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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 28 mai 2024, n° 21/03429

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Audit Consultants (SARL)

Défendeur :

Hocelis Expertise Comptable (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Clement, Mme Jeorger-Le Gac

Avocats :

Me Chevalier, Me Cressard, Me Thomas-Belliard

T. com. Rennes, du 4 mai 2021

4 mai 2021

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Audit Consultants est une société d'expertise comptable et commissariat aux comptes cofondée par M. [V]. Il a été associé salarier de ladite société dès 1984.

Mme [Z] a été salariée de la société Audit Consultants à partir d'octobre 2003. Après avoir quitté le cabinet comptable en mai 2008, elle l'a réintégré en octobre 2008, en qualité de collaboratrice de M. [V].

Par protocole en date du 23 décembre 2009, M. [V] a cédé l'intégralité de ses parts sociales détenues dans la société Audit Consultants au profit de la société Financière Audit Consultants. Il s'est alors interdit de prendre part directement ou indirectement à toute activité susceptible de faire concurrence à la société Audit Consultants pendant une durée de trois ans à compter de la fin de son contrat de travail et dans une zone géographique limitée au département d'Ille-et-Vilaine. M. [V] a continué d'exercer comme salarié de la société Audit Consultants.

Mme [Z] a par la suite obtenu son diplôme d'expert-comptable. M. [V] a proposé aux associés de la société Audit Consultants de promouvoir Mme [Z] comme associée.

Le 19 novembre 2014, Mme [Z] a formulé, en son nom personnel, une offre de rachat de clientèle partielle à la société Audit Consultants, dans l'objectif de créer son propre cabinet comptable. Le 3 décembre 2014, la société Audit Consultants a dans un premier temps rejeté l'offre de Mme [Z].

Le 30 janvier 2015, la société Audit Consultants et Mme [Z] ont conclu une convention de rupture de son contrat de travail.

Le 17 mars 2015, la société Hocelis Expertise Comptable constituée par Mme [Z] a été inscrite au tableau de l'ordre des experts comptables de Bretagne.

Le même jour, Mme [Z] a mis fin à sa relation de travail avec la société Audit Consultants.

A cette même date, la société Audit Consultants a cédé le droit de présentation d'une partie de sa clientèle à la société Hocelis Expertise Comptable constituée par Mme [Z], pour un prix de 95.000 euros. Au sein de la convention de présentation de clientèle conclue, les parties ont stipulé une clause de non-concurrence réciproque (par laquelle la société Audit Consultants s'est engagée à ne pas effectuer de prestations auprès des clients cédés et réciproquement, la société Hocelis Expertise Comptable s'est engagée à ne pas effectuer de prestations auprès des clients non-cédés de la société Audit Consultants), limitée à une durée de 5 ans à compter du 18 mars 2015, soit jusqu'au 18 mars 2020.

Le 30 mars 2015, la société Hocelis Expertise Comptable a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Rennes.

Le 7 avril 2016, la société Audit Consultants a notifié à M. [V] son licenciement pour motif réel et sérieux en raison de désaccords persistants. Par suite, le 8 juillet 2016, M. [V] a quitté le cabinet.

A compter du 23 décembre 2016, la société Hocelis Expertise Comptable a notifié à la société Audit Consultants les sollicitations de trois sociétés du groupe Teamcast, clientes de la société Audit Consultants, préalablement à la réalisation de prestations comptables. Cette formalité répond à une exigence déontologique des expert-comptables.

Le 9 janvier 2019, estimant que la société Hocelis Expertise Comptable et M. [V] se livraient à des actes de concurrence déloyale, la société Audit Consultants a saisi la commission résolution des litiges de l'ordre des experts-comptables de Bretagne aux fins de conciliation.

Le 18 septembre 2020, elle a assigné M. [V] et la société Hocelis Expertise Comptable en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 4 mai 2021, le tribunal de commerce de Rennes a :

- Jugé l'action et l'exception de nullité soulevées par M. [V] irrecevables hors de sa compétence et dit que ce litige est du ressort du conseil de prud'hommes de Rennes, ditque le dossier sera transmis audit conseil de prud'hommes de Rennes dès l'expiration du délai d'appel, conformément aux nouvelles dispositions en vigueur depuis le 1er septembre 2017 au visa des articles 82 et 83 du code de procédure civile,

- Jugé le rapport d'enquête privée recevable en l'état et débouté M. [V] de sa demande d'irrecevabilité,

- Jugé la clause restrictive de concurrence imposée à la société Hocelis Expertise Comptable inopposable à cette dernière,

- Débouté la société Audit Consultants de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société Hocelis Expertise Comptable,

- Débouté la société Hocelis Expertise Comptable de ses prétentions au regard du trouble commercial et du préjudice d'image,

- Dit qu'il n'existe aucun acte de concurrence déloyale, commis par M. [V],

- Débouté la société Audit Consultants de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre M. [V],

- Débouté M. [V] de ses prétentions de versement d'une indemnité au titre de l'atteinte à la réputation et du préjudice d'image causé,

- Dit que la procédure initiée par la société Audit Consultants à l'encontre de M. [V] et la société Hocelis Expertise Comptable n'est pas abusive et debouté M. [V] et la société Hocelis Expertise Comptable de leurs prétentions,

- Condamné sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la société Audit Consultants à payer :

- à la société Hocelis Expertise Comptable la somme de 15.000 euros,

- à M. [V] la somme de 10.000 euros,

- Condamné la société Audit Consultants aux entiers dépens.

La société Audit Consultants a interjeté appel le 4 juin 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2023.

La cour a constaté que le litige entre les parties relevait pour partie de la compétence du conseil de prud'hommes de Rennes ; que la cour d'appel de Rennes est juridiction d'appel de cette juridiction de première instance et qu'il apparaissait pour une bonne administration de justice de donner à l'affaire une solution définitive.

Le 10 août 2023, il a donc été demandé aux parties, pour le 12 septembre 2023 au plus tard, de faire valoir toutes observations sur une éventuelle évocation par la cour des demandes des parties relevant de la compétence en première instance des juridictions prud'homales.

Le délibéré a en conséquence été prorogé au 3 octobre 2023.

Les parties ont fait valoir leurs observations.

Par arrêt du 3 octobre 2023 la cour d'appel de Rennes a :

- Confirmé le jugement en ce qu'il a jugé l'action et l'exception de nullité soulevées par M. [V] irrecevables hors de sa compétence et dit que ce litige est du ressort du conseil de prud'hommes de Rennes, dit que le dossier sera transmis audit conseil de prud'hommes de Rennes dès l'expiration du délai d'appel, conformément aux nouvelles dispositions en vigueur depuis le 1er septembre 2017 au visa des articles 82 et 83 du code de procédure civile,

- Rouvert les débats pour le surplus,

- Evoqué le litige sur les points sur lesquels le tribunal n'a pas statué au fond et a renvoyé pour compétence au conseil de prud'hommes de Rennes,

- Dit que le tribunal de commerce de Rennes devra transmettre au greffe de la cour d'appel de Rennes le dossier pendant devant lui à la suite du renvoi ordonné, sous réserve d'un appel, par le jugement du tribunal de commerce de Rennes en date du 4 mai 2021 n°2020F00276,

- Ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture,

- Invité les parties à conclure au fond sur la validité de la lause de non concurrence,

- Réservé les demandes des parties.

Le tribunal de commerce de Rennes a transmis le dossier de l'affaire le 1er février 2024.

L'ordonnance de clôture est en date du 21 mars 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses écritures notifiées le 26 février 2024 la société Audit Consultants demande à la cour au visa des articles 1134 ancien du code civil, 1185 ; 1200; 1240 ; 1626 ; 1628 ; 2222 et 2224 du code civil, 32-1 du code de procédure civile, de :

Infirmer partiellement le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes le 4 mai 2021, en ce qu'il a :

- Jugé la clause restrictive de non-concurrence imposée à la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE inopposable à cette dernière ;

- Dit qu'il n'existe aucun acte de concurrence déloyal commis par Monsieur [V] ;

- Débouté la société AUDIT CONSULTANTS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE et Monsieur [V] ;

- Condamné sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la société AUDIT CONSULTANTS à payer :

' A la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE, la somme de 15.000 euros ;

' A Monsieur [V], la somme de 10.000 euros ;

- Condamné la société AUDIT CONSULTANTS aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau, il est demandé à la cour de :

' Juger la société AUDIT CONSULTANTS recevable et bien fondée en ses écritures.

1. Sur le non-respect du protocole de cession de parts ratifié le 23 décembre 2019 et des protocoles de cession partielle de clientèle des 16 février et 17 mars 2015 :

A titre principal :

' Juger que le défaut de validité d'une clause de non-concurrence stipulée dans un acte de cession est sanctionné par la nullité et non le réputé non écrit;

' Juger l'exception de nullité opposée par Monsieur [V] relative à la clause de non-concurrence de l'acte ratifié le 23 décembre 2009, prescrite et donc irrecevable ;

' Juger l'exception de nullité opposée par la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE relative à la clause de non-concurrence des actes ratifiés les 16 février 2015 et 17 mars 2015, prescrite et donc irrecevable ;

' Juger la clause de non-concurrence stipulée dans l'acte de cession des parts sociales ratifié le 23 décembre 2009, valable et opposable à Monsieur [V];

' Juger la clause de non-concurrence stipulée dans les actes de cession partielle du fonds libéral ratifiés les 16 février 2015 et 17 mars 2015, valables et opposables à la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE ;

' Juger que Monsieur [V] et la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE n'ont pas respecté les clauses de non-concurrence ;

En conséquence,

' Condamner in solidum M. [Y] [V] et la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE à payer à la société AUDIT CONSULTANTS la somme de 371.406,62 euros en réparation du préjudice subi de ce chef.

A titre subsidiaire :

' Juger que Monsieur [V], cédant, doit s'interdire de détourner la clientèle de la société AUDIT CONSULTANTS en raison de la garantie d'éviction légale résultant de la cession de parts intervenue ;

' Juger que la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE ne doit pas faire obstacle au protocole de cession de parts ratifié le 23 décembre 2009 ;

' Juger que Monsieur [V] a violé les engagements pris dans ledit protocole en qu'il a cherché à détourner la clientèle de la société AUDIT CONSULTANTS ;

' Juger que la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE s'est rendue complice de la violation des engagements de non-concurrence et de la garantie d'éviction ;

En conséquence,

' Condamner in solidum M. [Y] [V] et la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE à payer à la société AUDIT CONSULTANTS la somme de 371.406,62 euros en réparation du préjudice subi de ce chef ;

A titre infiniment subsidiaire :

' Juger que la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE et M. [Y] [V] sont les auteurs d'actes déloyaux, à savoir un détournement de clientèle et une tentative de débauchage ;

En conséquence,

' Condamner in solidum M. [Y] [V] et la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE à payer à la société AUDIT CONSULTANTS la somme de 371.406,62 euros au titre des actes déloyaux ;

Sur la résistance abusive :

' Condamner in solidum M. [Y] [V] et la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE à payer à la société AUDIT CONSULTANTS la somme de 10.000 euros au titre de la résistance abusive ;

3. Sur les demandes reconventionnelles :

a) L'indemnité mensuelle sollicitée par Monsieur [V] :

A titre principal :

' Juger la demande M. [Y] [V] irrecevable comme étant prescrite ;

En conséquence,

' Débouter M. [Y] [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire :

' Juger que l'indemnité résultant d'une clause de non-concurrence constitue la contrepartie d'une obligation ne pouvant être fixée que par les parties elles-mêmes ;

En conséquence,

' Débouter M. [Y] [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

b) La condamnation au titre de l'atteinte à la vie privée de M. [Y] [V]:

' Juger Monsieur [V] défaillant dans l'administration de la preuve que l'atteinte à la vie privée était disproportionnée et illégitime au regard du présent litige et des intérêts en jeu ;

' Juger Monsieur [V] défaillant dans l'administration de la preuve d'un lien de causalité entre un dommage réparable et une faute susceptible d'engager la responsabilité de la société AUDIT CONSULTANTS résultant du rapport d'enquête privée ;

En conséquence,

' Débouter M. [Y] [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

c) La condamnation au titre du prétendu préjudice d'image, d'atteinte à la réputation et à la crédibilité ou de trouble commercial subis :

' Juger la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE et Monsieur [V] défaillants dans l'administration de la preuve de faute commise par la société AUDIT CONSULTANTS, de la réalité et de l'étendue du dommage et du lien de causalité ;

En conséquence,

' Débouter M. [Y] [V] et la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

d) La condamnation au titre d'une procédure abusive :

' Juger Monsieur [V] défaillant dans l'administration de la preuve de faute commise par la société AUDIT CONSULTANTS, indépendante du seul exercice de l'action, d'une gravité telle qu'elle a dégénéré en abus ;

En conséquence,

' Débouter M. [Y] [V] et la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

4. En tout état de cause :

' Débouter M. [Y] [V] et la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

' Condamner in solidum M. [Y] [V] et la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE à payer à la société AUDIT CONSULTANTS la somme de 8.000 euros chacune au titre de l'article 700 du CPC pour la procédure d'appel et de première instance et, à titre subsidiaire, réduire à plus justes proportions les condamnations au titre de l'article 700 du CPC en première instance ;

' Condamner in solidum M. [Y] [V] et la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE aux entiers dépens d'appel et de première instance.

Dans ses écritures notifiées le 06 décembre 2023la société Hocélis Expertise comptable demande à la cour au visa des articles 1134, 1147, 1626 et 2238 du code civil applicables aux faits de l'espèce, L 1221-1 du code du travail, 1240 du code civil, dans sa rédaction actuelle applicable aux faits de l'espèce de :

À titre principal,

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit la clause de non concurrence stipulée entre les parties, inopposable à la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE, cette dernière étant réputée non écrite et plus particulièrement s'agissant du passage suivant :

A compter du 18 mars 2015, le CESSIONNAIRE s'interdit d'effectuer des prestations relevant des travaux d'expertise comptable ou de commissariat aux comptes, soit directement, soit indirectement, pour son propre compte ou pour celui d'autrui auprès des clients non cédés au titre de la présente convention et appartenant a la société AUDIT CONSULTANTS pendant une durée de cinq années, le tout à peine de dommages et intérêts envers le CEDANT ou ses ayants droit et sans préjudice du droit de faire cesser judiciairement toute infraction au présent engagement.

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société AUDIT CONSULTANTS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et en ce compris, au titre de la concurrence déloyale, de la garantie d'éviction ou de tout autre chef,

Subsidiairement,

- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de nullité de la clause de non concurrence comme étant prescrite,

-Déclarer nulle et de nul effet la clause de non concurrence liant les parties,

- débouter la société AUDIT CONSULTANT de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Plus subsidiairement, si par impossible la Cour réformait le jugement déféré,

- Débouter la société AUDIT CONSULTANT de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, le préjudice allégué n'étant pas démontré,

- Faire application en tout état de cause des règles de la perte de chance en réduisant de façon très sensible la somme dont le bénéfice est allégué par la société AUDIT CONSULTANT,

En tout état de cause,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société AUDIT CONSULTANTS à verser à la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance,

- Condamner la société AUDIT CONSULTANTS à verser à la société HOCELIS EXPERTISE COMPTABLE la somme de 15.000 euros en cause d'appel,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société AUDIT CONSULTANTS au entiers dépens de première instance,

- Condamner la société AUDIT CONSULTANTS aux entiers dépens d'appel.

Dans ses écritures notifiées le 16 novembre 2023 M. [V] demande à la cour au visa des article 1134 ancien du code civil, 1240 du code civil, 9 du code de procédure civile, 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 700 du code de procédure civile, de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes le 4 mai 2021 en ce qu'il a :

Dit qu'il n'existe aucun acte de concurrence déloyale commis par Monsieur [V] ;

Déclaré qu'il était incompétent au profit du Conseil des Prud'hommes pour statuer sur la demande reconventionnelle de Monsieur [V] concernant la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ;

Débouté la société AUDIT CONSULTANTS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre Monsieur [Y] [V] ;

Condamné sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile la société AUDIT CONSULTANTS à payer à Monsieur [Y] [V] la somme de 10.000 euros ;

Condamné la société AUDIT CONSULTANTS aux entiers dépens.

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes en ce qu'il a :

Refusé de constater la nullité de la clause de non-concurrence imposée à Monsieur [Y] [V] ;

Débouté Monsieur [Y] [V] de ses prétentions de versement d'une indemnité au titre de l'atteinte à la réputation et du préjudice d'image causé; Débouté Monsieur [Y] [V] de ses prétentions de versement d'une indemnité au titre de la violation à sa vie privée ;

Débouté Monsieur [Y] [V] de ses prétentions de versement d'une indemnité au titre d'un abus de droit et procédure abusive ;

Refusé de condamner la société AUDIT CONSULTANTS à régler une amende civile ;

Par conséquent,

- Déclarer Monsieur [Y] [V] recevable et bien-fondé dans l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Déclarer irrecevable la pièce adverse n° 9 pour atteinte à la vie privée ;

- Prononcer la nullité de la clause de non-concurrence imposée à Monsieur [Y] [V] ; - Condamner la société AUDIT CONSULTANTS à verser à Monsieur [Y] [V] la somme de 113 850 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence respectée

- Constater l'absence d'acte de concurrence déloyale au titre de la désorganisation du fonctionnement de la société AUDIT CONSULTANTS ; - Constater l'absence d'une résistance abusive de la part de Monsieur [Y] [V] ;

- Débouter la société AUDIT CONSULTANTS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la société AUDIT CONSULTANTS à verser à Monsieur [Y] [V] la somme de 10.000 euros au titre de l'atteinte à la réputation et du préjudice d'image causé ;

- Condamner la société AUDIT CONSULTANTS à verser à Monsieur [Y] [V] la somme de 10.000 euros au titre de l'atteinte à sa vie privée ;

- Condamner la société AUDIT CONSULTANTS à verser à Monsieur [Y] [V] la somme de 10.000 euros au titre de l'abus de droit et de procédure;

- Condamner la société AUDIT CONSULTANTS à une amende civile de 10.000 euros en application de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société AUDIT CONSULTANTS à verser à Monsieur [Y] [V] la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- Condamner la société AUDIT CONSULTANTS aux entiers dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières écritures.

Motivation

DISCUSSION :

La clause de non concurrence insérée dans la convention de présentation de clientèle du 17 mars 2015

1) L'exception de nullité soulevée par la société Hocelis Expertise Comptable

La société audit Consultants soutient que la société Hocelis Expertise Comptable n'est pas recevable à contester la validité de la clause de non concurrence insérée à la convention en raison de la prescription quinquennale, cette clause n'étant pas soumise au régime des clauses réputées non écrites.

La société Hocelis Expertise Comptable fait valoir que la clause litigieuse doit être réputée non écrite et qu'en conséquence sa sanction échappe à la prescription quinquennale.

Une clause de non concurrence doit répondre à plusieurs conditions cumulatives pour être valable

- Elle doit être limitée quant à l'activité interdite ;

- Elle doit être limitée dans le temps et dans l'espace ;

- Elle doit être proportionnée par rapport aux intérêts légitimes à protéger en fonction de l'objet du contrat ou de la finalité de l'opération dont elle constitue l'accessoire

- Elle doit comporter l'obligation pour l'employeur de verser une contre- partie financière si la clause concerne un salarié qui quitte l'entreprise.

En l'espèce la Convention de présentation de clientèle du 17 mars 2015 prévoit en son article 5 Non-rétablissement non-concurrence :

A compter du 18 mars 2015, le CEDANT s'interdit d'effectuer des prestations relevant des travaux d'expertise comptable ou de commissariat aux comptes (à l'exception de la mission sociale du mois de mars 2015 des sociétés OPK, OPK Les Halles, SOMEVAL et GUINDE), soit directement, soit indirectement, pour son propre compte ou pour celui d'autrui auprès des clients cites en ANNEXE l et pendant une durée de cinq années, le tout à peine de dommages et intérêts envers le CESSIONNAIRE ou ses ayants droit et sans préjudice du droit de faire cesser judiciairement toute infraction au présent engagement.

A compter du 18 mars 2015, le CESSIONNAIRE s'interdit d'effectuer des prestations relevant des travaux d'expertise comptable ou de commissariat aux comptes, soit directement, soit indirectement, pour son propre compte ou pour celui d'autrui auprès des clients non cédés au titre de la présente convention et appartenant à la société AUDIT CONSULTANTS pendant une durée de cinq années, le tout à peine de dommages et intérêts envers le CEDANT ou ses ayants droit at sans préjudice du droit de faire cesser judiciairement toute infraction au présent engagement.

La société Hocelis Expertise Comptable considère que cette clause porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, à la libre concurrence et à la liberté du travail en ne respectant aucune des conditions cumulatives visées supra.

La clause est limitée dans le temps (5 ans) et dans l'espace. En effet les clients cédés sont clairement visés dans l'acte (Annexe 1) ce qui signifie que tous les autres clients de la société Audit Consultants ne doivent pas être récupérés par la société Hocelis Expertise Comptable. Cette énumération ne s'accompagne pas d'une exclusion territoriale de sorte que la société Hocelis Expertise Comptable reste en capacité d'exercer dans le même périmètre que la société Audits Consultants. Ces conditions confèrent à la clause sa proportionnalité dès lors que les intérêts légitimes à protéger de part et d'autres sont respectés : la société Hocelis Expertise Comptable peut débuter une activité conséquente et satisfaire à la liberté du travail et la société Audit Consultants conserver une large part de la clientèle attachée à l' activité qu'elle a développée depuis de nombreuses années. Le déséquilibre significatif des obligations entre les parties n'est donc pas établi.

La société Hocelis Expertise Comptable insiste sur l'absence de contrepartie financière en considérant que Mme [Z] a régularisé cette clause en qualité de salariée de la société Audit Consultants.

La société Audit Consultants ne peut affirmer que le prix de cession comprenait cette contre partie financière sur la base d'une étude réalisée en 2018 par le cabinet INTERFIMO. Cette étude très générale qui ne fait pas référence aux éléments comptables de la société cédante est insuffisante pour confirmer cette affirmation (pièce 28 Audit Consultants).

En revanche la chronologie des relations entre les parties ayant abouti au départ de Mme [Z] de la société Audit Consultants démontre que cette dernière n'est pas tenue par une cluse de non concurrence en qualité d'ex salariée.

Le 16 décembre 2014, la société Audit Consultants et Mme [Z] ont convenu de la cession d'une partie de sa clientèle dont cette dernière était chargée au sein du cabinet.

Le 30 janvier 2015, elles ont régularisé une convention de rupture du contrat de travail de Mme [Z] et le 16 février 2015, elles ont réitéré leur accord dans un protocole de rupture conventionnelle.

L'article 3 du protocole du 16 février 2015 prévoyait la levée d'une clause de non concurrence prévue dans le contrat de travail de Mme [Z] :

Les dispositions mentionnées aux points 4.2 et 4.3 de l'article IX du contrat de travail de Mademoiselle [S] [Z] intitulé Discrétion et concurrence seront levées à compter du 17 mars 2015.

Les points 4.2 et 4.3 du contrat de travail de Mademoiselle [S] [Z] sont les suivants :' En cas de cessation de son contrat de travail pour quelque cause que ce soit et à quelque époque, Mademoiselle [S] [Z] s'interdit :

2.de s'intéresser, de manière directe ou indirecte, à la société, même si elle est l'objet de sa part de sollicitations spontanées ;

3. d'entrer au service d'un de nos clients sans autorisation expresse et écrite de notre société.

Les interdictions fixées au &2 et 3 ci-dessus ne porteront effet que pendant une durée de deux ans à compter de la cessation du contrat.

Le même jour, elles ont régularisé un protocole de présentation de clientèle sous condition suspensive du changement de section à l'Ordre des Experts comptables de Bretagne de Mme [Z] lors de la cession du Conseil de l'Ordre devant se tenir le 17 mars 2015.

Aux termes de ce protocole la société Audit Consultants a promis à Mme [Z] de lui céder partiellement son fonds libéral d'expertise comptable et de commissariat aux comptes au plus tard le 31 mars 2015 à effet au 17 mars 2015. Cette promesse contenait la clause de non concurrence.

Il était précisé que Mme [Z] avait la faculté de se substituer toute personne morale de son choix pour procéder à l'acquisition du fonds.

Le 17 mars 2015, la société Hocelis Expertise Comptable constituée par Mme [Z] a été inscrite au Tableau de l'Ordre des Experts Comptables de Bretagne.

Le même jour la condition suspensive étant levée, la société audit Consultants et la société Hocelis Expertise Comptable, en cours d'enregistrement, ont réitéré leurs engagements dans le cadre de la Convention de présentation de clientèle, la cession de clientèle étant cédée au prix de 95.000 euros.

Cette convention du 17 mars 2015 fait donc la loi des parties.

Mme [Z] n'a pas régularisé ce protocole à titre personnel mais comme représentante de sa société en cours de formation (immatriculée le 30 mars 2015) pour laquelle une faculté de substitution était convenue depuis le 16 février 2015.

Elle ne peut donc faire valoir qu'elle conservait encore la qualité de salariée quant bien même elle a quitté le cabinet Audit Consultants le même jour, le 17 mars 2015.

Dans ce contexte la clause de non concurrence ne s'applique qu'à la société Hocélis Expertise Comptable, personne morale indépendante.

La levée aux termes du protocole du 16 février 2015 de la propre clause de non concurrence à laquelle Mme [Z] était assujettie comme salariée accrédite cette situation.

La validité de la clause litigieuse doit être envisagée au regard du droit commun attaché à la validité de telles clauses, qui encourent une nullité si leurs conditions ne sont pas respectées.

La société Hocelis Expertise Comptable n'est donc recevable à soulever une exception de nullité que si la clause de non concurrence n' a pas reçu un début d'exécution, si l'action en nullité a été formée plus de 5 ans après la signature de l'acte .

Le point de départ des effets de la clause de non concurrence a été fixé par les parties au 18 mars 2015. Elle devait s'appliquer jusqu'au 18 mars 2020.

Il s'évince des relations entre les parties que le 23 décembre 2016, en cours d'exécution de la clause litigieuse, la société Hocelis Expertise Comptable après rappel par Audit Consultants le 30 novembre 2016 de l'obligation de respecter la clause de non concurrence, a informé le cabinet Audit Consultants qu'elle entendait reprendre des dossiers du Groupe TEAMCAST.

Cette démarche établit que la société Hocelis Expertise Comptable était consciente d'enfreindre ses obligations.

La clause de non concurrence a donc reçu un début d'exécution et de ce fait est soumise à la prescription quinquennale.

La société Hocelis Expertise Comptable considère que le point de départ de la prescription doit être envisagé au jour du courrier adressé le 30 novembre 2016 par la société Audit Consultants faisant état de son choix de se prévaloir de la clause de non-concurrence.

Cette analyse n'est pas exacte. Conformément aux dispositions de l'article 2224 du code civil la prescription ne commence à courir que du jour où l'acte prétendument irrégulier a été passé soit en l'espèce à compter du 18 mars 2015. La nullité ne pouvait être soulevée que jusqu'au 18 mars 2020.

En considération des dispositions de l'article 1185 du code civil l'exception de nullité ne peut être invoquée qu'à la condition que le contrat critiqué n'ait donné lieu à aucun commencement d'exécution.

Dans ses écritures n° 1 du 4 décembre 2020 pour l'audience du 4 février 2021 devant le tribunal de commerce la société Hocélis Expertise Comptable demandait à titre principal de dire et juger la clause restrictive de concurrence imposée à la société Hocelis Expertise Comptable nulle et de nulle effet et en tout état de cause inopposable à cette dernière.

Cette demande a été faite le 4 décembre 2020 au delà du délai exigé pour soulever la nullité de la clause.

L'exception de nullité de la clause de non concurrence est donc irrecevable.

La société Hocelis Expertise Comptable était donc tenue de respecter son obligation de non concurrence du 18 mars 2015 au 18 mars 2020.

Le jugement est infirmé de ce chef.

L'exécution de la clause de non concurrence par la société Hocelis Expertise Comptable

La société Audit Consultants fait valoir que la société Hocelis Expertise Comptable a violé la clause de non concurrence figurant à la convention du 17 mars 2015 en reprenant certains de ses clients et ce avec la complicité de M. [V].

La société Hocelis Expertise Comptable rappelle que le fait pour un expert-comptable d'intervenir pour des clients de son ancien employeur n'est pas sanctionnable et que le démarchage est licite. Elle ajoute qu'elle n'a pas procédé au détournement d'une clientèle par des moyens déloyaux et n'a fait que répondre aux sollicitations spontanées et directes des clients.

La violation d'une clause de non concurrence oblige la société Audit Consultants à démontrer que la société Hocelis Expertise Comptable exerce les activités pour lesquelles elle s'est interdite d'agir sans qu'il n'y ait lieu d'établir de manoeuvres frauduleuses.

. Les clients

La société Audit Consultants reproche à la société Hocelis Expertise Comptable d'avoir récupéré les dossiers de clients non cédés : la société TEAMCAST, les sociétés du Groupe ERCA, les sociétés du Groupe COUDEYRAT, et les sociétés du Groupe RETIS.

S'agissant de la société TEAMCAST il est établi que son dirigeant a contacté directement la société Hocelis Expertise Comptable en novembre 2016 ce que ce dernier confirme dans un courrier du 29 janvier 2019 expliquant qu'il n'était plus satisfait des prestations du cabinet Audit Consultants depuis que M. [V] et Mme [Z] l'avaientt quitté.

Toutefois bien qu'il ne soit pas démontré de démarche positive de la part de la société Hocelis Expertise Comptable pour récupérer ce client, elle était tenue de s'abstenir de travailler pour lui à défaut d'être déliée de son obligation de non concurrence sous peine d'être redevable de dommages et intérêts.

La société Hocelis Expertise Comptable ne conteste pas la reprise du client ERCA. S'il est également établi que c'est le gérant de la société ERCA qui a contacté la société Hocelis Expertise Comptable pour lui proposer de collaborer avec sa société comme il l'indique dans son courrier du 13 mars 2019, il n'en demeure pas moins que non déliée par la clause de non concurrence en acceptant cette reprise comme elle l'indique à Audit Consultants le 11 décembre 2017, elle prenait le risque de se mettre en contravention avec ses obligations contractuelles vis à vis de cette dernière.

Par courrier du 30 juillet 2018 la société Hocelis Expertise Comptable a informé la société Audit Consultants de la reprise du Groupe COUDEYRAT à savoir les sociétés :

- SARL B2D DEVELOPPEMENT ;

- SARL MAISON COUDEYRAT ;

- SARL PORC AQUITAINE & CIE ;

- SCI B2D IMMOBILIER.

La société Hocelis Expertise Comptable ne conteste pas la reprise de ces clients.

Elle explique encore que le dirigeant de la société B2D DEVELOPPEMENT, M. [W] a suivi les recommandations d'un autre dirigeant d'une société cliente, M [B] de s'adresser à elle en raison de la qualité de ses services. Cette affirmation est établie par un mail de M [B] à M. [W] du 20 juin 2017.

Il n'est pas établi qu'il y ait eu manoeuvres de la société Hocelis Expertise Comptable pour détourner ce client notamment par l'intermédiaire de M. [V].

Sur ce point en effet les échanges de mails entre Audit Consultants, M. [W] et M [V] en juillet et septembre 2018 ne font qu'illustrer le souhait de M. [W] de récupérer ses dossiers chez Audit Consultants.

En tout état de cause la société Audit Consultants n'a pas à démontrer de collusion frauduleuse entre la société Hocelis Expertise Comptable et ses autres partenaires pour établir l'absence de respect de sa clause de non concurrence.

Dans un courriel du 12 mars 2019 le représentant de la société RETIS explique que la société Hocelis Expertise Comptable a récupéré des missions de commissariat aux comptes dans le cadre d'une désignation d'assemblée générale du 20 décembre 2016.

La société Hocélis Expertise Comptable a donc contrevenu à la clause de non concurrence qu'elle devait respecter quand bien même elle aurait toujours adressé le courrier que la déontologie de son ordre lui impose à la société Audit Consultants préalablement à ses travaux.

Elle ne pouvait être déchargée de son obligation qu'avec l'autorisation de le faire ce qu'elle ne démontre pas avoir obtenu.

. La tentative de débauchage

La société Audit Consultants affirme que la société Hocelis Expertise Comptable avec l'aide de M. [V], a tenté de la désorganiser en débauchant deux salariées et en tentant de récupérer les services de Mme [C].

La société Audit Consultants ne démontre aucunement ses affirmations, les salariées visées étant libres de rejoindre une nouvelle entreprise, ce qu'elles ont été poussées à faire en raison de conflits entre associés et/ou associés et employés.

Mme [C], dans une attestation du 28 septembre 2018 indique :

...Il a même évoqué(M [V]) le souhait que j'appelle le cabinet HOCELIS afin que [S] [Z] me confie un poste de collaboratrice, ce que j'ai clairement refusé...

Outre qu'il n'est pas établi que la société Hocelis Expertise Comptable aurait directement proposé un poste à Mme [C], cette dernière n'a pas rejoint cette société. Il ressort seulement d'un SMS de Mme [Z] à Mme [C] le 5 octobre 2016 qu'elle l'a mise en lien avec un autre cabinet d'expertise, à la suite des interrogations de Mme [C] quant à son avenir au sein d'Audit Consultants (pièces 15 et 16 Audit).

Audit Consultants évoque aussi la reprise par la société Hocélis Expertise Comptable de Mme [X] et de Mme [U] affirmant que la moitié de ses effectifs ont rejoint Hocélis.

Elle ne verse aucune pièce pour l'établir.

Dans ces conditions il ne peut pas être reproché à la société Hocelis Expertise Comptable d'avoir débauché des salariés entraînant une désorganisation de son ancien cabinet, ce qu'elle n'établit pas par ailleurs .

La clause de non concurrence insérée dans le protocole du 23 décembre 2009

1) L'exception de nullité soulevée par M.[V]

M. [V] soutient que la clause de non concurrence qui lui a été imposée est nulle à défaut de prévoir une contrepartie financière.

La société Audit Consultants considère que M. [V] n'est plus recevable à contester la validité de la clause de non concurrence insérée dans le protocole dans la mesure où cette demande se heurte à la prescription quinquennale.

Il est admis que les clauses de non-concurrence, qui portent atteinte à la liberté d'entreprendre doivent non seulement être limitées quant à leur objet, leur périmètre géographique et leur durée, mais qu'elles doivent aussi être proportionnées au regard de l'objet du contrat.

Lorsqu'elle a pour effet d'entraver la liberté de se rétablir d'un salarié, actionnaire ou associé de la société qui l'emploie, la clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour la société de verser à ce dernier une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

Une clause de non concurrence prévue à l'occasion de la cession de droits sociaux doit prévoir cette contrepartie si l'associé cédant avait à la date de son engagement la qualité de salarié de la société qu'il s'est engagé à ne pas concurrencer.

L'article 7 de l'acte du protocole prévoit :

Les VENDEURS déclarent qu'ils ne sont pas intéressés à quelque titre que ce soit dans une Entreprise ou une activité pouvant avoir pour objet ou pour effet de concurrencer l'activité de la Société ou de sa Filiale.

Les VENDEURS s'interdisent notamment :

a) de collaborer et/ou de s'intéresser directement ou indirectement, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit aussi bien par leurs activités personnelles, leurs conseils même en qualité de simples salariés que par l'emploi de leurs capitaux y compris de simples prises de participations, à toutes activités relatives à l'exercice des missions d'expert-comptable et de commissaire aux comptes, en application de la législation en vigueur ou prévue par les normes ou les usages professionnels, plus généralement à toutes activités susceptibles de faire concurrence à la SOCIETE et/ou aux ACQUEREURS.

b) de s'intéresser, à quelque titre que ce soit, à la clientèle de la SOCIETE ou de sa filiale et notamment de réaliser des travaux quelconques avec ladite clientèle ;

Les interdictions ci -dessus produironl effet pendant un durée de TROIS (3) années à compter de la DATE DE FIN DE CONTRAT DE TRAVAIL. Les interdictions visées au paragraphe 2-a) seront limitées à tout le secteur comprenant le département 35, observation étant faite que si les VENDEURS venaient à s'intéresser à une société située en dehors de ce secteur, cette société ne devrait réaliser aucune opération constituant l'une des activités interdites dans le secteur ci-dessus sous peine de violation par le VENDEUR de la présente clause de non-concurrence

Bien qu'elle soit insérée dans un protocole de cession de parts sociales la clause ne constitue pas la contrepartie de la cession des parts sociales mais la contrepartie de la cessation du contrat de travail de M.[V]. Comme telle elle devait être rémunérée.

La société Audit Consultants ne peut affirmer que le prix de cession comprenait cette contrepartie financière en faisant état d'une étude réalisée en 2018 par le cabinet INTERFIMO en l'absence de référence aux éléments comptables de la société cédante.

La clause de non-concurrence ne comporte aucune contrepartie financière. Elle est donc nulle.

En application de l'article 2224 du code civil en matière de responsabilité civile le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle le dommage se manifeste au titulaire du droit.

Dans le cas d'espèce le dommage s'est manifesté au moment de la mise en oeuvre de la clause de non concurrence à compter du licenciement de M. [V] le 8 juillet 2016, la clause ne s'appliquant pas pendant l'exécution du contrat de travail.

M. [V] pouvait donc soulever la nullité de la clause jusqu'au 8 juillet 2021. L'exception de nullité de la clause est donc recevable.

La demande indemnitaire de M. [V]

M. [V] sollicite le versement par la société Audit Consultants de la somme de 113 850 euros aux motifs qu'il a respecté une clause de non concurrence sans contrepartie financière.

La société Audit Consultants estime que cette demande se heurte aux dispositions de l'article L3245- 1 du code de travail :

L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Elle ajoute que ce délai de 3 ans court à compter du 8 juillet 2016 et que M. [V] n'est plus recevable dans sa demande en paiement.

M. [V] agit en indemnisation d'un préjudice.

En application de l'article 2224 du code civil le point de départ du délai de prescription de 5 ans est la date à laquelle le dommage se manifeste au titulaire du droit. Dans le cas d'espèce le dommage s'est manifesté au moment de la mise en oeuvre de la clause de non concurrence le 8 juillet 2016.

M. [V] a présenté sa demande d'indemnisation devant le tribunal de commerce dans ses écritures du 11 décembre 2020 alors qu'il pouvait agir jusqu'au 27 juillet 2021.

Sa demande est donc recevable.

Il appartient à M. [V] d'établir son préjudice.

Il rappelle qu'il a respecté une clause de non-concurrence d'une durée de trois ans sans contrepartie financière et qu'il dû percevoir une indemnité mensuelle équivalente à un montant ne pouvant être inférieur à 25% de sa rémunération mensuelle perçue en moyenne au cours des 24 derniers mois. Il évalue donc son préjudice à la somme de 113.850 euros sur la base d'un salaire mensuel de 12 650 euros (3.162,50 euros x 36).

La Convention collective nationale des cabinets d'experts- comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974 étendue par arrêté du 30 mai 1975 JONC 12 juin 1975 (pièce 13 de M [V]) confirme ces modalités d'évaluation.

La pièce n°29 versée par M. [V] mentionne des revenus nets en 2014 de 131 311 euros soit une moyenne de 10 943 euros.

En 2015 son salaire net était de 8 312,18 euros et en 2016 de 8 300, 60 euros (pièce 30 et 31).

Sur la base d'un salaire net à 8 300 euros nécessairement soumis à l'imposition au titre des revenus il convient d'évaluer le préjudice de M. [V] à la somme de 40 000 euros.

Les agissements de M. [V]

La société Audits Consultants soutient que M. [V] a méconnu la clause de non concurrence qui le concernait et s'est rendu complice de la société Hocélis Expertise Comptable dans la violation de la clause de non concurrence de cette dernière.

La clause de non concurrence imposée à M. [V] étant nulle , il ne peut lui être reproché d'avoir manqué à des obligations auxquelles il n'était pas soumis.

En revanche M. [V] peut être recherché pour complicité avec la société Hocélis Expertise Comptable s'il est démontré qu'il avait connaissance de la clause de non concurrence qui la concernait.

Cette affirmation est démentie par M. [V].

Il appartient donc à la société Audit Consultants de démontrer les manquements de M.[V] dans le respect de la clause de non concurrence ainsi que sa déloyauté dans la captation de clients par Hocélis Expertise Comptable conscient d'enfreindre l'obligation imposée à Hocélis Expertise Comptable.

Elle n'y parvient pas.

. Le rejet de la pièce 9 versée par la société Audit Consultants

M. [V] considère que le rapport du détective privé produit par Audit Consultants porte atteinte à sa vie privée et par conséquent doit être déclaré irrecevable.

Le rapport est rédigé comme suit :

Le jeudi 12 janvier 2016 à 8.00 Nous mettons en place le dispositif de surveillance et de filature au regard du domicile de Monsieur [Y] [V], sis à [Adresse 5]. Le portail est ouvert. Nous attendons de faction la sortie ou l'arrivée de Monsieur [V].

Le jeudi 12 janvier 2016 à 11.15 Nous observons la sortie de Monsieur [V], seul, au volant de son véhicule. ci-avant décrit. Nous engageons la filature.

Le jeudi 12 janvier 2016 à 11.26 Monsieur [V] arrête son véhicule et le stationne sur l'un des parkings du Centre d'affaires de l'espace Performance Alphasis, situé a [Localité 4] ; parking attenant à l'immeuble de la société TEAMCAST. Nous restons à distance, pouvant observer Monsieur [V] rentrer seul dans l'immeuble avec un dossier sous le bras. Nous attendons de faction en attendant sa sortie.

Le jeudi 12 janvier 2016 a 14.05 Nous observons Monsieur [V] sortir de l'immeuble TEAMCAST.

Après avoir rangé son dossier ainsi que son manteau à l'arrière de son véhicule, Monsieur [V] en prend le volant et repart. Nous réengageons la filature qui nous amènera directement à son domicile.

CONCLUSIONS

Lors de notre surveillance en date du 12 janvier 2017, il nous aura été permis d'observer Monsieur [V] se rendre dans les locaux de la société TEAMCAST située à [Localité 3], zone Alphasis.

Cette société faisant partie de la clientèle de la partie requérante, ainsi qu'elle a pu nous en justifier, le présent rapport a été transmis à Maitre Antoine CHEVALIER, Avocat au Barreau de RENNES et défenseur de la requérante pour servir et valoir ce que de droit et notamment pour être produit en justice dans le cadre de la défense de ses intérêts légitimes.

Sur la base de la définition donnée par l'article L621-1 du Code de la sécurité le législateur reconnaît que les détectives privés ont le droit d'enquêter sans dévoiler leur qualité, ni faire part des finalités de leur mission.

Un rapport d'enquêteur privé est donc recevable sous certaines conditions.

En matière civile et commerciale la preuve recueillie par un enquêteur privé doit répondre aux principes de loyauté, de légalité et de proportionnalité et respecter la vie privée de la personne objet de la filature.

En l'espèce les informations ont été recueillies à partir d'un endroit accessible et ne portent pas atteintes à la vie privée ou aux convictions de M. [V].

Le rapport litigieux est conforme à ces exigences.

En tout état de cause la cour n'en tire aucune incidence probatoire.

Il présente une incohérence. Il évoque une surveillance le jeudi 12 janvier 2016 puis le 12 janvier 2017. Le 12 janvier 2016 correspond à un mardi alors que le 12 janvier 2017 est bien un jeudi. Le rapport comporte donc une erreur, la surveillance s'étant déroulée le 12 janvier 2017 de toute évidence. Cette date coïncide avec celle du rdv de M. [V] au sein de son Réseau Entreprendre Bretagne le 12 janvier 2017 de 12 h à 14 h comme le démontre la convocation de M. [V] (Pièce 17 de M. [V]).

Dans de telles conditions M. [V] démontre qu'il a des motifs légitimes de se rendre dans cette entreprise. Sa seule présence est insuffisante à démontrer un détournement de clientèle

Il n'y a donc pas lieu de rejeter cette pièce qui en tout état de cause ne présente aucun intérêt pour servir les affirmations de la société Audit Consultants .

Le jugement est confirmé de ce chef.

. La clientèle

Les clients qui ont quitté le cabinet Audit Consultants ne l'ont pas fait en raison d'un démarchage actif mais par décision libre de rejoindre Mme [Z] avec laquelle ils avaient déjà eu des liens de confiance au moment où elle travaillait encore avec M. [V] son maître de stage et collaborateur. M.[W] notamment précise clairement qu'au départ de M.[V] du cabinet Audit Consultants il a poursuivi sa collaboration avec Audit Consultants mais qu'il a été déçu par le manque de pertinence et de disponibilité de la collaboratrice qui remplaçait M.[V]. M. [W] ajoute qu'un partenaire lui a conseillé de rejoindre Mme [Z], vantant ses mérites (pièce 20 [V]).

M. [A] qui dirigeait la société ITIS puis TEAMCAST confirme qu'il a contacté Mme [Z] via sa société de sa propre initiative; qu'entre son départ d'Audit Consultants en mars 2015 et son contact au cours du dernier trimestre 2016 il n'a pas eu de lien avec elle et qu'à aucun moment M. [V] ne lui a demandé de quitter Audit Consultants.

Les pièces au débat établissent que certains clients évoquent un manque de considération de la société Audit Consultants (pièce 24 [V]) et l'absence d'incitation de M. [V] aux fins de quitter ce cabinet ( pièces 25,26,27 et 28 [V]).

Audit Consultants utilise la proximité entre ses anciens clients avec M. [V] et les liens amicaux qui unissent M. [V] à son ancienne stagiaire pour subodorer un comportement déloyal.

Cette proximité ne démontre pas les manquement qui sont reprochés à M. [V] ni même sa déloyauté par complicité .

Sur ce point Mme [C] ne rapporte pas le contraire dans son attestation du 28 septembre 2018 qui bien que ne respectant pas les formes du code de procédure civile vaut comme élément de preuve parmi d'autres:

J'ai décidé de démissionner de la société, AUDIT CONSULTANTS en juillet 2018 pour diverses raisons personnelles et professionnelles. L'une des raisons professionnelles évoquées avec les associés lors du dépôt de ma démission a été Monsieur [V]. En effet collaboratrice comptable au sein du cabinet AUDIT CONSULTANTS depuis le 1er octobre 2008, Monsieur [V] était signataire d'une majorité de mes dossiers. A son départ en juillet 2016 et compte tenu de la situation conflictuelle qu'il avait avec ma direction je me suis retrouvée dans une situation très pénible. En effet il apparaissait très clairement que Monsieur [V] était toujours en contact avec eux et qu'il souhaitait qu'ils quittent le cabinet.

Plusieurs clients du cabinet et de mon portefeuille dossiers ont donc quitté la cabinet AUDIT CONSULTANTS pour collaborer avec le cabinet HOCELIS. Celui ci est dirigé par [S] [Z] ancienne collaboratrice de Monsieur [V] pendant de nombreuses années lorsqu'elle travaillait chez AUDIT CONSULTANTS. En juillet 2017 je suis allée déjeuner avec Monsieur [V] afin d'essayer d'apaiser la situation. lors de ce déjeuner il m'a clairement évoqué sa volonté de nuire au cabinet et à ses dirigeants actuels. Il ne souhaitait pas que les dossiers qu'il avait apportés au cabinet AUDIT CONSULTANTS restent au cabinet.

Il a même évoqué le souhait que j'appelle le cabinet HOCELIS afin que [S] [Z] me confie un poste de collaboratrice, ce que j'ai clairement refusé.

L'un de mes clients m'a clairement évoqué son souhait de continuer avec [Y] [V] notamment pour une opération de rachat d'entreprise. celui ci a indiqué qu'il ne voulait pas collaborer avec AUDIT CONSULTANTS et qu'il devait donc changer de cabinet et travailler avec HOCELIS pour qu'il puisse suivre l'opération. le client a donc mis fin à notre mission chez AUDIT CONSULTANTS au 30. 09.2018.

Il s'agit d'une interprétation personnelle et subjective sur le comportement de M. [V] qui ne repose sur aucun autre document tangible, les attestations versées par ce dernier démontrant au contraire la volonté des clients de quitter un cabinet qui ne leur apportait plus de satisfactions professionnelles.

Au demeurant Mme [C] a également quitté le cabinet Audit Consultants après le départ de Mme [Z] et M. [V]. Il n'est pas établi que M.[V] ait tenté de la débaucher.

Les attestations versées par la société Audit Consultants provenant de ses propres salariés ne sont nullement de nature à faire la démonstration d'une volonté commune et cachée de M.[V] et de Mme [Z] de nuire aux intérêts du cabinet Audit Consultants. Elles ne font que refléter des considérations subjectives sans fondement objectif (pièces 25 26 et 27 Audit).

La société Audit Consultants ne démontre pas de manquements de la part de M. [V] au respect de la clause de non concurrence ni qu'il s'est rendu complice de la captation de clients par la société Hocélis Expertise Comptable.

Le jugement est confirmé de ce chef.

La garantie légale d'éviction

La société Audit Consultant à titre subsidiaire oppose à M. [V] sa garantie légale d'éviction dans le cadre de la cession de ses parts sociales qui lui interdit de chercher à capter sa clientèle.

Un délai de plus de cinq années s'étant écoulé entre la cession des parts et la cessation du contrat de travail, la société Audit Consultants est rentrée paisiblement en possession de la clientèle qui lui avait été délivrée par M. [V] à la date de la cession des parts sociales.

La demande est infondée.

Elle considère que cette garantie est également opposable à la société Hocelis Expertise Comptable complice des faits commis par M.[V].

Aucune captation de clients ne peut être reprochée à M.[V]. La société Hocélis Expertise Comptable ne peut être complice d'un comportement qui n'est pas établi à l'égard de M [V].

La demande de la société Audit Consultants est rejetée à ce titre.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Toutes les demandes de la société Audit Consultants à l'égard de M. [V] sont ainsi rejetées.

La perte de chance

La société Audit Consultants sollicite la somme de 371 406, 62 euros au titre de sa perte de chance d'avoir conservé les clients qui l'ont quittée et d'assurer des missions de comptabilité, de social et de commissariat aux comptes.

Il a été démontré que la société Hocélis Expertise Comptable n'a pas respecté la clause de non concurrence en acceptant de reprendre des clients de la société Audit Consultants non cédés.

Elle est donc redevable de dommages et intérêts.

Pour solliciter la somme de 371 406, 62 euros la société Audits Consultants ne verse qu'une pièce 10. La société Audit Consultants n'explique pas quelles sont ses méthodes de calcul à partir des seuls chiffres d'affaires réalisés avec ces clients perdus. Le préjudice subi n'est pas démontré dans sa consistance.

En outre les attestations au débat montrent que des clients n'étaient plus satisfaits des prestations de la société Audit Consultants au regard notamment de la pertinence de ses conseils dans de grosses opérations et/ou de sa disponibilité. A supposé qu'ils n'aient pas rejoint le cabinet de Mme [Z], dans un tel contexte il n'est pas certain qu'ils aient conservé leur collaboration au sein d'Audit Consultants.

Dans ces conditions le préjudice de la société Audit Consultants correspond à une petite perte de chance de conserver ces clients.

Il convient d'accorder la somme de 30 000 euros à la société Audit Consultants au titre de son préjudice.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur l'atteinte à la réputation de M. [V]

M. [V] considère que la procédure a été le vecteur d'une atteinte à sa réputation et demande 10 000 euros à titre de dommage et intérêts.

M. [V] reconnaît cependant qu'à compter de son départ du cabinet Audit Consultants, il a cessé toute activité professionnelle.

Dès lors il ne peut se dire victime d'une atteinte à sa réputation, ce qui ne serait concevable que s'il poursuivait des missions professionnelles.

Ses activités bénévoles ne peuvent subir non plus les conséquences de la procédure judiciaire dès lors que les attestations de clients qui font partie de ses réseaux démontrent leur estime pour lui.

La demande de dommages et intérêts est rejetée.

Sur l'atteinte à la vie privée de M. [V]

M. [V] considère que la filature du détective privé le 12 janvier 2017 a porté atteinte à sa vie privée. Il sollicite une indemnité de 10 000 euros en réparation de ce préjudice.

Cette filature n'a pas été l'occasion de surprendre l'intéressé dans son intimité.

La demande de dommages et intérêts est rejetée.

Le jugement est confirmé.

L'amende civile

M. [V] sollicite la somme de 10 000 euros au visa de l'article 32-1 du code de procédure à l'encontre de la société Audit Consultants

L'article 32-1 du code de procédure civile dispose :

Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Lorsqu'il est établi que la partie qui exerce l'action a fait preuve de légèreté blâmable, une telle faute est de nature à caractériser une action abusive.

Il n'est pas établi que la société Audit Consultants ait introduit la procédure à l'encontre de M [V] dans un autre but que de faire valoir ses droits.

La demande de M [V] est donc rejetée.

La résistance abusive

Il résulte de l'article 1240 du code civil que l'octroi de dommages et intérêts sur le fondement de la résistance abusive suppose que soient caractérisés l'existence d'un abus dans l'exercice du droit de résister ainsi qu'un préjudice subi en conséquence de cet abus.

En l'espèce, la société audit Consultants ne démontre pas l'abus de M. [V] et de la société Hocélis Expertise Comptable.

La demande de la société Audit Consultants est donc rejetée.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Les demandes annexes

Il n'est pas inéquitable de rejeter les demandes de la société Audits Consultants et de la société Hocélis Expertise Comptable au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Audits Consultants est condamnée à la somme de 2 000 euros au bénéfice de M [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Audits Consultants est condamnée aux dépens d'appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Infirme le jugement en ce qu'il a :

- Jugé la clause restrictive de concurrence imposée à la société Hocelis Expertise Comptable inopposable à cette dernière ;

- Débouté la société Audit Consultants de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société Hocelis Expertise Comptable ;

- Confirme le jugement pour le reste.

Statuant à nouveau :

- Condamne la société Hocélis Expertise Comptable à régler à la société Audit Consultants la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice commercial ;

- Dit que la clause de non concurrence insérée au protocole du 23 décembre 2009 est nulle ;

- Condamne la société Audit Consultants à régler à M. [V] la somme de 40 000 euros en réparation de son préjudice ;

- Condamne la société Audit Consultants à régler à M. [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ;

- Rejette les autres demandes des parties ;

- Condamne la société Audit Consultants aux dépens d'appel.