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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 28 mai 2024, n° 21/01139

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Entretien Cheminées Gironde (Sasu)

Défendeur :

Aquitaine Fermetures (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Goumilloux, Mme Masson

Avocats :

Me Meyer, Me Amigues

T. com. Bordeaux, du 15 déc. 2020, n° 20…

15 décembre 2020

EXPOSE DU LITIGE :

La SASU Entretien cheminées Gironde, qui exerce son activité de maintenance et d'installation de chauffage à bois sous la dénomination les Ramoneurs girondins, a, selon devis n°7267/D du 5 octobre 2018, rectifié le 7 novembre 2018, confié à la SARL Aquitaine Fermetures la fourniture et l'installation d'une clôture et de deux portails coulissants en aluminium avec motorisation électrique, afin d'équiper la maison située [Adresse 1], appartenant à son gérant M. [T], pour un prix de 17988.72 euros TTC, sur lequel elle a versé un compte de 4814.89 euros le 22 octobre 2018.

Un devis rectificatif a été établi le 7 novembre 2018, et accepté le même jour, avec les mêmes prestations, avec comme nom de client Les ramoneurs girondins (la TVA étant portée à 20% et non 10 % comme dans le précédent devis).

Les travaux ont été réalisés les 4 et 5 février 2019.

Le chantier a fait l'objet d'un procès-verbal de réception signé le 5 février 2019 par le gérant de la société entretien cheminée Gironde, avec des réserves relatives notamment à l'absence de système de déverrouillage extérieur et/ou de batterie de secours, de l'absence de carnet d'entretien des moteurs et de feux clignotants.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 février 2019, la société entretien cheminée Gironde a fait part de différents griefs à la société Aquitaine fermetures, en se plaignant notamment de l'absence d'éclairages clignotants obligatoires, de l'absence de documentation relative aux deux moteurs, et de l'impossibilité de procéder au déverrouillage extérieur des portails en cas de panne d'alimentation électrique.

Par courrier du 12 février 2019, la société Aquitaine Fermetures a vainement mis en demeure la société Entretien cheminées Gironde de lui régler le solde de sa facture, soit a facture de 13.173,83 euros.

La société Aquitaine Fermetures a mandaté un huissier afin d'établir un procès-verbal de constat de réalisation de travaux effectués. À cette même date, la société Entretien cheminées Gironde a remis un chèque de 6.586,91 euros à l'huissier de justice.

Le 28 février 2019, la société Aquitaine fermetures a présenté à la société Entretien cheminée Gironde une proposition concernant l'installation de feux clignotants et d'un système de déverrouillage manuel.

La société Entretien cheminée Gironde a considéré que cette proposition n'était pas satisfaisant et a refusé de régler le solde de la facture.

Par courrier du 25 mars 2019, la société Aquitaine Fermeture a à nouveau vainement mis en demeure son débiteur en paiement de la somme restante de 6.586,91 euros.

Par acte du 20 août 2019, la société Aquitaine Fermetures a assigné la société Entretien cheminées Gironde en paiement devant le tribunal de commerce de Bordeaux.

Par jugement contradictoire du 15 décembre 2020, le tribunal de commerce de Bordeaux a statué comme suit :

Condamne la SASU Entretien cheminées de Gironde exerçant sous le nom commercial de 'Les ramoneurs girondins' à payer à la SARL Aquitaine Fermetures la somme de 6.586,91 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2019 ;

Déboute la société Entretien cheminées de Gironde de l'ensemble de ses demandes ;

Ordonne l'exécution provisoire ;

Condamne la société Entretien cheminées de Gironde à payer à la société Aquitaine Fermetures la somme de 500 euros sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Entretien cheminées de Gironde aux dépens.

Par déclaration au greffe du 24 février 2021, la société Entretien cheminées de Gironde a relevé appel du jugement.

La mesure de médiation proposée aux parties le 26 mars 2021 n'a pu aboutir.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 25 mars 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Entretien cheminées de Gironde demande à la cour de :

Vu les pièces versées aux débats,

Vu les articles 1103 et 1219 du code civil,

Vu les articles L217-9 et L217-10 du code de la consommation

Vu les articles R.125-3-1 et R125-3-2 du code de la construction et de l'habitation,

Vu la norme EN 13241-1,

Infirmer le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Bordeaux dans l'ensemble de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Constater que le portail n'est pas conforme aux normes de sécurité en vigueur

Constater que le portail n'est pas conforme au contrat

Déclarer l'article 3 des conditions générales de vente et de règlement de la société Aquitaine Fermetures inopposables à la société les Ramoneurs Girondins ou, à défaut, réputé non écrit ;

Dire que la SASU les Ramoneurs Girondins était bien fondée à s'opposer au paiement du solde de la facture d'un montant de 6 586,92 euros,

En conséquence,

Débouter la société Aquitaine Fermetures de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la Société Aquitaine Fermetures à verser à la Sasu les Ramoneurs Girondins la somme de 8.069,81 euros en remboursement des sommes indûment versées,

Condamner la société Aquitaine Fermetures à verser à la Sasu les Ramoneurs Girondins la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamner la société Aquitaine Fermetures aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières écritures notifiées par message électronique le 2 août 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, la SARL Aquitaine Fermetures demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104 et 1217 du code civil ;

Vu l'ensemble des pièces versées aux débats ;

Vu particulièrement le jugement du tribunal de commerce du 15 décembre 2020,

Débouter la S.A.S.U les Ramoneurs Girondins de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant :

Condamner la S.A.S.U les Ramoneurs Girondins à payer à la Sarl Aquitaine Fermetures la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.

Motivation

MOTIFS DE LA DECISION :

1- Se fondant sur les dispositions des articles L.217-9 et L.217-10 du code de la consommation, et subsidiairement sur l'article 1219 du code civil, la société Entretien cheminées Gironde soutient qu'elle est fondée à ne payer qu'une partie du prix de l'installation initialement convenu, dès lors que les portails électriques ne sont conformes ni au devis, ni aux normes de sécurité en vigueur, en l'absence de signalisation lumineuse et de système de déverrouillage par l'extérieur, et que la solution proposée pour y remédier ne rend pas le bien conforme au contrat.

2- La société Aquitaine fermetures réplique que l'installation devait être réalisée au domicile particulier de M. [T], de sorte qu'aucune norme ou réglementation n'imposait la mise en place de feux clignotants, qu'elle avait toutefois recommandée, mais que M. [T] a finalement refusée au dernier moment, pour des raisons d'esthétique (situation qui ne pourrait lui être désormais reprochée).

Elle souligne avoir proposé à plusieurs reprises mais en vain à M. [T] de mettre en place les deux éclairages clignotants, conformément aux dispositions contractuelles, de sorte que la société appelante ne pourrait arguer de sa propre turpitude.

Elle ajoute que la mise en place d'un système de déverrouillage extérieur et d'une batterie de secours n'était pas prévue au contrat et n'est pas imposée par la réglementation au domicile d'un particulier.

Sur ce :

3- Selon l'article préliminaire du conde de la consommation, au sens de ce code, 'est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale."

4- Il en résulte que la société Entretien cheminées Gironde, personne morale qui a contracté le 7 novembre 2018, ne peut se prévaloir des dispositions des articles L.217-9 et L.217-10 du code de la consommation, relatives à la garantie légale de conformité.

5- Selon les dispositions de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon les dispositions de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

6- Dès lors que la mise en place d'un éclairage clignotant était prévue au devis du 5 octobre 2018, accepté le 22 octobre 2018 par M. [T], rectifié le 7 novembre 2018, il existait bien un accord des parties sur cette prestation, et la société Aquitaine fermetures était tenue d'installer ce dispositif.

Il convient donc d'écarter, comme inopérant, l'argument invoqué par la société intimée, selon lequel ce dispositif n'était pas obligatoire au domicile d'un particulier, d'autant plus que M. [O] affirmait le contraire dans son courrier recommandé de mise en demeure du 12 février 2019 (' dans toutes les installations donnant sur la voie publique pour des portails avec fonctionnement semi-automatique (commande volontaire pour ouvrir et pour fermer les portails) les éclairages doivent être installés ainsi qu'un barrage photo-électrique à 40 cm du sol), et que cette obligation résulte bien de la norme EN 13241-1, et des dispositions de l'article R.125-3-1 du code de la construction et de l'habitation, la prestation étant réalisée dans un bâtiment à usage d'habitation.

7- Il est établi que le dispositif d'éclairage clignotant n'a pas été mis en place.

8- Il résulte des constatations effectuées le 27 février 2019 par Maître [I], huissier de Justice que M. [T] a refusé, en sa présence, de donner suite à la proposition faite par M. [O] (Aquitaine Fermetures) d'installer les feux clignotants le jour même sur les deux portails, au motif qu'il ne souhaitait pas que les câbles électriques d'alimentation de ces feux clignotants soient apparents, en l'absence d'arrivée électrique prévue au niveau des pilastres des deux portails.

9- Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 février 2019, la société Aquitaine fermetures a renouvelé sa proposition de mettre en place les deux éclairages clignotants pour les deux portails coulissants avec installation de deux tubes en aluminium 30 × 20 mm anodisé bronze, apparents mais discrets sur le côté des piliers, côté clôture, les éclairages étant positionnés juste au-dessus de la clôture aluminium.

10- Par lettre recommandée en réponse du 5 mars 2019, la société Entretien cheminées Gironde a refusé de nouveau cette proposition, au motif qu'elle ne correspondait en rien à ce qui était convenu au départ.

11- Toutefois, il ne ressort nullement du devis du 7 novembre 2018 que la société Aquitaine fermetures se soit engagée à mettre en place une alimentation électrique au niveau des pilastres des deux portails. Le devis mentionne d'ailleurs qu'il ne comprend pas le passage des gaines électriques, le tirage de câbles d'alimentation électrique et des travaux de maçonnerie.

12- Il apparaît ainsi que la proposition faite par la société Aquitaine fermetures permettait la mise en place de l'éclairage clignotant prévu au devis, sans coût supplémentaire pour le client, et celui-ci n'a pas démontré le caractère inesthétique de ce dispositif.

13- Il en résulte que seul le comportement du maître de l'ouvrage explique l'inexécution du contrat pour cette prestation.

14- Par ailleurs, il est constant que les portails n'ont pas été équipés d'un système de déverrouillage extérieur, ni d'une batterie de secours, alors qu'il s'agit d'accessoires dont doit disposer tout portail doté d'un système d'ouverture automatique, en application de la norme EN 13241-1. Le système de débrayage manuel du moteur, tel que prévu au devis, ne permettait pas d'assurer l'ouverture de l'extérieur.

15- Il en résulte que le vendeur n'a pas respecté sur ces deux points son obligation de délivrance conforme, qui doit s'entendre non seulement des spécifications contractuelles, mais également du respect de la réglementation en vigueur.

16- Il y a lieu cependant de prendre en considération le fait que le vendeur a, dans son courrier du 28 févfrier 2019, offert de poser gratuitement une batterie de secours référence HNA outdoor, marque Hormann, fixée au sol à côté de l'un des deux moto-réducteurs, ce que la société appelante a refusé, sans invoquer de motif.

17- Il sera donc tenu compte uniquement de l'absence de proposition, dans le devis, d'un système de déverrouillage extérieur, dont il est résulté une installation non conforme à la réglementation.

18- La société appelante n'était toutefois pas fondée à voir minorer le prix de vente pour un montant de 6586.91 euros, sans rapport avec le défaut de conformité.

19- Il convient de fixer à 1000 euros le montant de la réduction de prix.

20- Infirmant le jugement, la cour fixera à la somme de 5589.91 euros le montant du solde de facture à la charge de la société appelante.

Sur la clause de paiement:

21- Il n'y a pas lieu d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, concernant la clause de paiement (article 3 des conditions générales de vente) instituant une retenue de garantie de non-achèvement en faveur du client, d'un montant compris entre 5% et 20% dès lors que la preuve de son acceptation par la société appelante n'est nullement démontrée, et qu'elle lui est donc inopposable.

22- Il convient en définitive de condamner la société Entretien cheminées Gironde à payer à la société Aquitaine Fermeture la somme de 5586.91 euros, avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 mars 2019.

Sur les demandes accessoires:

23- Dès lors que la société Aquitaine fermetures et la société entretien cheminée Gironde ont, chacune, partiellement succombé en leurs prétentions devant la cour, il n'est pas inéquitable de laisser à leur charge les frais irrépétibles exposés en appel.

En revanche la condamnation prononcée sur ce fondement par le premier juge sera confirmée.

24- Il convient de condamner la société Entretien cheminées Gironde aux dépens d'appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Infirme le jugement, sur le montant de la condamnation mise à la charge de la société Entretien cheminées Gironde,

Statuant à nouveau,

Dit que la société Entretien cheminée Gironde était fondée à s'opposer au paiement du solde de la facture, à hauteur d'un montant de 1000 euros,

Condamne en conséquence la société Entretien cheminée Gironde à payer à la société Aquitaine fermetures la somme de 5586,91 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2019,

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Entretien cheminée Gironde aux dépens d'appel.