv avemce la somme de 19.400 euros au titre du solde de la facture FC2022/0520 et 1.500 euros au titre de la facture FC2022/0521, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2022 ;
rejeté la demande de la société Sgiv avemce relative aux intérêts de retard au taux de 0,895 % par mois du 15 juillet 2022 jusqu'à parfait paiement ;
rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Sgiv avemce ;
ordonné à la société Sgiv avemce de fournir la police d'assurance et de produire une attestation d'assurance RC décennale, sans astreinte ;
débouté la société Sgiv Avemce [sic, la société Atelier cuisine créations] de sa demande d'expertise ;
laissé à la société Atelier cuisine créations la charge des dépens, outre les frais d'exécution s'il y a lieu.
Par déclaration du 31 octobre 2023, la société Atelier cuisine créations a interjeté appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif sauf en ce qu'elle a :
rejeté la demande de la société Sgiv avemce relative aux intérêts de retard au taux de 0,895 % par mois à compter du 15 juillet 2022 jusqu'à parfait paiement ;
rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Sgiv avemce ;
ordonné à la société Sgiv avemce de fournir la police d'assurance et de produire une attestation d'assurance RC décennale.
Par acte du 20 mars 2024, la société Atelier cuisine créations a assigné en intervention forcée les sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard, sollicitant de la cour qu'elle :
lui donne acte de son appel en intervention forcée et de sa demande de mise en cause d'un tiers ;
ordonne la jonction de l'instance avec celle enrôlée sous le numéro 23/17651, pôle 1 chambre 8 ;
condamne les sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard à relever et garantir indemne la société Sgiv avemce de l'intégralité des condamnations qui pourraient être mises à sa charge.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 24 avril 2024, la société Atelier cuisine créations demande à la cour de :
infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
juger que les demandes de provision de la société Sgiv avemce se heurtent à une contestation sérieuse ;
ordonner à la société Sgiv avemce de lui rembourser la somme de 20.900 euros du chef des causes de l'ordonnance infirmée ;
Subsidiairement,
ordonner le séquestre de la somme de 20.900 euros entre les mains de tel séquestre qu'il plaira à la cour de désigner avec obligation pour la société Sgiv avemce d'en justifier dans les 8 jours de la décision à intervenir sous peine d'astreinte de 1.000 euros par jour de retard pendant une durée de 2 mois ;
ordonner une mesure d'expertise judiciaire ;
désigner tel expert qu'il lui plaira avec pour mission de :
se rendre sur place à son siège situé [Adresse 5] à [Localité 9], en présence des parties éventuellement assistées de leurs conseils ;
convoquer l'ensemble des parties ;
se faire communiquer tous documents, plans et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ;
visiter les lieux et examiner les malfaçons et non-façons alléguées par elle ;
relever toutes autres non-façons, malfaçons et défauts de conformités présents sur les façades avant, arrière, gauche, droite et la réserve de sa boutique relatives au contrat et subséquentes à l'intervention de la société Sgiv avemce ;
rechercher et établir l'importance, la cause et l'origine des désordres, malfaçons, non-façons et non-conformités ;
rechercher si ces malfaçons et non-façons proviennent soit d'une non-conformité aux règles de l'art, soit d'une exécution défectueuse ;
fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer les préjudices subis ;
indiquer et évaluer les travaux éventuellement nécessaires à la réfection et à la reprise et chiffrer, le cas échéant, le coût des remises en état ;
faire les comptes entre les parties ;
en cas d'urgence reconnue par l'expert, l'autoriser à faire exécuter aux frais avancés pour le compte de qui il appartiendra, si la société « défenderesse » venait à refuser d'exécuter les travaux estimés indispensables par l'expert, ces travaux étant dirigés par elle et par des entreprises qualifiées de son choix, sous le constat de bonne fin de l'expert, lequel dans ce cas, déposera un pré-rapport précisant la nature et l'importance de ces travaux ;
dire que l'expert pourra se faire assister de tout sapiteur ou bureau d'étude qu'il jugera utile de solliciter, et proposer toute mesure d'investigation ou d'exploration qu'il estimera adaptée pour remplir sa mission : caméra, sondage, étude de sol, etc' ;
dire que l'expertise sera mise en oeuvre et que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au secrétariat du greffe du tribunal dans les quatre mois de sa saisine ;
fixer la provision à consigner au greffe, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans le délai qui sera imparti par « l'ordonnance » à intervenir et mettre les frais d'expertise à la charge des intimées ;
dire que les frais d'expertise seront supportés solidairement par les intimées ;
déclarer « l'ordonnance » commune et pleinement opposable aux sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard ;
dire que le rapport de l'expert sera opposable aux sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard ;
condamner les intimées à lui payer solidairement la somme de 7.500 euros à titre de provision ad litem ;
En toute hypothèse,
ordonner le rabat de la clôture au jour de l'audience ;
condamner les intimées à lui payer solidairement la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Sgiv avemce aux entier dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 avril 2024, la société Sgiv avemce demande à la cour de :
la recevoir et la dire bien fondée en l'ensemble de ses écritures ;
confirmer l'ordonnance de référé entreprise en toutes ses dispositions ;
fixer la date de réception de l'ouvrage au 17 juin 2022 ;
condamner la société Atelier cuisine créations à lui payer une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Atelier cuisine créations aux dépens.
Dans leurs conclusions remises et notifiées le 23 avril 2024, les sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard demandent à la cour de :
débouter la société Atelier cuisine créations de l'ensemble de ses demandes, la déclarer mal fondée et la renvoyer à mieux se pourvoir ;
les recevoir en leur demande reconventionnelle ;
condamner la société Atelier cuisine créations à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 avril 2024.
Elle a été révoquée le 25 avril 2024 afin de permettre la prise en considération des dernières conclusions de l'appelante, déposées le 24 avril 2024 après la clôture, en réplique aux conclusions des intervenantes forcées.
Une nouvelle clôture a été prononcée le 25 avril 2024, avant l'ouverture des débats, avec l'accord des parties.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
SUR CE, LA COUR,
Sur l'assignation en intervention forcée des sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard
Aux termes de l'article 555 du code de procédure civile, les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.
En l'espèce, le litige a évolué depuis la première instance car le premier juge a ordonné la production par la société Sgiv avemce de ses attestations d'assurance, ce qu'elle a fait, et que c'est à cette occasion que la société Atelier cuisine créations a appris que les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles étaient les assureurs de la société Sgiv avemce, ainsi qu'elle l'expose dans son assignation en intervention forcée.
L'intervention forcée, au demeurant non contestée par les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles et l'intimée, est donc recevable.
Sur la demande de provision et la demande reconventionnelle d'expertise
Selon l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
Au cas présent, la société Sgiv avemce sollicite le règlement du solde de sa facture après travaux, soutenant que la somme de 20.900 euros lui est due depuis juin 2022, de sorte que l'urgence est caractérisée, et qu'il n'existe aucune contestation sérieuse, en l'absence de toute malfaçon.
Elle s'oppose à la demande d'expertise formée par la société Atelier cuisine créations en invoquant l'absence d'urgence eu égard à la date d'achèvement des travaux, le 8 juin 2022, et des contestations sérieuses tenant à l'impossibilité de mettre en jeu sa garantie, en l'absence de réception de l'ouvrage, et à l'absence de commencement de preuve de malfaçons, précisant qu'elle était compétente pour effectuer les travaux de bardage, qu'elle réalise régulièrement au profit du franchiseur Mobalpa.
Cependant, l'urgence n'est pas une condition prévue par l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile précité et, au regard des pièces produites par la société Atelier cuisine créations, il existe une contestation sérieuse sur la demande en paiement du solde de la facture de la société Sgiv avemce, des désordres, non-façons et malfaçons affectant les travaux réalisés.
En effet, il résulte du procès-verbal de constat établi le 7 novembre 2023 que certains panneaux formant le bardage se déforment lorsqu'on appuie légèrement dessus, que certains rivets ne sont pas bien fixés, que d'autres sont manquants et que les coupes du bardage en périphérie des appuis de fenêtres ne sont pas régulières.
Il ressort du devis du 13 octobre 2023 de la société Serbaco que « la mise en oeuvre du bardage composite n'est pas conforme car les ossatures doivent être en position verticale et tous les 50 à 60 cm maximum », que « le mode de fixation n'est pas conforme, type de vis » et que la dépose de l'ensemble des habillages et plaques ainsi que la réalisation des travaux de reprise représente un coût total de 75.000 euros HT soit 90.000 euros TTC.
Le rapport d'expertise amiable du 22 décembre 2023 de M. [V], expert en techniques du bâtiment, qui a été soumis à la discussion contradictoire des parties, conclut également à l'absence de respect des règles de l'art par « la mise en oeuvre de bardage alu sur le bardage métallique existant », avec une « non-conformité de fixation des plaques en alu [qui] présente un éventuel défaut de stabilité avec un risque de soulèvement et de détachement des plaques en cas de tempête, susceptibles de chutes accidentelles sur les piétons, les véhicules et sur les bâtiments avoisinants avec un risque de dommages importants ».
L'expert amiable estime que « les travaux de bardage en alu doivent faire l'objet d'une reprise dans les règles de l'art ».
Les échanges entre les parties de février à avril 2022 démontrent que la société Sgiv avemce n'a pas nié les difficultés d'exécution puisqu'elle a dû intervenir afin de reprendre deux façades, ainsi qu'elle le reconnaît dans un courriel du 8 février 2022. Elle a en outre consenti une remise commerciale de 1.480 euros HT à la société Atelier cuisine créations. Cependant, dès l'intervention destinée à reprendre les désordres, en juin 2022, la société Atelier cuisine créations a dénoncé des désordres et malfaçons dans la réalisation des travaux.
Au regard de ces éléments, la circonstance alléguée par l'intimée que le responsable régional du réseau Mobalpa ait indiqué « accepter la façade en l'état » dans un courriel du 17 juin 2022 est indifférente, d'autant qu'en juin 2023, celui-ci a précisé qu'aucune aide n'avait été versée à son franchisé pour les travaux de la façade « au vu des difficultés rencontrées pour la réalisation de celle-ci ».
La demande de provision se heurte donc à une contestation sérieuse et la société Atelier cuisine créations justifie d'un motif légitime de solliciter une expertise judiciaire dans la perspective d'un procès futur devant le juge du fond, lequel n'est pas manifestement voué à l'échec.
Il est rappelé que le juge du fond ne peut se fonder exclusivement sur une expertise amiable réalisée à la demande de l'une des parties, de sorte que l'expertise judiciaire reste en l'état utile et pertinente afin d'améliorer la situation probatoire de l'appelante.
Il est également rappelé que l'urgence n'est pas une condition de l'expertise in futurum, le seul critère de l'article 145 du code de procédure civile précité étant le motif légitime de conserver ou d'établir des preuves avant tout procès au fond.
L'ordonnance entreprise sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a condamné la société Atelier cuisine créations au paiement d'une provision et a rejeté sa demande d'expertise.
L'expertise étant ordonnée à la demande et dans l'intérêt de l'appelante, la provision sera à sa charge.
Sur la demande de remboursement de la somme de 20.900 euros du chef des causes de l'ordonnance infirmée
L'obligation de rembourser les sommes versées en vertu d'une décision de première instance assortie de l'exécution provisoire résultant de plein droit de la réformation de cette décision, il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement de la somme de 20.900 euros réglée par l'appelante en exécution de l'ordonnance entreprise.
Sur la demande de mise en cause des sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard
Les sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard sollicitent leur mise hors de cause
au motif que les conditions de la mise en 'uvre de la police d'assurance souscrite par la société Sgiv avemce ne sont pas réunies, les travaux litigieux ne relevant pas de ceux susceptibles d'engager leur responsabilité au sens des articles 1792 et suivants du code civil et aucune réception des ouvrages n'étant intervenue. Elles soutiennent que seule la responsabilité contractuelle de droit commun de leur assuré serait susceptible d'être engagée, à l'exclusion de toute garantie de l'assureur.
Elles ajoutent que la société Sgiv avemce a souscrit une police d'assurance pour des activités de « conception, fabrication, pose d'enseignes et signalétiques », activités qui n'incluent pas les travaux qui lui ont été confiés par la société Atelier cuisine créations.
Elles font encore valoir que la police d'assurance souscrite ne prévoit pas de garantie de l'assureur au titre du volet responsabilité civile ou construction lorsque le chantier n'est pas réceptionné et que les malfaçons alléguées concernent exclusivement les ouvrages réalisés par l'assuré.
Cependant, il résulte des conditions particulières du contrat d'assurance versées aux débats que les sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard garantissent les « travaux de bâtiment que vous exécutez ou donnez en sous-traitance », ce qui inclut les travaux de ravalement et de bardage litigieux. Elles garantissent également les activités de « conception, fabrication et pose d'enseignes et signalétiques », travaux qui ont été réalisés par la société Sgiv avemce.
Les travaux litigieux relèvent donc des activités couvertes par la garantie et, pour le surplus, la mise en cause d'une partie dans une expertise, simple mesure d'instruction ordonnée avant tout procès, ne préjuge pas de sa garantie de sorte qu'il y a lieu de faire participer aux opérations d'expertise les sociétés d'assurance, dont la mise en cause n'est pas manifestement vouée à l'échec à ce stade.
Sur la demande de prononcé de la réception formée par la société Sgiv Avemce
La société Sgiv Avemce soutient que, la société Atelier cuisine créations ayant reconnu avoir réceptionné l'ouvrage dans ses dernières écritures, il convient d'en fixer la date au 17 juin 2022.
Cette demande, dont le fondement juridique n'est pas précisé, ne s'analyse toutefois pas en une mesure provisoire ou conservatoire, de sorte qu'elle excède les pouvoirs du juge des référés.
Il n'y a donc pas lieu à référé de ce chef.
Sur la demande de provision ad litem
La demande de provision pour frais d'instance présentée au juge des référés ne peut être accueillie que si l'obligation d'indemnisation de la partie à l'égard de laquelle cette demande est formée n'est pas sérieusement contestable (2e Civ., 29 janvier 2015, pourvoi n° 13-24.691, Bull. 2015, II, n° 19).
A ce stade, l'obligation d'indemnisation de l'intimée et de ses assureurs n'est pas établie avec l'évidence requise en référé, raison pour laquelle une expertise est ordonnée, de sorte que la demande de provision ad litem formée par l'appelante sera rejetée.
Sur les frais et dépens
La partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile (2e Civ., 10 février 2011, pourvoi n° 10-11.774, Bull. 2011, II, n° 34).
En effet, les mesures d'instruction sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d'un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier.
En revanche, il est possible, en présence d'une action fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens (2e Civ., 27 juin 2013, pourvoi n° 12-19.286, Bull. 2013, II, n° 148).
L'issue du litige en appel commande de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens ainsi que de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions dont il a été relevé appel ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Rejette la demande de provision formée par la société Sgiv avemce ;
Ordonne une expertise judiciaire et désigne M. [F] [W], expert, [Adresse 7] (Tél : [XXXXXXXX03] ; Fax : [XXXXXXXX01] ; Port. : [XXXXXXXX02] ; email : [Courriel 11]) pour y procéder, avec pour mission de :
se rendre sur place, [Adresse 5] à [Localité 9], en présence des parties éventuellement assistées de leurs conseils ;
convoquer l'ensemble des parties ;
se faire communiquer tous documents, plans et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ;
visiter les lieux et examiner les malfaçons et non-façons alléguées par la société Atelier cuisine créations ;
relever toutes autres non-façons, malfaçons et défauts de conformité présents sur les façades avant, arrière, gauche, droite et la réserve de la boutique relatives au contrat et subséquentes à l'intervention de la société Sgiv avemce ;
rechercher et établir l'importance, la cause et l'origine des désordres, malfaçons, non-façons et non-conformités ;
rechercher si ces malfaçons et non-façons proviennent soit d'une non-conformité aux règles de l'art, soit d'une exécution défectueuse ;
fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer les préjudices subis ;
indiquer et évaluer les travaux éventuellement nécessaires à la réfection et à la reprise et chiffrer, le cas échéant, le coût des remises en état ;
faire les comptes entre les parties ;
Autorise l'expert, en cas d'urgence reconnue par lui, à faire exécuter aux frais avancés pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables, ces travaux étant dirigés par la société Atelier cuisine créations et par des entreprises qualifiées de son choix, sous le constat de bonne fin de l'expert, lequel, dans ce cas, déposera un pré-rapport précisant la nature et l'importance de ces travaux ;
Dit que l'expert pourra se faire assister de tout sapiteur ou bureau d'étude qu'il jugera utile de solliciter ;
Dit que l'expert devra communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits, auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;
Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe du tribunal de commerce d'Evry avant le 24 février 2025, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle ;
Dit que la société Atelier cuisine créations devra consigner au greffe du tribunal de commerce d'Evry la somme de 5.000 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert au plus tard le 15 juillet 2024 ;
Dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou de demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque et de nul effet ;
Désigne pour suivre les opérations d'expertise le juge du contrôle des expertises du tribunal de commerce d'Evry ;
Rejette la demande de provision ad litem formée par la société Atelier cuisine créations ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de prononcé de la réception de l'ouvrage ;
Rappelle que l'obligation de rembourser les sommes versées en exécution de la décision entreprise résulte de plein droit du présent arrêt ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés en première instance et en appel ;
Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 8
ARRÊT DU 24 MAI 2024
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/17651 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIOO6
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Septembre 2023 -Tribunal de Commerce d'Evry - RG n° 2023F00092
APPELANTE
S.A.R.L. ATELIER CUISINE CRÉATION (MOBALPA), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentée par Me Mathieu QUEMERE, avocat au barreau d'ESSONNE
INTIMÉE
S.A.R.L. SGIV AVEMCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 8]
[Localité 10]
Représentée par Me Laurence GAUVENET, avocat au barreau de PARIS, toque : C1430
Ayant pour avocat plaidant Me Didier LECOMTE, avocat au barreau du VAL D'OISE
PARTIES INTERVENANTES
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
MMA IARD SA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentées par Me Pascal HORNY de la SCP HORNY-MONGIN-SERVILLAT, avocat au barreau d'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Florence LAGEMI, Président de chambre
Rachel LE COTTY, Conseiller, chargée du rapport,
Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
La société Atelier cuisine créations a pour activité la vente de cuisines équipées, salle de bains, rangements et de tous biens d'équipement concernant la maison. Elle exerce sous la franchise Mobalpa.
La société Sgiv avemce a pour activité le conseil et la réalisation graphique, la fabrication et l'usinage de produits signalétiques, enseigne, communication et agencement.
Le 26 mars 2021, la société Atelier cuisine créations a signé un devis de la société Sgiv avemce pour une rénovation complète de toutes les façades de son point de vente Mobalpa (ravalement et bardage), pour un montant total de 27.000 euros HT soit 32.400 euros TTC. Un second devis d'un montant de 1.250 euros HT, soit 1.500 euros TTC, a été signé le 17 janvier 2022.
Plusieurs factures ont été émises pour un montant total de 33.900 euros TTC.
Par acte du 26 avril 2023, la société Sgiv avemce a assigné la société Atelier cuisine créations devant le juge des référés du tribunal de commerce d'Evry pour la voir condamner à lui payer une provision de 20.940 euros TTC, avec intérêts au taux de 0,895 % par mois à compter du 15 juillet 2022, au titre du solde de ses factures.
Par ordonnance contradictoire du 6 septembre 2023, le juge des référés a :
constaté l'existence d'une obligation non sérieusement contestable ;
condamné par provision la société Atelier cuisine créations à payer à la société Sgiv avemce la somme de 19.400 euros au titre du solde de la facture FC2022/0520 et 1.500 euros au titre de la facture FC2022/0521, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2022 ;
rejeté la demande de la société Sgiv avemce relative aux intérêts de retard au taux de 0,895 % par mois du 15 juillet 2022 jusqu'à parfait paiement ;
rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Sgiv avemce ;
ordonné à la société Sgiv avemce de fournir la police d'assurance et de produire une attestation d'assurance RC décennale, sans astreinte ;
débouté la société Sgiv Avemce [sic, la société Atelier cuisine créations] de sa demande d'expertise ;
laissé à la société Atelier cuisine créations la charge des dépens, outre les frais d'exécution s'il y a lieu.
Par déclaration du 31 octobre 2023, la société Atelier cuisine créations a interjeté appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif sauf en ce qu'elle a :
rejeté la demande de la société Sgiv avemce relative aux intérêts de retard au taux de 0,895 % par mois à compter du 15 juillet 2022 jusqu'à parfait paiement ;
rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Sgiv avemce ;
ordonné à la société Sgiv avemce de fournir la police d'assurance et de produire une attestation d'assurance RC décennale.
Par acte du 20 mars 2024, la société Atelier cuisine créations a assigné en intervention forcée les sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard, sollicitant de la cour qu'elle :
lui donne acte de son appel en intervention forcée et de sa demande de mise en cause d'un tiers ;
ordonne la jonction de l'instance avec celle enrôlée sous le numéro 23/17651, pôle 1 chambre 8 ;
condamne les sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard à relever et garantir indemne la société Sgiv avemce de l'intégralité des condamnations qui pourraient être mises à sa charge.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 24 avril 2024, la société Atelier cuisine créations demande à la cour de :
infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
juger que les demandes de provision de la société Sgiv avemce se heurtent à une contestation sérieuse ;
ordonner à la société Sgiv avemce de lui rembourser la somme de 20.900 euros du chef des causes de l'ordonnance infirmée ;
Subsidiairement,
ordonner le séquestre de la somme de 20.900 euros entre les mains de tel séquestre qu'il plaira à la cour de désigner avec obligation pour la société Sgiv avemce d'en justifier dans les 8 jours de la décision à intervenir sous peine d'astreinte de 1.000 euros par jour de retard pendant une durée de 2 mois ;
ordonner une mesure d'expertise judiciaire ;
désigner tel expert qu'il lui plaira avec pour mission de :
se rendre sur place à son siège situé [Adresse 5] à [Localité 9], en présence des parties éventuellement assistées de leurs conseils ;
convoquer l'ensemble des parties ;
se faire communiquer tous documents, plans et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ;
visiter les lieux et examiner les malfaçons et non-façons alléguées par elle ;
relever toutes autres non-façons, malfaçons et défauts de conformités présents sur les façades avant, arrière, gauche, droite et la réserve de sa boutique relatives au contrat et subséquentes à l'intervention de la société Sgiv avemce ;
rechercher et établir l'importance, la cause et l'origine des désordres, malfaçons, non-façons et non-conformités ;
rechercher si ces malfaçons et non-façons proviennent soit d'une non-conformité aux règles de l'art, soit d'une exécution défectueuse ;
fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer les préjudices subis ;
indiquer et évaluer les travaux éventuellement nécessaires à la réfection et à la reprise et chiffrer, le cas échéant, le coût des remises en état ;
faire les comptes entre les parties ;
en cas d'urgence reconnue par l'expert, l'autoriser à faire exécuter aux frais avancés pour le compte de qui il appartiendra, si la société « défenderesse » venait à refuser d'exécuter les travaux estimés indispensables par l'expert, ces travaux étant dirigés par elle et par des entreprises qualifiées de son choix, sous le constat de bonne fin de l'expert, lequel dans ce cas, déposera un pré-rapport précisant la nature et l'importance de ces travaux ;
dire que l'expert pourra se faire assister de tout sapiteur ou bureau d'étude qu'il jugera utile de solliciter, et proposer toute mesure d'investigation ou d'exploration qu'il estimera adaptée pour remplir sa mission : caméra, sondage, étude de sol, etc' ;
dire que l'expertise sera mise en oeuvre et que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au secrétariat du greffe du tribunal dans les quatre mois de sa saisine ;
fixer la provision à consigner au greffe, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans le délai qui sera imparti par « l'ordonnance » à intervenir et mettre les frais d'expertise à la charge des intimées ;
dire que les frais d'expertise seront supportés solidairement par les intimées ;
déclarer « l'ordonnance » commune et pleinement opposable aux sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard ;
dire que le rapport de l'expert sera opposable aux sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard ;
condamner les intimées à lui payer solidairement la somme de 7.500 euros à titre de provision ad litem ;
En toute hypothèse,
ordonner le rabat de la clôture au jour de l'audience ;
condamner les intimées à lui payer solidairement la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Sgiv avemce aux entier dépens.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 avril 2024, la société Sgiv avemce demande à la cour de :
la recevoir et la dire bien fondée en l'ensemble de ses écritures ;
confirmer l'ordonnance de référé entreprise en toutes ses dispositions ;
fixer la date de réception de l'ouvrage au 17 juin 2022 ;
condamner la société Atelier cuisine créations à lui payer une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société Atelier cuisine créations aux dépens.
Dans leurs conclusions remises et notifiées le 23 avril 2024, les sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard demandent à la cour de :
débouter la société Atelier cuisine créations de l'ensemble de ses demandes, la déclarer mal fondée et la renvoyer à mieux se pourvoir ;
les recevoir en leur demande reconventionnelle ;
condamner la société Atelier cuisine créations à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 avril 2024.
Elle a été révoquée le 25 avril 2024 afin de permettre la prise en considération des dernières conclusions de l'appelante, déposées le 24 avril 2024 après la clôture, en réplique aux conclusions des intervenantes forcées.
Une nouvelle clôture a été prononcée le 25 avril 2024, avant l'ouverture des débats, avec l'accord des parties.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
SUR CE, LA COUR,
Sur l'assignation en intervention forcée des sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard
Aux termes de l'article 555 du code de procédure civile, les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.
En l'espèce, le litige a évolué depuis la première instance car le premier juge a ordonné la production par la société Sgiv avemce de ses attestations d'assurance, ce qu'elle a fait, et que c'est à cette occasion que la société Atelier cuisine créations a appris que les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles étaient les assureurs de la société Sgiv avemce, ainsi qu'elle l'expose dans son assignation en intervention forcée.
L'intervention forcée, au demeurant non contestée par les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles et l'intimée, est donc recevable.
Sur la demande de provision et la demande reconventionnelle d'expertise
Selon l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
Au cas présent, la société Sgiv avemce sollicite le règlement du solde de sa facture après travaux, soutenant que la somme de 20.900 euros lui est due depuis juin 2022, de sorte que l'urgence est caractérisée, et qu'il n'existe aucune contestation sérieuse, en l'absence de toute malfaçon.
Elle s'oppose à la demande d'expertise formée par la société Atelier cuisine créations en invoquant l'absence d'urgence eu égard à la date d'achèvement des travaux, le 8 juin 2022, et des contestations sérieuses tenant à l'impossibilité de mettre en jeu sa garantie, en l'absence de réception de l'ouvrage, et à l'absence de commencement de preuve de malfaçons, précisant qu'elle était compétente pour effectuer les travaux de bardage, qu'elle réalise régulièrement au profit du franchiseur Mobalpa.
Cependant, l'urgence n'est pas une condition prévue par l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile précité et, au regard des pièces produites par la société Atelier cuisine créations, il existe une contestation sérieuse sur la demande en paiement du solde de la facture de la société Sgiv avemce, des désordres, non-façons et malfaçons affectant les travaux réalisés.
En effet, il résulte du procès-verbal de constat établi le 7 novembre 2023 que certains panneaux formant le bardage se déforment lorsqu'on appuie légèrement dessus, que certains rivets ne sont pas bien fixés, que d'autres sont manquants et que les coupes du bardage en périphérie des appuis de fenêtres ne sont pas régulières.
Il ressort du devis du 13 octobre 2023 de la société Serbaco que « la mise en oeuvre du bardage composite n'est pas conforme car les ossatures doivent être en position verticale et tous les 50 à 60 cm maximum », que « le mode de fixation n'est pas conforme, type de vis » et que la dépose de l'ensemble des habillages et plaques ainsi que la réalisation des travaux de reprise représente un coût total de 75.000 euros HT soit 90.000 euros TTC.
Le rapport d'expertise amiable du 22 décembre 2023 de M. [V], expert en techniques du bâtiment, qui a été soumis à la discussion contradictoire des parties, conclut également à l'absence de respect des règles de l'art par « la mise en oeuvre de bardage alu sur le bardage métallique existant », avec une « non-conformité de fixation des plaques en alu [qui] présente un éventuel défaut de stabilité avec un risque de soulèvement et de détachement des plaques en cas de tempête, susceptibles de chutes accidentelles sur les piétons, les véhicules et sur les bâtiments avoisinants avec un risque de dommages importants ».
L'expert amiable estime que « les travaux de bardage en alu doivent faire l'objet d'une reprise dans les règles de l'art ».
Les échanges entre les parties de février à avril 2022 démontrent que la société Sgiv avemce n'a pas nié les difficultés d'exécution puisqu'elle a dû intervenir afin de reprendre deux façades, ainsi qu'elle le reconnaît dans un courriel du 8 février 2022. Elle a en outre consenti une remise commerciale de 1.480 euros HT à la société Atelier cuisine créations. Cependant, dès l'intervention destinée à reprendre les désordres, en juin 2022, la société Atelier cuisine créations a dénoncé des désordres et malfaçons dans la réalisation des travaux.
Au regard de ces éléments, la circonstance alléguée par l'intimée que le responsable régional du réseau Mobalpa ait indiqué « accepter la façade en l'état » dans un courriel du 17 juin 2022 est indifférente, d'autant qu'en juin 2023, celui-ci a précisé qu'aucune aide n'avait été versée à son franchisé pour les travaux de la façade « au vu des difficultés rencontrées pour la réalisation de celle-ci ».
La demande de provision se heurte donc à une contestation sérieuse et la société Atelier cuisine créations justifie d'un motif légitime de solliciter une expertise judiciaire dans la perspective d'un procès futur devant le juge du fond, lequel n'est pas manifestement voué à l'échec.
Il est rappelé que le juge du fond ne peut se fonder exclusivement sur une expertise amiable réalisée à la demande de l'une des parties, de sorte que l'expertise judiciaire reste en l'état utile et pertinente afin d'améliorer la situation probatoire de l'appelante.
Il est également rappelé que l'urgence n'est pas une condition de l'expertise in futurum, le seul critère de l'article 145 du code de procédure civile précité étant le motif légitime de conserver ou d'établir des preuves avant tout procès au fond.
L'ordonnance entreprise sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a condamné la société Atelier cuisine créations au paiement d'une provision et a rejeté sa demande d'expertise.
L'expertise étant ordonnée à la demande et dans l'intérêt de l'appelante, la provision sera à sa charge.
Sur la demande de remboursement de la somme de 20.900 euros du chef des causes de l'ordonnance infirmée
L'obligation de rembourser les sommes versées en vertu d'une décision de première instance assortie de l'exécution provisoire résultant de plein droit de la réformation de cette décision, il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement de la somme de 20.900 euros réglée par l'appelante en exécution de l'ordonnance entreprise.
Sur la demande de mise en cause des sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard
Les sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard sollicitent leur mise hors de cause
au motif que les conditions de la mise en 'uvre de la police d'assurance souscrite par la société Sgiv avemce ne sont pas réunies, les travaux litigieux ne relevant pas de ceux susceptibles d'engager leur responsabilité au sens des articles 1792 et suivants du code civil et aucune réception des ouvrages n'étant intervenue. Elles soutiennent que seule la responsabilité contractuelle de droit commun de leur assuré serait susceptible d'être engagée, à l'exclusion de toute garantie de l'assureur.
Elles ajoutent que la société Sgiv avemce a souscrit une police d'assurance pour des activités de « conception, fabrication, pose d'enseignes et signalétiques », activités qui n'incluent pas les travaux qui lui ont été confiés par la société Atelier cuisine créations.
Elles font encore valoir que la police d'assurance souscrite ne prévoit pas de garantie de l'assureur au titre du volet responsabilité civile ou construction lorsque le chantier n'est pas réceptionné et que les malfaçons alléguées concernent exclusivement les ouvrages réalisés par l'assuré.
Cependant, il résulte des conditions particulières du contrat d'assurance versées aux débats que les sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard garantissent les « travaux de bâtiment que vous exécutez ou donnez en sous-traitance », ce qui inclut les travaux de ravalement et de bardage litigieux. Elles garantissent également les activités de « conception, fabrication et pose d'enseignes et signalétiques », travaux qui ont été réalisés par la société Sgiv avemce.
Les travaux litigieux relèvent donc des activités couvertes par la garantie et, pour le surplus, la mise en cause d'une partie dans une expertise, simple mesure d'instruction ordonnée avant tout procès, ne préjuge pas de sa garantie de sorte qu'il y a lieu de faire participer aux opérations d'expertise les sociétés d'assurance, dont la mise en cause n'est pas manifestement vouée à l'échec à ce stade.
Sur la demande de prononcé de la réception formée par la société Sgiv Avemce
La société Sgiv Avemce soutient que, la société Atelier cuisine créations ayant reconnu avoir réceptionné l'ouvrage dans ses dernières écritures, il convient d'en fixer la date au 17 juin 2022.
Cette demande, dont le fondement juridique n'est pas précisé, ne s'analyse toutefois pas en une mesure provisoire ou conservatoire, de sorte qu'elle excède les pouvoirs du juge des référés.
Il n'y a donc pas lieu à référé de ce chef.
Sur la demande de provision ad litem
La demande de provision pour frais d'instance présentée au juge des référés ne peut être accueillie que si l'obligation d'indemnisation de la partie à l'égard de laquelle cette demande est formée n'est pas sérieusement contestable (2e Civ., 29 janvier 2015, pourvoi n° 13-24.691, Bull. 2015, II, n° 19).
A ce stade, l'obligation d'indemnisation de l'intimée et de ses assureurs n'est pas établie avec l'évidence requise en référé, raison pour laquelle une expertise est ordonnée, de sorte que la demande de provision ad litem formée par l'appelante sera rejetée.
Sur les frais et dépens
La partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile (2e Civ., 10 février 2011, pourvoi n° 10-11.774, Bull. 2011, II, n° 34).
En effet, les mesures d'instruction sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d'un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier.
En revanche, il est possible, en présence d'une action fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens (2e Civ., 27 juin 2013, pourvoi n° 12-19.286, Bull. 2013, II, n° 148).
L'issue du litige en appel commande de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens ainsi que de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions dont il a été relevé appel ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Rejette la demande de provision formée par la société Sgiv avemce ;
Ordonne une expertise judiciaire et désigne M. [F] [W], expert, [Adresse 7] (Tél : [XXXXXXXX03] ; Fax : [XXXXXXXX01] ; Port. : [XXXXXXXX02] ; email : [Courriel 11]) pour y procéder, avec pour mission de :
se rendre sur place, [Adresse 5] à [Localité 9], en présence des parties éventuellement assistées de leurs conseils ;
convoquer l'ensemble des parties ;
se faire communiquer tous documents, plans et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ;
visiter les lieux et examiner les malfaçons et non-façons alléguées par la société Atelier cuisine créations ;
relever toutes autres non-façons, malfaçons et défauts de conformité présents sur les façades avant, arrière, gauche, droite et la réserve de la boutique relatives au contrat et subséquentes à l'intervention de la société Sgiv avemce ;
rechercher et établir l'importance, la cause et l'origine des désordres, malfaçons, non-façons et non-conformités ;
rechercher si ces malfaçons et non-façons proviennent soit d'une non-conformité aux règles de l'art, soit d'une exécution défectueuse ;
fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer les préjudices subis ;
indiquer et évaluer les travaux éventuellement nécessaires à la réfection et à la reprise et chiffrer, le cas échéant, le coût des remises en état ;
faire les comptes entre les parties ;
Autorise l'expert, en cas d'urgence reconnue par lui, à faire exécuter aux frais avancés pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables, ces travaux étant dirigés par la société Atelier cuisine créations et par des entreprises qualifiées de son choix, sous le constat de bonne fin de l'expert, lequel, dans ce cas, déposera un pré-rapport précisant la nature et l'importance de ces travaux ;
Dit que l'expert pourra se faire assister de tout sapiteur ou bureau d'étude qu'il jugera utile de solliciter ;
Dit que l'expert devra communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits, auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;
Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe du tribunal de commerce d'Evry avant le 24 février 2025, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle ;
Dit que la société Atelier cuisine créations devra consigner au greffe du tribunal de commerce d'Evry la somme de 5.000 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert au plus tard le 15 juillet 2024 ;
Dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou de demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque et de nul effet ;
Désigne pour suivre les opérations d'expertise le juge du contrôle des expertises du tribunal de commerce d'Evry ;
Rejette la demande de provision ad litem formée par la société Atelier cuisine créations ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de prononcé de la réception de l'ouvrage ;
Rappelle que l'obligation de rembourser les sommes versées en exécution de la décision entreprise résulte de plein droit du présent arrêt ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés en première instance et en appel ;
Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT